22 septembre 2015 Étude comparative de la durée et de l’ampleur des cycles économiques Le Québec se distingue parfois du Canada Alors que le Canada a subi une légère contraction de son économie au premier semestre de 2015, en grande partie attribuable à un recul de l’activité dans les provinces productrices de pétrole, les risques accrus de contagion vers le centre du pays refont surface. Le PIB réel de l’Ontario a déjà enregistré un repli au premier trimestre et le Québec connaîtra sans doute le même sort au deuxième trimestre. Les chiffres seront d’ailleurs officiellement publiés le 25 septembre prochain par l’Institut de la statistique du Québec. Faiblesse passagère de ces deux économies? Effet d’entraînement à la baisse de l’économie canadienne qui s’étirera un certain temps? En passant en revue l’histoire des cycles économiques, on constate que les points de retournement du PIB réel du Québec sont parfois différents. Lorsque la contraction des deux économies survient en même temps, l’ampleur n’est pas nécessairement semblable. Les répercussions sur les industries peuvent également être différentes. En somme, le synchronisme des périodes de reprise, d’expansion, de ralentissement ou de contraction de l’activité économique entre le Québec et le Canada n’est pas parfait et il a même divergé à quelques occasions dans le passé. Cela devrait encore être le cas cette fois-ci. Ampleur et durée des cycles au Québec Graphique 2 – Durée des récessions au Québec de 1948 à 2015 Parmi les dix récessions encaissées depuis la fin des années 19401 (graphique 1), plusieurs d’entre elles ont été de faible amplitude et de courte durée alors que d’autres ont été assez prononcées tout en s’étirant sur plusieurs trimestres. Toutes celles observées avant 1980 ont la particularité d’être brèves, soit deux à trois trimestres de reculs consécutifs du PIB réel Nombre de trimestres 5 (2,0) (0,5) (1,0) (2,0) (1,9) (2,2) (3,0) (4,0) 2008-2009 2001 1989 1979 1953 2 3 2 1 (graphique 2). Les périodes de contraction de l’économie québécoise ont également été de faible ampleur jusqu’en 1980. La situation s’avère différente pour les cycles économiques suivants où des périodes de récession allant jusqu’à sept trimestres d’affilée de diminution du PIB réel ont été observées. Deux fortes récessions sont survenues dans la province en 1981-1982 et en 1990-1992. Leur amplitude a été presque semblable, mais la durée de la contraction a (5,0) 2001 1989 1981-1982 1979 1974-1975 1957-1958 1953 1990-1992 (4,6) (5,0) 1949 (6,0) 2 Sources : Département d’économique, Université de Sherbrooke et Desjardins, Études économiques (3,0) (4,0) (5,0) 2 2008-2009 (0,5) 2 1990-1992 (0,5) 1 2 3 1981-1982 (0,7) (0,8) 2 2 1974-1975 (1,1) 4 3 3 0,0 5 4 4 1957-1958 (1,0) 6 1949 0,0 7 6 Var. en % PIB réel – Sommet au creux 8 7 7 Graphique 1 – Ampleur des récessions au Québec de 1948 à 2015 Var. en % Nombre de trimestres 8 (6,0) Sources : Département d’économique, Université de Sherbrooke et Desjardins, Études économiques 1 Desjardins, Études économiques, Point de vue économique, « Étude spéciale : histoire économique du Québec depuis une soixantaine d’années », 25 novembre 2014, https://www.desjardins.com/ressources/pdf/pv1411f.pdf?resVer=1416925943000 François Dupuis Vice-président et économiste en chef Hélène Bégin Économiste principale 418-835-2450 ou 1 866 835-8444, poste 2450 Courriel : [email protected] Note aux lecteurs : Pour respecter l’usage recommandé par l’Office de la langue française, nous employons dans les textes et les tableaux les symboles k, M et G pour désigner respectivement les milliers, les millions et les milliards. Mise en garde : Ce document s’appuie sur des informations publiques, obtenues de sources jugées fiables. Le Mouvement des caisses Desjardins ne garantit d’aucune manière que ces informations sont exactes ou complètes. Ce document est communiqué à titre informatif uniquement et ne constitue pas une offre ou une sollicitation d’achat ou de vente. En aucun cas, il ne peut être considéré comme un engagement du Mouvement des caisses Desjardins et celui-ci n’est pas responsable des conséquences d’une quelconque décision prise à partir des renseignements contenus dans le présent document. Les prix et les taux présentés sont indicatifs seulement parce qu’ils peuvent varier en tout temps, en fonction des conditions de marchés. Les rendements passés ne garantissent pas les performances futures, et les Études économiques du Mouvement des caisses Desjardins n’assument aucune prestation de conseil en matière d’investissement. Les opinions et prévisions figurant dans le document sont, sauf indication contraire, celles des auteurs et ne représentent pas la position officielle du Mouvement des caisses Desjardins. Copyright © 2015, Mouvement des caisses Desjardins. Tous droits réservés. 22 septembre 2015 Point de vue économique Encadré 1 une Récession classique ou technique? Il importe de faire la distinction entre deux types de récessions. Une véritable récession, qualifiée de classique, se caractérise par une forte baisse du PIB réel qui s’échelonne sur plusieurs trimestres consécutifs, dont un minimum de deux. Celle-ci doit également être accompagnée d’une détérioration importante de plusieurs autres indicateurs économiques comme des pertes d’emplois massives, un recul prononcé des ventes au détail ou une chute des prix Graphique 3 – Périodes de récession au Québec de 1948 à 2015 Var. en % (1) (0,5) (2) (5) (4,6) (6) Sources : Département d’économique, Université de Sherbrooke et Desjardins, Études économiques toutefois été différente. Un an pour la récession de 19811982 tandis que celle de 1990-1992 s’est allongée pendant près de deux ans. Entre-temps, deux reculs trimestriels d’affilée du PIB réel, dont l’amplitude a été assez faible, ont été enregistrés en 1989 et en 2001. Finalement, la dernière récession au Québec, soit celle de 2008-2009 s’est étirée sur trois trimestres. Même si l’activité économique a reculé de 2,2 % pendant cette période, les dommages ont été assez limités. Les années 2000 ont donc été caractérisées par une récession de moindre ampleur qualifiée de technique ainsi qu’une autre de type classique (encadré 1). Au Québec, plusieurs périodes de contraction de l’activité se sont succédé depuis la fin des années 1940, soit un total de dix phases de récession, dont certaines classiques et d’autres techniques (graphique 3). Périodes de récession plus récentes Depuis les années 1970, les cycles économiques du Québec et du Canada ont été assez bien synchronisés. De plus, l’importance ainsi que la durée des récessions ont été presque similaires (graphiques 4 et 5). Le commerce extérieur, qui a graduellement pris de l’importance grâce à l’ouverture des frontières économiques, a rendu la province et le pays plus sensibles aux chocs externes. Le poids accru des matières premières dans l’économie a également accentué l’ampleur et des cycles. À deux reprises, soit en 1989 et en 2001, le Québec a toutefois connu une légère récession qui n’a pas été observée dans l’ensemble du pays. Graphique 4 – Ampleur des récessions* de 1970 à 2015 au Canada et au Québec (1,0) 7 (2,0) (3,0) (3,0) (4,0) (4,0) (5,0) (5,0) Canada Québec * Dates des récessions au Québec, presque similaires pour le Canada. Sources : Département d’économique, Université de Sherbrooke et Desjardins, Statistique Canada et Desjardins, Études économiques 2 2015 2008-2009 2001 1990-1992 1989 1981-1982 1979 (6,0) 1974-1975 (6,0) 8 Québec 7 Canada 6 6 5 5 4 4 3 3 2 2 1 1 * Dates des récessions au Québec, presque similaires pour le Canada. Sources : Département d’économique, Université de Sherbrooke, C.D. Howe Institute et Desjardins, Études économiques 2015 (2,0) 0,0 Nombre de trimestres 2008-2009 (1,0) Nombre de trimestres 8 2001 Var. du sommet au creux en % 1990-1992 0,0 PIB réel 1974-1975 Var. du sommet au creux en % Graphique 5 – Durée des récessions* de 1970 à 2015 au Canada et au Québec 1989 1989 1981-1982 1957-1958 1979 (5,0) 1953 À l’opposé, une récession technique survient aussitôt que le PIB réel fléchit pendant au moins deux trimestres d’affilée et que les autres indicateurs économiques sont peu affectés. Par exemple, malgré la récession technique observée au Canada au premier semestre de 2015, le taux de chômage est demeuré assez stable et le marché immobilier a maintenu une bonne activité. Étant donné que le recul de l’activité économique se concentre dans les provinces productrices de pétrole ainsi que dans les secteurs des ressources naturelles, de la fabrication et de la construction non résidentielle, les dégâts sont loin d’être généralisés à l’ensemble de l’économie canadienne. 1981-1982 Récessions classiques immobiliers résidentiels. Une récession classique se distingue par l’amplitude, la durée de la contraction du PIB réel et par des répercussions importantes dans plusieurs secteurs de l’économie. 1979 (5) (3) (4) 2001 Récessions techniques (2,2) 1990-1992 (4) 1949 (1) (0,5) (1,9) (3) (6) (0,5) 2008-2009 (1,1) (0,7) (0,8) 1974-1975 (2) Var. en % PIB réel – Sommet au creux www.desjardins.com/economie 22 septembre 2015 Point de vue économique Le resserrement marqué de la politique monétaire par la Banque du Canada à la fin des années 1980 a contribué à la récession de 1989. La hausse des taux d’intérêt directeurs a entraîné une forte appréciation du dollar canadien qui a affaibli la compétitivité des entreprises du Québec. Les exportations ont été grandement affectées, surtout dans un contexte de ralentissement de la demande intérieure aux États-Unis. Le Québec, où le secteur manufacturier occupait une part plus importante de l’économie, a subi une légère récession alors que l’ensemble du Canada a tenu le coup. L’épisode de récession de 2001 s’avère bien différent. La bulle technologique qui a éclaté aux États-Unis au tournant du millénaire s’est par la suite propagée au reste de l’économie nord-américaine. Le principal produit exporté par le Québec, qui était alors le matériel de télécommunication, a par conséquent subi un effondrement. Le commerce extérieur a été durement affecté compte tenu de la concentration de cette industrie dans la province. Moins présent dans ce secteur d’activité, le reste du Canada n’a pas subi les contrecoups de ce bouleversement par le biais de ses exportations. Cet élément constitue la principale source de cette brève et faible récession au Québec. Pendant cette période, le reste du Canada n’a connu qu’un ralentissement de l’activité économique sans récession. En 2008-2009, l’économie canadienne a été fortement ébranlée par la crise financière qui a débuté aux États-Unis et par l’effondrement du marché immobilier résidentiel américain. L’Ontario a alors été durement affecté par les difficultés du secteur automobile amplifiées par la récession aux États-Unis. Les secousses ont été moins dommageables au Québec. La province s’est bien distinguée sur la scène internationale (graphiques 6 et 7), notamment en raison de l’accélération des travaux d’infrastructure du gouvernement du Québec. Cela a permis d’amortir le choc et de limiter les soubresauts de l’économie. Le PIB réel a par conséquent www.desjardins.com/economie davantage chuté au Canada, entraînant une hausse plus rapide du taux de chômage (graphique 8). De plus, les prix de l’immobilier résidentiel ont fléchi d’environ 10 % au pays à la fin des années 2000, alors qu’ils sont demeurés pratiquement stables au Québec (graphique 9). Lorsqu’une récession produit un impact modéré sur le PIB réel, comme ce fut le cas au Québec pendant la période 2008-2009, les effets sur divers indicateurs économiques sont habituellement plus limités. Graphique 7 – Le Québec a mieux fait que plusieurs grandes économies industrialisées en 2008-2009 T1 2008 = 100 T1 2008 = 100 PIB réel 112 112 110 110 108 108 Québec 106 106 104 104 France Allemagne 102 100 102 100 Royaume-Uni 98 98 Zone euro 96 96 94 94 92 92 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Sources : Datastream, Statistique Canada, Institut de la statistique du Québec et Desjardins, Études économiques Graphique 8 – Le taux de chômage a augmenté davantage au Canada pendant la récession de 2008-2009 En % En % 10 10 9 9 8 8 7 7 6 6 Québec Canada 5 5 4 4 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Sources : Statistique Canada et Desjardins, Études économiques Graphique 6 – Le Québec a mieux fait que plusieurs grandes économies industrialisées en 2008-2009 Graphique 9 – Les prix de l’immobilier résidentiel ont davantage fluctué au Canada à la fin des années 2000 En milliers de dollars T1 2008 = 100 PIB réel 112 112 430 290 110 410 280 390 270 370 260 350 250 240 108 108 106 106 Québec 104 104 États-Unis 102 102 100 100 330 98 98 310 96 96 290 94 94 270 92 92 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 En milliers de dollars 450 Canada 110 Prix des propriétés existantes T1 2008 = 100 2014 Sources : Datastream, Statistique Canada, Institut de la statistique du Québec et Desjardins, Études économiques 2015 300 230 Canada (gauche) Québec (droite) 220 210 250 200 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Sources : Association canadienne de l’immeuble et Desjardins, Études économiques 3 2014 2015 22 septembre 2015 Point de vue économique Cycle actuel : le Québec sera épargné Étant donné que la structure industrielle du Québec est différente de celle du Canada, la vulnérabilité de chacune des économies à certains chocs n’est pas nécessairement semblable. Cette fois-ci, la faiblesse persistante des cours pétroliers affecte surtout les provinces productrices : l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador. Ces trois économies sont au cœur de la légère récession qu’a connue le Canada au premier semestre de 2015. D’un point de vue sectoriel, les secteurs des ressources naturelles, de la fabrication et de la construction non résidentielle ont enregistré une baisse de la production au pays. Depuis le début de 2015, les ménages et les entreprises pressentaient la détérioration de la conjoncture économique, de sorte que les indices de confiance ont piqué du nez au Canada. Au Québec, la confiance des consommateurs a plutôt remonté pendant cette période alors que celle des entreprises s’est stabilisée (graphiques 10 et 11). Même s’il est peu affecté par les bas prix du pétrole, le Québec connaît néanmoins son lot de difficultés. La consommation manque de vigueur, l’immobilier résidentiel est en période d’ajustement, les investissements des entreprises tardent à se redresser et les exportations ont du mal à stimuler suffisamment l’économie. Après avoir commencé l’année d’une belle façon, avec une hausse trimestrielle annualisée du PIB réel de 1,6 %, un repli de l’activité économique se dessine pour le deuxième trimestre. Le secteur des services publics, qui inclut celui de l’électricité est en voie de connaître un fort recul. L’hiver particulièrement froid avait stimulé cette industrie au premier trimestre et le retour à la normale au printemps entraînera un ressac important. D’autres secteurs contribueront toutefois à l’affaiblissement de l’économie au deuxième trimestre, dont les résultats seront publiés le 25 septembre prochain. Un retour à la croissance de la production québécoise devrait être rapidement effectué en seconde moitié d’année. L’économie américaine, qui reprend du tonus, devrait entraîner des répercussions positives de ce côté-ci de la 4 www.desjardins.com/economie Graphique 10 – La confiance des ménages s’est redressée au Québec et s’est affaiblie au Canada en 2015 Indice 2004 = 100 Indice 2004 = 100 130 130 Canada 120 Québec 120 110 110 100 100 90 90 80 80 70 70 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Sources : Conference Board du Canada et Desjardins, Études économiques Graphique 11 – Le niveau de confiance des PME a chuté au Canada, mais il est demeuré assez stable au Québec en 2015 Indice Indice 75 75 Canada Québec 70 70 65 65 60 60 55 55 50 50 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Sources : Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et Desjardins, Études économiques frontière. Cette fois-ci, la structure industrielle du Québec et de l’Ontario permettra de traverser sans trop d’écueils cette période charnière puisque les difficultés du secteur de l’énergie ont peu de répercussions sur ces deux provinces. Conformément à l’histoire des cycles économiques, le moment et l’ampleur des récessions ne sont pas toujours semblables dans l’ensemble du pays. Les effets de contagion possibles semblent limités au Québec et en Ontario et l’importance du commerce extérieur permettra de sauver la 22 septembre 2015 Point de vue économique www.desjardins.com/economie Tableau 1 – Périodes de récession* aux États-Unis, au Canada et au Québec Tableau 2 – Périodes de récession* aux États-Unis, au Canada et au Québec Récessions Récessions États-Unis Canada Québec 1974-1975 nd 1979 au Québec 1980 ailleurs nd 1981-1982 nd 1989 1990-1992 2001 2008-2009 États-Unis Canada Québec 1929-1933 1937-1938 1947-1948 1949 1953 1957-1958 mise. L’avenir confirmera probablement que l’année 2015 s’est caractérisée par un ralentissement de la croissance, ponctué d’un seul trimestre de recul du PIB réel, pour ces deux provinces. Il s’agira de la première fois depuis les années 1970 que le Canada fera cavalier seul avec une période de contraction de son économie juste assez longue pour la qualifier de récession technique. Cette fois-ci, les États-Unis et le Québec seront vraisemblablement épargnés (tableaux 1 et 2). Le cycle économique se poursuivra par la suite, mais la vitesse de croisière de l’économie québécoise Prévisions 2015 nd : non disponible * Datation des récessions du Québec à partir de 1949 et dates du Canada pour les récessions précédentes. Sources : C.D. Howe Institute, Département d’économique, Université de Sherbrooke, National Bureau of Economic Research et Desjardins, Études économiques * Datation des récessions du Québec. Sources : C.D. Howe Institute, Département d’économique, Université de Sherbrooke, National Bureau of Economic Research et Desjardins, Études économiques sera plus modérée comparativement aux décennies passées en raison des facteurs démographiques défavorables. Dans un contexte de croissance économique plus limitée qu’auparavant, la saine gestion des finances publiques prendra encore plus d’importance. Hélène Bégin Économiste principale 5