M I S E A U P O I N T Capacité inspiratoire : un paramètre fonctionnel simple et pertinent Inspiratory capacity: a simple and relevant functional parameter ● T. Perez* Résumé : La capacité inspiratoire (CI), définie comme le volume inspiré maximal à partir de la capacité résiduelle fonctionnelle, est un paramètre particulièrement simple à mesurer, altéré dans la plupart des pathologies restrictives et obstructives, mais encore peu utilisé en routine clinique. Sa pertinence clinique a pourtant été récemment documentée par de multiples études, en particulier pour évaluer de façon indirecte la distension statique ou dynamique à l’exercice dans la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). La CI est un déterminant important de la dyspnée et s’avère significativement corrélée aux performances à l’exercice dans l’asthme et dans la BPCO. C’est aussi un paramètre complémentaire essentiel du volume expiratoire maximal-seconde (VEMS) pour évaluer la réversibilité sous bronchodilatateur. Enfin, son intérêt a été récemment suggéré dans d’autres pathologies comme l’insuffisance cardiaque et les pneumopathies interstitielles. Mots-clés : Capacité inspiratoire - Spirométrie - Dyspnée - Distension dynamique - Exercice - Bronchodilatateurs. Summary: Inspiratory capacity (IC) defined as the volume inspired from functional residual capacity (FRC) to total lung capacity (TLC) is simple to obtain and altered in most obstructive and restrictive pulmonary disorders. Its clinical relevance has been demonstrated recently by a number of studies, particularly for the evaluation of static and exercise dynamic hyperinflation in chronic obstructive pulmonary disease (COPD). IC is an important determinant of dyspnea and appears significantly related to exercise performance in COPD and asthma. It is also very useful to evaluate bronchodilator response, particularly in patients with no significant change in forced expiratory volume in one second (FEV1). Furthermore it was recently shown to be correlated to clinical status in other diseases such as interstitial lung disorders and cardiac failure. Keywords: Inspiratory capacity - Spirometry - Dyspnea - Dynamic hyperinflation - Exercise - Bronchodilators. es paramètres spirométriques les plus utilisés actuellement en routine restent le VEMS et la capacité vitale (CV), cette dernière se limitant souvent à la capacité vitale forcée (CVF) représentée sous forme de courbe débit-volume. Cette simplification est entérinée par les recommandations internationales récentes, notamment sur la BPCO et l’asthme. Depuis quelques années, de multiples études ont pourtant démontré la pertinence, en pathologie obstructive, d’autres paramètres évaluant la distension de repos et dynamique à l’effort. À côté de la classique CV lente (CVL) et de la mesure des volumes en pléthysmographie, la capacité inspiratoire est un paramètre particulièrement simple, redécouvert assez récemment. Son intérêt essentiel est d’être mesurable rapidement et facilement dans quasiment toutes les situations cliniques. Un des rôles de l’exploration fonctionnelle respiratoire est d’appréhender les mécanismes et les composantes de la dyspnée et de la limitation à l’exercice. La CI s’avère par- L * Service d’explorations fonctionnelles respiratoires et clinique des maladies respiratoires, hôpital Calmette, CHRU de Lille. La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 3 - mai-juin 2004 ticulièrement intéressante dans cette indication, mais aussi dans l’évaluation des traitements bronchodilatateurs. DÉFINITION ET TECHNIQUE DE MESURE La capacité inspiratoire est le volume inspiratoire maximal mobilisable à partir du volume télé-expiratoire, qu’il s’agisse de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) ou d’un volume différent, notamment à l’effort (figure 1). C’est donc la somme du volume courant VT et du volume de réserve inspiratoire (VRI). La quasi-totalité des spiromètres actuels, en dehors des matériels de poche, permettent la détermination de la CI au cours de la spirométrie lente. Si la méthodologie de la CVL est bien définie (1), privilégiant la CV inspiratoire (CVI) après expiration au volume résiduel (VR), aucune recommandation officielle n’a, à ce jour, précisé les critères exacts de réalisation de la CI seule, notamment en termes d’acceptabilité et de reproductibilité. Sur le plan technique, il est essentiel d’obtenir un état ventilatoire stable, visualisé sur le spirogramme pendant plusieurs cycles. Cet état stable est évidemment 99 M I S E A U P O I N T Figure 1. Définition de la CI : volume inspiré maximal à partir de la CRF de repos (ou du volume télé-expiratoire dans d’autres situations). Les manœuvres lors d’une capacité vitale inspiratoire ou à partir de la CRF donnent en principe des résultats similaires, mais la deuxième technique est préférable, et de réalisation plus simple. C’est la seule utilisable à l’exercice. beaucoup plus difficile à obtenir à l’exercice. La méthode usuelle et la plus simple est d’obtenir la CI à partir de la CRF ou du volume télé-expiratoire, sans mesure du volume de réserve expiratoire (VRE), et de répéter la manœuvre 3 à 4 fois. Il suffit de demander au patient d’inspirer ou de gonfler à fond, puis de reprendre une respiration normale. Cette technique est la seule utilisée en pratique à l’effort. L’autre méthode consiste à calculer indirectement la CI à partir d’une CV inspiratoire recommandée en première intention par l’European Respiratory Society (ERS) ( 1 ). Les deux méthodes donnent en théorie des résultats similaires (figure 1) mais on ne dispose d’aucune étude comparant les deux techniques. Comme pour tout paramètre spirométrique, l’obtention de trois mesures techniquement acceptables et reproductibles est indispensable, en tout cas au repos. Il n’y a pas de critère définissant une reproductibilité satisfaisante pour la CI seule, alors que les valeurs maximales concernant la CVI sont de 200 ml selon l’ATS et de 100 ml ou 5 % (valeur la plus grande) selon l’ERS. Un écart inférieur à 5 % entre les deux meilleures valeurs de CI est proposé par certains auteurs (2, 3). Une étude a montré une très bonne reproductibilité à court terme de la mesure chez des patients BPCO, proche de celle du VEMS (écart moyen : CI : 0,07 L ; VEMS : 0,06 L). Cette reproductibilité était meilleure que celle de la CV lente ou forcée (2). L’interprétation des valeurs obtenues reste actuellement délicate, en l’absence de valeurs théoriques intégrant l’écart-type résiduel de la distribution chez les sujets sains. Les seules équations publiées et utilisables actuellement en Europe sont celles de l’ERS, qui déterminent la CI à partir des valeurs théoriques de capacité pulmonaire totale (CPT) et de CRF (1). Une estimation de l’écart-type résiduel (RSD) à partir d’une population française importante a été présentée en 2000 ( 4 ). Selon cette étude, les valeurs théoriques chez l’adulte sont les suivantes (H : taille en mètres, A : âge) : – chez l’homme : CI = 5,65 x H – 0,009 x A – 5,99 ; RSD = 0,47 ; – chez la femme : CI = 4,36 x H – 0,001 x A – 4,99 ; RSD = 0,40. Selon ces équations, la distribution chez 95 % des sujets normaux correspondrait à cette valeur théorique ± 1,64 RSD (soit 0,77 l chez l’homme et 0,65 l chez la femme). 100 Figure 2. Exemple de distension statique extrême chez un patient emphysémateux très sévère (VEMS : 0,88 l, 23 % de la valeur théorique ; CRF : 8,74 l, 246 % de la valeur théorique). La CI est considérablement diminuée, induisant une “contrainte restrictive” dès le repos. PERTINENCE CLINIQUE Intérêt au repos La capacité inspiratoire est altérée dans de multiples situations, qu’il s’agisse de pathologies obstructives ou restrictives. En dehors de l’obésité altérant assez spécifiquement le VRE, la plupart des pathologies retentissant sur la CV modifient surtout la CI. Dans les pathologies neuromusculaires, le VRE peut également être diminué en cas de faiblesse importante des muscles expiratoires. La distension est un élément physiopathologique majeur dans la BPCO et l’asthme sévère. Cette distension, de déterminisme complexe, est en grande partie liée à la limitation des débits expiratoires induite par l’obstruction bronchique. Les autres mécanismes possibles sont la modification de l’élasticité pulmonaire et la mise en jeu précoce des muscles inspiratoires en fin d’expiration. La distension, lorsqu’elle atteint le VR et la CRF, retentit habituellement nettement sur la CI, la CPT augmentant moins, en général, que les deux premiers volumes. La réduction de la CI peut être extrême chez l’emphysémateux, y compris au repos (figure 2 ). Cette amputation de la CI constitue, en pratique, une contrainte “restrictive”, puisqu’elle limite considérablement la réserve inspiratoire, notamment à l’exercice (voir ci-après). La dyspnée, en pathologie respiratoire (y compris obstructive), est souvent décrite dans la littérature anglo-saxonne comme un effort inspiratoire augmenté, une incapacité à inspirer profondément, un effort inspiratoire non récompensé. Il n’est donc pas surprenant qu’apparaisse un lien entre dyspnée et CI, qui reflète la réserve inspiratoire effective. Dans l’asthme et la BPCO, l’intérêt de la simple CI de repos est souligné par deux études récentes montrant dans les deux pathoLa Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 3 - mai-juin 2004 logies une forte corrélation entre la CI de repos et la tolérance à l’effort évaluée par la puissance.maximale (Wmax) et la consommation maximale d’oxygène (VO2max) (5, 6) (figure 3). Au cours des exacerbations sévères de BPCO nécessitant une hospitalisation, une diminution de la CI qui s’associe à une limitation constante et sévère des débits expiratoires est constatée (7). L’amélioration de cette limitation expiratoire en fin d’hospitalisation chez certains patients s’accompagne d’une augmentation de la CI (7). Une amélioration importante de la CI semble également être un facteur prédictif de sevrage de la ventilation mécanique chez les patients atteints de BPCO en insuffisance respiratoire aiguë (8). En revanche, aucune donnée ne permet actuellement de recommander l’utilisation de la CI comme paramètre de surveillance au long cours, notamment pour évaluer les modifications de la distension. Bien que la pertinence de la CI en pathologie interstitielle et restrictive n’ait pas encore fait l’objet d’études à large échelle, elle est également très vraisemblable. Dans une population de 20 patients présentant des pathologies interstitielles d’étiologies variées, la dyspnée à l’exercice était inversement proportionnelle (r = 0,58) au rapport entre VT de repos et CI (9). Il a également été mis récemment en évidence un lien entre la dyspnée et la CI chez l’insuffisant cardiaque, puisqu’en analyse . multivariée celle-ci était le seul paramètre prédictif de la V O2max (r = 0,71). La CI était inversement corrélée à la pression capillaire pulmonaire, évoquant un lien avec l’intensité de l’œdème alvéolaire et interstitiel (10). L’intérêt de la CI n’a pas été évalué de façon systématique dans les pathologies neuromusculaires et pariétales thoraciques, mais il est vraisemblable qu’elle ait une valeur pronostique au moins égale à celle de la CV, avec l’avantage supplémentaire d’une réalisation très facile. Intérêt à l’exercice Les mécanismes de la limitation à l’effort dans les pathologies obstructives, et en particulier dans la BPCO, ont été précisés assez récemment. L’un des mécanismes essentiels est la distension dynamique, induite par la limitation des débits expiratoires. Celle-ci, très fréquente au repos et particulièrement en décubitus chez les patients BPCO (11), devient quasiment constante à l’effort (12), obligeant le patient à augmenter progressivement son volume télé-expiratoire (VTE, ou EELV en anglais) s’il veut augmenter ses débits ventilatoires. Si l’on considère que la capacité pulmonaire totale (CPT) ne se modifie pas significativement à l’exercice ( 1 3 ), toute diminution progressive de la CI en cours d’épreuve signifie une augmentation parallèle du VTE par rapport à la CRF de repos (figure 4). La CI, effectuée au repos puis à intervalles réguliers au cours de l’exercice, est la seule technique utilisable en routine pour évaluer indirectement cette hyperinflation dynamique (14). Il est recommandé d’acquérir plusieurs volumes courants dans les 30 dernières secondes de chaque palier (en veillant à l’absence de dérive en volume), puis d’effectuer une manœuvre de CI pour obtenir le volume télé-expiratoire. On demande au patient d’inspirer à fond en le stimulant. Une deuxième mesure de CI peut être utile pour s’assurer de l’absence de dérive. La CI va également La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 3 - mai-juin 2004 Figure 3. La puissance maximale à l’exercice (Wmax) est très significativement corrélée à la simple CI de repos chez ces patients BPCO ou asthmatiques. Adapté de Murario, Chest 1998. Figure 4. La CI permet d’évaluer indirectement la distension dynamique et, inversement, la diminution de la distension sous bronchodilatateur. Cela n’est vrai que dans les situations où la CPT reste constante, ce qui n’est pas toujours le cas après bronchodilatateur. On considère par contre que la CPT ne varie pas significativement à l’exercice. permettre de “caler” la courbe débit-volume par rapport à la courbe débit-volume maximale effectuée préalablement au repos, et ainsi de visualiser la limitation des débits expiratoires (figure 5 ). On peut ainsi déterminer, à partir de la CI, le rapport VTE/CPT, qui constitue un indice de distension dynamique. Les matériels d’épreuve d’effort récents permettent de mesurer et de visualiser ces paramètres en routine. Contrairement au sujet sain, qui augmente 101 M I S E A Figure 5. Courbes débit-volume obtenues à l’exercice chez un patient BPCO sévère (VEMS : 0,89 l, 29 % de la valeur théorique). La mesure de la CI à chaque palier permet de situer le volume courant par rapport à la courbe débit-volume maximale, en prenant comme référence la CPT considérée comme constante. Ce patient présente une distension dynamique majeure liée à la limitation des débits expiratoires. son volume courant en partie aux dépens du VRE, les patients BPCO développent très fréquemment une distension dynamique progressive à l’exercice, proportionnelle à leur limitation expiratoire ( 1 5 ). Dans une série importante de patients BPCO, la CI diminuait en moyenne à l’exercice de 0,37 ± 0,39 l, soit 14 % de la valeur théorique, alors qu’elle peut augmenter légèrement en moyenne chez le sujet sain (+ 0,17 ± 0,46 l). Cela amène au concept de “contrainte restrictive” chez le patient BPCO, puisque la CI représente la limite pratique d’expansion du VT à l’exercice (figure 6) ( 1 5 ). L’hyperinflation dynamique à l’exercice diminue la longueur des muscles inspiratoires, et donc leur force de contraction, et augmente la charge élastique, le travail ventilatoire et la consommation d’oxygène par les muscles respiratoires. Il en résulte également une détérioration du couplage neuromécanique (qui est la relation entre l’effort inspiratoire et le volume courant . mobilisé) et une majoration de la dyspnée (16). La VO2max des patients BPCO est corrélée au VT maximal au pic de l’exercice, ce dernier étant lui même significativement lié à la CI au pic de U P O I N T l’effort ( 1 5 ).La dyspnée au pic de l’exercice est significativement corrélée à la réserve inspiratoire dynamique (CI – VT au pic). Il semble également possible d’évaluer très facilement la distension dynamique d’exercice en effectuant une mesure de la CI avant et juste après un test de marche de 6 minutes. La dyspnée à la marche est corrélée chez le patient BPCO à la diminution de la CI ainsi mesurée (3). L’un des mécanismes d’efficacité des bronchodilatateurs courte action ou longue action est de limiter cette distension dynamique, indépendamment d’une efficacité sur le VEMS, paramètre classique de réversibilité. L’amélioration de la performance à l’exercice sous bronchodilatateur est très significativement corrélée à la réduction de la distension dynamique et donc à l’amélioration de la CI au repos et pendant l’effort (17, 18). Bien que cette hypothèse n’ait pas encore été confirmée par d’autres études que celle précédemment citée (9), il est vraisemblable que la CI et son évolution dynamique à l’exercice soit également un paramètre pertinent dans les pathologies infiltratives pulmonaires. Intérêt comme paramètre de réversibilité Le troisième intérêt majeur de la CI est l’évaluation de la réversibilité sous bronchodilatateur. Bien que le VEMS soit le critère de référence classique pour mettre en évidence une réversibilité sous bronchodilatateur, de nombreux patients ressentent un bénéfice clinique de ce type de traitement sans être réversibles sur ce seul critère. L’un de ces mécanismes est la diminution de la distension. Si l’on considère, par analogie avec l’effort, que la CPT se modifie peu sous bronchodilatateur, l’amélioration de la CI signifie une réduction de la CRF (figure 4). La comparaison de la CI pré- et postbronchodilatateur peut néanmoins sous-estimer l’amélioration de la distension si la CPT diminue aussi. Il peut à l’inverse être observé dans quelques cas une augmentation “paradoxale” de la CPT sous bronchodilatateur, correspondant vraisemblablement à la levée de la pneumoconstriction due à la contraction des fibres musculaires lisses tissulaires. Néanmoins, la corrélation entre le gain en CI et la diminution de la CRF est correcte (r = 0,6) chez l ’ e m p h y s é m ateux ( 1 9 ). Elle est naturellement excellente (r = 0,93) chez les patients ne modifiant pas leur CPT sous bronchodilatateur. Figure 6. Profils ventilatoires à l’exercice du sujet sain et du patient BPCO. Chez le BPCO, l’hyperinflation dynamique induite par la limitation des débits expiratoires se traduit par une réduction de la CI et de la réserve inspiratoire (“contrainte restrictive”). La ventilation à haut volume pulmonaire augmente le travail élastique, diminue l’efficacité des muscles inspiratoires et majore leur consommation d’oxygène. La dyspnée résulte en partie d’un découplage neuroventilatoire. 102 La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 3 - mai-juin 2004 Chez les patients sévèrement distendus, quelle qu’en soit l’étiologie, l’amélioration de la CI est bien plus fréquente que celle du VEMS. Dans une large série de patients très distendus, une amélioration significative du VEMS seul était obtenue dans seulement 11 % des cas, alors qu’une augmentation de la CI avec réduction parallèle du VR concernait 43 % des patients ( 2 0 ). L’“effet volume” est d’autant plus prédominant que le patient présente une obstruction sévère ( 2 1 ).L’amélioration de la CI sous bronchodilatateur longue action est également plus importante que celle du VEMS chez les patients BPCO distendus (22). Lors d’un test de bronchodilatation maximale, utilisant une nébulisation de salbutamol et de bromure d’ipratropium à forte dose chez des patients BPCO stables, l’amélioration de la CI s’avérait nettement supérieure à celle du VEMS (0,34 l versus 0,15 l), et sans lien avec l’effet du bronchodilatateur sur la limitation des débits expiratoires évaluée par la technique NEP (pression expiratoire négative) (2). Chez les patients BPCO non réversibles en termes de VEMS, on constate une amélioration de la CI et donc de la distension, alors que la limitation des débits expiratoires reste inchangée (23, 24). Les patients semblent privilégier, en termes de “stratégie ventilatoire”, la diminution de la distension, source majeure de dyspnée. Dans la BPCO, l’amélioration de la CI sous différents bronchodilatateurs est plus importante chez les patients ayant une CI basale diminuée (< 80 % de la valeur théorique) ; elle est d’ailleurs significativement corrélée dans ce sous-groupe à l’amélioration de la dyspnée (25). L’effet plateau sur la CI atteint son maximum 30 minutes après l’administration du bronchodilatateur. Une seule étude a fourni des résultats contradictoires dans la BPCO, en ne retrouvant aucun lien entre l’amélioration de la dyspnée sous bronchodilatateur et le gain en CI ( 2 6 ). Les auteurs expliquent cette absence de corrélation avec les modifications de la dyspnée par la variabilité importante de la CI au repos, liée à la fois à la distension et à l’obstruction expiratoire et inspiratoire. En revanche, une corrélation très significative apparaissait entre la variation de la dyspnée sous bronchodilatateur et le volume inspiré maximal-seconde (VIMS), paramètre dynamique prenant en compte l’efficacité de l’inspiration. Ces données contradictoires nécessitent une confirmation par d’autres études. En l’absence de données précises à large échelle sur la reproductibilité de la mesure, le problème pratique est de déterminer le niveau d’amélioration de la CI permettant de définir une réversibilité sur ce paramètre. Là encore, il n’existe pas de recommandation officielle. Plusieurs études ont proposé un seuil de 10 ou 12 % par rapport à la valeur de base pour définir une réversibilité significative sur la CI (2, 20, 25). D’autres auteurs retiennent comme seuil 10 % de la valeur théorique (19). dilatateur chez les patients considérés comme “non réversibles” en termes de VEMS. Nous avons vu son intérêt majeur en association avec la courbe débit-volume au cours de l’exercice. Des incertitudes persistent néanmoins quant à l’interprétation des valeurs en longitudinal, compte tenu de l’absence de données à large échelle sur sa reproductibilité et du niveau de variation considéré comme cliniquement significatif. Son intérêt dans la surveillance au long cours des pathologies obstructives reste donc à évaluer. La CI pourrait, par exemple, s’avérer utile dans le dépistage des exacerbations de BPCO, alors que le VEMS a montré son faible intérêt dans cette indication. La CI est également particulièrement pertinente dans l’évaluation de la dyspnée d’effort, que ce soit en pathologie obstructive ou restrictive. Son utilisa■ tion et ses indications devraient s’élargir rapidement. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Quanjer PH, Tammeling GJ, Cotes JE et al. Lung volumes and forced ventilatory flows. Eur Respir J 1993;S6:5-40. 2. Hadcroft J, Calveley PMA. Alternative methods for assessing bronchodilator reversibility in chronic obstructive pulmonary disease.Thorax 2001;56: 713-720. 3. Marin JM, Carrizo SJ, Gascon M et al. Inspiratory capacity, dynamic hyperinflation, breathlessness, and exercise performance during the 6 minute walk test in chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 2001;163:1395-9. 4. Blanc FX, Zureik M, Straus C et al. Prediction equations for inspiratory capacity in caucasian adults. Am J Respir Crit Care Med 2000;161:A276. 5. Diaz O, Villafranca C, Ghezzo H et al. Role of inspiratory capacity on exercice tolerance in COPD patients with and without tidal expiratory flow limitation at rest. Eur Respir J 2000;16:269-275. 6. Murario C, Ghezzo H, Milic-Emili J, Gautier H. Exercise limitation in obstructive lung disease. Chest 1998;114:965-8. 7. Dujon C, Perez T, Tillie Leblond I, Matran R, Tonnel AB. Évaluation séquentielle de la limitation du débit expiratoire, de la force des muscles inspiratoires et de la spirométrie au cours des exacerbations de BPCO. Rev Mal Respir 2002;19:1S13. 8. Alvisi V, Romanello A, Badet M et al. Time course of expiratory flow limitation in COPD patients during acute respiratory failure requiring mechanical ventilation. Chest 2003;122:1625-32. 9. O’Donnell DE, Chau LKL, Web KA. Qualitative aspects of exertional dyspnea in patients with interstitial lung disease. J Appl Physiol 1998;84:2000-9. 10. Nanas S, Nanas J, Papazachou O et al. Resting lung function and hemodynamic parameters as predictors of exercise capacity in patients with chronic heart failure. Chest 2003;123:1386-93. 11. Eltayara L, Rigsby Beclake M, Volta CA, Milic-Emili J. Relationship between chronic dyspnea and expiratory flow limitation in patients with chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 1996;154:1726-34. 12. Koulouris NG, Dimopoulos I, Valta P et al. Detection of expiratory flow limitation during exercise in COPD patients. J Appl Physiol 1997;82:723-31. UTILISATION PRATIQUE ET PERSPECTIVES En pratique, la CI est un complément utile de la CVF dans l’évaluation de nombreuses pathologies, notamment obstructives. C’est le paramètre le plus simple pour évaluer indirectement la distension et la contrainte restrictive. Sa simplicité de réalisation et les résultats des récentes études justifient son emploi large, voire systématique, lors des tests de réversibilité sous bronchoLa Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 3 - mai-juin 2004 13. Stubbing DG, Pengelly LD, Morse JLC, Jones NL. Pulmonary mechanics during exercise in subjects with chronic airflow obstruction. J Appl Physiol 1980;49:511-5. 14. Johnson BD, Weisman IM, Zeballos RJ, Beck KC. Emerging concepts in the evaluation of ventilatory limitation during exercise: the exercise tidal flowvolume loop. Chest 1999;116:488-503. 15. O’Donnell DE, Revill SM, Webb KA. Dynamic hyperinflation and exercise intolerance in chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 2001;164:770-7. 103 M I S E A 16. O’Donnell DE. Assessment of bronchodilator efficacity in symptomatic COPD: is spirometry useful? Chest 2000;117:42S-47S. 17. O’Donnell DE, Lam M, Webb KA. Measurement of symptoms, lung hyperinflation and endurance during exercise in chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 1998;158:1557-65. 18. O’Donnell DE, Lam M, Webb KA. Spirometric correlates of improvement in exercise performance after anticholinergic therapy in chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 1999;160:542-9. 19. O’Donnell DE, Forkert LM, Webb KA. Evaluation of broinchodilator responses in patients with “irreversible” emphysema. Eur Respir J 2001;18:914-20. 20. Newton MF, O’Donnel DE, Forkert L. Response of lung volumes to inhaled salbutamol in a large population of patients with severe hyperinflation. Chest 2002;121:1042-50. 21. Pellegrino R, Rodarte JR, Brusasco V. Assessing the reversibility of airway obstruction. Chest 1998;114:1607-12. NOUVELLES DE U P O I N T 22. Celli B, ZuWallack R, Wang S, Kesten S. Improvement in resting inspiratory capacity and hyperinflation with tiotropium in COPD patients with increased static lung volumes. Chest 2003;124:1743-8. 23. Tantucci C, Duguet A, Similowski T et al. Effect of salbutamol on dynamic hyperinflation in chronic obstructive pulmonary disease patients. Eur Respir J 1998;12:799-804. 24. Boni E, Corda L, Franchini D et al. Volume effect and exertional dyspnea after bronchodilator in patients with COPD with and without expiratory flow limitation at rest. Thorax 2002;57:528-32. 25. Di Marco F, Milic Emili J, Boveri P et al. Effect of inhaled bronchodilators on inspiratory capacity and dyspnea at rest in COPD. Eur Respir J 2003; 21:86-94. 26. Taube C, Lehning B, Paasch K et al. Factor analysis of changes in dyspnea and lung function parameters after bronchodilation in chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 2000;162:216-20. L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE C om mu n iqu és des co nfér ences d e pre sse, sym po sium s, man ifestat ion s or gan isés par l ’ind ust rie p harm aceut iqu e Actualités dans le sevrage tabagique : nouvelles données sur Zyban® LP (chlorhydrate de bupropion) En mai 2003, l’AFSSAPS a publié des “recommandations de bonne pratique”. Ces recommandations indiquaient trois thérapeutiques ayant démontré leur efficacité dans l’aide à l’arrêt du tabac : – les traitements nicotiniques de substitution (TNS) ; – le bupropion (Zyban® LP), pour lequel les méta-analyses ont fait apparaître une supériorité légère mais régulière par rapport aux TNS ; – les techniques cognitivo-comportementales, qui présentent un réel intérêt pour stimuler la motivation et le sentiment d’efficacité personnelle du patient. L’efficacité de Zyban® LP sur la dépendance physique et psychique a été démontrée dans deux études princeps d’efficacité. Deux études récentes ont confirmé l’efficacité de Zyban® LP. En 2003, l’étude de Tonnesen et al. a démontré un taux d’abstinence continue en fin de traitement à 7 semaines de 46 % sous Zyban® LP par rapport à 23 % sous placebo (p < 0,001), soit un doublement. À un an, le taux d’abstinence continue était de 21 % dans le groupe Zyban® LP et de 11 % dans le groupe placebo (p = 0,002). Les effets indésirables les plus fréquents par rapport au placebo étaient l’insom104 nie (24 % contre 15 % sous placebo) et la sécheresse de la bouche (13 % contre 5 % sous placebo). En 2003, l’étude de Tonstad et al. s’est concentrée sur des fumeurs souffrant de maladies cardiovasculaires (MCV), avec un risque vital particulièrement important. En effet, les MCV sont la première cause de mortalité induite par le tabac, alors que le risque coronarien diminue très rapidement après l’arrêt du tabac. Cette étude a montré que, à 7 semaines, 43 % des patients sous Zyban® LP avaient arrêté de fumer, contre 19 % dans le groupe placebo (p < 0,001). À un an, 22 % étaient toujours abstinents, contre 9 % dans le groupe placebo (p < 0,001). Dès la mise à disposition de Zyban® LP en septembre 2001, et comme pour de nombreux nouveaux médicaments, l’AFSSAPS avait mis en place une étude de suivi. Zyban® LP a fait l’objet de 1 047 déclarations de pharmacovigilance sur 330 000 patients traités la première année, soit 0,3 %. Parmi ces signalements, la plupart sont des symptômes liés non pas au produit, mais à des effets retardés du tabac, ou des symptômes de sevrage au tabac. Dans 0,026 % des cas, il y a eu des effets cutanés graves, dont les plus nombreux sont des allergies avec gonflement du visage et des urticaires. Quelques cas de crises d’épilepsie ont été déclarés, mais moins qu’on ne pouvait s’y attendre avec ce type de traitement*. Les toutes dernières données de pharmacovigilance concernent la deuxième année de mise à disposition de Zyban® LP en France : seuls 336 cas ont été rapportés ramenant ainsi le taux de signalement à 0,17 %. Les pharmacovigilances des autres pays donnent des résultats similaires. Un article du British Medical Journal du 28 février 2004 confirme que la pharmacovigilance de Zyban® LP montre en moyenne deux fois moins d’effets indésirables graves que les autres nouveaux médicaments mis sur le marché en Grande-Bretagne. D’un côté, 0,08 % d’effets graves signalés en un an à partir de septembre 2001, dont 0,026 % d’“effets cutanés”, principalement des allergies liées à Zyban® LP ; de l’autre, 60 000 décès par an engendrés par le tabac : un fumeur sur deux décède des suites de son tabagisme. De plus, l’Agence européenne du médicament a officiellement confirmé, en août 2002, que la balance bénéfice-risque de Zyban® LP était favorable. Zyban® LP est indiqué comme aide au sevrage tabagique de l’adulte (> 18 ans), accompagné d’un soutien de la motivation à l’arrêt du tabac chez les patients présentant une dépendance à la nicotine. * Pour de plus amples informations, voir le Résumé des caractéristiques du produit de Zyban® LP. La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 3 - mai-juin 2004