cours 1, le lundi 24 janvier 2011 I. Intégrale de Riemann I.1. Intégrale de Riemann sur [a, b] I.1.1. Intervalles Un intervalle de la droite réelle est un sous-ensemble I ⊂ R qui a la propriété suivante : si x et y sont deux éléments de I, tous les réels z entre x et y sont aussi dans I, ∀x, y ∈ I, ∀z ∈ R, x≤z≤y ⇒ z∈I . ou encore ∀x, y ∈ I, x ≤ y ⇒ [x, y] ∈ I . L’interprétation des quantificateurs et de l’implication montre que l’ensemble vide doit être considéré comme un intervalle. Il est clair que l’intersection d’une famille d’intervalles est encore un intervalle. Remarque 1. Si U est un intervalle, si u ∈ U, v ∈ / U et u < v, on a sup U ≤ v. Si U, V sont deux intervalles disjoints, si u ∈ U, v ∈ V et u < v, on a sup U ≤ inf V. Preuve. — Si U contenait un point u0 > v, les inégalités u < v < u0 entraı̂neraient v ∈ U, contrairement à l’hypothèse. On voit donc que v est un majorant de U, donc sup U ≤ v. Pour la deuxième partie, on note d’abord que sup U ≤ v. Si u0 est quelconque dans U, on a u0 ≤ sup U ≤ v mais u0 6= v, donc u0 < v, u0 ∈ / V, et v ∈ V : d’après la première partie appliquée à V pour l’ordre inverse, u0 ≤ inf V. Comme u0 est quelconque dans U, sup U ≤ inf V. Si I et J sont deux intervalles non vides disjoints, ou bien tous les points de I sont inférieurs à tous les points de J, et dans ce cas on notera I < J, ou bien tous les points de J sont inférieurs à tous les points de I, et dans ce cas on notera J < I. En effet, si on choisit x ∈ I et y ∈ J, on aura soit x < y, qui conduit à I < J d’après la remarque 1, soit y < x, qui conduit à J < I (on n’a pas x = y puisque I et J sont disjoints). 1 Considérons un intervalle non vide I ; si I est borné, il possède une borne inférieure α = inf I ∈ R et une borne supérieure β = sup I ∈ R. Si I n’est pas minoré, convenons de poser α = −∞, et si I n’est pas majoré, convenons que β = +∞. L’intervalle I contient tous les réels z tels que α < z < β : en effet, par la définition des bornes, il existe x, y dans I tels que α ≤ x < z < y ≤ β, ce qui entraı̂ne z ∈ I. Autrement dit, l’intervalle I contient l’intervalle ouvert ]α, β[. Si I est borné, on peut ajouter que par la définition des bornes α et β, l’intervalle I est contenu dans l’intervalle fermé [α, β], ]α, β[ ⊂ I ⊂ [α, β]. Si α < β, il en résulte que l’intervalle borné I est de l’une des quatre formes ]α, β[, ]α, β], [α, β[ ou [α, β]. Si I est non vide et si α = β, la seule possibilité est le singleton I = {α} = [α, α]. La longueur d’un tel intervalle borné I est β − α, et on notera `(I) = β − α. On conviendra que la longueur de l’intervalle vide est égale à 0. On a la propriété de croissance suivante pour deux intervalles bornés : I ⊂ J ⇒ `(I) ≤ `(J). En effet, l’inclusion entraı̂ne inf J ≤ inf I et sup I ≤ sup J, donc `(I) = sup I − inf I ≤ sup J − inf J = `(J). Lemme 1. Si un intervalle borné non vide I admet une partition finie en intervalles I = J1 ∪ J2 ∪ . . . ∪ Jn , avec des intervalles (Jk )16k6n deux à deux disjoints, on a `(I) = n X `(Jk ). k=1 Preuve. — Il s’agit essentiellement d’une évidence, on se permettra ne pas aller jusqu’au plus profond d’une preuve impitoyablement rigoureuse. Les intervalles Jk qui sont vides ne contribuent ni à la réunion, ni à la somme des longueurs. On peut donc supposer que tous les intervalles Jk sont non vides. La preuve du lemme procède par récurrence sur le nombre n des intervalles (non vides) Jk . Le résultat est clair quand n = 1. Montrons ensuite le cas n = 2 : donnons une partition de I en J1 et J2 non vides ; pour chaque intervalle Jk , on a des bornes αk ≤ βk et on peut choisir un point xk ∈ Jk , k = 1, 2. Supposons pour fixer les idées que x1 < x2 (sinon on réindexe) ; d’après la remarque 1, on a β1 = sup J1 ≤ inf J2 = α2 . Il n’est pas possible que β1 < α2 , sinon le milieu m de β1 et α2 ne serait dans aucun des deux intervalles J1 ou J2 , mais serait dans I puisqu’on aurait x1 ≤ β1 < m < α2 ≤ x2 2 et x1 , x2 ∈ I. De plus, l’inf d’une réunion finie de sous-ensembles de R est égale au minimum des infs, donc inf I = min(α1 , α2 ) = α1 , et de même pour les sup. On a donc justifié ce qui aurait été bien clair (mais pas une preuve) sur un dessin : inf I = α1 , β1 = α2 , sup I = β2 , par conséquent `(I) = β2 − α1 = (β1 − α1 ) + (β2 − α2 ) = `(J1 ) + `(J2 ). Supposons ensuite n > 2, et que le résultat soit vrai pour n − 1 intervalles ; donnons une partition de I en J1 , . . . , Jn non vides ; quitte à réindexer, on peut supposer que J1 < J2 < . . . < Jn . On peut alors vérifier que la réunion I0 = J1 ∪ J2 ∪ . . . ∪ Jn−1 est un intervalle. D’après l’hypothèse de récurrence et le cas de deux intervalles, 0 `(I ) = n−1 X `(Jk ) et 0 `(I) = `(I ) + `(Jn ) = k=1 n X `(Jk ). k=1 I.1.2. Fonctions en escalier Dans la suite du paragraphe on suppose fixé un intervalle fermé et borné [a, b]. Une subdivision π de [a, b] est la donnée d’une partition π finie de [a, b] en intervalles, c’està-dire la donnée d’un ensemble fini π ⊂ P([a, b]), formé d’intervalles et tel que [ ∀ I, J ∈ π, I 6= J ⇒ I ∩ J = ∅ ; [a, b] = {I : I ∈ π}. Il est commode (mais peu important) pour développer la théorie de ne pas imposer que les intervalles I ∈ π soient non vides, ce qui permet d’éviter de dire à chaque fois qu’on supprime les intervalles vides qui ont pu apparaı̂tre dans la construction d’une nouvelle subdivision. La subdivision ρ est plus fine que π si chaque intervalle de ρ est contenu dans un intervalle de π. Étant données deux subdivisions π1 et π2 , on peut introduire une subdivision ρ plus fine que les deux, en considérant la famille ρ = π1 · π2 formée de tous les intervalles I1 ∩ I2 , où I1 est un intervalle de π1 et I2 un intervalle de π2 . Si J = I1 ∩ I2 et J0 = I01 ∩ I02 sont deux éléments distincts dans la famille ρ, on a I1 6= I01 ou I2 6= I02 : si I1 6= I01 , I1 et I01 sont disjoints puisque π1 est une partition, donc J ⊂ I1 et J0 ⊂ I01 sont disjoints ; de même si I2 6= I02 . Si x est un élément quelconque dans [a, b], il existe I1 ∈ π1 tel que x ∈ I1 et I2 ∈ π2 tel que x ∈ I2 , donc x ∈ J = I1 ∩ I2 ∈ ρ ; la famille ρ est bien une partition finie de [a, b] en intervalles. Définition. On dit qu’une fonction réelle ϕ : [a, b] → R est une fonction en escalier s’il existe une subdivision π de [a, b] telle que la fonction ϕ soit constante sur chaque intervalle I de la subdivision π. On dira alors que π est adaptée à ϕ. Si π est adaptée à ϕ, toute subdivision ρ plus fine que π reste adaptée à ϕ ; en effet, chaque intervalle de ρ est contenu dans un intervalle de π, sur lequel ϕ reste constante. 3 Opérations sur les fonctions en escalier : sommes, valeur absolue, produits On donne deux fonctions en escalier ϕj avec des subdivisions adaptées πj , j = 1, 2 ; on introduit ρ plus fine que π1 et π2 ; alors ϕ1 et ϕ2 sont constantes sur les intervalles de ρ ; par conséquent, les fonctions |ϕ1 |, λ1 ϕ1 + λ2 ϕ2 , ϕ1 ϕ2 sont constantes aussi sur les intervalles de ρ (plus généralement, toutes les fonctions f (ϕ1 , ϕ2 ) de ϕ1 et ϕ2 sont constantes sur les intervalles de ρ). Les fonctions précédentes sont donc en escalier, et la subdivision ρ est adaptée à ces fonctions. Notation. Si A est un sous-ensemble d’un ensemble X, la notation 1A désigne la fonction indicatrice de A, fonction réelle définie sur X, égale à 1 sur A et à 0 en dehors, ∀x ∈ A, ∀y ∈ / A, 1A (x) = 1 ; 1A (y) = 0. Une fonction ϕ est une fonction en escalier sur [a, b] si et seulement si on peut l’exprimer sous la forme n X cj 1Ij , ϕ= j=1 où n est un entier quelconque, les (cj ) sont des réels et les (Ij ) des intervalles contenus dans [a, b]. On peut dire aussi que les fonctions en escalier sur [a, b] sont les éléments de l’espace vectoriel engendré par les fonctions 1[c,d] , a ≤ c ≤ d ≤ b : on peut observer que si c < d, 1]c,d[ = 1[c,d] − 1[c,c] − 1[d,d] , qui est bien une combinaison linéaire de fonctions de la forme annoncée, et il est clair qu’on peut reconstruire toutes les fonctions en escalier à partir des indicatrices des singletons et des indicatrices des intervalles ouverts. Intégrale des fonctions en escalier On pose pour ϕ en escalier et π adaptée à ϕ, et en désignant par cI la valeur constante de ϕ sur l’intervalle I de la subdivision, X Σπ (ϕ) = `(I)cI . I∈π Si on préfère indexer la subdivision, sous la forme π = {I1 , . . . , Im }, et si on désigne par cj la valeur constante de ϕ sur l’intervalle Ij de la subdivision, j = 1, . . . , m, on peut récrire m X Σπ (ϕ) = `(Ij )cj . j=1 On va montrer que cette expression est indépendante de la subdivision π adaptée à ϕ (l’expression ne dépend donc que de la fonction ϕ) : on considère deux subdivisions π = {I1 , . . . , Im } et σ = {J1 , . . . , Jn } adaptées à ϕ, et la subdivision ρ = π · σ plus fine formée des intervalles Lj,k = Ij ∩ Jk , j = 1, . . . , m, k = 1, . . . , n ; 4 la subdivision ρ = π · σ plus fine est adaptée à ϕ : pour chaque couple (j, k) la fonction ϕ prend une valeur constante ej,k sur Lj,k . Si `(Lj,k ) n’est pas nul, l’intervalle Lj,k n’est pas vide, et si x ∈ Lj,k ⊂ Ij on aura cj = ϕ(x) = ej,k ; on en déduit que `(Ij ∩ Jk )ej,k = `(Ij ∩ Jk )cj , (1) égalité qui est vraie aussi banalement quand `(Ij ∩ Jk ) = 0 ; l’égalité (1) est donc vraie pour tous j, k. On a par conséquent Σρ (ϕ) = m X n X `(Ij ∩ Jk )ej,k = j=1 k=1 n m X X j=1 k=1 `(Ij ∩ Jk ) cj . Comme Pnla famille Ij ∩ Jk , k = 1, . . . , n est une partition de l’intervalle Ij en intervalles, on a k=1 `(Ij ∩ Jk ) = `(Ij ) d’après le lemme 1. Il en résulte que Σρ (ϕ) = m X `(Ij )cj = Σπ (ϕ). j=1 On montre de même que Σρ (ϕ) = Σσ (ϕ), ce qui entraı̂ne que Σπ (ϕ) = Σσ (ϕ) et justifie la définition de l’intégrale de ϕ donnée ci-dessous. Définition. L’intégrale sur [a, b] de la fonction en escalier ϕ, notée classiquement Z b ϕ(t) dt, a est la valeur de Σπ (ϕ) pour une (quelconque) subdivision π de [a, b] adaptée à ϕ. On se Rb permettra d’écrire en abrégé a ϕ. Linéarité de l’intégrale Si ϕ et ψ sont en escalier, on a vu que λϕ + µψ est en escalier, et on a Z b Z b Z b (λϕ + µψ) = λ ϕ+µ ψ. a a a Pour le montrer, il suffit de passer à une subdivision ρ = {I1 , . . . , Im } adaptée en même temps aux deux fonctions ϕ et ψ. Si les cj , dj sont les valeurs constantes de ϕ, ψ sur l’intervalle Ij , j = 1, . . . , m, on a Z b (λϕ + µψ) = Σρ (λϕ + µψ) = a m X `(Ij )(λcj + µdj ) j=1 Z m m X X `(Ij )dj = λ `(Ij )cj + µ =λ j=1 a j=1 5 b ϕ+µ Z a b ψ. Positivité, croissance de l’intégrale Rb Si ϕ est une fonction en escalier ≥ 0, il est clair que a ϕ ≥ 0 (les valeurs cj de ϕ sont ≥ 0 et l’expression de Σπ (ϕ) est une somme de nombres `(Ij )cj ≥ 0). Avec la linéarité on obtient que Z b Z b ϕ1 ≤ ϕ2 ⇒ ϕ1 ≤ ϕ2 , a a (propriété de croissance de l’intégrale) puisque la positivité de ϕ2 − ϕ1 implique que 0≤ Z b (ϕ2 − ϕ1 ) = a Z b ϕ2 − a Z b ϕ1 ; a on a aussi la majoration Z b a Z ϕ ≤ b |ϕ|, a obtenue à partir de l’encadrement −|ϕ| ≤ ϕ ≤ |ϕ| et de la croissance de l’intégrale, ou bien directement à partir de l’inégalité triangulaire, Z b a Z N N X X `(Ij )cj ≤ `(Ij )|cj | = ϕ = |ϕ|. a j=1 j=1 b Découpage de [a, b] On donne une fonction en escalier ϕ sur [a, b], et un point y tel que a < y < b ; si π = {J1 , . . . , JN } est une subdivision de [a, b] adaptée à ϕ, les intervalles [a, y] ∩ Jk constituent une subdivision de [a, y] adaptée à ϕ, et les intervalles [y, b] ∩ Jk constituent une subdivision de [y, b] adaptée à ϕ ; on a donc Z a y ϕ= N X `([a, y] ∩ Jk )ck et k=1 Z b ϕ= y N X `([y, b] ∩ Jk )ck ; k=1 il reste à vérifier que pour chaque k, `([a, y] ∩ Jk ) + `([y, b] ∩ Jk ) = `(Jk ) ; cela résulte de `([a, y] ∩ Jk ) = `([a, y[∩Jk ) + `([y, y] ∩ Jk ) qui est vrai d’après le lemme 1 et de `([y, y] ∩ Jk ) ≤ `([y, y]) = 0, donc `([a, y] ∩ Jk ) = `([a, y[∩Jk ). On a donc `([a, y] ∩ Jk ) + `([y, b] ∩ Jk ) = `([a, y[∩Jk ) + `([y, b] ∩ Jk ) = `(Jk ), par conséquent Z a b ϕ= N X `(Jk )ck = Z a k=1 6 y ϕ+ Z y b ϕ. I.1.3. Intégrale de Riemann Définition. On dit qu’une fonction f réelle définie sur [a, b] est Riemann-intégrable si : la fonction f est bornée sur [a, b], et pour tout ε > 0 il existe ϕ1 , ϕ2 en escalier telles que ϕ1 ≤ f ≤ ϕ2 et Z b Z b ϕ1 < ε. ϕ2 − a a Cela revient à dire que : sup nZ b ϕ1 : ϕ1 ≤ f a o = inf nZ b o ϕ2 : f ≤ ϕ2 . a Par définition, l’intégrale d’une fonction R-intégrable f est la valeur commune, Z b f (t) dt = sup a nZ b ϕ1 : ϕ1 ≤ f a o = inf nZ b a o ϕ2 : f ≤ ϕ2 . Si on donne des points x0 = a < x1 < . . . < xN = b, on peut considérer la subdivision π dont les intervalles sont Ji = [xi−1 , xi [ pour i = 1, . . . , N − 1 et JN = [xN−1 , xN ]. On dira que π est associée aux points de subdivision x0 , x1 , . . . , xN . Exemple : les fonctions monotones sont R-intégrables. Preuve. — Supposons par exemple que f soit croissante. On découpe [a, b] en N parties égales au moyen des points de subdivision xi = a + i b−a , N i = 0, . . . , N ; on a x0 = a, xN = b, et on introduit la subdivision π = {J1 , . . . , JN } de [a, b] définie ci-dessus, Ji = [xi−1 , xi [ pour i < N et JN = [xN−1 , xN ]. On définit ϕ1 et ϕ2 ainsi : sur chaque intervalle Ji , i = 1, . . . , N on pose ϕ1 (x) = f (xi−1 ), ϕ2 (x) = f (xi ) ; comme f est croissante, on a pour tout x de l’intervalle Ji xi−1 ≤ x ≤ xi ⇒ ϕ1 (x) = f (xi−1 ) ≤ f (x) ≤ f (xi ) = ϕ2 (x). Alors, ϕ1 et ϕ2 sont en escalier, on a ϕ1 ≤ f ≤ ϕ2 et Z b ϕ1 = b−a f (x0 ) + f (x1 ) + · · · + f (xN−1 ) , N ϕ2 = b−a f (x1 ) + · · · + f (xN−1 ) + f (xN ) , N a Z b a donc Z b ϕ2 − a Z b ϕ1 = a (b − a)(f (b) − f (a)) b−a , f (xN ) − f (x0 ) = N N qui tend vers 0 quand N tend vers l’infini. 7 Intégrabilité par approximation Lemme. La fonction f : [a, b] → R est R-intégrable si et seulement si, pour tout ε > 0, il existe ϕ, ψ en escalier telles que |f − ϕ| ≤ ψ (∗) Z et b ψ < ε. a Preuve. — Si f est R-intégrable, encadrée par ϕ1 ≤ f ≤ ϕ2 , on choisit ϕ = ϕ2 et on écrit |ϕ − f | = |ϕ2 − f | = ϕ2 − f ≤ ψ := ϕ2 − ϕ1 , Rb et a ψ < ε. Réciproquement, s’il existe ϕ et ψ en escalier telles que |f − ϕ| ≤ ψ, alors f Rb est encadrée par ϕ1 = ϕ − ψ, ϕ2 = ϕ + ψ, avec erreur d’intégrale a (ϕ2 − ϕ1 ) < 2ε. On note que l’approximation (∗) indiquée dans le lemme implique b Z f− a Z b Z ϕ ≤ b ψ. a a En effet, on a alors ϕ − ψ ≤ f ≤ ϕ + ψ, donc, par définition de l’intégrale de f , Z b ϕ− a b Z ψ≤ a Z b f≤ a Z b ϕ+ a Z b ψ, a ou encore − Z b ψ≤ Z b f− a a Z b ϕ≤ a Z b ψ, a d’où le résultat. Théorème. Si f est une fonction réelle continue sur [a, b], elle est R-intégrable. Preuve. — On invoque la continuité uniforme de f , fonction continue sur un fermé borné (compact). Si ε > 0 est donné, on choisit ε1 > 0 tel que (b − a)ε1 < ε ; par la continuité uniforme de f , il existe δ > 0 tel que |f (x) − f (y)| < ε1 dès que |x − y| < δ. On choisit une subdivision π de [a, b] dont tous les intervalles (Ji ), i = 1, . . . , N, soient non vides et de longueur < δ, et on choisit un point ξi ∈ Ji pour chaque i = 1, . . . , N. Pour tous les points x de Ji , on a |x−ξi | ≤ `(Ji ) < δ donc |f (x)−f (ξi)| < ε1 . Considérons la fonction en escalier ϕ qui est égale à f (ξi ) sur Ji ; on a |f − ϕ| < ε1 sur [a, b] ; si on prend pour ψ la fonction constante égale à ε1 , on a l’approximation |f − ϕ| ≤ ψ et Z b ψ = (b − a)ε1 < ε. a On a donc prouvé que f est R-intégrable. 8 Remarque. Il résulte de la démonstration précédente que Z b f (t) dt = lim a N X (xi − xi−1 )f (ξi ) i=1 où les xi sont des points de subdivision x0 = a < x1 < . . . < xN = b, et où la limite est obtenue quand la taille maximale des intervalles de la subdivision tend vers 0. C’est un cas particulier du théorème de Riemann qui sera vu plus loin. Propriétés de linéarité et croissance Proposition. Si f1 , f2 sont R-intégrables, les combinaisons linéaires λ1 f1 + λ2 f2 sont R-intégrables et Z b Z b Z b (λ1 f1 + λ2 f2 ) = λ1 f1 + λ2 f2 . a Si f1 ≤ f2 , alors R-intégrable et Rb a f1 ≤ a Rb a a f2 . Si f est R-intégrable, la fonction valeur absolue |f | est Z b a Z f ≤ b Z b |f (t)| dt. a Preuve. — On donne ε > 0 et on choisit εj > 0 tels que |λ1 |ε1 + |λ2 |ε2 < ε. Si Rb |fj − ϕj | ≤ ψj et a ψj < εj , j = 1, 2, on aura Z λj b fj − λj a et ϕj ≤ |λj |εj , a |(λ1 f1 + λ2 f2 ) − (λ1 ϕ1 + λ2 ϕ2 ) ≤ |λ1 |ψ1 + |λ2 |ψ2 =: ψ, Rb avec a ψ < ε ; comme ε > 0 est arbitraire, on déduit d’abord que λ1 f1 + λ2 f2 est R-intégrable. Ensuite, Z b Z b (λ1 ϕ1 + λ2 ϕ2 ) < ε ; (λ1 f1 + λ2 f2 ) − a a comme l’intégrale des fonctions en escalier est linéaire, on obtient Z Z b (λ1 f1 + λ2 f2 ) − λ1 b f1 − λ2 a a a b Z f2 < 2ε, et comme ε est arbitraire, on en déduit l’égalité voulue. Si f1 ≤ f2 on peut approcher l’intégrale de f1 par celle d’une fonction en escalier ϕ1 ≤ f1 et celle de f2 par une fonction ϕ2 ≥ f2 : on peut supposer que Z a b ϕ1 > Z b Z f1 − ε/2, ϕ2 < Rb a ϕ1 ≤ 9 Rb a Z b f2 + ε/2 ; a a a on a alors ϕ1 ≤ f1 ≤ f2 ≤ ϕ2 , donc puisque ε est > 0 quelconque. b ϕ2 et Rb a f1 ≤ Rb a f2 + ε, d’où le résultat On note que |f | − |ϕ| ≤ |f − ϕ| ≤ ψ, donc |f | est R-intégrable et la dernière inégalité résulte de la propriété de croissance de l’intégrale, comme dans le cas en escalier. Remarque. La preuve que |f | est R-intégrable se généralise aux fonctions de la forme x → g(f (x)), où g est lipschitzienne sur R, c’est-à-dire qu’il existe une constante C telle que |g(u) − g(v)| ≤ C|u − v| pour tous les réels u, v ; à partir de l’approximation |f − ϕ| ≤ ψ, on obtient en effet |g(f ) − g(ϕ)| ≤ Cψ, avec g(ϕ) en escalier et Cψ en escalier qui a une intégrale qu’on peut rendre aussi petite qu’on veut. 10