1 Chapitre L-ES-S Une économie de production de masse Point du programme L-ES « Partie I. L’âge industriel et sa civilisation du milieu du XIXe siècle à 1939. 1. Transformations économiques, sociales et idéologiques de l’âge industriel, en Europe et en Amérique du Nord. Le phénomène majeur est la croissance économique. On présente le processus d’industrialisation et les transformations économiques et sociales qui lui sont liées. Il s’agit de saisir les évolutions et les ruptures majeures sur près d’un siècle et non d’examiner le détail de la conjoncture. » S « Partie I. L’âge industriel en Europe et en Amérique du Nord du milieu du XIXe siècle à 1939. 1. Industrialisation et croissance. 2. La société de l’âge industriel. Le phénomène majeur est la croissance économique. On présente le processus d’industrialisation et les transformations scientifiques, techniques, économiques, sociales et idéologiques qui lui sont liées. Dans tous les cas, il s’agit de saisir les évolutions et les ruptures majeures. » Logique du chapitre À partir du XIXe siècle, l’industrie devient le moteur de la croissance et transforme profondément l’économie des sociétés occidentales. Le premier dossier met en évidence l’importance des innovations techniques et scientifiques à travers l’exemple des moyens de transports, qui se perfectionnent, se diversifient et se démocratisent progressivement. La leçon 1 montre la continuité du processus d’industrialisation depuis la Révolution industrielle, grâce à l’enchaînement des innovations. La leçon 2 présente un acteur majeur de l’industrialisation, la grande entreprise, qui se transforme et s’agrandit pour accroître la production. Les documents mettent en évidence les stratégies mises en œuvre par les entreprises pour s’agrandir. La leçon 3 décrit les irrégularités de la croissance économique dans l’espace et dans le temps, et leurs conséquences. Point historiographique L’histoire de l’industrialisation se caractérise par des interactions entre les aspects économique, technique, scientifique, géographique, mais aussi culturel, artistique et social. Une économie de production de masse L’histoire économique des États occidentaux depuis le XIXe siècle a suscité différentes interprétations. Les premières explications remontent à Marx et Engels (1845) ; puis l’historien anglais Arnold Toynbee propose une « Lecture sur la Révolution industrielle » en 1883, à destination des futurs administrateurs des Indes britanniques. Dans les années 1950, l’économiste Rostow définit la notion de « décollage industriel » (take off) : la production prend son essor, marquant le début de la « Révolution industrielle ». Cette expression est aujourd’hui contestée car la Révolution industrielle est difficile à dater précisément et parce qu’elle met l’accent sur l’idée d’une rupture nette et définitive. Les historiens privilégient plutôt l’idée d’une continuité dans l’évolution économique. Certains, comme François Caron, s’inspirent des travaux de l’économiste Schumpeter qui insiste sur le rôle des innovations : les progrès techniques permettraient l’apparition d’innovations « en grappes » qui seraient à l’origine des phases de croissance. Bibliographie Histoire économique et sociale – P. Bairoch, Victoires et déboires. Histoire économique et sociale du monde du XVIe siècle à nos jours, t. 2 et 3, Folio-Gallimard, 1997. – É. Bussiere, P. Griset, Ch. Bouneau, J.-P. Williot, Industrialisation et sociétés en Europe occidentale 1880-1970, A. Colin, 1998. – F. Caron, « Qu’est-ce qu’une révolution industrielle ? », Sciences humaines n°120, octobre 2001. – P. Léon, Histoire économique et sociale du monde, vol. IV : La Domination du capitalisme 1840-1914, vol. V : Guerres et crises 1914-1947, A. Colin, 1978. – P. Richet, L’Âge du vert, Découvertes, Gallimard, 2000. – J.-P. Rioux, La Révolution industrielle, coll. Point Histoire, Le Seuil, 1989 (1re éd., 1971). – P. Verley, La Révolution industrielle, Folio-Gallimard, 1997. – P. Verley, La Première Révolution industrielle (1750-1880), A. Colin, 1999. – D. Woronoff, Histoire de l’industrie en France du XVIe siècle à nos jours, Le Seuil, 1994. Transformations du travail et évolution technique – A. Beltran, P. Griset, Histoire des techniques aux XIXe et XXe siècles, A. Colin, 1990. – A. Dewerpe, Le Monde du travail en France 1800-1950, A. Colin, 1996. Pages 12-13 D’une économie artisanale… à une économie de production de masse Un marchand ambulant. Dès le milieu du XIXe siècle, de nouvelles formes de distribution à grande échelle apparaissent en Europe occidentale (les grands magasins comme Le Bon Marché). L’entrée dans l’ère de la consommation, la concurrence accrue entre les marchés et les difficultés économiques de l’entre-deux-guerres obligent les entreprises à moderniser leurs pratiques commerciales. Les industriels se dotent de services des ventes, développent la publicité, des emballages personnalisés et de nouvelles méthodes de vente, souvent importées des États-Unis. Les marchands ambulants ne disparaissent que progressivement et partiellement : ils se maintiennent dans certains secteurs et certains espaces (le camion du crémier ou du boulanger dans les campagnes…). De nouveaux biens de consommation. Le document illustre parfaitement la société de consommation déjà bien avancée aux ÉtatsUnis. Mais la confrontation des deux images montre davantage le passage d’une économie à une autre et invite les élèves à s’interroger sur les facteurs qui le rendent possible. Il y a bien sûr le crédit, la publicité, les nouvelles techniques, la hausse du niveau de vie… mais au-delà, une nouvelle culture économique et industrielle. La concentration industrielle s’est accompagné d’une redéfinition de l’organigramme type des entreprises industrielles : pour reprendre la thèse de l’économiste Schandler, on passe d’une structure centralisée et organisée en départements fonctionnels (forme en U) à une structure multi-divisionnelle comportant un état-major central et un certain nombre de divisions spécialisées chacune dans un produit. Pour Schandler, c’est ainsi que naît l’entreprise moderne qui tire sa force de sa capacité à coordonner des activités sur une grande échelle et à prévoir l’avenir (lancer de nouveaux produits comme ici pour entretenir la croissance), donc à avoir une stratégie qui inclut le marketing, le service après-vente, la vente à crédit. Mais cela induit un changement de structure plus souple, car chaque division s’occupe d’un produit et donc d’une stratégie particulière en totale autonomie d’une part, et d’autre part, chaque division ou usine est dégagée des tâche financières, de gestion et de management qui sont centralisés dans la maison mère. Parallèlement, après avoir privilégié la sous-consommation, les industriels prennent conscience au XXe siècle de l’intérêt de favoriser la consommation (le fordisme). C’est surtout Gerald Swope, président de General Electric en 1922, qui invente la notion de « salaire culturel » au début des années 1920 et théorise la pratique de Ford, c’est-àdire l’idée que le salaire doit pouvoir laisser une marge suffisante pour profiter de la vie (dans le sens ici de consommer), pourvoir à l’éducation et à sa santé. Alfred Sloan, directeur de General Motors en 1923, dont Frigidaire est une filiale, lance l’idée que la consommation de masse doit proposer une gamme diversifiée à la fois en fonction des budgets, mais aussi renouveler les modèles (comme on le voit sur l’image pour ce qui est des réfrigérateurs) par des combinaisons d’éléments de base standardisés et cette gamme de produits est le miroir des espoirs d’ascension social. Il réorganise également General Motors suivant des cibles de marchés et, pour reprendre les expressions du magazine Fortune, on peut distinguer Chevrolet pour la « populace » ; Pontiac pour les « pauvres mais fiers », la petite classe moyenne ; Oldsmobile pour les « discrètement aisés » ; Buick pour les « battants » ; et Cadillac pour les « riches ». Pages 14-15 CARTES L’économie mondialisée 1 La hiérarchie économique en 1914 2 La crise mondiale Il s’agit de deux cartes construites à partir de la projection à compensation régionale de Bertin (1953). Cette projection polaire modifiée permet de limiter les distorsions dans l’hémisphère nord. Questions 1. À l’échelle mondiale, les États-Unis sont devenus la première puissance économique (32 % de la production industrielle mondiale). Une économie de production de masse On peut néanmoins remarquer la faiblesse des investissements américains à l’étranger (7,5 %). En 1914, les États-Unis sont encore débiteurs de l’Europe. L’Allemagne a pris la première place européenne avec 14,8 % de la production industrielle (forte concentration industrielle). Elle a distancé la Grande-Bretagne et la France dont les structures économiques vieillissent. On voit également émerger une nouvelle puissance économique : le Japon qui connaît des taux de croissance spectaculaires depuis son ouverture économique (révolution Meiji). 2. En 1914, l’Europe reste au centre de l’économie mondiale. Elle englobe les principaux pôles de l’investissement. La Grande-Bretagne à elle seule réalise presque la moitié des investissements à l’étranger et elle est au centre du système commercial et financier du monde ; elle est suivie par la France (investissements en Russie, dans l’Empire ottoman, dans les Balkans) et l’Allemagne. L’Europe détient, en 1914, 60 % du stock d’or mondial dans un système monétaire fondé sur l’étalon or (Gold standard). L’impérialisme européen se manifeste aussi par la possession d’immenses empires coloniaux qui s’étendent en Asie et en Afrique. 3. La carte montre l’organisation des flux financiers et commerciaux de l’Europe vers l’Afrique et l’Asie et le Pacifique et des ÉtatsUnis vers l’Amérique du Sud. Ces flux favorisent l’émergence des « pays neufs » qui connaissent une croissance économique rapide (Australie, Canada, etc.). 4. La solidarité commerciale et financière qui lie les économies capitalistes explique en partie la diffusion de la crise de 1929 à l’échelle mondiale. La crise trouve son origine dans le krach de la bourse de Wall Street. Elle amplifie la crise de surproduction agricole dont souffraient déjà les États-Unis et les « pays neufs » et entraîne une crise industrielle majeure. Les marchés sont encombrés et le commerce mondial se contracte. Les pays dont le développement économique dépend en grande partie des exportations (Amérique latine, Afrique) s’enfoncent dans la dépression. Par ailleurs, on assiste à un reflux des capitaux américains placés en Europe (notamment en Allemagne et en Autriche). Tout le système économique mondial est atteint. En réponse au marasme, certains pays choisissent l’autarcie (Italie fasciste et Allemagne nazie), d’autres optent pour le repli sur leur empire colonial. C’est le cas de la France et de la GrandeBretagne (Commonwealth). Pages 16-17 CARTES L’industrialisation de l’Europe 3 La diffusion de l’industrie en Europe au XIXe siècle Questions 1. L’industrie européenne naît en GrandeBretagne. À la fin du XVIIIe siècle, l’Angleterre a connu une mutation profonde et rapide de ses structures économiques. On a pu alors parler de Révolution industrielle. Ailleurs, l’industrialisation a été plus lente. Elle s’est d’abord diffusée en Belgique, en France et en Suisse dans le premier tiers du XIXe siècle. La deuxième vague d’expansion (1840-1860) a touché les territoires allemands et le Danemark. Après 1860, le nord de l’Italie et la Suède s’industrialisent. 2. À la fin du XIXe siècle, l’Europe du Nord-Ouest s’est industrialisée alors que les régions Sud et Est sont restées à dominante rurale. 4 L’Europe industrielle dans les années 1930 Questions 1. Sur la carte de l’Europe industrielle des années 1930, de nouvelles régions industrielles sont apparues : en Espagne, la Catalogne, la Galice et la région autour de Madrid ; en URSS, le Donbass, la région autour de Kiev. 2. Les principales régions industrielles sont situées en Angleterre, dans le nord de la France et en Lorraine, dans la Ruhr, en Saxe et dans le nord de l’Italie. On peut noter, par ailleurs, le développement du réseau de chemin de fer dont le maillage s’étend sur toute l’Europe. Les principales places boursières sont Londres et Paris. Le cœur économique de l’Europe se situe donc au nord-ouest où se concentrent les régions industrielles, les places boursières et les principales métropoles. 3. La seconde industrialisation repose sur deux nouvelles énergies : l’électricité visible sur la carte (développement de l’hydro-électricité dans les Alpes) et le pétrole (puits en Asie centrale). Pages 18-19 DOSSIER Quels transports pour une économie moderne ? Ce dossier met en évidence le développement, la diversification et la modernisation constante des moyens de transports. Cette « révolution des transports » permet une intensification des flux de marchandises, de personnes, d’informations, indispensables à l’industrialisation. La croissance des échanges impose de disposer d’un ensemble de communications à quatre niveaux au moins : à l’intérieur des grandes agglomérations (tramway, métro, bus), au niveau national (routes et chemins de fer surtout), continental et mondial (voies fluviales, routes maritimes, chemin de fer puis avion). On assiste à une transformation des échelles de temps : des trajets toujours plus longs sont parcourus en une durée toujours plus réduite. Parallèlement, les coûts de transports baissent, permettant une diversification et un éloignement des approvisionnements. L’interdépendance des économies s’accentue et les firmes multinationales se développent. 1 L’extension des réseaux ferrés En Angleterre, la première ligne (19 km) est ouverte en 1821 ; dès 1838 la locomotive North Star construite par Stephenson tire un train de 80 tonnes à 50 km/h ; et en 1840 apparaissent les premières voitures spécialement conçues pour les voyageurs, largement inspirées des diligences. Le chemin de fer se perfectionne constamment au fil de l’industrialisation, devenant à la fois plus fiable, plus rapide et plus confortable. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, les réseaux de chemin de fer se densifient considérablement dans les pays occidentaux qui s’industrialisent. En 1879, le ministre français des Travaux publics, Freycinet, lance un programme d’aménagement de 3 000 km de lignes secondaires : la longueur totale des chemins de fer passe de 24 000 km en 1881 à 41 000 en 1911. Cette croissance rapide répond aux besoins de la population plus nombreuse et surtout aux mouvements migratoires interrégionaux, générés par l’industrialisation. Au lendemain du premier conflit mondial, les réseaux ferroviaires ont atteint leur maximum, parfois même un suréquipement qui pose le problème de leur rentabilité économique. Les constructions de lignes s’arrêtent et durant les années 1930, des services et des lignes sont supprimés. Mais c’est après la Seconde Guerre mondiale que la place du chemin de fer se rétracte vraiment, subissant la concurrence de la route. Le document montre clairement que la principale période d’expansion du chemin de fer se situe entre 1870 et 1913 : le maillage ferroviaire se densifie alors considérablement pour répondre aux besoins des populations et des industries. On voit également que le développement des chemins de fer est plus précoce aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne et en France. 2 Le port de Bruxelles Le transport des personnes, mais aussi des marchandises et des matières premières impose des infrastructures toujours plus puissantes. Dès le début du XXe siècle, le Rhin est aménagé grâce à de multiples ports en eau profonde et grâce à des canaux : il permet notamment de relier les régions intérieures, en particulier la Rhur industrielle, aux grands ensembles industrialo-portuaires tels que Anvers ou Rotterdam. Au XIXe siècle, grâce à un réseau de canaux très développés, Bruxelles devient le point de rencontre entre les produits du nord de l’Europe et d’Amérique (bois, produits manufacturés, agricoles…), et ceux du sud du pays (charbon, pierres…). À la fin du XIXe siècle, on ressent donc la nécessité d’entreprendre de grands travaux pour élargir et approfondir un canal afin de construire une véritable voie maritime et un port de mer à Bruxelles : jusqu’aux années 1930 au moins, ces infrastructures seront régulièrement complétées et étendues. 3 Le développement des transports intra-urbains Dès la première moitié du XIXe siècle, l’extension des grandes villes en Europe occidentale entraîne le développement de transports intra-urbains. À Paris, en 1828, Une économie de production de masse est créée l’Entreprise Générale des Omnibus (voitures à impériale tractées par des chevaux) qui exploite un réseau de 10 lignes d’omnibus avec succès. D’autres compagnies d’omnibus se développent à Paris, comme dans les autres grandes villes de France et d’Europe (1832 au Havre, 1837 à Lyon, vers 1840 à Marseille…). En 1855, le baron Haussmann décide de fusionner les compagnies d’omnibus de Paris en une seule, la Compagnie Générale des Omnibus (CGO) qui obtient le monopole pour 30 ans : en 1856, cette compagnie exploite 25 lignes, sillonnées par 503 omnibus, tractés par près de 6 700 chevaux. Le mauvais état des chaussées a imposé l’idée d’un autre type de transport, roulant sur des rails : le tramway. Le premier, tracté par des chevaux, est mis en service en 1832 à New York, sous le nom de « Street car ». Le tramway se perfectionne ensuite et son usage se répand : en France, il s’implante à Paris en 1853 sous le nom de « Chemin de fer américain ». D’autres villes d’Europe l’adoptent : Londres en 1862, Berlin et Vienne en 1865…. Au début des années 1890, la plupart des villes d’Europe sont desservies par le tramway hippomobile. C’est à ce moment là qu’est mis au point le tramway électrique qui se généralise assez vite. Parallèlement apparaît le métro : la première ligne française est inaugurée à Paris en 1900, mais dès 1863 à Londres. Enfin le tramway est délaissé un peu partout au profit de la route : la ville de Paris l’abandonne officiellement en 1932, avant d’y revenir plusieurs décennies après… 4 Une démocratisation de l’automobile… L’automobile dans les années 1930 n’est pas encore un produit de consommation de masse : elle reste un objet réservé aux privilégiés et reflète un statut social. Mais son usage s’étend peu à peu, à partir des années 1930, notamment avec la création de petites voitures populaires peu chères comme la Volkswagen allemande, la 2CV de Citroën (commercialisée seulement après la Seconde Guerre mondiale), ou encore la Fiat 500 Topolino (petite souris) en Italie. Créée en 1936 par l’ingénieur italien Dante Giacosa, le Topolino est une des premières automobiles de grande série. Conçue pour accueillir deux personnes, peu encombrante mais maniable, la Topolino est très soignée sur le plan aérodynamique et ne consomme que 5 litres aux cent kilomètres à 60 km/h. Elle est également fabriquée en France sous le nom de « Simca Cinq ». 5 ... à laquelle participent de grands groupes Construite à partir de 1908 par les établissements Ford de Detroit, aux États-Unis, la Ford T est la première voiture construite en série, à la chaîne, toujours de couleur noire. De forme très simple, c’est une voiture utilitaire et destinée à un public large : la standardisation de sa production permet de la commercialiser à un prix accessible à beaucoup. 6 Les débuts du transport aérien Un des plus vieux aérodromes du monde, le Bourget, au nord de Paris, se transforme à la fin des années 1920 et au début des années 1930 en aéroport. Suivant l’exemple de Londres et de Berlin-Templehof, Paris se dote d’un équipement digne de son renom international : le président de la République l’inaugure le 12 novembre 1937. Questions 1. La principale période d’expansion des chemins de fer est 1870-1913. Ensuite, les territoires sont déjà bien équipés, les lignes sont complétées, prolongées. 2. Les chemins de fer se sont d’abord développés aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, puis en France et en Belgique. Cela s’explique, pour certains, par une industrialisation précoce et, pour d’autres, par la nécessité de maîtriser un territoire vaste (États-Unis) ou à unifier (Allemagne). 3. Les chemins de fer sont sûrs, rapides, permettent de parcourir de grandes distances et offrent une grande capacité pour accueillir des voyageurs ou transporter des marchandises, y compris des pondéreux. 4. Les infrastructures décrites sont très imposantes : trois bassins très vastes, des infrastructures pour les relier à des réseaux de transports, des hangars pour stocker les produits, des grues… L’ensemble occupe de grands espaces. 5. Les activités présentes autour du port sont le transport de marchandises par voie fluviale et par réseau ferré, la commercialisation du bois, du kaolin, du sel… 6. D’après ce texte, le transport maritime et fluvial permet surtout l’importation de pondéreux, de matières premières brutes souvent à faible valeur ajoutée : ces moyens de transport sont économiques et permettent d’acheminer des quantités très importantes, mais ils sont lents. 7. Cette image présente une vaste avenue dans une ville moderne, qui draine une population dense, jalonnée par différents commerces. Cette avenue est traversée par des tramways qui transportent beaucoup de voyageurs, dans les deux sens. 8. Le tramway facilite la circulation des gens à l’intérieur des grandes agglomérations, notamment dans les centres où se concentrent des activités économiques, sociales et culturelles qui attirent beaucoup de gens. 9. L’automobile se développe surtout à partir des années 1920 d’abord en France, en GrandeBretagne puis en Allemagne, un peu moins en Italie. 10. Cette photographie présente des rangées de Ford T, à perte de vue, dans un hangar de l’usine de Detroit. Elle met en évidence la production de masse et la standardisation car ces automobiles sont construites en très grande quantité et reproduisent un seul modèle. 11. En 1937, les clients de l’avion sont peu nombreux, « une centaine de passagers », car ce moyen de transport est encore « onéreux ». Bilan. Durant cette période, les transports se sont diversifiés et leurs réseaux se sont largement développés, à différentes échelles (intra-urbaine, régionale, nationale, continentale, internationale). Leurs performances techniques se sont améliorées, progressivement, et leur coût s’est abaissé. Pages 20-23 LEÇON 1 L’industrialisation : un processus long et continu La poursuite du processus d’industrialisation permet le développement des produits de la Révolution industrielle (doc. 2 et 6) et s’appuie sur des innovations (doc. 2, 6, 7, 8). L’industrie devient alors le principal moteur de la croissance économique et emploie de plus en plus d’actifs, au détriment de l’agriculture (doc. 1, 3). L’essor industriel nécessite aussi l’extension des moyens de transport (dossier p. 18-19, doc. 5) et de nouvelles techniques de communication et de vente (doc. 7, 8, 9). 1 La hiérarchie des puissances industrielles 2 Des piliers de l’industrialisation allemande 3 Les bouleversements dans la répartition de la population active 4 L’explosion du tertiaire Les employés du tertiaire constituent un groupe hétérogène qui s’accroît continûment à partir des années 1880 (doc. 3). Rémunérés le plus souvent par un traitement mensuel (contrairement aux ouvriers), les employés sont apparus pour répondre aux besoins des banques, des assurances, du commerce et, à l’intérieur des grandes entreprises, ils sont chargés de la comptabilité, de l’archivage, plus généralement du domaine des « écritures ». La croissance de cette catégorie socioprofessionnelle s’accélère ensuite à partir des années 1920, avec la mise en place de l’OST (bureaux des méthodes) et avec la concentration des entreprises, les fusions, holdings… qui s’appuient sur un appareil administratif plus important. La croissance du tertiaire sera plus rapide encore à partir des années 1950. Si l’univers du bureau se distingue de l’usine, à partir des années 1920, il en reproduit les contraintes et adapte ses méthodes. Le document montre un alignement d’employées qui met en évidence une organisation rationnelle des opérations, sous le regard attentif d’un homme qui semble les superviser. Néanmoins, l’univers des employés reste porteur d’un espoir de promotion sociale. Le recrutement n’y privilégie pas les diplômés, l’avancement se fait souvent à l’ancienneté et à la compétence. Il s’agit ici d’une compagnie d’assurance. Les premières polices d’assurance-vie furent lancées le 17 novembre 1879. Quarante ans plus tard, vers 1920, Metropolitan et les autres compagnies, comme Prudential, comptaient plus de 46 millions de clients. On notera que tous les employés sont WASP ! Si la naissance des cols blancs est une transformation sociale importante, elle ne fait donc pas disparaître certaines inégalités. Il en va ainsi de la possibilité d’ascension Une économie de production de masse sociale au sein du tertiaire, où il faut distinguer les sort des hommes et des femmes. À partir de 1915, la Metropolitan lance une politique de formation interne. Les hommes étaient formés par les soins de la direction du département des actuaires (les employés des compagnies d’assurance qui calculent les montants des polices d’assurés en fonction des risques). Le but était de les préparer aux examens variés de la Société des Actuaires. Les hommes pouvaient donc envisager une carrière. En revanche, les femmes, qui sont pourtant majoritaires dans l’entreprise, sont cantonnées aux activités de simples employées (standardistes, chargées du classement des fiches…) et la seule promotion possible est de devenir sténographe : elle passait alors de 9 $ par mois à 11 $ par mois ! Cela correspond à toute l’organisation de l’entreprise qui sépare hommes et femmes (sauf pour le travail). Au sein d’un même service, les femmes faisaient les tâches subordonnées aux hommes par la division du travail : ainsi au service des audits, les hommes vérifiaient les dossiers des candidats à l’assurance-vie, les femmes se contentaient de dispatcher ensuite les dossiers vers les services appropriés. Les femmes avaient une cantine séparée. Dans les grands bureaux sans cloisons, les hommes avaient un bureau personnel, les femmes travaillaient sur des tables communes. Quand en 1914, les employés purent utiliser le téléphone au sein de l’entreprise, c’était réservé aux hommes. Questions 1. Tandis que la Grande-Bretagne et la France voient leur part dans la production mondiale baisser, l’Allemagne connaît une progression spectaculaire jusqu’en 1914, puis une stagnation. La Russie/URSS connaît, elle, une forte croissance dans les années 1930, mais part de beaucoup plus bas. 2. La part de l’Allemagne s’accroît aussi, mais elle recule à partir des années 1920 et 1930 (conséquences de la Première Guerre mondiale puis de la crise de 1929). Enfin, la Russie, puis l’URSS développe ses industries, de façon spectaculaire dans les années 1930 (priorité dans la planification sous Staline). Au contraire, la part de la Grande-Bretagne ne cesse de régresser, ainsi que celle de la France qui se 10 stabilise néanmoins à partir des années 1910. 3. Entre 1870 et 1937, un reclassement des puissances industrielles s’est opéré : en 1937, Les États-Unis se sont affirmés comme la première puissance industrielle mondiale, très loin devant ses concurrents, suivis de l’URSS, puis de l’Allemagne. 4. Les trois productions augmentent de la fin du XIXe siècle à 1939, avec un accident en 1919 pour la production d’acide sulfurique et de fonte brute. Ce creux s’explique par les conséquences de la Première Guerre mondiale qui a déstabilisé l’économie allemande. Ces productions reprennent ensuite leur essor dans les années 1920. L’électricité, sans doute parce qu’elle n’était pas aussi développée au même moment, ne semble pas avoir été affectée par la guerre. 5. Ces trois productions se développent pendant la seconde industrialisation, à partir des années 1880. La chimie et la fonte brute suivent une évolution parallèle : par exemple, de 1889 à 1909, les deux productions doublent. Ensuite, la production d’acide augmente un peu plus vite. L’électricité, pilier de cette phase de l’industrialisation, se développe plus rapidement passant de 0,5 gigaWatts/heure en 1909 à 30 gigaWatts/heure en 1929. 6. Le secteur d’activité le plus important au milieu du XIXe siècle est le secteur primaire. En 1930, il est devancé par le secteur tertiaire. 7. Cette évolution s’explique par l’essor des services qui répondent aux besoins des entreprises (assurances, téléphone, comptabilité, etc.) et des services publics. 8. Le secteur tertiaire favorise le travail féminin. Cependant, les femmes restent cantonnées à des tâches subalternes, encadrées par des hommes. Page 22 Une grande diversité d’innovations 5 L’automobile, symbole de liberté Conscients de la nécessité d’élargir leurs marchés, les constructeurs d’automobiles s’appuient d’abord sur la presse, puis sur les salons de l’automobile pour développer la « réclame ». Citroën se montrera particulièrement novateur, organisant par exemple la Croisière noire d’Alger à Tananarive en 1924. 6 Une révolution dans la sidérurugie Henry Bessemer (1813-1898) est un ingénieur anglais qui, en 1856, après trois ans de recherches, met au point une nouvelle méthode de production de l’acier : il insuffle un violent courant d’air dans un convertisseur contenant de la fonte liquide, réduisant le carbone. Cette méthode est à la fois plus rapide et beaucoup moins chère. Quelques années plus tard, d’autres innovations vont s’inspirer de la méthode Bessemer, comme le procédé Siemens-Martin, très largement adopté, car plus facile à contrôler, à partir de 1894 en Grande-Bretagne et de 1925 en Allemagne. En 1875, le procédé Thomas permet d’exploiter les minerais phosphoreux comme ceux de Lorraine. Ce texte montre l’importance des innovations dans le processus d’industrialisation, mais aussi le scepticisme qui accompagne parfois ces avancées technologiques. les distances en offrant une communication immédiate, par-delà les distances. 3. Le système Bessemer permet d’employer de la fonte brute et non un produit transformé, le fer en barre, qui coûte plus cher (375 à 500 francs la tonne contre 75 francs pour la fonte brute) ; il permet une conversion plus rapide car il n’emploie aucun combustible (« 25 à 30 minutes au lieu de 10 jours et 10 nuits ») ; il permet de produire une plus grande quantité (5 à 6 tonnes en une opération au lieu de petits lingots de 18 à 22,5 kg) ; enfin le convertisseur Bessemer est dix fois plus économique car l’acier en barres produit coûte 150 francs la tonne au lieu de 1 500. 4. Bessemer explique que son innovation a été accueillie avec « la plus grande incrédulité et la plus grande méfiance ». En effet, les industriels n’ont pas adopté le procédé, ne pouvant croire à un progrès technique si spectaculaire. 7 Une nouvelle façon de communiquer Le télégraphe électrique se développe dès le début du XIXe siècle, permettant la mise en place de télécommunications sur de longues distances. Le 14 février 1876, Graham Bell dépose le premier brevet de téléphone (mais depuis 2002, l’inventeur officiel est Antonio Meucci, qui a déposé son brevet plus tôt, en 1871). Puis, Thomas A. Edison joue un rôle décisif en augmentant la capacité du téléphone, ce qui permet de créer un vrai réseau. En 1878, le premier standard téléphonique est installé dans le Connecticut. Au début du XXe siècle, le téléphone s’est déjà largement développé dans les bureaux comme dans les domiciles où il apparaît comme un signe de modernité. Questions 1. Il s’agit de deux publicités qui s’adressent à un large public : le document 5 est paru dans un journal et le document 7 est une carte postale. Mais le décor et les vêtements des personnes représentées, auxquelles les consommateurs sont censés s’identifier, suggèrent que ces publicités s’adressent plutôt à un public aisé. De fait, l’automobile comme le téléphone sont encore réservés à des clients privilégiés au début du XXe siècle. 2. L’automobile accélère les déplacements et offre une souplesse plus grande dans les déplacements. Le téléphone réduit aussi Page 23 Vers une diffusion de plus en plus large des produits manufacturés 8 Les expositions universelles, vitrines de l’industrialisation Les expositions universelles témoignent des progrès de l’industrialisation. La première se tient à Londres en 1851, puis cinq se tiendront à Paris en 1855, 1867, 1878, 1889 et 1900. Ces expositions se présentent comme des vitrines technologiques, mais aussi comme des témoins de l’évolution des échanges commerciaux, de l’expansion coloniale et du développement des arts. Des concours sont organisés afin de récompenser les meilleures innovations. Chaque pays dispose d’un pavillon qui lui permet de mettre en évidence la modernité de sa société et de son économie : en 1889, l’Exposition universelle de Paris est l’occasion de célébrer le centenaire de la République et la virtuosité de la France en matière de construction métallique à travers la Tour Eiffel. 9 L’essor des grands magasins Jusqu’au milieu du XIXe siècle, le petit commerce domine : les prix s’y fixent « à la tête Une économie de production de masse 11 du client », le choix est limité et la concurrence quasiment absente. Le développement des transports qui favorise l’essor du commerce, la croissance et la diversification de la production industrielle, l’apparition de la publicité et les travaux d’urbanisme d’Haussmann vont favoriser l’apparition des grands magasins. Aristide Boucicaut, qui a inspiré Au bonheur des dames, est né dans l’Orme en 1810 d’un père qui tenait une petite boutique à Bellême, et mort en 1877. Vendeur puis chef de rayon à Paris, il fonde le Bon Marché en 1852 (avec l’aide de Paul Videau) et rachète toutes les parts en 1863. Avec sa femme (1816-1887), il en fait le premier grand magasin. À l’époque, il employait douze personnes, comptait quatre rayons et réalisait un chiffre d’affaires d’environ 450 000 francs. Il a inventé les notions de libre accès pour le consommateur, le prix fixe déterminé par étiquetage qui élimine le besoin de marchander, un assortiment très étendu, le principe des rayons, des bonnes affaires à dénicher, des soldes, une politique de bas prix assise sur une marge de profit réduite et une forte rotation des marchandises, et même la possibilité de retourner et d’échanger la marchandise insatisfaisante ; et il publie en 1865 un catalogue de vente par correspondance moderne (mais il n’a pas inventé à proprement parler cet outil qui existe depuis le XVIIe siècle). Il laisse à sa mort un capital de 44 millions de francs : c’est le prototype du self made man, le nouveau modèle dominant de la société à partir du Second Empire. Le succès du Bon Marché fait des émules en France, mais aussi en Europe et en Amérique du Nord. À Paris, se créent successivement Les Magasins du Louvre (1855), Le Bazar de l’Hôtel de Ville (BHV, 1856), Le Printemps (1865), La Samaritaine (1869), Les Galeries Lafayette (1895). De plus, ces magasins adoptent une architecture innovante, employant des poutrelles métalliques, des verrières, du ciment. Questions 1. Il s’agit du phonographe, inventé par Edison, qui permet d’enregistrer la parole puis de la restituer. 2. Le modèle est exposé et la possibilité est offerte au public de l’essayer : l’essai remporte un franc succès comme en témoigne le document. 12 3. Une exposition universelle permet de faire connaître les innovations à un public très large. 4. Les grands magasins ont des stocks importants, proposent des marchandises diversifiées et renouvelées, à un prix fixe et bas (« au prix de la marchandise de camelote »). Pages 24-27 LEÇON 2 L’âge d’or de la grande entreprise Les entreprises s’adaptent à l’industrialisation en agrandissant leurs bâtiments (doc. 4), en diversifiant leur production (doc. 5) et en adoptant de nouvelles méthodes de travail (doc. 6, 7, 8). Pour cela, elles font appel à de nouvelles sources de financement comme les bourses et les banques. 1 Les usines Ford à Detroit Cette photographie de 1938 des usines Ford à Detroit montre la taille croissante des bâtiments industriels et l’évolution de leur forme et de leurs matériaux. Les usines doivent s’adapter au travail à la chaîne. Les bâtiments s’allongent, deviennent rectangulaires pour s’adapter à la mise en ligne des machines et former une chaîne de production. Ils se spécialisent aussi : certains sont destinés à la production, d’autres au stockage des produits finis ou des matières premières, etc. Enfin les bâtiments industriels sont désormais construits avec des métaux, ce qui permet d’installer de larges baies vitrées qui laissent passer davantage de lumière et d’économiser l’éclairage électrique. 2 La concentration en France Le développement des grandes usines à la fin du XIXe siècle ne fait pas disparaître les petits établissements industriels ou les emplois à domicile, même au Royaume-Uni ou en Allemagne : la taille moyenne des établissements industriels britanniques n’excède pas 20 personnes en 1900. Néanmoins, les concentrations, les fusions, etc. et la concurrence de plus en plus large tendent à accroître la taille des entreprises. Le document met cependant en évidence le poids toujours lourd des petites entreprises en France. 3 La naissance de la grande entreprise Ce texte est rédigé par Paul Lafargue (18421911), socialiste français, disciple de Proudhon puis de Karl Marx dont il épousa la fille, Laura. Membre de la Ire Internationale, il participa à la Commune de Paris, puis fonda le Parti ouvrier français (1880), avec Jules Guesde. Député de Lille (1885-1894), il fut l’auteur de nombreux textes politiques et économiques, dont un pamphlet, Le Droit à la paresse (1880), et Le Matérialisme économique de Karl Marx (1884)… Questions 1. Nous pouvons distinguer trois plans. Au premier plan, des véhicules utilitaires témoignent de l’activité des usines. Au second plan, une foule d’ouvriers avancent en file vers les usines : la taille de l’entreprise et l’organisation scientifique du travail imposent un personnel nombreux. Au troisième plan, de grands bâtiments industriels mettent en évidence l’importance de l’activité industrielle de ce site. 2. La forme des bâtiments diffère en fonction de l’utilisation des lieux : les unités de production sont allongées pour accueillir les chaînes de production en ligne, alors que les bâtiments de stockage sont moins longs. Les rails de chemin de fer montrent que le site importe ses matériaux par voie ferrée : une partie de la production peut également être exportée par la même voie. 3. Durant la période considérée, ce sont les petites entreprises qui dominent très largement en France (plus de 80 %). Mais leur part baisse progressivement. 4. Même si leur part reste très modeste, ce sont les entreprises de plus 500 salariés qui augmentent le plus : de 1896 à 1936, leur nombre a été multiplié par plus de 257. Les entreprises de 51 à 500 salariés ont été multipliées par 3,3. 5. Une société anonyme est une société dont le capital est divisé en « titres de propriété », c’est-à-dire en actions. 6. Pour Paul Lafargue, ce sont les chemins de fer qui ont donné naissance aux sociétés anonymes car ils nécessitaient des investissements qui n’étaient plus à la portée d’une personne ou d’une famille : il fallait donc recourir à des fonds récoltés très largement. Page 26 La grande entreprise 4 La grande usine intégrée L’aciérie Krupp a été fondée en 1811 à Essen, dans le bassin de la Ruhr (land de Rhénanie du Nord-Westphalie). Très vite, l’entreprise familiale a développé et diversifié ses activités. En 1845, elle employait 122 ouvriers ; en 1912, elle en dénombrait 70 000. Dès la fin du XIXe siècle, le site industriel de Essen regroupe des aciéries, mais aussi une usine construisant des machines outils, des forges, des lignes de chemin de fer… ainsi que divers bâtiments destinés au personnel : économat, casinos, écoles, bibliothèques, hôpital, asile de vieillards… 5 Un exemple de concentration L’auteur de ce texte, Victor Cambon, est un ingénieur français, auteur de plusieurs études sur l’économie allemande. Dans ce document, il raconte la croissance de la grande entreprise sidérurgique allemande Thyssen, grâce à une stratégie de concentration verticale et horizontale. 6 Le taylorisme dans l’usine Berliet L’Américain Frederick Winslow Taylor est d’abord ouvrier dans la sidérurgie avant de devenir ingénieur, puis économiste. Au début du XXe siècle, il met au point une « organisation scientifique du travail » qui implique une spécialisation des ouvriers et la suppression des gestes inutiles par la mise en place du travail à la chaîne. Cette théorie est appliquée dès les années 1910 dans certaines usines, mais se développe surtout en France dans les années 1920 et 1930, comme en témoigne l’auteur de ce texte. Une économie de production de masse 13 Question Étapes de la concentration verticale de l’entreprise Thyssen 1910 Mines de fer amont 1910 Hauts fourneaux 1884 Fonderie rachats, créations ou prises de participation 1871 Société Thyssen et Cie : forges (70 ouvriers) + laminoirs aval Banque rhénane de Mülhein Entre 1871 et 1884 Fabrique de tuyaux soudés 1884 Fabrique de machines Page 27 Le fordisme 7 La division des tâches 8 Une critique de la gestion chez Ford L.-F. Céline (1894-1961), l’écrivain français le plus largement diffusé dans le monde (après M. Proust), a participé à la Première Guerre mondiale, dont il sort décoré de la médaille militaire puis de la Croix de guerre. Il achève ensuite ses études de médecine, ainsi qu’une thèse de doctorat, La Vie et l’Œuvre de Ignace Philippe Semmelwais (1924), considérée comme sa première œuvre littéraire. Employé 14 1881 Ateliers de galvanisation du zinc Création des ports d’Alsum et Swelgen par la SDN en qualité de médecin, il effectue plusieurs voyages en Afrique et aux États-Unis où il visite les usines Ford de Detroit. C’est sur les expériences accumulées durant cette période que Céline s’appuie pour écrire Voyage au bout de la nuit (1932), couronné du prix Renaudot, dans lequel il évoque notamment sa visite aux usines Ford. Son témoignage est pour lui l’occasion de dénoncer le taylorisme, ce système qui « broie les individus, les réduit à la misère, et nie même leur humanité ». Questions 1. Il s’agit d’une entreprise automobile, Citröen. 2. Les vêtements et l’attitude des personnages permettent de distinguer différents emplois : ouvriers travaillant sur la chaîne, outils en main, contremaîtres ou membres du bureau des études en blouse, ingénieurs ou personnel de direction en costume. 3. Cette gestion de la production s’appuie sur une division des tâches pour accroître la productivité du travail et augmenter la production, tout en réduisant les coûts. 4. Deux aspects mis en évidence par l’image sont soulignés par Céline : « le travail réduit à quelques gestes », c’est-à-dire la division du travail, et sa conséquence : les gestes « répétés devant une machine ». 5. Il s’agit du taylorisme, c’est-à-dire l’organisation scientifique du travail. 6. « N’importe qui peut remplacer n’importe quel ouvrier » car la main-d’œuvre est peu qualifiée mais très spécialisée, donc interchangeable. La production est donc continue, plus importante et moins chère car les ouvriers sont plus productifs. 7. Le travail est répétitif, réduit à « quelques gestes », inintéressant. De plus, Ford ayant décidé de rétribuer davantage ses ouvriers, ceux-ci sont « résignés », ne cherchent pas un autre travail ailleurs où ils seraient moins bien payés. Pages 28-31 LEÇON 3 Une industrialisation inégale dans l’espace et dans le temps Le processus d’industrialisation est ponctué par des crises économiques (doc. 5 à 8) qui entraînent une intervention croissante des États (doc. 4 et doc. 9 à 11) et la mise en place de mesures protectionnistes (doc. 3) pour protéger les entreprises de la concurrence étrangère. 1 L’évolution du taux de croissance du PIB 2 L’industrialisation inégale de l’Italie L’Italie illustre le cas d’un jeune État dont l’industrialisation reste très contrastée et très concentrée au nord du pays, en particulier dans le triangle industriel Ligurie-PiémontLombardie. En effet, le sud de l’Italie, appelé Mezzogiorno, se distingue du reste de la péninsule par son caractère profondément rural, son niveau de vie très faible alors que la population a conservé un taux de crois- sance important : dès la fin du XIXe siècle, le Mezzogiorno est un foyer d’émigration important. De plus, l’agriculture reste très traditionnelle, extensive, et dominée par les latifundias : peu compétitive, elle ne permet pas de dégager les capitaux nécessaires à l’industrialisation. Dès le début du XXe siècle, cette région a bénéficié de « lois spéciales » pour développer les bases d’une modernisation agricole et favoriser l’industrialisation dans quelques espaces : aménagements portuaires et industriels, instituts de formation technique, incitations fiscales, construction d’infrastructures de transport… Ces efforts sont ensuite entravés par la guerre, la crise économique, la politique mise en œuvre par l’État fasciste (surtout favorable au Nord) : à la veille de Seconde Guerre mondiale, l’espace industriel italien reste très déséquilibré au profit du triangle industriel au Nord. 3 Le retour au protectionnisme en France Depuis la signature du traité de commerce avec l’Angleterre, la France était entrée dans la voie du libre-échange. En 1871, une clause du traité de Francfort oblige la France à appliquer à l’Empire allemand le tarif douanier de la « nation la plus favorisée », considérée par certains comme un « Sedan industriel ». Frappée par la concurrence étrangère et par la dépression économique, la France revient au protectionnisme, sous la pression notamment d’une coalition d’industriels des régions productrices de métallurgie et de textile (Nord et Lorraine), dirigée au parlement par le député des Vosges, rapporteur général du budget des douanes, l’avocat Jules Méline (1838-1925). La loi votée en janvier 1892 met en place un système uniforme de droits, prévoyant des tarifs minimum et maximum qui encadraient les négociations du gouvernement avec l’étranger. 4 Le rôle grandissant de l’État Questions 1. De 1820 à 1870, les États-Unis ont le plus fort PIB, puis l’Allemagne et la Grande-Bretagne. 2. De 1870 à 1913, deux États seulement voient leur taux de croissance s’infléchir, assez faiblement : les États-Unis et la GrandeBretagne. Mais de 1913 à 1950, la baisse du taux de croissance affecte tous les États, qui Une économie de production de masse 15 pâtissent des deux guerres mondiales et de la crise économique de 1929. 3. Les États-Unis et l’Angleterre semblent touchés les premiers par la crise. Si tous les pays connaissent une chute importante de leur croissance, elle est plus spectaculaire en Allemagne, mais plus étalée en France et en Grande-Bretagne. 4. La région la plus riche est le Nord-Ouest et la moins riche le Sud. 5. Ces écarts tendent à se creuser au fil du temps : le PIB s’accroît régulièrement dans le Nord-Ouest, il diminue sensiblement au NordEst, mais il chute plus clairement dans le Sud. 6. Ce texte est un discours prononcé à la Chambre des députés par Jules Méline, député des Vosges, le 11 mai 1891. L’auteur veut convaincre les parlementaires d’adopter des mesures protectionnistes afin de protéger les entreprises françaises de la concurrence étrangère. 7. La France doit changer ses tarifs car les autres nations industrielles ont augmenté les leurs, réduisant les exportations françaises : si la France n’augmente pas ses tarifs douaniers à l’instar de ses concurrents, les produits étrangers continueront à affluer et à concurrencer les produits français sur le marché intérieur, alors que les marchés extérieurs restent fermés. L’abandon du libreéchange a donc pour conséquence de réduire les échanges internationaux puisque tous les États industriels ferment leurs marchés à la concurrence étrangère. 8. Le fret a baissé de 60 à 80 % grâce au développement des moyens de transport tels que le chemin de fer et le bateau à vapeur qui ont réduit les distances et les coûts. 9. Les dépenses publiques s’accroissent de 1880 à 1913 dans tous les pays occidentaux, sauf en France où la progression commence à partir de la Première Guerre mondiale. Dans tous ces États, l’augmentation des dépenses publiques s’accélère jusqu’à plus que doubler dans les années 1920-1930. 10. Cette évolution signifie que les États interviennent davantage dans les sociétés occidentales, en particulier dans l’économie. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les États s’efforçaient de ne prendre en charge que le minimum (police, armée, justice…) : dès la fin du XIXe siècle, la Grande Dépression encourage certains États à intervenir davantage dans la 16 vie économique pour soutenir les salariés et les entreprises en crise. À partir des années 1930, les États se lancent dans des politiques sociales et de relance économique inspirées par Keynes, ce qui explique la hausse spectaculaire des dépenses publiques. Page 30 L’impact de la dépression des années 1930 sur l’économie et la société 5 La chute des prix 6 Le recul de la production industrielle (en %) 7 La baisse des exportations 8 File d’attente pour la soupe populaire à New York Face à l’augmentation du chômage et des tensions sociales, les États occidentaux adoptent des mesures sociales d’urgence. En France, des communes créent des fonds municipaux de chômage pouvant accorder des secours (9 à 10 francs par jour), mais il faut attendre les accords de Matignon (7 juin 1936) pour que l’État mette en place une politique d’envergure. En Grande-Bretagne, l’allocation chômage qui existe déjà est limitée à 26 semaines, mais son montant reste limité jusqu’en 1934. Questions 1. Faute de demande, les prix chutent (avant même le krach boursier) et la production baisse, ce qui accroît le chômage. D’après le tableau, la baisse de la production semble plus importante en France et aux États-Unis, car ces deux pays ne sont pas parvenus à redresser leur économie en 1938, contrairement, par exemple, à l’Allemagne où la politique de réarmement menée par Hitler a contribué à relancer la production. 2. Le document 1 montre bien que ce sont d’abord les États-Unis puis l’Allemagne qui ont été davantage frappés. 3. La crise entraîne une hausse très importante du chômage (en 1932, le taux de chômage dépasse 20 % aux États-Unis, 15 % en Allemagne) et une paupérisation due à la chute des revenus : cette misère se traduit par le développement des secours tels que la distribution de soupe populaire. 4. La gravité et la singularité de cette crise tiennent à son amplitude : toute l’économie est touchée très fortement, dans le monde entier. Page 31 Les États luttent contre la crise 9 Les grands travaux Aux États-Unis, dans le cadre du New Deal, est créé, le 31 mars 1933, le « Civilian Conservation Corps » (« C.C.C. A Young Man’s Opportunity for Work Play Study & Health »), un programme qui prévoyait l’embauche de plusieurs centaines de milliers de chômeurs à la construction de barrages hydrauliques, ponts, à l’entretien des routes ou à des travaux de reboisement. 10 Roosevelt lance le New Deal Franklin Roosevelt (1882-1945) se lance dans la politique en 1904 : il est élu sénateur démocrate de l’État de New York, avant de devenir secrétaire adjoint à la Marine (19131920). En 1928, il est élu gouverneur de l’État de New York où il se distingue par son énergie à combattre la dépression économique. Élu Président en 1933, il s’entoure d’un groupe de conseillers politiques et économiques (le brain trust) et met en place le New Deal (« nouvelle donne »), inspiré des théories de Keynes, pour surmonter la dépression. John Maynard Keynes (1883-1946) préconise une intervention accrue des États dans l’économie pour relancer la demande : l’augmentation des salaires, la mise en place d’allocations chômage et la politique de grands travaux doivent relancer la production en soutenant la consommation. Le coût des interventions de l’État doit être compensé, à terme, par les revenus fiscaux provenant des entreprises et des particuliers. Cette politique constitue une rupture importante. Depuis la fin du XIXe siècle, les États occidentaux intervenaient peu à peu dans l’économie en introduisant des législations sociales. Mais face à la crise de 1929, l’État n’est plus simplement un gendarme et il devient aussi un régulateur de l’économie. Dans le cadre du New Deal, le contrôle sur les banques est renforcé (Banking Act, juin 1933), les administrations fédérales embauchent des chômeurs pour entreprendre des grands travaux d’équipement, la politique monétaire encourage l’inflation pour stopper la chute des prix et alléger les dettes, des subventions sont versées aux agriculteurs pour réduire leur production. Le résultat est mitigé : l’économie se redresse, mais une nouvelle récession se produit en 1937. Les commandes des démocraties en guerre permettront de sortir de la dépression. 11 Quelques mesures du New Deal Avec l’AAA (12 mai 1933), l’objectif est d’obtenir une amélioration rapide de la situation que ne semble pas permettre à elle seule la politique monétaire (inflation). Il faut aussi réduire les stocks et la production pour relever les prix. On organise alors le financement fédéral de la limitation de la production pour soutenir les cours, d’abord en finançant en 1933 une destruction d’une partie des récoltes (la récolte a été excellente !) puis, à partir de 1934, par le biais du versement d’une indemnité aux agriculteurs qui réduisent volontairement (planification souple) les surfaces cultivées en blé, coton et maïs (gel des terres) et la production de lait et de viande de porc. L’AAA inclut aussi l’amendement Thomas autorisant le Président à pratiquer l’inflation et à dévaluer la monnaie. Ces mesures sont complétées le 16 juin 1933 par le Farm Credit Act (création de caisses de crédit agricole contrôlées par le Trésor et assurant des avances à taux d’intérêt très bas) et le 21 avril 1934 par le Bankhead Act (les réductions de terres cultivées deviennent obligatoires si la majorité des exploitants d’une région le décide par referendum). Les agriculteurs sont donc désormais protégés et assistés par l’État, mais fortement dépendants de l’État. Il encadre et subventionne la production pour la limiter. L’État offre également aux fermiers qui sont libres de refuser, de se charger de la commercialisation. Dans ce cas, le Secrétariat à l’agriculture achète la production à prix garanti, verse des primes pour livraison inférieure aux quantités prévues, stocke et se charge ensuite de vendre. Le fermier n’est plus qu’un producteur chargé de fournir les quantités Une économie de production de masse 17 convenues et la commercialisation est devenue une affaire de l’État. Les fonds nécessaires pour ces diverses interventions ne sont pas financés par déficit budgétaire, mais par une taxe à la transformation des produits agricoles, payée par les industries agro-alimentaires et répercutée en définitive sur le consommateur. Ces mesures sont plus favorables aux grandes exploitations qu’aux petites, car les plus grandes peuvent amortir leurs frais de production même sur une production plus faible, mais encore importante. Les réductions de surfaces ne tiennent compte ni de la rentabilité des exploitations ni de la fertilité des sols. Le malthusianisme des mesures est choquant alors qu’une partie des Américains est mal nourrie. Enfin, les hausses de prix profitent massivement à ceux qui ne réduisent pas leur production, si bien qu’en 1934 on cherche à rendre les réductions obligatoires par référendum… Avec le NIRA, il s’agit d’une régulation concertée de l’industrie grâce à la suspension des lois anti-trust et à l’autorisation pour les industriels d’adopter des Codes par branches fixant des prix minima et des quotas de production (ce qui limite la concurrence et peut conduire à des stratégies de limitation de l’offre). Les Codes doivent garantir la pleine liberté syndicale (droit d’élire librement leurs représentants et droit pour ces représentants de négocier les conventions collectives, protection des représentants syndicaux contre d’éventuelles représailles patronales). Un Code fédéral ramène aussi le temps de travail à 36/38 heures selon les branches, garantit un salaire minimum et supprime le travail des enfants. Le NIRA inclut également l’ouverture de 3,3 milliards de crédits pour des travaux publics dans le cadre de la Public Work Administration. Tout cela donne des résultats inégaux. Les Codes, plus de 700, limitent la concurrence et doivent discipliner le monde des affaires. Mais cela n’a de sens que si la rédaction des codes est contrôlée par l’État capable de faire respecter l’intérêt général. Or, l’administration étant sans expérience pour le faire, ils sont rédigés sous l’égide du Big Business qui fait prévaloir ses intérêts et ils sont aussitôt dénoncés par les PME comme des carcans étouffant. Par ailleurs, le NIRA visait à augmenter les prix, les salaires, donc le pouvoir d’achat et, par la diminution du temps de travail à réduire le chômage. Les résultats du 18 NIRA sont économiquement très contestables. Les salaires autres que ceux des catégories les plus défavorisées ont augmenté moins vite que les prix : les prix augmentent de 10 %, mais du fait de la réduction du temps de travail, les salaires hebdomadaires n’augmentent que de 4 % si bien que le pouvoir d’achat est réduit de 5 à 6 % ! Il y a donc une contraction de la demande qui est loin d’être compensée par le développement des travaux publics. Alors que l’indice de la production industrielle était passé de 54 à 91 entre mars et juillet 1933 grâce à la dépréciation du dollar, il retombe à 65 en novembre 1933 (indice 100 en 1928). Peu efficace pour contrôler le Big Business qui a en réalité contrôlé la rédaction des Codes, économiquement contestable, le NIRA vaut surtout pour ses contenus sociaux ! Cette politique d’intervention de l’État se heurte à l’hostilité radicale de la fraction la plus conservatrice du patronat relayée par la Cour suprême, mais un certain nombre d’acquis se révèlent durables. Le Social Security Act reconnaît pour la première fois les droits sociaux des individus. Avec l’instauration d’une assurance vieillesse (financée à parts égales par l’employeur et le salarié) et d’une assurance chômage (financée par l’employeur). Elle ne couvre toutefois que les salariés de l’industrie et exclut les Noirs. D’autre part, des subventions fédérales sont versées aux États pour l’assistance médicale et publique aux indigents, infirmes et enfants à charge. Il s’agit là d’une politique clairement social-démocrate, complétée par d’autres mesures sociales telle la création de la Federal Housing Administration en 1934 pour contrôler le marché du logement et garantir les prêts hypothécaires. Questions 1. Les mesures qu’il propose sont l’embauche de chômeurs et une politique de grands travaux (prise en charge des moyens de communication et de transport…), l’augmentation des prix agricoles pour augmenter le pouvoir d’achat des agriculteurs et accroître la demande. 2. L’État doit donc intervenir dans l’économie pour corriger les conséquences des crises et rétablir l’équilibre économique. Pages 32-33 VERS LE BAC : Étude d’un ensemble documentaire Comment apparaît la grande entreprise dans la seconde industrialisation ? 1re partie 1. Pour accroître sa production et rester compétitif, l’entrepreneur se tient informé des innovations, en se rendant à l’Exposition universelle de Paris (1878), et achète les machines les plus récentes pour son usine (doc. 1 : métiers tricoteurs). Ensuite il renouvelle régulièrement ses machines pour rester performant. Parallèlement, l’entrepreneur agrandit sa structure de production et augmente le nombre de ses salariés, ce qui lui permet de produire plus. 2. La taille des bâtiments industriels s’accroît : dans le document 1, M. Jaussaud passe progressivement du travail à domicile à une usine employant 200 ouvriers. Le document 4 met en évidence la taille des machines qui imposent des bâtiments plus vastes. De plus, la forme des bâtiments doit également évoluer : la mise en ligne du travail entraîne un allongement des ateliers de production. Le document 4 illustre aussi l’évolution des techniques de construction : on aperçoit des verrières au dernier plan, des poutrelles métalliques au plafond, et des piliers très probablement en béton. L’architecture industrielle connaît donc d’importantes transformations pour s’adapter aux besoins de l’industrie. 3. Le document 2 souligne le rôle des banques dans le financement des entreprises. En effet, à partir des années 1860, les entreprises recourent de plus en plus aux prêts consentis par les banques qui se développent alors. Certaines choisissent de se transformer en SA. Pour accroître leur capital : mais elles y perdent, en partie, leur indépendance. 4. La société Schlumberger se développe en étendant ses activités de prospection de pétrole partout dans le monde, étendant sans cesse ses marchés. 2e partie Plan – La grande entreprise s’appuie sur des innovations : l’industrialisation s’appuie sur de nouveaux produits diversifiés, qui se perfectionnent sans cesse. – La grande entreprise étend sans cesse ses marchés : grâce à la « révolution des transports et des communications », le marché s’étend toujours plus loin et devient mondial. De plus, les entreprises suscitent de nouveaux besoins, grâce à la publicité qui s’appuie sur des supports de plus en plus diversifiés, et aux expositions universelles. – Pour accroître ses capacités de production, l’entreprise se transforme en se concentrant verticalement et/ou horizontalement. Elle finance ces transformations en recourant aux prêts des banques ou en devant une société anonyme. De plus, la grande entreprise adopte de nouvelles méthodes de production fondées sur le taylorisme. Ses bâtiments s’adaptent en devenant plus grands et en utilisant de nouveaux matériaux tels que le métal, le verre et le béton. Page 34 VERS LE BAC : Explication d’un document Témoignage d’une femme à l’usine en 1928 1. Plusieurs éléments sont caractéristiques de la seconde industrialisation : l’utilisation de machines et surtout l’application du taylorisme : travail morcelé, rationalisé, la présence d’une chaîne de production… 2. L’usine Panhard applique très largement le taylorisme. Le travail est divisé en gestes simples, exécuté sur des machines, et mis en ligne : l’auteur souligne qu’elle doit rester debout, sans changer de place. Les tâches sont clairement séparées : les ouvriers sont chargés de la production, des contremaîtres les surveillent, et le travail de conception, qui n’est pas évoqué dans ce témoignage, est réalisé ailleurs, par des ingénieurs, dans un bureau d’étude. L’auteur souligne à plusieurs reprises la volonté d’accroître la productivité du travail : « m’indiquant parfois un geste plus rationnel à faire ou une manière plus rapide de travailler ». 3. Les conditions de travail sont rigoureuses. Une discipline très « stricte » est appliquée : les ouvriers sont constamment sous surveillance, ils ne peuvent pas « s’asseoir », ni « causer entre Une économie de production de masse 19 eux ». De plus, le travail est pénible du fait des « bruits des machines », de la saleté des lieux (huile), du manque d’aération. Le travail est également dangereux du fait de l’omniprésence des « courroies, roues, engrenages » sur les machines qui ne sont pas protégées. Enfin les journées de travail sont longues (9 heures trois quart, y compris le samedi matin ce qui fait 53 heures par semaine). Les locaux sont non seulement sales mais anciens : cependant, les salariés disposent ici d’un réfectoire aménagé. 4. Le fordisme n’est pas encore mis en place dans cette entreprise : les salaires sont réduits au minimum, « calculés au boni », avec un taux de base dérisoire auxquel s’ajoute un pourcentage dépendant du nombre de pièces réalisées (donc de la productivité du travail de chacun). Durant la même période, aux 20 États-Unis, Ford a développé dans ses usines une politique de salaires élevés qui incite ses ouvriers à rester, évitant ainsi le turnover. Mais cette politique ne se généralisera qu’après la Seconde Guerre mondiale en Europe occidentale. 5. Dans cet extrait, les critiques portent surtout sur la discipline et sur les conditions de travail. La discipline est très détaillée pour souligner son caractère très strict : les ouvriers n’ont pas la liberté de s’exprimer, ni de se déplacer, tous leurs gestes sont surveillés en permanence. La dureté des conditions de travail est également mise en évidence : les locaux sont sales, bruyants, dangereux. En revanche, la compression des salaires et le morcellement des tâches, devenues répétitives, sans intérêt, ne sont pas mis en exergue.