Revue Mondes en développement

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Appel à contributions
Revue Mondes en développement
Numéro spécial sur le thème :
« La coopération économique décentralisée : passage à une coopération
économiquement porteuse ou simple élargissement du territoire
marchand ? »
Sous la direction d’Abdelkader DJEFLAT et de Bruno BOIDIN (CLERSE, CNRS - UMR 8019 Université de Lille)
La coopération décentralisée, initiée sous des formes très simples à travers les
jumelages, s’est ensuite développée de façon plus structurée et ambitieuse. Elle a donné aux
collectivités territoriales et aux sociétés civiles un poids important dans la coopération pour
le développement. Aujourd’hui on constate une nouvelle évolution fondée sur l’idée que la
coopération décentralisée devrait être axée sur les leviers économiques, alors qu’elle a
longtemps été appliquée dans des domaines plutôt sociaux, urbains, éducatifs, etc.
Comment sommes-nous arrivés à cette coopération économique décentralisée ? Que
signifie-t-elle ? Comment expliquer ce phénomène et quels sont les facteurs qui ont agi au
Nord et au Sud ? Quelles formes prend et devrait prendre la coopération économique
décentralisée ? Ne remet-elle pas en cause la nature même de la coopération décentralisée
en investissant des activités jusqu’alors réservées aux entreprises et au monde marchand ?
Telles sont les différentes questions à l’origine de cet appel à articles.
En guise de cadrage, il convient d’abord de revenir sur l’itinéraire de la coopération
décentralisée. Celle-ci a été rapidement traversée par des débats, propres au champ de
l’aide au développement, entre les défenseurs d’une approche par la solidarité et les tenants
d’une conception tournée prioritairement vers le développement économique. Cette
coexistence de plusieurs approches reflète dans une certaine mesure la difficulté d’établir un
dialogue entre le milieu économique et celui de la solidarité. Ce problème est lié dans une
large mesure aux résultats mitigés de l’aide et de la coopération au développement mais
aussi au fait que la question traditionnelle « aide ou commerce ? » n’a pas été tranchée : on
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se trouve alors aujourd’hui dans une situation intermédiaire, à la fois dans la coopération
d’aide au développement et dans les questionnements sur les leviers économiques sousjacents. Le champ de la coopération décentralisée est ainsi parti des questions de solidarité,
notamment en France, puis a progressivement intégré la notion de réciprocité qui est venue
interroger ce domaine ; c’est ce que Gleizal et Stephan (2006) appellent « la valorisation
économique » des acteurs du Sud. Plus récemment, sont apparues l’intégration de la
dimension économique dans la coopération décentralisée et l’émergence de ce concept de
la coopération économique décentralisée.
Ce contexte général étant posé, il est utile de considérer les différents jalons qui ont
favorisé le passage de la coopération décentralisée à la coopération économique
décentralisée. Le premier jalon est la construction progressive d’un paradigme du territoire
vu comme une entité économique cohérente face aux mutations globales. La coopération
économique décentralisée est en effet au centre d’un faisceau de mutations, notamment au
moment des crises économiques, sociales et écologiques. Les
programmes de
développement durable local ont ainsi été promus comme des vecteurs d’adaptation à ces
crises (Djeflat et Boidin 2010). Ces programmes se sont construits dans un contexte de
globalisation et de vulnérabilité aux chocs extérieurs, où le développement local est alors vu
comme impératif, mais aussi dans un contexte d’avènement de l’économie de la
connaissance et de montée en puissance de l’économie sociale et solidaire. Il est intéressant
de constater cette construction du territoire comme entité économique qui a traversé des
étapes dans la littérature depuis les apports de Marshall (1891) jusqu’aux contributions plus
récentes (Becattini 1989, Perrat 1993), avant d’arriver à la notion de réseau comme forme
supérieure d’organisation du territoire. C’est une construction qui s’est donc faite
progressivement.
Il existe alors une ambivalence de la mutation des acteurs économiques face aux
crises et aux instabilités : cette mutation est à la fois celle de la coopération et de la
concurrence des territoires. Cette coexistence de la coopération et de la concurrence sur un
territoire s’est vue renforcée par l’émergence et le poids croissant de certains acteurs
devenus centraux sur le territoire, tels que les entreprises, les migrants et les institutions
intermédiaires (Chambres de commerce, Chambres des métiers, associations patronales,
syndicats etc.). Dans ce contexte de redéfinition des forces en présence, les innovations
institutionnelles se sont multipliées. Ainsi, la « responsabilité sociale (ou sociétale) des
entreprises » devient un thème central face au « tout économique » et aux gains à
outrance ; les partenariats multipartites entre acteurs publics et privés, marchands et non
marchands, prennent une ampleur non négligeable.
Toutes ces évolutions doivent en outre être mises en perspective avec les réalités au
Sud. Les modèles orthodoxes ont dominé les politiques publiques ces trois dernières
décennies à la suite des programmes d’ajustement structurel. Ces mutations ont forgé la
vision du développement au Sud et en particulier la diversification des besoins par rapport
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aux nouvelles exigences du marché, de la compétitivité et de l’ouverture. Ces besoins ne
sont, cependant, pas identiques : ils varient selon le niveau de développement, de plus en
plus hétérogène avec des pays émergents, des pays en développement et d’autres pays
pauvres très endettés. Les collectivités territoriales tout comme les autres intervenants se
trouvent devant une nouvelle réalité, notamment l’hétérogénéité des besoins, à laquelle ils
doivent s’adapter (Djeflat 2006).
Plusieurs pistes de réflexion se présentent et pourraient être explorées dans les
propositions d’article. A titre d’exemples : quel est le nouveau rôle économique de la
coopération décentralisée au Sud : accompagner des associations ? Aider à former pour les
nouveaux besoins ? Encourager des entreprises à se développer ? Quels sont les risques
associés de dérive marchande ? Comment concevoir cette nouvelle coopération insérée
dans l’économie de la connaissance au Nord et au Sud ? Comment concevoir ces nouvelles
capacités de transfert ? Quels rôles devront jouer les institutions de la connaissance qui ont
été plutôt marginalisées jusque là ? Quels sont les liens entre la coopération économique
décentralisée et la responsabilité sociale des entreprises ou plus largement le
développement durable ?
Références
Becattini G. (1989) « Les districts industriels en Italie », in Maruani M., Reynaud E., Romani
C. (eds), La flexibilité en Italie, Syros Alternatives,
Djeflat A. (2006) « La coopération décentralisée face aux besoins changeants des pays du
Sud » in B. Gallet, A. Bekkouche et Y. Villard (2006), La coopération décentralisée change-telle de sens ? Collection référence, Citées Unies France, pp.104-125
Djeflat A., Boidin B. (dir.) (2010) « Coopération décentralisée et développement durable »
Vol. 1, n° 1 | Mai, http://developpementdurable.revues.org/8385 (revue électronique).
Gleizal J.J., Stephan V. (2006), Entre théorie et pratique, le moment actuel de l’action
internationale des collectivités locales : l’exemple de la maison internationale de Grenoble »
in B. Gallet, A. Bekkouche et Villard Y., La coopération décentralisée change-t-elle de sens ?
Collection référence, Citées Unies France, pp.126-134
Marshall A. (1891) Principles of Economics, London : MacMillan
Perrat J. (1993) « Innovation, territoire et nouvelles formes de régulation : de la proximité à
l'externalité », Revue d'Economie Régionale et Urbaine, n° 3, pp. 509-525.
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Ouverture disciplinaire:
Compte tenu du caractère interdisciplinaire de la notion de coopération décentralisée, le
numéro est ouvert à des propositions émanant de différentes disciplines : économie,
gestion, sociologie, droit etc.
Echéancier :
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Envoi des propositions de papiers : fin Avril 2015 (deux pages maximum incluant des
éléments bibliographiques)
Réponses des éditeurs aux propositions de papiers : mi Mai 2015
Envoi des articles complets par les auteurs : mi-septembre 2015
Publication du numéro : juillet 2016
Contacts :
Les propositions de résumés et de papiers doivent être adressées aux adresses suivantes :
[email protected]
[email protected]
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