REPUBLIQUE DU SENEGAL N° MEF/DPEE/DEPE Un peuple - Un But - Une Foi -----------------------MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ----------------------------DIRECTION DE LA PREVISION ET DES ETUDES ECONOMIQUES Dakar, le 07 septembre 2012 COMPTE RENDU DE CONFERENCE Objet : 6e édition du Point Economique de la Direction de la Prévision et des Etudes Economiques (DPEE). La sixième édition du Point Economique (PE) de la Direction de la Prévision et des Etudes Economiques (DPEE) s’est tenue le lundi 16 juillet 2012 à 9h30 mn à l’hôtel King Fahd Palace (ex Méridien Président) de Dakar. Les thèmes à l’ordre du jour ont été les suivants : « Productivité des dépenses publiques et croissance économique dans l’UEMOA : une analyse bayésienne sur données de panel », exposé par M. Kalidou THIAW, Economiste à la DPEE ; et « Effets des jours fériés sur l’activité économique », présenté par M. Serigne Moustapha SENE, Docteur en économie et Conseiller du DPEE. La séance a été présidée par Mme Gnounka DIOUF, Ministre Conseiller à la Présidence de la République, qui a remercié l’assistance de sa présence et a félicité la DPEE pour l’initiative de la tenue des PE. Mme DIOUF a ensuite transmis la parole à M. Pierre NDIAYE, Directeur de la Prévision et des Etudes Economiques, pour le mot de bienvenue. Dans son propos liminaire, M. NDIAYE a souhaité la bienvenue aux participants et a rappelé l’importance des thèmes à l’ordre du jour. La parole a été, par la suite, remise à M. THIAW pour la première présentation. Lors de son exposé, M. THIAW a expliqué que les mesures de résorption des déséquilibres publics inédits, dus à la crise, dans la Zone euro et aux Etats-Unis pourraient se traduire par une forte réduction de l’Aide Publique au Développement (APD) au cours des prochaines années. Ainsi, dans un contexte marqué par une faible mobilisation des recettes fiscales, le rapprochement de l’horizon retenu pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et le rôle, encore crucial, du budget de l’Etat dans la lutte contre la pauvreté et le financement du développement, la question de la productivité des dépenses publiques révèle toute sa pertinence. Par ailleurs, les tensions récentes sur les finances publiques des pays de l’UEMOA (arriérés de paiement, dépenses extrabudgétaires, etc.) et l’intervention de plus en plus fréquente des Etats sur les marchés obligataires régional et international ont soulevé de nombreuses interrogations quant à la qualité de l’utilisation des ressources publiques et à l’efficacité des dispositions communautaires en la matière. Ensuite, abordant la problématique de l’étude, M.THIAW a souligné que l’objectif principal consistait en l’évaluation de la productivité des dépenses publiques au sein de l’UEMOA, appréciée à l’aune des performances de croissance économique, en s’appuyant sur une analyse comparative par rapport aux économies de la sousrégion et de celles du reste de l’Afrique. En outre, l’étude a cherché à estimer le coût d’opportunité lié à l’inefficacité des dépenses publiques au sein de la zone UEMOA. Ainsi, à travers l’analyse des faits stylisés, il a été montré que les pays de l’UEMOA avaient enregistré des performances relativement mitigées en matière de productivité des dépenses publiques, au regard des résultats obtenus par les pays de l’Afrique de l’Est, de l’Ouest (hors UEMOA) et du Nord. En effet, l’examen de deux groupes d’indicateurs, issus de la base de données de la Banque Mondiale et permettant d’évaluer respectivement la qualité de la gouvernance politique et administrative et la qualité de la gouvernance macroéconomique, ont mené à cette conclusion. L’analyse de ces indicateurs a permis d’établir que les principaux obstacles à la productivité des dépenses publiques étaient liés, d’une part, à la qualité de l’administration et à la définition des politiques de finances publiques; et d’autre part, aux carences notées dans le respect et la transparence des procédures budgétaires. Au sein de l’UEMOA, des disparités ont cependant été observées. En effet, le Burkina Faso, le Bénin et le Mali sont apparus comme les pays les plus performants, dépassant parfois la moyenne africaine. L’analyse s’est aussi fondée sur l’estimation d’un modèle économétrique, sur le moyen terme, à l’aide des techniques bayésiennes sur données de panel. Les résultats ont permis de constater que, quelle que soit la région du continent considérée, les dépenses de consommation publique n’exerçaient pas d’effet notable sur la croissance. En revanche, les dépenses d’investissement public apparaissent comme plus productives. Concernant les pays de l’UEMOA, les résultats obtenus ont corroboré les faits stylisés, montrant que l’investissement public y a été porteur de croissance, même si la productivité de cet investissement est restée en deçà de celle enregistrée par d’autres parties du continent. En effet, l’impact d’une hausse d’un (1) point du taux d’investissement public sur la croissance est de 0,08 point dans la zone UEMOA, tandis qu’il est respectivement de 0,132 et 0,127 dans les régions d’Afrique du Nord et de l’Est. Les résultats d’estimation du modèle précité ont, par ailleurs, permis d’obtenir une évaluation des dépenses d’investissement improductives dans l’UEMOA, en référence aux régions « Afrique du Nord » et « Afrique de l’Est » qui se sont révélé les plus performantes. Ainsi, comparativement à l’Afrique du Nord, toute augmentation d’un (1) point du taux d’investissement public dans l’UEMOA générerait des dépenses improductives équivalant à 40% du total de ces dépenses. Lorsque les performances de l’UEMOA sont évaluées en référence à celles de l’Afrique de l’Est, cette part des dépenses improductives est évaluée à 37%. En conclusion, M. THIAW a soutenu que l’analyse conduite dans les faits stylisés offrait des éléments d’explication de la moindre productivité des dépenses publiques dans les économies de l’UEMOA. Il a ainsi rappelé que, si du point de vue de la stabilité politique et économique, les pays UEMOA ont réalisé des performances plutôt satisfaisantes, ils affichaient encore des lacunes en matière de définition des politiques et d’orthodoxie des procédures budgétaires. Après avoir félicité la DPEE d’avoir porté son attention sur une question d’une telle importance et pour la qualité de l’analyse et de la présentation, les intervenants ont essentiellement formulé les recommandations suivantes : - Tenir compte des disparités en matière de coûts salariaux et d’heures travaillées dans l’analyse comparative de la productivité des dépenses publiques ; - Proscrire les modifications intempestives des autorisations budgétaires, pour une meilleure crédibilité du budget ; - Systématiser l’usage d’instruments comme les Cadres de Dépenses à Moyen Terme (CDMT) et promouvoir la culture de l’efficacité de l’action publique dans l’Administration, à l’aide d’outils tels que les contrats de performance ; - Renforcer les moyens de contrôle de l’exercice budgétaire ; - Renforcer la qualité des prévisions budgétaires ; - Améliorer la définition des politiques d’investissement public ; - Veiller au strict respect des directives du Nouveau Cadre Harmonisé des Finances Publiques de l’UEMOA qui vont dans le sens de la promotion d’une vision globale, structurée et cohérente du processus d’exécution des dépenses publiques. Il revenait ensuite à M. Serigne Moustapha SENE de partager avec les invités les résultats de ses recherches sur l’impact des jours fériés sur l’activité. M. SENE a commencé par rappeler que l’idée de mener la réflexion fait suite à une interpellation au sommet de l’Etat : son excellence M. le Président la République avait abordé en Conseil des ministres la problématique des jours fériés. En effet, dans une ère de globalisation où la compétitivité détermine dans une large mesure le bien-être des nations, l’économie sénégalaise ne parvient pas à relever durablement la productivité des facteurs, surtout celle du travail. Il est donc opportun de s’intéresser aux facteurs pouvant amortir la hausse de la productivité. A cet égard, le nombre de jours non travaillés est potentiellement important dans un pays doté d’une tradition de tolérance religieuse et où presque toutes les fêtes célébrées se traduisent en jours de travail perdus par l’économie. A cet effet, la DPEE a mené une étude quantitative. La plupart des jours fériés, telles que les fêtes musulmanes, calquées sur le calendrier lunaire, sont mobiles. Il apparait alors, entre les trimestres, une variation du nombre de jours ouvrables due aux jours fériés. Ainsi, cette présente étude a examiné les effets des jours fériés sur l’activité industrielle et l’activité globale au Sénégal entre 1980 et 2010. En termes descriptifs, le nombre de jours fériés observés dans le pays n’est pas élevé par rapport à des pays de référence (Corée du Sud, Afrique du Sud, Malaisie, Tunisie, Botswana, Cap Vert, Rwanda, Côte d’Ivoire, etc.). Les données révèlent que de 13 jours fériés en 1980, on en est actuellement à 14 jours fériés pour une moyenne de 14 au cours des trois dernières décennies; le minimum étant de 12 et le maximum de 17. Par ailleurs, à peine un jour férié sur cinq a lieu durant le weekend. On constate également que 62% des jours fériés surviennent vers la fin du mois, entre le 25 du mois en cours et le 05 du mois suivant. Une enquête d’opinion a été réalisée auprès des chefs d’entreprises pour connaitre de la contrainte des jours fériés sur la productivité des employés et sur la production de l’entreprise. En effet, les efforts des travailleurs peuvent être dictés par des motivations extrinsèques tels qu’une plus grande rémunération, un contrôle renforcé, les normes sociales, ou être guidées par des convictions propres (vertu, autonomie etc.) ; il s’agit là de la motivation intrinsèque, nécessaire en cas d’insuffisance des incitations externes. D’un point de vue hédonique, le bonheur ou le loisir de la veille conduisent parfois le travailleur à accroître son effort ou à être paresseux. Sous ce rapport, les jours fériés affectent probablement la productivité des travailleurs notamment lorsqu’il s’agit des fêtes occasionnelles. Les fériés peuvent induire une baisse plus que de raison de la production en liaison avec l’absentéisme au-delà des jours de repos autorisés. C’est le cas des grandes fêtes religieuses musulmanes. L’administration centrale ainsi que la majorité des activités économiques du pays étant concentrées à Dakar, pour des raisons pratiques, notamment les problèmes de transport, beaucoup de travailleurs migrants internes ne peuvent pas rejoindre la capitale juste après le jour même de la fête. S’il s’agit d’une grande fête religieuse coïncidant, par exemple, avec le jeudi, certains travailleurs prolongent le repos jusqu’à la fin de la semaine : c’est un effet « pont » ; ce phénomène touche moins les provinces. Au-delà de ces raisons objectives, les pertes d’heures de travail occasionnées par ces jours fériés procèdent d’habitudes largement encrées chez des travailleurs. Ainsi, l’argument du manque à gagner s’analyse aussi en termes de baisse de la productivité. Malheureusement, moins d’une entreprise industrielle sur trois dispose d’un dispositif ad hoc (heures supplémentaires pour respecter les objectifs de production, remplacement des travailleurs permanents par des temporaires etc.) ; dans les services, ce ratio est de 29,4%. S’agissant de l’estimation des effets à l’échelle macroéconomique, elle n’est pas évidente en ce sens que la célébration de fêtes religieuses est souvent l’occasion d’une hausse significative des dépenses de consommation des ménages. Les grandes fêtes religieuses ont donc des effets dynamisants dans les activités telles que le commerce, les transports et les télécommunications ainsi que sur l’activité du secteur informel d’une manière générale. Après la désaisonnalisation des séries trimestrielles de la production et leur correction des jours ouvrables, les coefficients obtenus respectivement des Moindres Carrés Ordinaires, de l’approche stochastique et de la méthode par les chaines de Markov montrent qu’un effet jour-férié est observé surtout pour le vendredi, le lundi et le jeudi. Dans l’industrie, la perte de production est de 2,6% par an et, une conjoncture favorable a 71,6% de chances de se prolonger au trimestre suivant si l’on expurge les effets des jours fériés, contre 70,2% pour la série brute. Par ailleurs, en considérant l’ensemble de l’économie, la perte due aux jours fériés est très faible (0.01 point de croissance par an). Cette meilleure maitrise est expliquée par la part relativement faible de l’industrie dans l’économie (près de 20%) alors que dans le secteur tertiaire, plusieurs sous-secteurs profitent des jours fériés. De même, dans le secteur primaire, la production est plus dépendante des conditions climatiques que des jours ouvrables. Quant à l’estimation d’un seuil critique de jours fériés, le modèle à effets de seuil montre l’existence d’un impact négatif significatif sur l’output gap au-delà de 13 jours fériés. A la suite de la présentation de M. SENE, les intervenants ont félicité M. SENE pour la pertinence du thème et la rigueur méthodologique ; des observations ont été néanmoins émises. Pour l’essentiel, on peut retenir les points suivants : la perte de production due aux jours fériés serait sous-évaluée ; la nécessité d’aller au-delà des jours fériés pour analyser en profondeur la faiblesse de la productivité du travail au Sénégal ; l’extension de l’étude à travers l’approche sectorielle pour analyser les spécificités des différentes activités ; le traitement des impacts budgétaires des jours fériés ; la sauvegarde des libertés religieuses ; la suppression de fériés risque de menacer la cohésion sociale ; l’assouplissement de la législation du travail pour permettre aux entreprises de choisir des mécanismes souples de compensation des pertes d’heures de travail ; la nécessité pour les entreprises de s’inspirer des meilleures pratiques en matière d’adaptation de la production aux jours non ouvrables. Dans son mot de conclusion, Mme DIOUF a réitéré ses félicitations aux présentateurs avant de les inviter à s’approprier les différentes observations formulées par les intervenants. Elle a ainsi insisté sur la nécessité de procéder à une analyse approfondie de l’expérience des pays disposant des meilleures pratiques en matière de gestion des finances publiques sur le continent, afin de s’en inspirer. Elle a, par ailleurs, mis l’accent sur l’importance de disposer d’analyses permettant de mieux appréhender les déterminants de la productivité du travail. La séance a pris fin à 13h30mn.