® LE CHRISTIANISME CATHOLIQUE LA SÈRIE LUKE E. HART Comment les catholiques vivent Section 7: Le Cinquième Commandment: La Morale Entourant la Vie et la Mort Les Chevaliers de Colomb présentent La série Luke E. Hart Éléments de base de la Foi Catholique LE CINQUIÈME COMMANDEMENT : LA MORALE ENTOURANT LA VIE ET LA MORT PA R T I E T R O I S • S E C T I O N S E P T D E L A C H R É T I E N T É C AT H O L I Q U E Quelles sont les croyances d’un Catholique? Comment un Catholique prie-t-il? Comment un Catholique vit-il? Selon le Catéchisme de l’Église Catholique par Peter Kreeft Collection dirigée par la père Juan-Diego Brunetta, O.P. Directeur du Service d’information catholique Conseil Suprême des Chevaliers de Colomb Nihil obstat: La père Alfred McBride, O.Praem. Imprimatur: Le Cardinal Bernard Law 19 décembre 2000 Le Nihil Obstat et l’Imprimatur sont des déclarations officielles qu’un livre ou un dépliant est libre d’erreurs doctrinales ou morales. Ces déclarations ne sous-entendent pas que les personnes qui ont accordé le Nihil Obstat et l’Imprimatur sont en accord avec le contenu, les opinions ou les déclarations exprimés. Copyright © 2009 par le Conseil Suprême des Chevaliers de Colomb. Tous droits réservés. Extraits du Catéchisme de l’Église Catholique, édition définitive, © Texte typique latin, Libreria Editrice Vaticana, Citta del Vaticano, 1997. Pour utilisation au Canada, copyright © Concacan Inc., 1998. Tous droits réservés. Reproduit avec la permission de la Conférence des évêques catholiques du Canada. Pour obtenir le texte complet, visitez : www.editionscecc.ca Les citations de l’Écriture sainte sont extraites de la version La Bible, traduction officielle de la liturgie, tel que présentée sur le site Internet Bible de la Liturgie, Copyright AELF - Paris 1980 - Tous droits réservés. Les extraits en langue latine et en langue anglaise du Droit Canon sont utilisés ici avec l'accord de l'éditeur © 1983 Société de droit canon d’Amérique, Washington D.C. Des citations tirées de documents officiels de l’Église, de Neuner, Josef, SJ et Dupuis, Jacques, SJ., éditeurs : The Christian Faith : Doctrinal Documents of the Catholic Church, 5e édition (New York : Alba House, 1993) Utilisation autorisée. Avec l’autorisation de l’éditeur, tous droits réservés, nous avons utilisé des extraits du Vatican Council II : The Conciliar and Post-Conciliar Document Revised Edition, édité par Austin Flannery OP, copyright © 1992, Costello Publishing Company, Inc., Northport, NY. 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Le Service d’information catholique recommande de lire chaque mois au moins un livret de la série Hart afin d’obtenir une compréhension plus profonde, plus mature de la Foi. -iii- T R O I S I È M E PA R T I E : C O M M E N T L E S C AT H O L I Q U E S V I V E N T ( M O R A L I T É ) S ECTION 7: I SSUES MORALES DE LA VIE ET DE LA MORT 1. L’éthique de la « qualité de vie » Pendant tout le 20e siècle, la civilisation occidentale a été témoin d’une lutte titanesque entre deux philosophies de la vie humaine radicalement opposées : l’éthique traditionnelle du caractère sacré de la vie et la nouvelle éthique de la qualité de vie. La nouvelle morale juge les vies humaines selon la norme de la qualité et déclare, suivant cette norme, que certaines vies ne valent pas la peine d’être vécues et que leur « suppression » délibérée est moralement légitime. « Suppression » est l’euphémisme couramment utilisé pour désigner un meurtre. Cette pratique a été décrite comme « l’élimination des vies sans valeur » dans le premier livre qui ait fait accepter cette nouvelle éthique par le public, livre écrit par des médecins allemands avant la Deuxième Guerre mondiale et qui a été l’origine et le fondement des pratiques médicales nazies. Les critères selon lesquels la vie humaine est le plus souvent jugée aujourd’hui, suivant cette éthique de la qualité de vie, sont les suivants : 1) Cette vie est-elle voulue par quelqu’un? Aujourd’hui, ce critère est habituellement appliqué aux enfants à naître pour justifier l’avortement : si le bébé n’est pas voulu par la mère, ou s’il est prévu qu’il ne sera pas voulu par la société, -5- on croit alors qu’il est moralement juste de supprimer cette vie, c’est-à-dire de la tuer. À d’autres endroits et à d’autres époques, le droit à la vie a été refusé à d’autres groupes « indésirables » comme les Juifs (l’Holocauste), les Noirs (le lynchage) et ceux qui ont les mauvaises convictions politiques ou religieuses (dans les États totalitaires). 2) Cette vie éprouve-t-elle « trop » de douleur? Aujourd’hui, ce critère est habituellement invoqué pour justifier le meurtre des personnes âgées, mais les pressions se font de plus en plus fortes pour justifier et légaliser le suicide médicalement assisté à tout âge. 3) La personne est-elle « gravement handicapée », physiquement ou mentalement? Bien sûr, la ligne de démarcation n’est pas claire entre des handicaps plus ou moins graves ni entre « beaucoup » de douleur et « trop » de douleur; il n’y a pas de critère objectif. Alors, la justification du meurtre devient une question de sentiments et de désirs subjectifs. 2. L’éthique du « caractère sacré de la vie » La philosophie opposée de la vie est l’éthique traditionnelle du caractère sacré de la vie, qui est enseignée par toutes les grandes religions du monde, constitue le fondement de la civilisation occidentale de par ses racines judéo-chrétiennes, est admise au départ par nos lois et est à l’origine de tout l’enseignement catholique sur le cinquième commandement. La vie humaine est sacrée pour trois raisons : son origine, sa nature et sa fin. « “La vie humaine est sacrée parce que, [1] dès son origine, elle comporte l’action créatrice de Dieu [2] et demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, [3] son unique fin.” » (CÉC 2258)* *CÉC = Catéchisme de l’Église Catholique -6- « “Dieu seul est le maître de la vie de son commencement à son terme : personne en aucune circonstance ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être humain innocent1.” » (CÉC 2258) Si cela n’est pas vrai, la vie n’est pas sacrée et Dieu n’est pas Dieu. Si cela est vrai, l’éthique de la qualité de vie est une forme d’idolâtrie aussi grave que l’adoration d’idoles de pierre, de faux dieux païens ou de mauvais esprits, qui se manifestait également, pendant l’Antiquité, par la pratique des sacrifices humains, en particulier des sacrifices d’enfants. 3. Le sens du sacré Au cours de l’histoire, les hommes n’ont pas tous connu la vraie raison du caractère sacré de la vie humaine : que tous les hommes sont créés par un seul Dieu. Mais la plupart des hommes et des sociétés ont perçu instinctivement cette conclusion morale, même sans ce présupposé théologique, et ont eu un fort sentiment du caractère sacré de la vie humaine. Ils l’ont souvent violé (l’histoire est remplie de meurtres et d’effusions de sang), mais des sentiments de honte et de culpabilité étaient indissociables du meurtre, surtout celui des innocents. Les sentiments instinctifs que sont le sens du sacré, la honte et la culpabilité semblent être en crise aujourd’hui. La perte du sens du caractère sacré de la vie humaine semble étroitement lié à la perte du caractère sacré de trois autres réalités qui s’y rattachent de près : la maternité, la sexualité et Dieu. La maternité : un million et demi de mères par année, rien qu’aux États-Unis, avortent leurs filles ou leurs fils à naître. La sexualité : la « révolution sexuelle » a été un changement radical non seulement du comportement, mais aussi de la vision et de la philosophie. Dieu : « la crainte du Seigneur », que l’Écriture appelle « le commencement de la sagesse », est généralement considérée « primitive » et même néfaste, y compris par beaucoup d’éducateurs religieux. 4. Le principe fondamental de l’éthique catholique de la vie humaine Les personnes ne sont pas des objets faits pour être manipulés, contrôlés et remodelés, qu’on peut juger selon une autre norme -7- supérieure à celle des personnes. Il n’y a pas de norme supérieure : Dieu Lui-même est personnel (« JE SUIS »). Les personnes sont des sujets, des je. Ils sont les sujets de droits. On ne doit pas les juger plus valables ou moins valables selon quelque échelle abstraite et impersonnelle de santé, d’intelligence, de puissance physique ou de durée de vie. Chaque vie, chaque personne, chaque être humain est unique, et chacune est également et infiniment précieuse. Telle est la racine de la morale catholique sur toutes les questions qui concernent la vie humaine. 5. Le Christ et le cinquième commandement Au lieu de rétrécir le cinquième commandement, comme le fait l’éthique moderne de la qualité de vie, le Christ l’a renforcé. « Dans le sermon sur la Montagne, le Seigneur rappelle le précepte : “Tu ne tueras pas” (Matthieu 5, 21), il y ajoute la proscription de la colère, de la haine et de la vengeance. Davantage encore, le Christ demande à son disciple de tendre l’autre joue1, d’aimer ses ennemis2. Lui-même ne s’est pas défendu et a dit à Pierre de laisser l’épée au fourreau3. » (CÉC 2262) 6. La légitime défense Cela ne veut pas dire que le Christ a prescrit le pacifisme. « La défense légitime [armée] des personnes [y compris soi-même] et des sociétés n’est pas une exception à l’interdit du meurtre de l’innocent que constitue l’homicide volontaire. [En effet,] “[l]’action de se défendre peut entraîner un double effet : l’un est la conservation de sa propre vie, l’autre est la mort de l’agresseur4. (…) L’un seulement est voulu; l’autre ne l’est pas5.” » (CÉC 2263) L’autodéfense est légitime pour la même raison que le suicide ne l’est pas : parce que notre propre vie est un don de Dieu, un trésor que nous avons la responsabilité de préserver et de défendre. En fait, il est naturel et juste de se sentir « “davantage tenu de veiller à sa propre vie qu’à celle d’autrui ”5» (CÉC 2264), tout comme on est tenu de défendre sa propre famille plus que les autres. En outre, « [l]a légitime défense [par la force] peut être non seulement un droit [moralement permis], mais un devoir grave -8- [moralement obligatoire] pour qui est responsable de la vie d’autrui. » (CÉC 2265) Les « conseils évangéliques » du Christ m’invitent (mais ne m’obligent pas) à « tendre l’autre joue », même jusqu’au martyre, quand ma propre vie est menacée; un tel pacifisme personnel est honorable. Mais il n’est pas honorable d’omettre de protéger ceux dont je suis responsable, et surtout ma famille, des agresseurs qui menacent leur vie; cela n’est pas honorable non plus de la part de l’État; parfois, le seul moyen de le faire est par la force, ou du moins par la menace d’y recourir. 7. Peine capitale « La défense du bien commun exige que l’on mette l’injuste agresseur hors d’état de nuire. A ce titre, les détenteurs légitimes de l’autorité ont le droit de recourir même aux armes pour repousser les agresseurs de la communauté civile confiée à leur responsabilité. » (CÉC 2265) La justification morale de la peine capitale découle du même principe que celle de la légitime défense. Si l’exécution du meurtrier après son arrestation est nécessaire pour prévenir d’autres meurtres, la peine capitale est justifiée, pour la même raison qu’il est juste de désarmer un meurtrier en lui donnant la mort avant son arrestation tandis qu’il est en voie de commettre un meurtre. Le même principe de légitime défense contre l’agression s’applique à un groupe (une société) menacé par un agresseur, que celui-ci soit un individu ou une nation. Pour des raisons analogues, ceux qui détiennent l’autorité ont le droit de repousser par une force armée les agresseurs de la collectivité dont ils ont la charge. La justification morale de la peine capitale découle des mêmes principes que celle de la légitime défense. Mais la nuance importante est « si nécessaire ». Dans la plupart des sociétés modernes, une guerre défensive est encore nécessaire pour repousser les agresseurs étrangers, mais la peine capitale ne l’est pas; l’incarcération à vie dans des prisons sécuritaires sans libération conditionnelle suffit pour protéger la société. « Mais si des moyens non sanglants suffisent à défendre et à protéger la sécurité des personnes contre l’agresseur, l’autorité s’en tiendra à ces moyens, parce que ceux-ci correspondent mieux aux conditions -9- concrètes du bien commun et sont plus conformes à la dignité de la personne humaine. » (CÉC 2267) La prudence de l’Église estime donc que la peine capitale, bien qu’elle demeure un droit public si nécessaire, n’est pas juste dans les conditions actuelles. Ces conditions comprennent aussi une justice inégale pour les riches et pour les pauvres. Il est manifestement injuste de tuer un homme et d’en épargner un autre parce qu’un seul peut se payer un bon avocat ou en raison de toute forme de préjugé racial. 8. Justification morale de la punition Le concept de justice est essentiel à la morale, et les concepts de récompense et de punition sont essentiels à la justice; donc, la punition est essentielle à la morale. Mais quelle en est la justification? Quel est l’objectif de la peine? Le Catéchisme mentionne quatre objectifs : l’ordre, l’expiation, la dissuasion et la réadaptation. 1) « La peine a pour premier but de réparer le désordre introduit par la faute. » (CÉC 2266) Le premier objectif de la peine est la justice, la rétribution. « La peine doit être adaptée au crime. » Tout le monde perçoit instinctivement qu’il est juste d’exiger « œil pour œil, dent pour dent ». La charité ne contredit pas cette justice; elle la présuppose en la dépassant. Le Christ demande aux individus de dépasser la justice pour pratiquer la charité et le pardon, mais la société doit maintenir la primauté du droit et de la justice pour protéger l’ordre. Le Christ n’a pas conseillé aux dirigeants de pardonner les crimes et d’annuler les peines. Le Catéchisme mentionne trois autres bonnes raisons d’infliger des peines (CÉC 2266). 2) « Quand cette peine est volontairement acceptée par le coupable, elle a valeur d’expiation », c’est-à-dire de réparation ou de pénitence; on « compense » ainsi le mal, on paie sa dette. C’est ce que le Christ a fait pour nos péchés -10- sur la croix. Nous le faisons aussi, modestement, en faisant pénitence dans le sacrement de la Réconciliation. 3) La peine a également pour but de « protéger l’ordre public et la sécurité des personnes »; elle a un rôle de dissuasion. La dissuasion ne peut pas être la seule justification de la peine, car elle justifierait aussi des peines extrêmes et injustes. À coup sûr, la menace de la peine capitale dissuaderait les gens de conduire en état d’ivresse plus efficacement que la simple révocation de leur permis de conduire; mais cela ne serait pas juste. 4) « La peine, en plus […], a un but médicinal : elle doit, dans la mesure du possible, contribuer à l’amendement du coupable. » On parle alors de réadaptation (CÉC 2266). 9. Péchés contre le cinquième commandement Ces péchés sont notamment les suivants : 1) « [L]’infanticide [meurtre d’un bébé]3, le fratricide [meurtre de son frère ou de sa sœur], le parricide [meurtre de son père ou de sa mère] et le meurtre du conjoint sont des crimes spécialement graves en raison des liens naturels qu’ils brisent. » (CÉC 2268) 2) « Le cinquième commandement interdit de faire quoi que ce soit dans l’intention de provoquer indirectement la mort d’une personne. » (CÉC 2269) 3) « La loi morale défend d’exposer sans raison grave quelqu’un à un danger mortel » 4) « ainsi que de refuser l’assistance à une personne en danger » (CÉC 2269). De plus, 5) l’avortement, 6) l’euthanasie et 7) le suicide exigent un traitement spécial aujourd’hui, puisque le consensus traditionnel qui les réprouvait s’effrite rapidement dans les sociétés occidentales soi-disant civilisées et avancées. -11- 10. L’avortement et le droit à la vie Commençons par le principe de base : « La vie humaine doit être respectée et protégée de manière absolue depuis le moment de la conception [son commencement]. Dès le premier moment de son existence, l’être humain doit se voir reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels le droit inviolable de tout être innocent à la vie1. » (CÉC 2270) La Déclaration d’indépendance des États-Unis professe la même philosophie : « Nous tenons pour évidentes en elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. » Nous ne pouvons pas rechercher notre objectif de bonheur sans la liberté. (C’est pourquoi l’esclavage est un grand mal.) Mais nous ne pouvons pas avoir la liberté ni rechercher le bonheur sans avoir la vie. (C’est pourquoi le meurtre est un grand mal.) L’État ne nous a pas créés, ne nous a pas conçus, ne nous a pas donné la vie. Il ne nous a pas donné non plus le droit à la vie. Donc, l’État ne peut pas abolir ce droit. Toutes les personnes, et pas seulement certaines, ont le droit naturel de vivre, du simple fait de leur nature, en raison de ce qu’elles sont : des personnes. C’est seulement si quelqu’un abandonne son droit à la vie en menaçant la vie d’autrui qu’il est juste de lui enlever la vie pour protéger l’innocent. Telle est la morale de la civilisation occidentale, des époques classiques grecque et romaine à leur meilleur, du judaïsme religieux, de l’islam et du christianisme, du protestantisme biblique et de l’orthodoxie orientale aussi bien que du catholicisme : c’est l’éthique du caractère sacré de la vie. Selon l’autre philosophie, l’éthique de la qualité de vie, seulement certains êtres humains, et non pas tous, ont un droit inaliénable à la vie, et certains êtres humains peuvent en décider pour les autres et les exclure de la communauté humaine et de ceux qui ont le droit à la vie. C’est le même principe qui s’applique, peu importe si ces exclus sont les enfants à naître non voulus, les -12- vieillards, les malades, les mourants, ceux qui éprouvent des douleurs, les membres d’une certaine race « inférieure » ou rejetée, ceux qui ont les mauvaises opinions politiques ou ceux qui sont déclarés « gravement handicapés » parce qu’ils n’atteignent pas une certaine norme d’intelligence ou de rendement telle qu’une « interaction sociale importante », et la norme est toujours établie par les meurtriers. Ainsi, l’éthique de la qualité de vie rejette l’égalité humaine la plus élémentaire et le plus fondamental de tous les droits de la personne. Il ne peut pas y avoir de guerre plus radicale entre deux philosophies morales que celle qui sévit entre la philosophie de la culture que le pape Jean-Paul II a appelée la « culture de mort » et la philosophie de l’Église du Dieu de vie. 11. Accord unanime de la tradition catholique sur l’avortement « Depuis le 1er siècle, l’Église a affirmé la malice morale de tout avortement provoqué [ce qui diffère de la fausse couche, ou avortement spontané]. Cet enseignement n’a pas changé. Il demeure invariable. » (CÉC 2271) Le plus ancien document chrétien que nous possédons après le Nouveau Testament, l’Épître à Diognète, écrite au 1er siècle, mentionne l’avortement parmi les actes que les chrétiens n’accomplissent jamais, en tant que caractéristique distinctive visible de leur foi. Le plus récent concile œcuménique, Vatican II, a réaffirmé cet enseignement sans faire aucun compromis : « “l’avortement et l’infanticide sont des crimes abominables3.” » (CÉC 2271) La présence de dissidents ou d’hérétiques qui rejettent certains enseignements catholiques essentiels (« catholique » veut dire « universel ») ne rend pas cet enseignement incertain, facultatif ou non universel. La doctrine de l’Église n’est pas venue d’une opinion humaine et ne peut donc pas être changée par une opinion humaine. 12. La position de l’Église sur l’avortement La tradition de l’Église distingue la collaboration matérielle et formelle à un mal. La collaboration formelle désigne l’exécution directe -13- et délibérée du mal, quand, par exemple, une mère choisit librement de payer un médecin pour avorter son bébé, un médecin pratique l’avortement ou une infirmière aide directement le médecin à le pratiquer. La collaboration matérielle désigne une aide indirecte ou non délibérée, par exemple quand on fait un paiement à un hôpital qui pratique des avortements. La collaboration matérielle est un domaine d’incertitude. Même le paiement des impôts peut être une collaboration matérielle à l’avortement lorsque le gouvernement utilise les recettes des impôts pour financer une assurance-maladie qui couvre les avortements. Il n’est pas possible d’éviter toute collaboration matérielle avec le mal, mais il est possible, et nécessaire, d’éviter toute collaboration formelle avec le mal, quelle que soit la raison. Aucune bonne raison ne peut justifier un acte intrinsèquement mauvais. « La coopération formelle à un avortement constitue une faute grave. L’Église sanctionne d’une peine canonique [le droit canonique est la loi officielle de l’Église] d’excommunication ce délit contre la vie humaine. “Qui procure un avortement, si l’effet s’ensuit, encourt l’excommunication latae sententiae4”, “par le fait même de la commission du délit5” » (CÉC 2272). Cela ne veut pas dire que tous ceux qui commettent ce péché sont damnés; l’excommunication n’est pas la damnation automatique. Mais cela veut dire que la personne a brisé sa communion avec le Corps du Christ. En effet, le Christ ne peut commettre un tel crime, et un catholique est membre de son Corps lui-même, il est ses mains et ses doigts. Les mains qui avortent les enfants du Christ ne sont pas celles du Christ. « L’Église n’entend pas ainsi restreindre le champ de la miséricorde. » (CÉC 2272) Le pardon peut toujours être obtenu pour tout péché, si on s’en repent sincèrement, et les ministres de la réconciliation, notamment le Project Rachel, traitent avec compassion les femmes qui ont eu des avortements. Mère Teresa a dit : « Tout avortement fait deux victimes : le corps du bébé et l’âme de la mère. » [traduction] Le premier est irrécupérable, mais pas la deuxième, et l’Église fait tout son possible -14- pour réparer et restaurer les âmes et les vies déchirées par le péché, ce qui est le cas de chacun de nous d’une manière ou d’une autre. L’Église ne juge pas l’âme individuelle, et nul d’entre nous ne devrait le faire non plus. L’Église, comme son Maître, dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre. » Ce n’est pas son affaire de jeter la pierre, mais c’est son affaire de qualifier de façon exacte les actes humains, comme c’était l’affaire de son Maître, qui n’a pas dit seulement : « Moi non plus, je ne te condamne pas », mais aussi : « Va, et désormais ne pèche plus » (Jean 8, 11). 13. Les principaux arguments pour ou contre l’avortement L’argumentation en faveur de l’interdiction de l’avortement compte trois étapes ou prémisses. La première est que l’un des objectifs les plus fondamentaux de la loi est de protéger les droits de la personne, et spécialement le premier et le plus essentiel, le droit à la vie. La deuxième est que tous les êtres humains ont droit à la vie. La troisième est que les enfants déjà conçus par des êtres humains mais pas encore nés sont des êtres humains. Il s’ensuit nécessairement de ces trois prémisses que la loi doit protéger le droit à la vie des enfants à naître. Il n’existe que trois raisons possibles d’être en désaccord avec cette conclusion et d’être « pro-choix » au lieu de « pro-vie » : on peut nier la première, la deuxième ou la troisième prémisse. Si les trois sont admises, la conclusion « pro-vie » s’ensuit nécessairement. Il y a donc trois genres différents de personnes pro-choix. Celles du premier genre admettent que tous ont droit à la vie et que les enfants à naître sont des personnes, mais qui nient que ce droit devrait être protégé par la loi (première prémisse); c’est une grave erreur juridique. « Le droit inaliénable à la vie de tout individu humain innocent constitue un élément constitutif de la société civile et de sa législation : “Les droits inaliénables de la personne devront être reconnus et respectés par la société civile et l’autorité politique. Les -15- droits de l’homme ne dépendent ni des individus, ni des parents, et ne représentent pas même une concession de la société et de l’État; ils appartiennent à la nature humaine et sont inhérents à la personne en raison de l’acte créateur dont elle tire son origine. […]1” “Dès le moment où une loi positive [humaine] prive une catégorie d’êtres humains de la protection que la législation civile doit leur accorder, l’État en vient à nier l’égalité de tous devant la loi. Quand l’État ne met pas sa force au service des droits de tous les citoyens, et en particulier des plus faibles, les fondements mêmes d’un état de droit se trouvent menacés2” » (CÉC 2273). Les gens de la deuxième catégorie admettent que la loi devrait protéger le droit à la vie et que les enfants à naître sont des êtres humains, mais ils nient que tous les humains ont droit à la vie (deuxième prémisse); c’est une très grave erreur morale. C’est essentiellement la philosophie du pouvoir : « la force prime le droit ». Ceux qui ont le pouvoir (médecins, mères, législateurs, adultes) décrètent qu’ils ont le droit de tuer ceux qui n’ont pas le pouvoir de se défendre : les plus petits, les plus vulnérables et les plus innocents de tous les humains. Aucune bonne raison ne peut justifier un tel décret; une fin bonne ne justifie pas un moyen intrinsèquement mauvais. Si les bébés avaient un pouvoir égal à celui des avorteurs et pouvaient se défendre avec des scalpels, les avortements seraient rares. En troisième lieu, il y a ceux qui admettent que la loi devrait protéger le droit à la vie et que tous les humains ont ce droit, mais qui nient que les enfants à naître sont humains (troisième prémisse); c’est une grave erreur factuelle et scientifique. Avant que le jugement Roe c. Wade légalise l’avortement, tous les manuels scientifiques enseignaient le principe biologique que la vie de tout individu de toute espèce commence à la conception, lorsque le spermatozoïde et l’ovule s’unissent pour créer un nouvel être doté de son propre code génétique complet et unique, distinct de ceux du père et de la mère. À partir de là, toute croissance et tout développement sont une question de degré, un déploiement graduel de ce qui est déjà présent. Il n’existe aucun moment spécifique ou -16- distinct de notre développement où nous devenons humains. (Qu’aurions-nous été avant? Des oiseaux?) C’est seulement une fois que l’avortement a été légalisé que les manuels scientifiques ont changé de langage et ont cessé d’enseigner ce principe, pas à cause de nouvelles données scientifiques mais à cause d’une nouvelle politique. L’avortement n’est pas « une question complexe ». Peu de questions morales pourraient être plus claires. Comme l’a dit Mère Teresa : « Si l’avortement n’est pas un mal, alors rien n’est un mal. » 14. Autres péchés contre la vie humaine 1) « “Il est immoral de produire des embryons humains destinés à être exploités comme un matériau biologique disponible5.” » (CÉC 2275) Cela revient à cultiver, à tuer et à vendre de petits êtres humains pour utiliser des parties de leur corps! 2) Les « bébés-éprouvette », conçus sans union sexuelle, sont antinaturels pour la même raison que la contraception artificielle : les deux dissocient délibérément ce que Dieu et la nature ont uni, soit l’union sexuelle et la reproduction. Les bébés-éprouvette séparent les bébés de la sexualité; la contraception sépare la sexualité des bébés. 3) Les « mères porteuses » créent des situations où un enfant peut avoir trois, quatre ou cinq parents. Cela est antinaturel en soi et profondément troublant pour l’enfant. 4) « “Certaines tentatives d’intervention sur le patrimoine chromosomique ou génétique ne sont pas thérapeutiques [conçues pour guérir les maladies génétiques et rétablir la santé naturelle], mais tendent à la production d’êtres humains sélectionnés selon le sexe ou d’autres qualités préétablies. Ces manipulations sont contraires à la dignité personnelle de l’être humain, à son intégrité et à son identité” unique, non réitérable6. » (CÉC 2275) Les « gènes sur mesure », ou la demande de bébés génétiquement -17- parfaits conçus à l’avance, sont une façon de prétendre être Dieu ainsi qu’une injure et une injustice envers les bébés humains qui sont rejetés parce que leur sexe, leur couleur, leur QI, etc., sont « mauvais ». Tout parent aimant d’un enfant « handicapé » sait qu’il n’y a pas de « mauvais » bébés, mais seulement de mauvaises attitudes envers eux. Aucun enfant n’est une « erreur »; les erreurs sont commises par ceux qui les rejettent et refusent les défis et les possibilités de les aimer comme Dieu les aime. 15. Euthanasie « Quels qu’en soient les motifs [commodité égoïste ou miséricorde désintéressée] et les moyens [brutaux ou délicats], l’euthanasie directe […] est moralement irrecevable. » (CÉC 2277) En effet, le « meurtre par compassion » est un meurtre, et le commandement de Dieu prescrit : « Tu ne commettras pas de meurtre. » « La fin ne justifie pas les moyens »; un bon motif (la compassion) ne justifie pas un acte intrinsèquement mauvais (le meurtre). « Ainsi une action ou une omission qui, de soi ou dans l’intention, donne la mort afin de supprimer la douleur, constitue un meurtre gravement contraire à la dignité de la personne humaine » (CÉC 2277). C’est ainsi que nous traitons un cheval : nous « mettons fin à ses misères » en lui tirant une balle dans la tête, parce que nous jugeons sa vie selon une échelle purement physique et biologique; ce n’est qu’un animal. L’homme n’est pas seulement un animal. « Même si la mort est considérée comme imminente, les soins ordinairement dus à une personne malade ne peuvent être légitimement interrompus. » (CÉC 2279) Les soins ordinaires ou les moyens ordinaires comprennent notamment la nourriture, l’eau et les analgésiques, mais non des interventions médicales envahissantes et agressives telles que les respirateurs ou les sondes d’alimentation, qui sont des moyens extraordinaires optionnels et discrétionnaires. -18- Le principe de base est simple : « Tu ne commettras pas de meurtre. » Envers personne. Même la peine capitale, la guerre défensive ou l’autodéfense armée ne sont justifiées que lorsqu’elles sont des actes de protection de vies humaines innocentes menacées. La protection de vies innocentes, par la force si nécessaire, est juste pour la même raison que le meurtre est un mal : parce que la vie humaine est sacrée. Toutefois, laisser mourir n’est pas la même chose que commettre un meurtre et peut être moralement juste dans certaines circonstances. Si la mort est inévitable et imminente, il n’est pas moralement obligatoire de faire quelque chose qui rendrait la mort plus longue et plus douloureuse. On donne parfois à un tel acte l’appellation trompeuse d’« euthanasie passive » par opposition à l’euthanasie active. « La cessation de procédures médicales [comme la chimiothérapie ou la radiothérapie] onéreuses, périlleuses, extraordinaires ou disproportionnées avec les résultats attendus, peut être légitime. C’est le refus de “l’acharnement thérapeutique”. On ne veut pas ainsi donner la mort; on accepte de ne pas pouvoir l’empêcher. » (CÉC 2278) De plus, « [l]’usage des analgésiques [comme la morphine] pour alléger les souffrances du moribond, même au risque d’abréger ses jours, peut être moralement conforme à la dignité humaine si la mort n’est pas voulue, […] mais seulement prévue et tolérée comme inévitable. Les soins palliatifs […] doivent être encouragés. » (CÉC 2279) Dans presque tous les cas, de nos jours, on peut mourir sans souffrir des douleurs intolérables, même s’il arrive souvent que les médecins n’aient pas une formation satisfaisante en soins palliatifs. Toutefois, d’excellentes organisations de soins possèdent cette formation. 16. Suicide Le suicide assisté par un médecin est l’une des principales « causes » défendues par les tenants de l’éthique de qualité de vie. Bien que ceux-ci soient généralement sécularistes, ce pour quoi ils luttent est en réalité une philosophie religieuse nettement définie, une réponse à une question religieuse qui est clairement exprimée -19- dans le titre du film en faveur du suicide : C’est ma vie, après tout! Voilà effectivement la question. Si je suis l’auteur, le propriétaire et le maître de ma vie, si je suis mon propre Dieu et mon propre créateur, alors j’ai le droit et l’autorité (le « droit d’auteur ») d’en faire ce qui me plaît. Et si je suis le créateur de mes enfants plutôt que leur procréateur, je peux prétendre avoir également une telle autorité sur leur vie pour justifier l’avortement. La question se réduit donc à ceci : y a-t-il un Dieu au-dessus de moi, ou puis-je prendre le rôle de Dieu? Ainsi, la question fondamentale concernant la moralité de la vie humaine est une question de fait, de vérité. Ce qui devrait être dépend de ce qui est. Si en fait je suis une créature de Dieu, alors la réplique à la protestation : C’est ma vie, après tout! est que c’est la vie de Dieu. Ma vie est un don qui vient de Lui. Le suicide est un péché, non seulement contre Dieu, mais aussi contre soi. « Il est gravement contraire au juste amour de soi. » (CÉC 2281) Il nous est prescrit d’« aime[r] ton prochain comme toimême », et donc aussi de t’aimer toi-même comme ton prochain. Se tuer soi-même est un meurtre, aussi bien que tuer quelqu’un d’autre. « Il offense également l’amour du prochain, parce qu’il brise injustement les liens de solidarité avec les sociétés familiales […] et humaines à l’égard desquels nous demeurons obligés. » (CÉC 2281) Le suicide n’est pas un crime sans victime; il blesse horriblement les âmes de tous ceux qui aiment son auteur. Toutefois, « [o]n ne doit pas désespérer du salut éternel des personnes qui se sont donné la mort. Dieu peut leur ménager, par les voies que Lui seul connaît, l’occasion d’une salutaire repentance » (CÉC 2283), peut-être à l’instant même de sa mort. 17. Le scandale « Scandale » est un terme technique en morale, qui désigne « l’attitude ou le comportement qui portent autrui à faire le mal » (CÉC 2284). Il ne vise pas les reportages des journaux à potins sur les péchés des célébrités. Il ne veut certainement pas dire « être -20- impopulaire ou controversé » ou « choquer certaines gens »; si c’était le cas, le Christ en aurait été coupable! « Le scandale revêt une gravité particulière en vertu de l’autorité de ceux qui le causent [par exemple, les parents, les enseignants ou les prêtres] ou de la faiblesse de ceux qui le subissent [par exemple, les enfants]. Il a inspiré à notre Seigneur cette malédiction : “Qui scandalise un de ces petits, il vaudrait mieux pour lui qu’on l’ait précipité dans la mer avec une pierre au cou” (Matthieu 18, 6) 1. » (CÉC 2285) Affaiblir la foi, l’espérance ou la charité d’autrui est un mal très grave. Les enseignants ont donc une très grande responsabilité, et particulièrement ceux qui enseignent la religion aux jeunes (voir Jacques 3, 1). 18. La santé « La vie et la santé physique sont des biens précieux confiés par Dieu. Nous avons à en prendre soin raisonnablement » (CÉC 2288). « La vertu de tempérance [voir la partie II, section 4, paragraphe 8] dispose à éviter toutes les sortes d’excès, l’abus de la table, de l’alcool, du tabac et des médicaments. » (CÉC 2290) En particulier, « [l’]usage de la drogue inflige de très graves destructions à la santé et à la vie humaine » (CÉC 2291). « Le soin de la santé des citoyens requiert l’aide de la société pour obtenir les conditions d’existence qui permettent de grandir et d’atteindre la maturité : nourriture et vêtement, habitat, soins de santé, enseignement de base, emploi, assistance sociale. » (CÉC 2288) 19. Le respect des morts 1) « L’attention et le soin seront accordés aux mourants pour les aider à vivre leurs derniers moments dans la dignité et la paix. » 2) « Ils seront aidés par la prière de leurs proches. » 3) « Ceux-ci veilleront à ce que les malades reçoivent en temps opportun les sacrements qui préparent à la rencontre du Dieu vivant. » (CÉC 2299) -21- 4) « Les corps des défunts doivent être traités avec respect » (CÉC 2300). 5) « L’ensevelissement des morts est une œuvre de miséricorde corporelle2 » (CÉC 2300). 20. La guerre et la paix L’Église est à la fois idéaliste et réaliste au sujet de la guerre. D’une part, « l’Église presse instamment chacun de prier et d’agir pour […] nous libérer de l’antique servitude de la guerre1 » (CÉC 2307). D’autre part, « “[d]ans la mesure où les hommes sont pécheurs, le danger de guerre menace, et il en sera ainsi jusqu’au retour du Christ. »1 (CÉC 2317) En conséquence, « [a]ussi longtemps […] “que le risque de guerre subsistera, qu’il n’y aura pas d’autorité internationale compétente et disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux gouvernements, une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifique, le droit de légitime défense2”. » (CÉC 2308) Les mêmes normes morales s’appliquent à la légitime défense collective des nations et à la légitime défense des individus (voir le paragraphe 6 ci-dessus). 21. La doctrine de la « guerre juste » Aucune guerre n’est juste en soi. La guerre est une invention pécheresse et barbare. Elle est un meurtre à grande échelle. Mais il peut être juste d’entrer en guerre si la légitime défense est nécessaire. L’objectif d’une guerre juste (c’est-à-dire une « entrée en guerre » juste) est la paix : ce n’est pas de supprimer des vies mais de sauver des vies, celles des victimes innocentes d’une agression. Les éléments traditionnels énumérés ci-après dans la doctrine dite de la « guerre juste » sont les « strictes conditions d’une légitime défense par la force militaire » (CÉC 2309) : 1) La défense : comme il est sous-entendu ci-dessus, une guerre juste ne peut pas être offensive mais seulement -22- 2) 3) 4) 5) 6) 7) défensive, en réponse à une agression. Le Coran enseigne la même doctrine aux musulmans : Allah déteste l’agresseur. Le grave dommage : « que le dommage infligé par l’agresseur […] soit durable, grave et certain ». Le dernier recours : « que tous les autres moyens d’y mettre fin [au grave dommage] se soient révélés […] inefficaces ». L’objectif pacifique : que le but et l’intention ne soient pas la guerre, mais la paix. L’espoir réaliste de la paix : « que soient réunies les conditions sérieuses de succès ». L’absence de maux plus graves : « que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux et des désordres plus graves que le mal à éliminer. La puissance des moyens modernes de destruction pèse très lourdement dans l’appréciation de cette condition. » (CÉC 2309) « “Tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants, est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même […]2.” Un risque de la guerre moderne est de fournir l’occasion aux détenteurs des armes scientifiques, notamment atomiques, biologiques ou chimiques, de commettre de tels crimes. » (CÉC 2314) Les règles de la guerre : il n’est pas vrai qu’« à la guerre tous les coups sont permis ». « L’Église et la raison humaine déclarent la validité permanente de la loi morale durant les conflits armés. “Ce n’est pas parce que la guerre est malheureusement engagée que tout devient par le fait même licite entre les parties adverses1.” » (CÉC 2312) Par exemple, « [i]l faut respecter et traiter avec humanité les non-combattants, les soldats blessés et les prisonniers. » (CÉC 2313) « Les actions délibérément contraires au[x] […] principes universels, comme les ordres qui les commandent, sont des crimes. Une obéissance aveugle ne suffit pas à excuser ceux qui s’y soumettent. […] On est moralement tenu de résister aux ordres qui commandent un génocide. » (CÉC 2313) -23- 22. Le pacifisme La tradition du pacifisme chrétien par principe et celle de la « guerre juste » coexistent dans l’Église. La doctrine de l’Église ne donne pas de réponse définitive et catégorique sur toutes les questions morales et en laisse beaucoup au jugement de la prudence humaine. Le pacifisme (refus de porter les armes) n’est ni obligatoire ni interdit pour les chrétiens; il est une option honorable. En conséquence, « [l]es pouvoirs publics pourvoiront équitablement au cas de ceux qui, pour des motifs de conscience, refusent l’emploi des armes, tout en demeurant tenus de servir sous une autre forme la communauté humaine4. » (CÉC 2311) ________________________ Notes dans les citations du catéchisme 1 CDF, instr. « Donum vitae » intr. 5. 1 Cf. Mt 5, 22-26. 38-39. 2 Cf. Mt 5, 44. 3 Cf. Mt 26, 52. 4 S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 64, 7. 5 S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 64, 7. 6 S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 64, 7. 3 Cf. GS 51, §3. 1 Cf. CDF, instr. « Donum vitae » 1,1. 3 GS 51, § 3. 4 CIC, can. 1398 5 CIC, can. 1314 1 CDF, instr. « Donum vitae » 3. 2 CDF, instr. « Donum vitae » 3. 5 CDF, instr. « Donum vitae » 1, 5. 6 CDF, instr. « Donum vitae » 1, 6. 1 Cf. 1 Co 8, 10-13. 2 Cf. Tb 1, 16-18. 1 Cf. GS 81, § 4. 1 GS 78, § 6. 2 GS 79, § 4. 2 GS 80, § 4. 1 GS 79, § 4. 4 Cf. GS 79, § 3. -24-