Ni UNE, Ni DEUX texte Eugène Durif mise en scène Jacques Allaire avec Stéphanie Marc, Vanessa Liautey, Cyril Amiot son et lumière Guillaume Allory durée : 1heure spectacle tout public Extrait Tiers - Ça va ? Ni Une - Le fait exprès ? Ni Deux - Vous le faites exprès ? Tiers - Ça va. Ni Une - Ça peut vous foutre. (…) Ni Deux - Le seul conseil que je pourrai vous donner... Ni Une - A savoir lequel ? Ni Deux - Ce serait, hé bien ce serait, en attendant bien sûr, ce serait d'arrêter, d'arrêter de respirer. Ni Une - D'arrêter de... Ni Deux - Respirer... Arrêter de respirer... en attendant bien sûr. (…) Ni Une - Qu'est-ce qu'on fait ? On se dit adieu ? Au revoir ? Qu'est-ce qu'on se dit ? Ni Deux - Si on pouvait ne rien se dire, ce n'était pas plus mal. Ni Une - Oui, oui alors, un signe. Ni Deux - Oui, un signe. Juste un signe. Historique d'une création Il s'agira d'une reprise, ou pour être plus exact, d'une recréation puisque c'était un chantier fait à Signal (Aude) il y a longtemps, bien longtemps, en 1997. Un chantier à partir d'un texte d'Eugène Durif qui s'appelait Il faut que l'une ait raison pour que l'autre ait tort et qui était sous-titré Eloge de la gélodacrye - l'art de rire et de pleurer en même temps. Nous en avions donné deux représentations au Festival Théâtres (que nous avions créé avec la compagnie que nous avions fondée 4 ans plus tôt avec Jean-Marc Bourg, Jean Varela, Véronique Do Beloued et Christian Pinaud). Mais il n'y eut jamais de suite, malgré mon désir. Et à cette époque, les priorités allaient ailleurs. Eugène Durif nous avait confié ce texte qui dormait sans succès dans un tiroir et que je décidais de livrer sous la forme d'un chantier, une ébauche. J'ai rencontré Eugène à Paris où je vivais alors. J'aimais ses pièces mais je ne le connaissais pas personnellement et j'étais impressionné d’avoir à lui dire le coup pendable que je préparais. Nous nous sommes vus à plusieurs reprises et je lui ai fait part progressivement de mon désir de remodeler ce texte de la veine « cabaret » de ses écrits et qui comportait de fait de nombreuses chansons et moments instrumentaux sur lesquels je voulais revenir. Je désirais -sans toucher son écriture - supprimer les chansons afin de renforcer la comédie du ratage et de l'abandon dont je pressentais la puissance mais que venaient contredire, de mon point de vue, les multiples moments musicaux. En effet, comment expliquer que les personnages disent, à longueur de répliques, qu'ils ne savent et ne réussissent à rien faire et d'un autre côté les faire chanter et jouer toutes sortes d'instruments à la fin de chaque fin de scène... Le genre renvoyait bien entendu au cabaret. Mais ce cabaret empêchait l'éclosion d'une comédie pathétique et désolée, cousine lointaine de Godot, dans laquelle les deux héroïnes, deux jeunes femmes, La Groule et L’Effarée (personnages aux noms comme des masques), figures échappées d'un slapstick attendent quelque chose, c’est à dire quelqu'un, quelqu'un qui leur manque, pour enfin chanter. Mais qui ne viendra pas. Et comme chez Beckett, quelqu'un d'autre arrivera à la place du Godot, à la place de ce qu'on espère ou de ce qu'on attend. Ce n'est ni Pozzo ni Lucky qui débarquent. Chez Durif ça s'appelle le Tiers, un type qui s'appelle Tiers, comme on nomme une tierce personne et soit-disant musicien. J'expliquai longuement à Eugène ma vision de son texte et mon désir de supprimer les chansons. Bienveillant, ou simplement était-il heureux que je m'intéresse à ce texte plus ou moins abandonné et lui offre une deuxième vie ? Il m'accorda mon insolence. Lors d'un autre rendez-vous, j'allais un peu plus loin, craignant que ce ne fût cette fois irrecevable. Je demandais également à supprimer un tableau et inverser l'ordre de deux autres tableaux - conséquences devenues nécessaires pour moi depuis la suppression des chansons et afin d'accentuer la verve burlesque de la pièce. Enfin, et pour finir, comme pour m'assurer la naissance de ce « nouveau même texte », je changeais les noms des personnages et le titre de la pièce qui désormais allait s'appeler Ni Une, Ni Deux. Les personnages eux s'appelleraient Ni Une, Ni Deux et Tiers. Mais je n'osais lui avouer ce changement opéré au début des répétitions et sans conséquence puisque les noms des personnages ne sont jamais prononcés. Quant au changement de titre, je l'avais fait trop tardivement pour que l'information et autres documents publicitaires soient transformés. Le chantier fut donc représenté sous le titre original Il faut que l'une ait raison pour que l'autre ait tort. Seuls les manuscrits des acteurs et ceux remis à l'équipe artistique révélait « le changement d'identité ». Eugène assista aux deux seules et uniques représentations et me donna sa bénédiction. Et me demanda ma version de sa pièce. Je lui révélai alors ce nouveau baptême pour les personnages, changement de noms, et pour le titre, changement de titre. Il fit peu de temps après publier la pièce chez Actes Sud-Papiers sous le titre Ni Une, Ni Deux ! Alors, lorsqu'Yvon Tranchant et l'équipe de la Scène Nationale de Sète m'ont proposé, en parallèle de la création du Dernier Contingent de Alain Julien Rudefoucauld prévu pour l'automne 2015, de réfléchir à une comédie qui serait aussi un spectacle court et tout public, c'est immédiatement qu'est revenu à ma mémoire ce texte d'Eugène Durif. Je m'étais toujours promis de le réaliser. Le texte L'histoire est celle de deux jeunes femmes, Ni Une, Ni Deux, qui débarquent sur la scène du théâtre comme projetées sur le plateau. Elles découvrent qu'il y a un public qui visiblement les attendait... Tétanisé de peur, il y a là, présent à observer le public et elles-mêmes, un homme, Tiers, dont la présence n'était visiblement pas prévue. Elles ne sont pas non plus celles que lui de son côté attendait. Une situation de base exploitée jusqu'à l'absurde, une manière burlesque. Des personnages qui échouent à chaque tentative et qui s'acharnent désespérément à essayer jusqu'au découragement, jusqu'à l'abandon. Le public et la lumière du théâtre, tout est en marche, comme une injonction. Alors, Ni Une, Ni Deux s'exécutent, elles essaient du moins. Mais rien ne vient, pas de poème, pas de chanson, aucune pensée profonde sur le sens de l'existence, aucune musique, rien ne vient. Seuls événements, les interruptions incessantes de Tiers les plongent chaque fois davantage dans le malaise. Sentences creuses et bouts de phrases dissimulent le vide ou le remplissent. La mise en scène Dès la lecture de ce texte, j'ai eu à l'esprit les comédies américaines, celles de Capra, Leo MC Carey, ou encore et surtout les slapstick fatty, Chaplin, Larry Semon... Ou les Marx Brothers. Fort de ce sentiment autant que de ce désir, je m'attacherai à travailler avec les acteurs à l'écriture de personnages, des figures, on peut parler de figure comme on dirait d'un clown, inventer son clown. C'est à dire, produire que ceux-ci répondent à des lois mécaniques et non explicites d'un comportement même absurde que nous dessinerons, d'autant qu'il s'agit essentiellement de deux clowns femmes, et ce n'est pas si courant. Donc pas d'histoire personnelle, de psychologie personnelle. Seul importe le moment de la parole, de l'action, de la situation et la manière dont nous l'explorerons. Un fonctionnement qui relève de la nécessité immédiate et irréfléchie. Dès lors, ce qui compte, c'est la grammaire gestuelle des personnages, la précision du geste. Un jeu entier et direct. Oubli de la situation précédente, aveuglement dans la situation présente, manières récurrentes de certains actes, de certains comportements, de certains vocables. Insolence du jeu, insolence amusée avec le public. Cela appellera travail de rythme, de tempo, propres au jeu du clown et à la comédie, les mots devenant autant de trapèze à saisir au vol. Chez Durif, dire c'est faire. Les dialogues s'enchaînent absurdes, surréalistes. Ils produisent des situations loufoques, burlesques, le tout empreint d'une profonde douceur peut être même est-ce de la mélancolie. Je faisais référence à Beckett, mais il faudrait tout autant sinon plus parler de Laurel et Hardy, sauf que ce serait Laurel et Hardy femmes, enfermées dans un Godot à la sauce Durif. Le public et la scène seront exigences de spectacle et on assistera non à la représentation ratée d'une pièce, mais à un spectacle qui n'aura pas Iieu, qui n'a pas lieu, à l'impossibilité de représenter quoique ce soit, un non-spectacle. Ni Une, Ni Deux seront artistes de Rien. Ce sera une comédie de l'échec et du vide. Un muet parlant, quelque chose comme ça. Le décor Rien ou presque rien. L'espace sera celui du théâtre ou de la représentation où se jouera Ni Une, Ni Deux, la scène, les fauteuils, les chaises, le public. Une échelle abandonnée peut-être en fond de scène et où sera perché Tiers et où il pourra sembler qu'il vit. Deux chaises peut-être, une petite, une grande, parce qu'il est dit dans le texte qu'il y a de telles chaises. La lumière Je souhaite une lumière écrite comme des répliques, des lumières qui s'affirment dans leur théâtralité (rampe, douche, découpe) et qu'on commande d'un claquement de doigt, d'un geste de la main. La presse « Le succès de Théâtres à Sigean ne se dément pas, et les organisateurs ont dû, mardi soir, ajouter une représentation supplémentaire de la pièce d’Eugène Durif. Les deux séances furent pleines à craquer. Il faut croire que ce public a le nez creux : le spectacle mis en scène par Jacques Allaire est une totale réussite. Cette pochade hilarante est une sorte de variation à la Marx Brothers sur un texte qui rappelle les jongleries verbales des tenants du théâtre de l’absurde et de Samuel Beckett. Finie la fameuse « petite musique lancinante » qu’on décèle dans les autres textes d’Eugène Durif, l’un des auteurs les plus intéressants de notre temps. Nous sommes ici dans le pur domaine de la clownerie, et à ce jeu, Fabienne Bargelli et Jean-Marc Bourg (comédiens que l’on connaissait surtout dans un registre grave voire tragique) et Stéphanie Marc excellent. Sur un texte qui décline des lieux communs, Jacques Allaire ne nous laisse pas un instant de répit, et ajoute même un zeste (très beckettien) de cruauté. Une claque à vous faire hurler de… rire ! » Jean-Pierre Han, L’Indépendant, 18 août 1997 Période de tournée proposée Du lundi 16 au mardi 31 mars 2015 Equipe artistique Jacques Allaire metteur en scène Titulaire d’une maîtrise de philosophie, Jacques Allaire se passionne pour celles de Husserl et Maine de Biran auxquelles il consacre son mémoire de fin d’études. Il suit parallèlement une formation de comédien au Conservatoire d’art dramatique de Rennes puis essentiellement à l’Atelier de Jean Brassat à La Courneuve. Il commence alors sa carrière d’acteur et joue notamment dans de nombreuses créations contemporaines mais aussi des pièces d’auteurs classiques sous la direction de Tatiana Stepantchenko, Gilles Dao, Maria Zachenska, Frédéric Borie, Alain Béhar, Jean-Marc Bourg, Patrice Bigel, Dag Jeanneret, Jean-Claude Fall, Gilbert Rouvière, Patrick Sueur, Kamel Abdelli, Marianne Clevy, Claude-Jean Philippe... En tant que metteur en scène, il signe depuis le début des années 2000 des spectacles forts et singuliers qui puisent dans le théâtre comme dans la poésie aussi bien que la philosophie : Les Damnés de la terre, Je suis encore en vie, La liberté pour quoi faire ? ou la proclamation aux imbéciles, Les Habits neufs de l’Empereur, Le Tigre et L’Apôtre - ou l’impossible récit d’un évènement de l’histoire, Marx Matériau - celui qui parle, Bambi, elle est noire mais elle est belle, Montaigu et Capulet (Roméo & Juliette), Le Poète, le cochon et la tête de veau, Ulyssindbad, Deux Perdus dans une nuit sale, Ni Une ni Deux et La Cuisine amoureuse. Il conçoit ses créations comme des matériaux qui relèvent du collage. Il assure souvent luimême les scénographies, bandes-son et adaptations des textes de ses créations. Il est membre du bureau des lecteurs de la Comédie-Française pour laquelle il dirige des lectures au Théâtre du Vieux Colombier et au studio du Louvre. Il intervient également à l’École Nationale Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier. Stéphanie Marc comédienne Elle suit une formation théâtre universitaire à Montpellier. Elle a travaillé sous la direction des metteurs en scène suivants : Denis Lanoy, André Benedetto, Jacques Allaire, Dag Jeanneret, Catherine Beau, Eugène Durif, Cécile Marc, Jean-Marc Bourg, Alain Béhar, Luc Sabot, Frédéric Borie, Michel Froelhy et joué des auteurs tels que Bertolt Brecht, Heiner Müller, Molière, Jean-Luc Lagarce, Eugène Durif, Jean-Pierre Siméon, Alain Béhar. Elle a récemment joué dans Occident de Rémi de Vos, et Tambour dans la nuit de Bertolt Brecht, dans les mises en scène de Dag Jeanneret. Elle s’est produite dans Amore Variétés, un spectacle musical qu’elle a écrit et mis en scène, ainsi que Marilyn Monroe/Entretiens, d’après le livre de Michel Schneider. Vanessa Liautey comédienne Elle étudie à l’Ecole d’Art dramatique Claude Mathieu de 1995 à 1998. Elle débute en 2000, avec la compagnie Adesso e sempre de Julien Bouffier dans Hernani de Victor Hugo. Sous sa direction, elle joue dans La Nuit je mens en 2001, Le Début de l’A de Pascal Rambert en 2002, L’Echange de Paul Claudel en 2003, Remember the Misfits en 2004, Perlino Comment de Fabrice Melquiot en 2005, Les Vivants et les morts de Gérard Mordillat en 2007-2008, Hiroshima mon amour de Marguerite Duras (2009), Epreuves en 2011 spectacle musical, Les Témoins en 2012, Le Jour où j’ai acheté le mépris au Virgin Mégastore en 2014. Elle travaille également avec Marjorie Nakache dans J’espérons que je m’en sortira, avec Christophe Laluque dans Vagabonds et Au panier, avec Jean-Claude Fall dans Richard III et Un fil à la patte, avec Eli Commins sur son installation Breaking, avec Luc Sabot dans Le Pays lointain de Jean-Luc Lagarce, avec Fanny Rudelle dans L’Une de l’autre de Nadia Xerri-L., dans L’Affaire Sirven, un spectacle-concert de J.C Sirven. Depuis 2012, elle accompagne les poètes des « Voix de la méditerranée » à Lodève, en lisant leurs poèmes en français. Elle continue sa formation d’actrice car s’accentue chez elle, la nécessité de travailler autant le corps que la voix ainsi que l’envie de mélanger les formes artistiques (chant, anglais, travail de recherche avec Bernard Guittet, Pascal Rambert, Nathalie Rafal (Felden Krais), Hélène Cathala, travaille la musique et le Yoga). En 2011, elle crée sa compagnie de Théâtre LA FACTION, monte un spectacle musical Forget Marilyn en 2011 et prépare L’enfant pleurait pour 2014. Elle continue à faire quelques petits rôles pour la télévision et le cinéma. Cyril Amiot comédien Après une formation d'acteur à l'Ecole Nationale Supérieure d'Art Dramatique de Montpellier, il joue sous la direction de metteurs en scène tels que Fred Borie, Brice Carayol, Franck Ferrara, Fred Tournaire, Dag Jeanneret, Bela Czuppon, Nicolas Oton, Cyril Jaubert, Mercedes Sanz-Bernal, Nathalie Marcoux, Sébastien Lagord, Christian Chessa. Il interprète les auteurs suivants : Alfred de Musset et Georges Sand, Sarah Fourage, Bela Tarr, Reginald Rose, Georges Feydeau, Boris Vian, Evgueni Schwartz, Dario Fo, Jean Genêt. Il a également fait une apparition dans la série télévisée Ligne de Vie. Guillaume Allory création son et lumière Il rejoint le groupe de rock Absinthe (provisoire) avec lequel il composera la musique de pièces de théâtre comme Les Vivants et les morts mis en scène par Julien Bouffier, BAAL mis en scène par Mathias Beyler, Hurlez si vous voulez mis en scène par Amélie Nouraud ainsi que trois albums. Il a également travaillé pour la compagnie de danse PULX. En tant que régisseur, il a travaillé avec Gilbert Rouvière, Frédéric Fisbach, Olivier Py, Amélie Nouraud, le collectif MXM, la compagnie Moebius, la compagnie du Charriot, Julien Bouffier, Georges Lavaudant. Il a réalisé avec Jacques Allaire la bande-son de La liberté pour quoi faire ? ou la proclamation aux imbéciles et Les Damnés de la terre.