la chine : une puissance montante en quête d`un second souffle

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Repères économiques
Vue d’ensemble pour les investisseurs
NUMÉRO 24 • AOÛT 2013
POINTS
POINTS
SAILLANTS
SAILLANTS
ƒƒ L’économie de la Chine connaît un essor fulgurant depuis trois décennies et ce pays, qui n’était
qu’un petit acteur, est devenu le principal moteur de la croissance mondiale.
ƒƒ Or, l’économie tourne maintenant au ralenti tandis que les ères de croissance centrée sur les
exportations et le crédit touchent à leur fin.
Eric Lascelles
Eric
Lascelles
Économiste
en chef
Économiste
chef d’actifs Inc.
RBC Gestionen
mondiale
RBC Gestion mondiale d’actifs Inc.
ƒƒ D’autres piliers de la croissance s’affaiblissent (quoiqu’ils ne soient pas disparus), à savoir une
compétitivité supérieure et de fortes dépenses en immobilisations.
ƒƒ Il est heureux que certains catalyseurs soient inchangés, soit l’apport de l’urbanisation, la
convergence économique et la réforme de la réglementation. Le rééquilibrage économique en
faveur d’un modèle de croissance axé sur la consommation est prometteur.
ƒƒ Globalement, la prochaine décennie devrait être marquée par une diminution sensible de la
croissance du PIB, dont le taux annuel avoisinera de 4,5 % à 7,5 %.
LA CHINE : UNE PUISSANCE MONTANTE EN QUÊTE D’UN
SECOND SOUFFLE ?
L’économie de la Chine connaît un essor fulgurant depuis
trois décennies et ce pays, qui ne jouait qu’un rôle mineur, est
devenu un acteur de premier plan sur la scène internationale.
Cet état de choses soulève deux séries de questions.
Premièrement, quelle est aujourd’hui l’importance de la Chine
dans le monde ? Deuxièmement, la Chine peut-elle maintenir
son taux de croissance exceptionnel ?
Pour répondre brièvement à la première question, disons que
la Chine est d’ores et déjà la première puissance économique
de la planète selon certaines mesures, bien qu’elle ne fasse pas
le poids sur le plan géopolitique. Les craintes que ce nouveau
statut incite la Chine à agir de manière malveillante sont
largement injustifiées. À l’échelle mondiale, le seul véritable
risque est que la croissance de la Chine s’enraye.
Cela dit, nous allons analyser les facteurs à l’origine de la
croissance économique accélérée de la Chine (figure 1). Il
sera question des apports historiques de la croissance des
exportations et de celle du crédit, de l’incidence décroissante
de la compétitivité, des dépenses en immobilisations et de
la démographie, des apports constants de l’urbanisation, de
l’effet de la convergence et de la réforme de la réglementation,
de la menace grandissante que présente le piège des revenus
intermédiaires et, en dernier lieu, des perspectives offertes par
l’accroissement du bassin des consommateurs.
Si l’on pèse l’effet cumulatif de ces différentes forces, il est
improbable que la Chine se montre capable de répéter ses
exploits passés. Il est au contraire vraisemblable qu’une
décélération continue de sa croissance économique, dont le
Figure 1 : Déterminants économiques de la Chine
Déterminants antérieurs
Croissance vigoureuse
exportations
des
Croissance
rapide du crédit
Déterminants décroissants
Compétitivité
supérieure
Dépenses en
immobilisations
élevées
Démographie
Déterminants stables
Urbanisation
Effet de
Réforme
de la réglementation
convergence
Nouveaux déterminants
Augmentation
de la
consommation
Menaces
Piège
des revenus intermédiaires
Source : RBC GMA
taux s’établira de 4,5 % à 7,5 % par année, soit observée au
cours de la prochaine décennie.
Le poids grandissant de la Chine
L’économie chinoise se classe maintenant au deuxième rang
du classement mondial, son apport à la production mondiale
s’élève à 15 % et, si elle poursuit sur la même voie, elle
pourrait, selon toute vraisemblance, supplanter les États-Unis
Ce poids grandissant suscite de vives inquiétudes aux
États-Unis et ailleurs dans le monde industrialisé. Toutefois,
ces appréhensions sont largement injustifiées pour plusieurs
raisons.
Premièrement, le titre de première puissance mondiale n’est
pas automatiquement attribué au pays qui possède l’économie
dominante. En dépit de la suprématie économique de la Chine,
le Chinois moyen gagne moins du cinquième du revenu de
l’Américain moyen. Ce facteur a également de l’importance.
Figure 2 : La Chine est le moteur de la croissance mondiale
32
Part de la croissance du PIB
mondial (%)
d’ici à 20181. Cet éventuel honneur n’est d’ailleurs qu’une
simple formalité pour la Chine, car son apport à la croissance
économique mondiale – qui est sans conteste la mesure la
plus révélatrice de sa performance – est non seulement le plus
important pour l’économie mondiale, mais aussi pas moins du
triple de celui des États-Unis (figure 2).
16
12
8
1988
1991
1994
1997
2000
2003
2006
2009
2012
Figure 3 : La Chine n’est pas sur le point de conquérir la planète
Investissement direct étranger en %
du PIB
7
6
5
4
Entrées moins sorties
Sorties
Sorties
3
2
1
0
-1
-2
-3
Entrées
Allemagne Japon
R.-U.
É.-U.
Canada
Chine
Nota : Moyenne des investissements directs étrangers en % du PIB de 2007 à
2011. Sources : Banque mondiale, Haver Analytics, RBC GMA
Cinquièmement, la probabilité de mesures malveillantes de la
part de la Chine semble faible :
économique bien plus que de la volonté d’imposer ses
valeurs au reste du monde.
Ce pays a une longue tradition de passivité sur la scène
internationale et, bien qu’il soit incontestablement en train
de devenir plus actif, ses motivations relèvent de la sphère
2 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 24 • Août 2013
20
Nota : Le PIB est établi en fonction de la pondération selon la PPA.
Sources : FMI, Haver Analytics, RBC GMA
Quatrièmement, du point de vue des États-Unis, le fait d’être
déchu du titre de première puissance mondiale – si distante
cette éventualité soit-elle – ne serait peut-être pas si fâcheux.
D’abord, les États-Unis seraient délestés d’un grand nombre
des fardeaux évoqués dans le paragraphe précédent. Le dernier
pays dépossédé de ce titre – le Royaume-Uni après la Deuxième
Guerre mondiale – ne s’est pas écroulé, loin s’en faut. En fait, ce
pays jouit d’un niveau de prospérité qui n’est pas si différent de
celui des États-Unis et d’une influence internationale supérieure
à sa part de la population mondiale.
Ce calcul repose sur le taux de change assurant la parité des pouvoirs d’achat
(PPA), qui intègre le volume de la production d’un pays par rapport à celui
d’un autre pays. L’autre option – soit l’utilisation du taux de change courant –
donnerait un PIB un peu moins élevé.
La Chine représente
maintenant 31 % de la
croissance mondiale
24
0
1985
Troisièmement, même si la Chine s’impose un jour en tant
que première puissance mondiale, compte tenu de ces divers
paramètres, il se pourrait que ce titre ne soit pas ce qu’il est
censé être. L’histoire nous a appris que le pays dominant – quel
qu’il soit – assume traditionnellement des coûts militaires
considérables en sa qualité de « police de la planète » et sert
fréquemment de paratonnerre à la colère internationale. Qui
plus est, le fait de posséder la monnaie de réserve du monde
encourage le surendettement.
1
États-Unis
4
Deuxièmement, le leadership mondial dépend également de
facteurs non économiques tels que la profondeur des marchés
financiers, la puissance militaire et le rayonnement culturel.
Or, les États-Unis conservent une bonne longueur d’avance sur
tous les plans.
Chine
28
2
Les manchettes faisant état des efforts de la Chine pour
absorber des entreprises étrangères ont beau abonder, la
Chine ne fait pas grand-chose en ce sens, compte tenu de
la taille de son économie, et les investissements intérieurs
directs des étrangers sont en réalité beaucoup plus
substantiels (figure 3)2.
Contrairement aux inquiétudes des marchés obligataires, il
est improbable que la Chine se départisse massivement de
ses avoirs énormes en valeurs du Trésor vu qu’ils servent à
déverser l’excédent de son compte courant, ce qui maintient
le renminbi à un niveau concurrentiel et procure une
destination liquide et sécuritaire aux fonds chinois.
Cependant, une part démesurée des acquisitions de sociétés étrangères par la
Chine est le fait de sociétés d’État, ce qui, il faut l’admettre, rend ces acquisitions
un peu moins inoffensives.
Repères économiques
Enfin, les États-Unis et la Chine sont inextricablement liés
par les mécanismes illustrés à la figure 4. Il serait suicidaire
pour ces deux pays de se nuire mutuellement.
Figure 4 : Dépendance mutuelle
Produits chinois bon marché
En somme, la menace la plus redoutable que représente la
puissance accrue de la Chine pour le reste du monde n’est pas
d’ordre politique ni militaire, mais bien économique. La Chine
a acquis une telle importance pour la croissance mondiale que
le moindre ralentissement de son économie se répercuterait à
l’échelle planétaire, ce qui pourrait avoir un impact sur les prix
des marchandises et les marchés financiers.
Main-d’œuvre chinoise bon marché
Accès au grand bassin futur de consommateurs chinois
Financement de la dette du gouvernement américain
É.-U.
Accès au grand bassin actuel de consommateurs américains
Compte tenu de ce risque, nous nous attacherons dans la
suite de ce rapport à évaluer dans quelle mesure la croissance
pourrait continuer à ralentir en Chine.
Malgré les sérieux doutes que soulève la véracité des données
sur l’économie chinoise, nous souscrivons en gros au discours
officiel voulant que la Chine connaisse véritablement une
croissance économique exceptionnelle depuis plusieurs
décennies (annexe A).
Au vu de cet essor phénoménal, la Chine peut être considérée
comme le « bourdon » des nations. Cette image n’évoque pas
tant le dynamisme de la croissance de ce pays que le fait que
l’aérodynamique du bourdon a longtemps été considérée
comme incompatible avec le vol, tout comme la théorie
économique classique donnait à penser que l’économie chinoise
serait incapable de prendre son envol.
À titre d’illustration, la Chine a longtemps fait fi de nombreux
principes fondamentaux de l’économie du développement en
réprimant ses taux d’intérêt et ses taux de change, en encadrant
rigoureusement le capital, en procédant avec une extrême
lenteur à la déréglementation des secteurs d’activité et à la
privatisation des sociétés d’État et en laissant les forces du
marché agir sur l’affectation des ressources.
Taux de change moindre (grâce aux achats d’obligations)
Transfert de technologies américaines
Dépenses en immobilisations des É.-U.
Accès à la sécurité des placements américains
Source : RBC GMA
Figure 5 : La croissance des exportations de la Chine a ralenti
20
Différentiel de croissance annuelle
des exportations Chine-monde
(pts de %)
La Chine en mode de ralentissement
l’importance de la réforme foncière3 ;
des politiques sectorielles soigneusement ciblées ;
10
5
0
Sources : FMI, Haver Analytics, RBC GMA
3
La Chine s’est appliquée à rétablir les droits fonciers, d’abord par la voie de
réformes rurales amorcées en 1978, puis par des réformes urbaines qui se sont
étendues sur plusieurs décennies et se poursuivent encore.
15
-5
1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009 2012
Quoi qu’il en soit, les bourdons volent bel et bien, et l’économie
chinoise a incontestablement connu une vigoureuse croissance.
Tout comme une compréhension plus fine de l’aérodynamique
a mis en lumière les secrets du bourdon, des nouvelles théories
ont essaimé pour expliquer le succès économique de la Chine.
Certaines d’entre elles contredisent carrément les principes qui
faisaient autorité jusque-là. Elles font ressortir :
Chine
un protectionnisme sélectif pour accompagner les industries
naissantes dans leur passage à l’adolescence ;
la volonté d’adapter les technologies existantes plutôt que
d’en inventer de nouvelles ;
la faiblesse des taux d’intérêt pour subventionner
l’industrialisation ;
la sous-évaluation du taux de change pour optimiser la
compétitivité ;
un encadrement du capital qui met la Chine à l’abri des
crises financières étrangères ;
des projets d’infrastructure de grande envergure dirigés
par l’État qui atteignent des objectifs hors de la portée des
entreprises privées ;
des zones économiques spéciales qui servent de boîtes de
Pétri pour les idées économiques novatrices.
3
4
À vrai dire, un grand nombre des nouvelles théories sur la croissance s’inspirent
directement du succès de la Chine, de sorte que d’autres éléments de preuve
seront nécessaires pour confirmer leur importance réelle.
4 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 24 • Août 2013
8
6
4
2
0
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Nota : Le calcul de la croissance du PIB sans endettement suppose que la hausse
d’un point de pourcentage du ratio crédit/PIB augmente la croissance du PIB d’un
quart de point de pourcentage. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Figure 7 : La part du commerce international de la Chine s’est
accrue considérablement
12
10
8
6
4
2
0
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012
Sources : FMI, Haver Analytics, RBC GMA
Figure 8 : La part du commerce international de la Chine cadre
avec la taille de son économie
1,8
1,6
1,56
1,46
1,4
1,26
1,2
1,00 1,00 0,98
1,0
0,8
0,87
0,77 0,71
0,6
0,65
0,54
0,4
0,41 0,40
É.-U.
Brésil
Japon
Inde
R.-U.
Turquie
0,0
Indonésie
0,2
Italie
Cependant, la Chine a récemment cessé d’accroître sa part
du marché à un tel rythme et c’est pourquoi le commerce
international croît à une cadence moins rapide que dans le
passé. La Chine peut-elle continuer à compter sur la croissance
colossale de ses exportations ?
10
Chine
Le moteur de la réussite économique de la Chine au cours des
trois dernières décennies a été le secteur manufacturier, qui est
orienté vers l’exportation. Les exportations chinoises ont fait
un bond phénoménal de 17 % par année entre 1990 et 2012.
Par conséquent, la part de la Chine dans le commerce mondial
a bondi de 1,9 % seulement à 11,5 % pendant cette période
(figure 7).
12
Canada
Le fabricant numéro un de la planète
Sans endettement
Pologne
En l’absence de ces stimulants spéciaux, la croissance
économique menace de fléchir. Que reste-t-il pour combler le
vide ? Nous allons examiner plusieurs déterminants clés de la
croissance future de l’économie chinoise.
14
Mexique
À cette ère a succédé celle de l’endettement. L’explosion
du crédit a permis à l’économie chinoise de poursuivre son
ascension au cours des cinq dernières années (figure 6). Mais
une odeur suspecte émane du marché du crédit, sujet que nous
avons abordé dans un rapport récent (Qu’arrivera-t-il après
l’essor du crédit en Chine ?, juin 2013). Les décideurs
politiques se sont mis à serrer la vis et la croissance du crédit
accuse le coup.
Avec endettement
Allemagne
L’ère de l’industrialisation et de la croissance axée sur les
exportations s’est échelonnée sur les années 1990 et 2000
(figure 5). La croissance effrénée des exportations accuse
un ralentissement depuis quelques années en raison d’une
combinaison de facteurs structurels et cycliques.
Croissance annuelle du PIB (%)
Malheureusement, il est maintenant clair que le taux de
croissance de la Chine est en train de diminuer. Cette
baisse tient à quelques raisons. Certaines de ces politiques
économiques perdent de leur efficacité (ou deviennent
même inopérantes) lorsque le pays commence à s’enrichir.
Pareillement, la croissance de la Chine a longtemps été stimulée
par quelques facteurs déterminants, mais temporaires, dont
l’effet s’atténue à l’heure actuelle.
16
Part des exportations mondiales de
la Chine (%)
Des stimulants spéciaux
Figure 6 : La croissance de la Chine serait moindre sans
endettement
Ratio part des exportations/part du PIB
À des degrés variables, la Chine a mis en pratique toutes ces
nouvelles théories. Tout compte fait, le dynamisme de ce pays
n’est peut-être pas si mystérieux que cela4.
Nota : Le ratio correspond à la part des exportations mondiales d’un pays divisée
par sa part du PIB nominal mondial. Sources : FMI, Haver Analytics, RBC GMA
Repères économiques
Il est tentant de soutenir que la Chine devrait être en mesure de
se tailler une part de marché encore plus grande parce que ses
exportations sont inférieures à ce qu’indiquent les statistiques
en raison de leur faible valeur ajoutée (figure 9)6. Il est
cependant tout aussi juste d’observer que la plupart des autres
grands pays – comme les États-Unis et le Japon – ont une part
de marché inférieure à la moyenne en raison de leur propension
à se concentrer sur leur propre marché intérieur, qui est vaste.
Une compétitivité en perte de vitesse
La remarquable compétitivité de la Chine a longtemps été très
favorable à l’expansion accélérée des entreprises de fabrication
exportatrices.
Un facteur clé de la compétitivité est la relation entre la
productivité et les salaires. Par exemple, la productivité de la
Grèce représente plus du double de celle de la Chine, mais le
secteur manufacturier en Grèce périclite parce que les salaires y
sont beaucoup plus élevés.
Il n’y a aucun doute que la Chine a augmenté considérablement
sa productivité au fil des années (figure 10) et qu’elle
devance largement ses concurrents asiatiques tels que l’Inde,
l’Indonésie, le Vietnam, les Philippines et le Cambodge.
Les salaires en Chine ont toutefois progressé encore plus
rapidement. Qui plus est, le renminbi a augmenté, lui aussi,
à un point tel qu’il n’est plus particulièrement sous-évalué
(encadré A). Ces forces ont éliminé une part importante de
l’atout concurrentiel de la Chine.
5
Ces chiffres sont fondés sur les taux de change du marché plutôt que sur les
taux de change assurant la PPA ; selon cette dernière mesure, le PIB de la Chine
représente 15 % du total mondial.
100
87
65
66
74
75
É.-U.
70
Chine
80
Canada
90
Mexique
91
82
80
77
Russie
Brésil
Indonésie
50
Europe
occidentale
60
Inde
Valeur ajoutée en % des
exportations brutes totales
Néanmoins, la Chine ne peut raisonnablement s’attendre à
augmenter sa part du marché aussi rapidement que dans le
passé. En effet, on pourrait logiquement s’attendre à ce qu’un
pays obtienne une part du marché grosso modo égale à la taille
de son économie. La Chine a longtemps été sous-représentée,
mais le rattrapage est fait : ses exportations et son PIB
s’établissent maintenant tous deux à 11,5 %5 du total mondial
(figure 8).
Figure 9 : La part des exportations à valeur ajoutée de la Chine
est moins faible qu’on ne le craignait
Nota : Graphique établi selon les données de 2011. Sources : Rapport d’avril
2012 du FMI sur la stabilité financière dans le monde, RBC GMA
Figure 10 : Croissance remarquable de la productivité de la Chine
9 000
PIB réel par habitant
($ de 2012 selon la PPA)
À tout le moins, il y a encore un petit espoir pour les fabricants
chinois. La croissance du commerce international dépasse
généralement la croissance mondiale du PIB de quelques
points de pourcentage par année, de sorte qu’il est raisonnable
de prévoir que la croissance des exportations de la Chine
dépassera au moins le taux de croissance mondiale.
8 000
7 000
6 000
PIB de 2012
par habitant
8x celui de
1990
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
1990
1993
1996
1999
2003
2006
2009
2012
Sources : CNBS, FMI, RBC GMA
Figure 11 : Compétitivité du secteur manufacturier
Allemagne
R.-U.
Canada
Japon
Turquie
É.-U.
Brésil
Chine
Philippines
Thaïlande
Inde
Indonésie
Mexique
 2012
 2000
Plus
concurrentiel
0
Moins
concurrentiel
10
20
30
40
50
60
Salaires en % de la valeur ajoutée du secteur manufacturier
6
Nota : Les dernières données disponibles pour l’Inde remontent à 2011. Les
salaires sont convertis en dollars américains selon le taux de change nominal afin
de refléter les frais réels engagés par les sociétés ; la valeur ajoutée est convertie
selon la PPA afin d’obtenir une approximation du volume de production des
usines. Sources : Haver Analytics, FMI, ONUDI, RBC GMA
5
La faible valeur ajoutée des exportations donne à penser qu’une grande partie
des exportations de la Chine consiste simplement en produits importés qui n’ont
été que peu bonifiés. ENCADRÉ A : L’ÉVALUATION DU RENMINBI
Il se peut cependant que cette évaluation ne soit pas tout à fait
juste. Le premier argument à l’effet du contraire est associé à la
chute de l’excédent du compte courant de la Chine qui est passé
de 10,1 % du PIB en 2007 à 2,3 % en 20121. Ce fait donne à
penser que la devise chinoise se situe près de sa juste valeur.
Deuxièmement, comme nous l’avons évoqué à la rubrique traitant
de la compétitivité décroissante de la Chine, la compétitivité des
salaires des Chinois se détériore nettement depuis quelques
années. Une autre appréciation notable du renminbi aggraverait
cette situation.
Un troisième indice le confirme d’ailleurs. Il est essentiel de
comprendre que la Chine n’est pas le seul pays où le taux de
change est « sous-évalué » par rapport à la PPA. La plupart
des économies émergentes se trouvent dans cette situation.
À l’opposé, la plupart des pays industrialisés « surévaluent »
leurs taux de change. Ce qu’il importe peut-être davantage de
déterminer, c’est si la monnaie chinoise est sous-évaluée par
rapport à l’avancement de son développement économique. La
figure A illustre cette idée et montre que le renminbi n’est peutêtre sous-évalué que de 5 %.
Enfin, dans un ordre d’idées plus général, si la Chine devait tout
à coup ouvrir son compte en capital, il est loin d’être facile de
déterminer si le renminbi augmenterait ou diminuerait. Il serait
à coup sûr justifié de croire qu’il augmenterait, compte tenu
des calculs servant traditionnellement à l’évaluer. Par ailleurs,
il y aurait un énorme potentiel de sortie de fonds de la part des
investisseurs chinois désireux de diversifier leurs avoirs sur les
marchés mondiaux.
1
Il se peut que l’excédent du compte courant soit sous-estimé, car on fait état
d’une sortie de capitaux en provenance de la Chine à la faveur d’une stratégie
de sous-facturation des exportations et de surfacturation des importations.
Bien que certaines sources estiment que cette sous-estimation représente
jusqu’à 5 % du PIB, ce chiffre nous paraît élevé. De plus, cet effet biaiserait
également les chiffres de 2007 vers le haut. Indépendamment de son niveau
absolu, l’excédent du compte courant a enregistré une baisse marquée au
cours des cinq dernières années.
6 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 24 • Août 2013
Figure A : Le renminbi n’est pas aussi sous-évalué qu’il le semble
180
Taux de change PPA de 2011 en %
du taux du marché
Le renminbi s’apprécie constamment depuis 2005, car le cours
auquel il s’échange est passé de 8,27 à 6,14 par rapport au billet
vert. En dépit de cette appréciation, selon la définition classique
d’une devise évaluée à sa juste valeur – la parité des pouvoirs
d’achat (PPA) –, le renminbi est sous-évalué dans une proportion
pouvant atteindre 40 %. La PPA calcule le taux de change auquel le
prix des produits serait identique dans chaque pays.
Valeur réelle
160
Juste valeur redressée
140
120
100
80
60
40
20
0
Chine
0
10 000
20 000
30 000
40 000
50 000
PIB par habitant en 2011 (selon la PPA, $ internationaux)
Nota : Le taux de change du marché le plus récent a été utilisé pour la Chine.
Sources : Feenstra, Robert C., Robert Inklaar et Marcel P. Timmer (2013), The
Next Generation of the Penn World Table, document téléchargeable au
www.ggdc.net/pwt ; RBC GMA
Repères économiques
Comment concilier ces messages contradictoires ? Il vaut la
peine de souligner que l’Allemagne – un pays réputé pour ses
exploits dans le secteur manufacturier – se classe au dernier
rang à la figure 11. Il est donc clair que d’autres éléments
entrent en ligne de compte. Il s’agit de la complexité des
exportations d’un pays, de sa stabilité politique, de la qualité
de ses institutions publiques, de l’état de son infrastructure,
du degré d’envahissement de la bureaucratie, du niveau
d’innovation, de la qualité de l’enseignement, du coût du
capital, du coût de l’énergie, des effets du regroupement, des
économies d’échelle et des avantages des entreprises en place.
Plusieurs de ces considérations relèvent la compétitivité de
l’Allemagne et donnent à penser que la compétitivité de la Chine
n’est pas si médiocre qu’il semble de prime abord par rapport à
celle des autres pays émergents (figure 12).
Passons cette liste en revue. Le degré de complexité des
exportations de la Chine est élevé en regard de son niveau de
revenu, ce qui dénote une bonne diversité et la qualité des
produits fabriqués (figure 13).
La Chine est également stable sur le plan politique depuis
des décennies, est dotée d’institutions publiques de bonne
réputation selon les normes des pays émergents et – ce qui est
essentiel – d’une vaste infrastructure publique, c’est-à-dire de
ports, d’autoroutes, de chemins de fer et de services publics
de bonne qualité. D’ailleurs, la Chine se classe passablement
bien selon l’indice de performance de la logistique de la Banque
mondiale, devançant aisément le Brésil, l’Inde, le Mexique et
l’Indonésie.
Les activités de recherche et de développement en Chine
sont plus intenses que dans la plupart des autres pays en
développement, et la qualité de l’éducation de ses citoyens
s’améliore rapidement. Depuis 1997, la proportion de Chinois
titulaires d’une maîtrise a décuplé, la proportion de Chinois
titulaires d’un doctorat a sextuplé et il y a cinq fois plus
d’étudiants de niveaux universitaire et collégial (figure 14).
Rang
Enseignement
supérieur et
Institutions Infrastructure formation
Innovation
Chine
1
2
2
1
Thaïlande
4
1
1
6
Indonésie
3
5
5
2
Brésil
5
4
4
4
Inde
2
6
7
3
Mexique
6
3
6
5
Philippines
7
7
3
7
Nota : Le classement est établi en fonction des notes de chaque pays par
rapport à celles des sept pays examinés. Sources : FEM Global Competitiveness
Report 2012-2013, RBC GMA
Figure 13 : Les exportations complexes permettent d’augmenter
le revenu
2,5
Indice de complexité économique
La diminution de la compétitivité des salaires n’est pas une
bonne nouvelle, mais ne sonne pas forcément le glas pour
la Chine. Selon un récent sondage de Deloitte auprès des
dirigeants d’entreprise, la Chine figure encore en première place
pour la compétitivité du secteur manufacturier et conservera son
avance au cours des cinq prochaines années.
Figure 12 : La Chine demeure concurrentielle, compte non tenu
des salaires
Japon
Singapour
1,5
É.-U.
Corée
Mexique
Chine
1,0
Canada
0,5
0,0
-0,5
Suède
Allemagne
2,0
Indonésie
0
Grèce
Inde
Australie
Arabie saoudite
Norvège
Émirats arabes unis
20
40
60
PIB nominal par habitant (milliers de $ US)
80
Nota : Graphique établi selon la valeur de l’indice de complexité économique en
2008 et le PIB par habitant en 2009. Sources : The Atlas of Economic Complexity,
Hausmann, Hidalgo et al. ; RBC GMA
Figure 14 : Hausse considérable du niveau de scolarité en Chine
1100
10 fois plus
de maîtrises
1000
Indice de scolarisation par habitant
(1997 = 100)
La figure 11 vise à quantifier ce qui précède en illustrant la
part de la fabrication à valeur ajoutée nécessaire pour verser
des salaires. Plusieurs pays devancent la Chine dans les
classements depuis 2000, et la Chine a perdu du terrain derrière
l’Indonésie et le Mexique. Entre-temps, les pays industrialisés
comme les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon ont tous
réduit leur écart par rapport à la Chine.
900
800
700
600
500
400
300
200
100
0
1997
2000
2003
2006
2009
2012
Sources : China National Bureau of Statistics, Haver Analytics, RBC GMA
7
Entre-temps, grâce au maintien des taux d’intérêt à des niveaux
artificiellement bas, les entreprises chinoises ont accès à un
capital à bon marché, ce qui constitue un point essentiel.
Enfin, on se gardera de sous-estimer le poids que représentent
les fabricants :
Effets du regroupement : avantage lié à la proximité des
secteurs d’activité en amont et en aval, voire à la proximité
d’entreprises rivales.
Figure 15 : Notation de la compétitivité de la Chine
Pondération
2000
À l’heure
actuelle
Relation salaires-productivité
0,4
Bon
Passable
Complexité des exportations
0,05
Passable
Bon
Politique/gouvernance
0,05
Bon
Bon
Infrastructure
0,1
Bon
Très bon
Bureaucratie
0,05
Passable
Passable
Économies d’échelle : population suffisamment grande pour
fabriquer massivement des produits et en consommer une
fraction importante.
Innovation
0,05
Bon
Bon
Scolarité
0,05
Passable
Bon
Coût du capital
0,07
Très bon
Très bon
Avantages des entreprises en place : avantages liés au fait
que des entreprises sont déjà implantées dans un pays.
Le coût et les complications associés au transfert de la
production vers d’autres pays peuvent être prohibitifs.
Coût de l'énergie
0,03
Passable
Médiocre
Regroupement
0,05
Très bon
Très bon
Économies d'échelle
0,05
Très bon
Très bon
Avantages des entreprises
en place
0,05
Bon
Très bon
Très bon
Bon
La Chine jouit de tous ces avantages.
En résumé, la Chine est devenue beaucoup moins
concurrentielle du point de vue de la productivité et des
salaires. Malgré ce handicap, elle n’est pas entièrement hors
jeu en raison de plusieurs autres facteurs qui jouent en sa
faveur (figure 15). Cela signifie que la Chine n’est pas près de
perdre en entier son secteur manufacturier au profit de pays où
les coûts de production pourraient être un peu inférieurs. Elle
ne doit cependant pas s’attendre à être aussi concurrentielle
que dans le passé, de sorte que la croissance de son secteur
manufacturier est vouée à ralentir.
Total
Source : RBC GMA
Figure 16 : Le ratio stock de capital/PIB de la Chine est
assez élevé
Japon
Allemagne
Canada
Chine
Indonésie
É.-U.
R.-U.
Une surabondance de capital ?
La Chine affecte 48 % de son PIB aux dépenses en
immobilisations, ce qui représente un taux faramineux et sans
précédent. Même réduit de moitié, ce taux serait très élevé
selon les normes internationales.
Il faut bien admettre que ces dépenses contribuent largement
à la vitalité de l’économie chinoise. De plus, elles font croître
l’intensité capitalistique de la Chine – le ratio entre son stock de
capital et la taille de son économie – à un point tel que ce ratio
équivaut aujourd’hui à 3,1 fois son PIB. Ce phénomène n’est pas
inédit – par exemple, le ratio comparable du Japon est plus
élevé –, mais le fait qu’un pays en développement comme
la Chine dispose maintenant d’un capital plus abondant que
les États-Unis et le Royaume-Uni, sans parler des autres pays
émergents, suscite des craintes de surinvestissement
(figure 16).
Cependant, ce sujet est étonnamment nuancé. Si l’on analyse le
stock de capital de la Chine par habitant plutôt qu’en fonction
8 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 24 • Août 2013
Mexique
Inde
Brésil
Russie
0
1
2
Ratio stock de capital/PIB
3
4
Sources : FMI, OCDE, ONU, RBC GMA
du PIB total, il devient subitement assez faible (figure 17).
Fondamentalement, bien que la Chine dispose effectivement
d’un capital abondant par rapport à sa production économique
(signe que les investissements sont prématurés ou que
l’affectation des ressources est inefficace), elle n’en a pas tant
que cela en réalité compte tenu de sa population de 1,4 milliard
d’habitants.
Voici un exemple concret : les États-Unis ont accumulé 5 fois
plus de capital par habitant que la Chine, et mis en place 15 fois
plus de kilomètres de voies ferrées par habitant et 7 fois plus de
kilomètres de routes par habitant (figure 18).
Repères économiques
Cet élément jette un éclairage sur la priorité accordée par la
Chine à ses dépenses en immobilisations, mais ne réfute pas
le fait que la Chine a probablement surinvesti. Il est clair que
l’efficacité des investissements de la Chine a notablement
diminué au cours des dernières années parce que l’État
chinois peine à trouver des utilisations productives à ses
investissements (figure 19). Les histoires de villes fantômes
et de centres commerciaux vides sont des exemples extrêmes
d’investissements improductifs.
Entre-temps, alors que la décélération de la croissance du crédit
ralentit l’économie, les sources de capital se feront moindres
et elles seront moins nécessaires. En bref, les dépenses en
7
Ce calcul grossier tient compte des effets approximatifs de l’amortissement et
de l’inflation.
Figure 18 : La Chine est peu équipée en infrastructures par
rapport aux États-Unis
Ratio É.-U./Chine (multiples)
16
Japon
É.-U.
Canada
Allemagne
R.-U.
Mexique
Russie
Brésil
Chine
Indonésie
Inde
Les pays émergents
sont encore à un très
faible niveau par rapport
aux pays industrialisés
0
50 000
100 000
150 000
200 000
Stock de capital par habitant en âge de travailler
($ US de 2011 selon la PPA)
Sources : FMI, OCDE, ONU, RBC GMA
10,0x
10
7,1x
8
6
4
1,3x
2
0
Chemins
de fer
Véhicules
Transport
aérien
Routes
Trafic portuaire
de conteneurs
Nota : Selon les dernières données disponibles. Nombre de véhicules par
habitant. Routes et chemins de fer en km par habitant ; transport aérien en
nombre de passagers par habitant et trafic portuaire de conteneurs équivalent
20 pieds par habitant. Sources : Banque populaire de Chine, Haver
Analytics, RBC GMA
Figure 19 : Production moindre par unité de dépenses en
immobilisations
2
3
Plus efficace
4
5
6
Moins efficace
7
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
Nota : L’efficacité des investissements désigne le coefficient capital-production.
Sources : CNBS, Haver Analytics, RBC GMA
Figure 20 : La population en âge de travailler de la Chine
culminera en 2015
Population en âge de travailler
(millions)
Figure 17 : Le stock de capital par habitant de la Chine est
beaucoup plus faible
13,8x
12
8
Bien sûr, la causalité dans cette relation est strictement circulaire : un stock
de capital plus substantiel favorise une croissance économique accélérée,
tout comme une croissance économique accélérée nécessite des dépenses en
immobilisations plus substantielles pour assurer le maintien du ratio stock de
capital-PIB.
15,0x
14
Efficacité des investissements de la
de la Chine
De plus, lorsqu’une économie prend un essor rapide – comme
c’est le cas de la Chine –, un apport énorme de dépenses
en immobilisations est nécessaire ne serait-ce que pour
maintenir une intensité de capital constante. Tandis que les
pays industrialisés peuvent s’en tirer avec des dépenses en
immobilisations représentant à peine 20 %, voire moins,
de leur production, un pays dont la croissance du PIB
culmine à 10 % par année – comme cela a été le cas de la
Chine au cours de la dernière décennie – doit investir pas
moins de 32 % de sa production dans ses dépenses en
immobilisations7. Si le but visé est d’accroître l’intensité
du capital du pays – comme la Chine l’a fait –, ces chiffres
doivent être nettement plus élevés8. Par conséquent, la
précipitation avec laquelle la Chine s’est lancée dans des
dépenses en immobilisations n’est pas un mystère complet.
1050
Sommet
950
850
750
650
550
Prévision
450
1975 1982 1989 1996 2003 2010 2017 2024 2031 2038
Sources : ONU, RBC GMA
9
Par contre, il est important de noter que la démographie n’a
jamais été un élément clé de la récente prospérité économique
de la Chine. À peine un point de pourcentage sur le taux annuel
de croissance de 10 % du PIB de la Chine au cours de la dernière
décennie a été attribuable à la croissance de la population, le
reste tenant aux gains de productivité. Ce point de pourcentage
est maintenant perdu, mais il ne peut à lui seul expliquer le
ralentissement global de la croissance économique.
L’urbanisation en marche
Heureusement, même si l’élan donné par la compétitivité, les
dépenses en immobilisations et la démographie de la Chine
s’affaiblit, quelques autres facteurs peuvent continuer d’être
favorables à la productivité.
L’urbanisation est l’un d’eux. Bien qu’il n’y ait pas grand-chose
à faire pour remédier au déclin futur du nombre de travailleurs,
l’urbanisation représente un excellent moyen ponctuel
d’accroître rapidement la productivité de chaque travailleur
(figure 22). Il est à souligner que les travailleurs en milieu
urbain sont en moyenne trois fois plus productifs que ceux des
régions rurales. Cela ne tient pas au fait que les travailleurs
changent d’habitudes comme par magie lorsqu’ils arrivent en
ville. L’explication, c’est que les emplois disponibles dans les
zones urbaines sont d’une nature différente (et plus productifs)
que ceux des zones rurales.
L’urbanisation est déjà en marche, la population urbaine de
la Chine ayant récemment dépassé sa population rurale pour
la première fois (figure 23). Cette tendance n’est pas près de
s’arrêter : les décideurs ciblent la migration vers les villes de
250 millions d’habitants des régions rurales au cours des 12
prochaines années, et s’apprêtent à entreprendre des réformes
du logement qui devraient encourager cet afflux massif.
10 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 24 • Août 2013
35
29,0
25
24,4
15
10,5
7,7
5
5,9
2,7
-5
-8,7
-20,1 -21,0
Japon
Russie
Chine
R.-U.
Canada
É.-U.
Brésil
Mexique
-16,6
-25
Allemagne
-15
Inde
Croissance projetée de la population
en âge de travailler 2013-2038 (%)
La démographie chinoise suscite beaucoup d’inquiétudes,
et pour cause. Du fait de la politique de l’enfant unique, les
perspectives démographiques médiocres de la Chine sont
devenues abyssales. La population chinoise en âge de travailler
culminera en 2015, après quoi elle commencera à décroître
inexorablement (figure 20). Ainsi, la Chine perdra 9 % de sa
population en âge de travailler au cours du prochain quart de
siècle, soit environ 88 millions de personnes. Ce déclin est pire
que celui de l’immense majorité des pays industrialisés, voire
celui de certains pays en développement (figure 21).
Sources : ONU, RBC GMA
Figure 22 : L’urbanisation favorise la croissance en Chine
100
Population urbaine (% du total)
La population à son apogée
Figure 21 : Diminution de la population active de la Chine
80
60
40
20
0
Chine
1990
420
Chine
2012
Chine
2000
4 200
42 000 90,000
PIB par habitant (selon la PPA, $ internationaux de 2012)
Nota : Graphique établi selon des données de 2012 se rapportant à 167 pays. PIB
par habitant selon une échelle logarithmique. Sources : OCDE, Banque mondiale,
Haver Analytics, RBC GMA
Figure 23 : L’urbanisation de la Chine se poursuit
900
800
Population (millions)
immobilisations constituent un autre facteur de croissance qui a
perdu de son pouvoir.
700
Rurale
600
Urbaine
500
La Chine s'est
fixée une cible de
250 millions de
migrants de plus
d'ici 2025
400
300
200
100
1976
1981
1986
1991
1996
2001
Sources : China National Bureau of Statistics, RBC GMA
2006
2011
2016
Repères économiques
9
En fonction des taux de change assurant la parité des pouvoirs d’achat et en
dollars constants de 2012.
Le Mexique est au niveau de 1950
Le Brésil est au niveau de 1941
La Chine est au niveau de 1938
L'Inde est sous le niveau de 1901
0
1901 1912 1923 1934 1945 1956 1967 1978 1989 2000 2011
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Figure 25 : Convergence des économies de la Chine et
des États-Unis
1,0
0,8
Projection de la
convergence
Réelle
0,6
0,4
0,2
0,0
1952
1983
2014
2045
2076
2107
2138
2169
2200
Nota : PIB par habitant en dollars de 2012 selon la PPA. Projection de la
convergence du PIB par habitant de la Chine vers celui des États-Unis en
supposant une croissance du PIB réel par habitant des États-Unis de 1,4 % et un
paramètre de convergence de 0,02. Sources : Census Bureau, CNBS, FMI, Durlauf
et al. (1995), RBC GMA
Figure 26 : Le piège des revenus intermédiaires ne menace pas
encore la Chine
10
La croissance finit par
ralentir
8
6
4
2
> 40,000
< 40,000
< 30,000
< 25,000
< 20,000
La Chine se
trouve ici
< 17,500
0
< 15,000
Bien entendu, l’expérience de chaque pays varie énormément.
Certains pays tombent beaucoup plus tôt que la moyenne dans
ce piège, et à des niveaux de revenu par habitant inférieurs
10
La Russie est au
niveau de 1958
< 12,500
Que cela signifie-t-il pour la Chine ? Heureusement, le
piège des revenus intermédiaires ne présente pas une menace
imminente pour la Chine, le revenu par habitant frôlant tout
juste les 9 161 $ (figure 26). La Chine dispose peut-être de
cinq ans ou davantage avant d’être prise dans le piège des
revenus intermédiaires.
20
< 10,000
Malheureusement, la réalité est rarement aussi simple que
l’effet de convergence ne le laisse entrevoir. Le soi-disant piège
des revenus intermédiaires menace sérieusement une accession
facile de la Chine au statut de pays riche. Les taux de croissance
économique ralentissent fréquemment une fois que le revenu
annuel par habitant franchit le cap des 12 500 $ à 17 500 $9.
La Corée est au
niveau de 1984
30
< 7,500
Le piège des revenus intermédiaires
40
< 5,000
Le revenu par habitant en Chine est tout juste équivalent à
celui des États-Unis en 1938, soit à peine 18 % des niveaux de
revenu actuels de ce dernier pays. De toute évidence, l’effet de
convergence peut donc encore se manifester amplement (figure
24). Les études sur la convergence font valoir que la production
chinoise par habitant devrait de ce fait pouvoir croître à un
rythme supérieur d’environ 3,4 % par année à celui des ÉtatsUnis, compte tenu de l’écart de productivité actuel entre les
deux pays. Par conséquent, le taux de croissance du PIB réel
devrait être de quelque 5 % par année. Au fur et à mesure que
l’écart de prospérité se rétrécit, l’avance relative de la Chine
devrait s’amenuiser (figure 25).
Niveau des É.-U.
en 2012
Évolution des É.-U.
50
< 2,500
À quoi cette disparité tient-elle ? En grande partie au fait que les
pays pauvres ont tendance à emboîter le pas aux pays riches.
Ils n’ont pas à fournir d’efforts pour inventer des technologies
ou des procédés, car ils se bornent à copier ce qui existe déjà.
Cette stratégie comporte évidemment des limites : le taux de
convergence tend à ralentir à mesure que l’écart de revenus
se rétrécit.
PIB réel par habitant
(selon la PPA, $ internationaux de 2012)
L’ « effet de la convergence » est un autre pilier de la croissance
économique effrénée de la Chine. Il s’agit d’une théorie simple,
mais élégante, qui repose sur le constat que les pays pauvres
ont tendance à croître plus rapidement que les pays riches.
Ratio PIB par habitant de la Chine/
PIB par habitant des États-Unis
L’effet de la convergence
Figure 24 : Le PIB par habitant des marchés émergents montre que
l’effet de conv. peut encore se manifester amplement
Croissance annuelle du PIB réel (%)
Nous estimons que ce vaste mouvement migratoire représente
un apport d’environ un point de pourcentage par année à la
croissance économique de la Chine.
PIB réel par habitant ($ de 2012 selon la PPA)
Nota : Évolution de la croissance de sept pays représentatifs. Les carrés indiquent
le taux de croissance moyen ; les barres intègrent les résultats compris entre les
25e et 75e centiles. Sources : Bolt, J. et J. L. van Zanden (2013). « The First Update
of the Maddison Project; Re-Estimating Growth Before 1820 », Maddison Project
Working Paper, no 4; FMI, RBC GAM
11
Premièrement, elle doit concentrer ses efforts sur les régions
les plus aptes à soutenir une croissance économique rapide
pendant plus longtemps. Pour ce faire, la Chine s’est montrée
généreuse en dotant de fonds et d’une infrastructure les
provinces intérieures, qui accusent un retard de 40 % par
rapport aux autres régions (figure 27) et, par conséquent,
représentent le meilleur moyen d’éviter plus longtemps le
piège des revenus intermédiaires. D’ores et déjà, ces provinces
affichent un rythme de croissance supérieur à celui des
provinces côtières (figure 28).
Deuxièmement, la Chine doit donner un coup de pouce aux
fabricants pour qu’ils se hissent dans la courbe de la valeur
ajoutée de façon à être moins vulnérables aux scénarios de
rechange aux bas salaires. Des indices montrent que telle est
la situation : la fabrication de produits à forte valeur ajoutée
dépasse celle du panier de produits à faible valeur ajoutée
(figure 29).
Croissance annuelle du PIB nominal (%)
Ces pays ne sont pas pour autant condamnés à attendre
passivement que cela se produise. Plusieurs possibilités
s’offrent à la Chine pour qu’elle poursuive une croissance rapide.
Figure 28 : De nouvelles régions stimulent la croissance de
la Chine
Provinces côtières
Provinces intérieures
40
... Les provinces
intérieures
supplantent
maintenant les
provinces côtières
35
30
25
20
15
10
5
0
Suprématie des provinces côtières...
1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009 2012
Nota : Les provinces côtières englobent Beijing, Tianjin, Hebei, Shandong, Jiangsu,
Shanghai, Zhejiang, Fujian, Guangdong et Hainan. Toutes les autres provinces
font partie des provinces intérieures. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Figure 29 : La position de la Chine dans la chaîne de valeur
progresse
50
Indice de production industrielle
(variation annualisée en %)
à celui que la Chine affiche actuellement. D’autres évitent
cet écueil beaucoup, beaucoup plus longtemps. Sur un axe
différent, certains pays sont frappés beaucoup plus durement
que la moyenne, alors que d’autres sont à peine écorchés. Bien
qu’il soit difficile de prédire si la Chine succombera à ce piège
plus hâtivement ou plus tardivement que la moyenne, il se peut
qu’elle soit exposée à une décélération plus brutale que la
plupart des autres pays, un sort qui guette de nombreux pays
dont les taux d’investissement sont particulièrement élevés.
40
46 %
Biens à faible valeur
Biens à valeur élevée
33 %
30
22 %
20
15 %
10
0
2005 – 2009
De 2009 à aujourd'hui
Troisièmement, la Chine doit réduire sa dépendance à l’égard
des sociétés d’État improductives (figure 30) en misant sur
Sources : China National Bureau of Statistics, Haver Analytics, RBC GMA
Figure 27 : Les provinces intérieures ont un retard important à
rattraper
Figure 30 : Les sociétés d’État affectent leurs fonds moins
efficacement
14
Provinces côtières
Provinces intérieures
50
Écart
de
40 %
40
Les provinces
intérieures ont un
retard d'environ
5 ans sur les provinces
30
20
10
0
1982
1987
1992
1997
2002
2007
2012
Nota : Les provinces côtières englobent Beijing, Tianjin, Hebei, Shandong, Jiangsu,
Shanghai, Zhejiang, Fujian, Guangdong et Hainan. Toutes les autres provinces
font partie des provinces intérieures. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
12 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 24 • Août 2013
12
Ratio de rendement de l'actif
PIB nominal par habitant
(milliers de RMB)
60
Sociétés privées
Toutes les sociétés
Sociétés d'État
10
8
6
4
Le rendement de l'actif des
sociétés d'État n'atteint qu'environ
la moitié de celui des sociétés
privées
2
0
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
Nota : Rendement de l’actif (RDA) des entreprises industrielles de la Chine calculé
au moyen du ratio bénéfice/total de l’actif. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Repères économiques
Quatrièmement, la Chine doit continuer d’aller de l’avant dans
la libéralisation de ses marchés financiers, la réduction de la
bureaucratie et la lutte anti-corruption. Les signes en ce sens
sont encourageants, et il est rassurant de constater que la
nouvelle génération de décideurs met l’accent sur ces réformes
structurelles au lieu d’avoir recours à des expédients.
Cet ensemble de facteurs contribuera à atténuer l’effet négatif
du piège des revenus intermédiaires, mais il ne le neutralisera
sans doute pas complètement. Il y a donc fort à parier que
la croissance de l’économie chinoise passera en mode de
décélération au cours de la prochaine décennie.
L’espoir de la consommation
Figure 31 : Les entreprises privées investissent maintenant
davantage que les sociétés d’État
55
50
45
40
30
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
Sources : CNBS, Haver Analytics, RBC GMA
40
Chine
35
É.-U.
30
10
fois
plus
25
20
15
10
5
0
1992
1996
2000
2004
2008
10
8
6
4
2012
Nota : Les dernières données pour la Chine remontent à 2009. Sources : BEA,
CNBS, Haver Analytics, RBC GMA
Figure 34 : Le nombre de participants à des régimes de retraite
continue d’augmenter
Nombre de participants à des
régimes de retraite (millions)
Investissements en immobilisations
(billions de RMB)
Sociétés privées et entreprises individuelles
788
700
616
600
500
400
300
253
275
2007
2008
322
360
200
100
2
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Nota : Investissements en immobilisations dans les zones urbaines.
Sources : CNBS, Haver Analytics, RBC GMA
Dépenses en immobilisations
800
Sociétés d'État
12
0
2004
Consommation
60
35
Taux d'épargne des particuliers (%)
Les dépenses de consommation peuvent certes augmenter
considérablement. La part de leurs revenus que les ménages
chinois épargnent est dix fois supérieure à celle des
consommateurs américains (figure 33). Cette propension
à l’épargne excessive subsiste, mais on observe plusieurs
catalyseurs d’un changement à venir.
14
65
Figure 33 : Les ménages chinois sont de très grands épargnants
Dans un contexte où la croissance du secteur manufacturier
et des exportations s’essouffle et où le crédit n’est plus un
moteur économique aussi puissant, la Chine se cherche de
nouvelles sources de croissance. L’option la plus évidente, c’est
la consommation. Les ménages chinois ne consomment qu’une
très faible part de la production économique du pays (figure 32),
et celle-ci commence enfin à grimper après des années de recul.
16
Figure 32 : Retour hésitant vers la consommation
% du PIB nominal
l’innovation et l’efficacité du secteur privé. Tout indique que
ce processus est en cours, quoiqu’il soit lent, parce que la part
des dépenses en immobilisations des sociétés d’État diminue
depuis quelques années (figure 31).
2011
0
2009
2010
2011
2012
Sources : MoHRSS, RBC GMA
13
Les économies orientées vers la consommation ne sont
évidemment pas enclines à croître aussi rapidement que les
économies orientées vers le secteur manufacturier. De plus, il
se peut que les valeurs culturelles (comme l’illustre la figure
36) rendent l’économie chinoise moins prompte à passer de
l’ère industrielle à l’ère postindustrielle. Cependant, vu que la
locomotive de la croissance du secteur manufacturier chinois
est en perte de vitesse, il n’y a aucune solution de rechange
évidente à une économie stimulée par la consommation.
Conclusion
L’économie de la Chine connaît un essor rapide depuis trois
décennies. Le meilleur indicateur de la croissance future est
souvent la croissance passée qui, en l’occurrence, est riche
de promesses pour l’avenir. En outre, plusieurs forces sont
encore présentes dans l’économie chinoise, soit les réformes
10
Des précisions s’imposent : de nombreux citoyens sous-employés des régions
rurales continueront de céder à l’attrait des villes, mais le groupe le plus mobile
et le moins cher – celui des jeunes femmes célibataires – a été en grande partie
mis à contribution. Les autres citoyens exigent des salaires plus élevés pour
accepter de se déplacer.
14 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 24 • Août 2013
Coût unitaire réel de main-d'œuvre
(2005 = 100)
Resserrement
du marché
du travail
Grand excédent de
main-d'œuvre
120
115
110
105
100
95
1999
2001
2003
2005
2007
2009
2011
2013
Sources : China National Bureau of Statistics, RBC GMA
Figure 36 : La Chine est moins bien adaptée à l’ère
postindustrielle
2
1
0
-1
-2
Japon
Adaptation à l'ère industrielle
Étant donné que les ménages chinois s’enrichissent, le nombre
de ménages de la classe moyenne connaît une croissance
exponentielle. La Banque mondiale estime que la classe
moyenne chinoise quadruplera entre 2009 et 2020 pour
atteindre 40 % de la population. Une caractéristique de la
classe moyenne est sa capacité d’effectuer des dépenses
discrétionnaires. Les prêts sur carte de crédit des Chinois
augmentent aujourd’hui de 40 % annuellement et un nombre
grandissant de ménages chinois ont apparemment l’intention
d’acheter une voiture dans un proche avenir. Cela donne un
avant-goût de l’avenir.
125
Tendanciel-rationnel
La croissance des salaires réels a longtemps suivi celle
des gains de productivité avant de prendre son envol en
2009 (figure 35). C’est le point précis auquel la Chine aurait
atteint le « point tournant de Lewis », c’est-à-dire l’instant où
l’excédent de main-d’œuvre qui existait depuis longtemps s’est
effectivement tari10. On assiste par conséquent à une escalade
des revenus personnels nominaux de 66 % depuis la fin de
2008. Voilà qui procure les moyens de dépenser.
Figure 35 : Le coût unitaire réel de la main-d’œuvre chinoise a
commencé à augmenter
Traditionnel
Le taux d’épargne élevé de la Chine tient en grande partie au fait
qu’il n’y a pas de protection sociale complète, ce qui incite les
ménages à épargner pour combler leurs besoins en matière de
retraite et de santé. Cette tendance est cependant en train de
changer. La proportion des bénéficiaires de régimes de retraite a
triplé au cours des cinq années antérieures à 2012 et se chiffre
maintenant à 58 % de la population (figure 34). Les ménages
n’ont plus besoin d’épargner autant.
Hong Kong
Chine
Corée du Sud
Russie
Ukraine
Irak
Grèce
Espagne
Indonésie
Pologne
Afrique du Sud
Maroc
Philippines
Zimbabwe
Suède
Norvège
Allemagne
Finlande Suisse
France
Italie
Argentine
Portugal
Brésil
Pays-Bas
R.-U.
Australie
Canada
É.-U.
Irlande
Arabie saoudite
Mexique
Nigeria
Adaptation à l'ère postindustrielle
-2
-1
0
1
Survie économique
2
Affirmation
Sources : Inglehart et Welzel, World Value Survey Cultural Map, 2005-2008 ;
RBC GMA
structurelles en cours, l’urbanisation, l’effet de convergence et
l’émergence de la consommation.
En revanche, l’influence de plusieurs autres facteurs
favorables à l’essor de la Chine s’est atténuée. Parmi les
aspects négatifs figurent la décélération de la croissance des
exportations, l’essoufflement de la croissance du crédit, la
diminution de la compétitivité, le ralentissement probable
des dépenses en immobilisations et la détérioration de la
croissance démographique. Entre-temps, le piège des revenus
intermédiaires plane à l’horizon (même si cette menace n’est
pas imminente). Comme ce rapport l’a mis en lumière, la plupart
de ces éléments ne sont pas aussi menaçants qu’ils semblent
l’être, mais ils freinent la croissance économique de la Chine.
L’effet exact de chacun de ces déterminants pris séparément
est loin d’être clair, sans parler de leurs interactions complexes.
Disons, au mieux, que la prochaine décennie pourrait être
Repères économiques
Contexte
Le ralentissement de la Chine a une portée énorme sur le reste
du monde, principalement en raison du fait que près du tiers
de la croissance économique mondiale est attribuable à ce
pays. Cette décélération de la croissance économique aura
assurément des répercussions sur les prix des marchandises
et une foule d’autres variables économiques et liées aux
marchés. Gardons-nous cependant de dramatiser pour deux
raisons non intuitives.
Premièrement, même si la croissance de la Chine ralentira
probablement en pourcentage, cela ne sera pas forcément le cas
si l’on se fonde sur le renminbi (figure 37). L’économie chinoise
étant nettement plus importante aujourd’hui qu’en 2005, une
croissance annuelle modérée de 6 % engendrerait un apport
de production en renminbis (même compte tenu des effets de
l’inflation) supérieur à celui de l’exceptionnel taux de croissance
de 11,3 % enregistré en 2005. De ce point de vue, la croissance
de la Chine n’est somme toute pas en train de ralentir.
Deuxièmement, la croissance économique mondiale tient
peut-être plus le coup qu’on le croit communément, même en
tenant compte du ralentissement des économies nationales
(figure 38). Voici un exemple. Bien qu’il ne soit pas souhaitable
que le taux de la croissance durable des États-Unis recule de
3 % à 2 % au fil du temps, et que celui de la Chine se replie de
8 % à 6 %, il faut tenir compte d’un contrepoids important. La
Chine est appelée à représenter une part beaucoup plus élevée
de l’économie mondiale, tandis que la part des États-Unis
diminuera quelque peu. Par conséquent, si les États-Unis ont
été dans le passé le principal moteur de la croissance mondiale
16
14
Croissance en unité monétaire (dr.) La croissance
en renminbis ne
% de croissance (g.)
ralentit pas
toujours
12
La croissance
en % pourrait
ralentir
10
800
700
600
500
8
400
6
300
4
200
2
0
2000
Prévision
2003
2006
2009
2012
2015
2018
100
0
Variation annuelle de la valeur du PIB réel
(milliards de renminbis de 2000)
en unité monétaire ne ralentit pas nécessairement
Croissance annuelle du PIB réel (%)
Il vaut la peine d’insister sur le fait que la Chine continuera de
se classer parmi les économies les plus dynamiques à l’échelle
mondiale et que cela devrait suffire pour éviter une instabilité
politique grave (compte tenu, notamment, du fait que le Parti
communiste chinois lui-même s’adapte à l’évolution des besoins
du pays)11. Du point de vue des placements, la Chine demeure
attrayante en raison des faibles évaluations des titres boursiers
et de la hausse potentielle des dépenses des consommateurs,
mais ce pays n’exerce plus un attrait irrésistible en raison
du ralentissement actuel de l’économie et du problème de
l’excédent du crédit qui, jusqu’ici, n’a pas été résolu.
Figure 37 : Même si la croissance exprimée en % ralentit, la croiss. ex.
Sources : CNBS, Haver Analytics, RBC GMA
Figure 38 : La modification de la composition permet de
maintenir la croissance mondiale
PIB réel (variation annuelle en %)
marquée par une croissance légèrement moindre, dont le taux
avoisinera vraisemblablement de 4,5 % à 7,5 %. Une telle
progression est nettement inférieure au rythme de croissance de
10 % enregistré au cours de la dernière décennie.
1980
1990
2000
2010
2020
Nota : La représentation stylistique de la croissance mondiale va à l’encontre
de la tendance à la baisse des taux de croissance du PIB des pays émergents
et avancés en raison de la hausse de la part des marchés émergents dans la
production. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
grâce à une expansion de 3 %, c’est la Chine qui jouera ce rôle
dans le futur avec un taux de croissance de 6 %. Ce déplacement
vers les pays émergents limite l’ampleur du ralentissement
de l’économie mondiale, et ce, malgré la décélération de la
croissance pays par pays.
11
Cet élément représente néanmoins un risque fondamental. Selon une enquête
récente du magazine Economist, la croissance de la classe moyenne tend à
aller de pair avec l’augmentation des exigences de la population. De plus, les
inégalités entre les niveaux de revenu en Chine représentent un autre danger.
15
ANNEXE A : PEUT-ON SE FIER AUX STATISTIQUES SUR LA CROISSANCE DE LA CHINE ?
Il y a lieu de se demander si les données sur l’économie chinoise sont
crédibles, compte tenu de la capacité apparente de cette économie
Figure A : Les tendances haussières en Chine sont pour la plupart
bien réelles
15
commerce et de statistiques provinciales aberrantes dont l’addition
14
excède le total national.
Heureusement, l’évaluation de l’économie de la Chine est relativement
simple si l’on pense aux efforts qu’il a fallu déployer à l’époque de la
Guerre froide pour sonder l’économie soviétique. Il n’existait alors pas
de statistiques officielles à ce sujet, la production d’estimations sur
le terrain par des sources occidentales était impossible, la qualité des
produits était un mystère et les prix ne voulaient rien dire.
Nous aborderons la question de la qualité des données de trois points
de vue.
Premièrement, lorsque la Chine déclare que son économie s’améliore ou
Croissance du PIB de la Chine
(variation annuelle en %)
récentes au sujet de quelques cas de gonflement des données sur le
13
Croissance du PIB (g.)
4
Indice d'activité économique
(dr.)
3
2
12
11
1
10
0
9
8
-1
7
Indice d'activité économique
(écarts types par rapport à la
normale historique)
à s’envoler alors que d’autres chancellent, ainsi que des révélations
-2
6
5
-3
1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013
Nota : Indice établi à l’aide de 16 indicateurs de l’activité économique réelle.
Sources : Bloomberg, Haver Analytics, RBC GMA
se détériore, y a-t-il de réels changements ? La réponse est « oui ». Nous
avons créé un autre indice de l’activité économique chinoise en fonction
de 16 composantes telles que la consommation d’électricité et l’activité
Figure B : Stabilité de la croissance économique
portuaire. La série qui en résulte s’apparente étonnamment aux chiffres
officiels du PIB, à l’exception d’une divergence intrigante dans la période
de 2005 à 2007 (figure A). Une hausse est bel et bien une hausse, et une
baisse est bel et bien une baisse.
Deuxièmement, la Chine a-t-elle pu exagérer beaucoup son taux
de croissance économique depuis 2000 ? Probablement pas. Pour
le démontrer, on peut examiner le taux absolu de la croissance
globale de la Chine par rapport à la croissance de ses exportations.
Nous pouvons (la plupart du temps) donner foi aux chiffres sur
les exportations de la Chine puisqu’ils sont corroborés par ses
partenaires commerciaux. Officiellement, la part des exportations
chinoises a bondi de 21 % à 26 % du PIB entre 2000 et 2011. Si le
rythme de croissance du PIB réel de la Chine ne représentait que la
Russie
Indonésie
Corée
Mexique
Brésil
Japon
Inde
Allemagne
Chine
Italie
R.-U.
Espagne
É.-U.
Canada
France
Australie
1,24
1,20
1,14
1,04
1,65
1,91
1,84
0,88
0,77
0,77
0,79
La croissance de
0,70
la Chine est
0,69
étrangement
0,67
régulière pour un
0,54
pays émergent
0,52
Écart type du taux de croissance trimestriel du PIB,
1998-2012
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
moitié du niveau déclaré pendant cette période, les exportations
auraient été propulsées de 21 % à 45 % du PIB. Ces chiffres ne sont
Troisièmement, se pourrait-il que la Chine amenuise l’amplitude de son
pas plausibles puisqu’ils ne collent pas du tout avec l’expérience
cycle économique en gonflant les trimestres de faiblesse et en atténuant
vécue par les autres pays émergents pendant cette période.
les bons trimestres ? Assurément. La croissance trimestrielle du PIB de
Tout comme la manipulation des données commerciales est difficile,
il est malaisé de gonfler les données sur la consommation parce que
de nombreux détaillants occidentaux sont maintenant présents en
Chine. En ce qui concerne les revenus, il est assez facile d’évaluer les
niveaux réels de revenu personnel en fonction des charges salariales
des entreprises occidentales. Ces vérifications limitent la mesure dans
laquelle le PIB peut être systématiquement gonflé.
16 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 24 • Août 2013
la Chine est curieusement stable pour un pays en développement, ce qui
indiquerait (sans le confirmer avec certitude) que sa volatilité est jusqu’à
un certain point manipulée (figure B). Heureusement, cela importe peu
pour notre propos, car nous analysons les tendances observées pendant
plusieurs années, et non les variations trimestrielles.
Repères économiques
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