La tension super cielle

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La tension supercielle
Clélia de Mulatier & Pierre-Élie Larré
Le 8 janvier 2009
1 Mise en évidence expérimentale de l'existence
de la tension de surface
Considérons un cadre rectangulaire rigide sur lequel est disposée une tige
mobile. En trampant le cadre dans une solution savonneuse, on forme deux
lms de savon de part et d'autre de la tige (lm (1) et lm (2)). Puis on perce
l'un des deux lms d'eau savonneuse, par exemple le lm (2). On constate
que le lm (1) se rétracte immédiatement sur lui même : la tige mobile
sur laquelle la membrane de savon est attachée glisse le long du cadre et
vient s'accoler à l'un des côtés du cadre qui lui est parallèle. Le lm (1)
de savon exerce nécessairement une force sur la tige mobile pour que cette
dernière puisse se déplacer. Cette force est appelée tension supercielle : son
rôle est de minimiser la surface libre de la membrane de savon car il lui est
énergétiquement défavorable de rester étendue.
Fig. 1 Films de savon Mise en évidence de l'existence de la tension
supercielle.
1
2 Expression du coecient de tension supercielle
Cette fois-ci, on ne considère que le lm (1) de savon et on exerce une force
f de norme f sur la tige mobile pour augmenter la surface de la membrane
de dΣ = 2Ldx (2 parce qu'il existe deux interfaces air/eau savonneuse).
À chaque équilibre mécanique, la force f s'oppose exactement à la tension
supercielle ; f est donc l'intensité de la tension de surface.
Fig.
2 Extension d'un lm de savon Expression de la tension de surface.
Le travail nécessaire à l'augmentation de la surface du lm est :
δW = f dx =
f
f
2Ldx =
dΣ d'où
2L
2L
f
δW
∂W
=
'
.
2L
dΣ
∂Σ
On appelle la quantité f /2L le coecient de tension supercielle. On le note
généralement γ et on a :
∂W
γ=
.
∂Σ
De ce fait, le coecient de tension de surface mesure l'énergie qu'il faut
apporter pour augmenter ou diminuer la surface de la membrane savonneuse
d'une unité.
Force
D'un point de vue dimensionnel, on a [γ] = Énergie
Surface = Longueur . Dans les
unités du Système International, on écrit donc [γ] = J.m−2 = N.m−1 .
Rigoureusement, on devrait cependant écrire :
∂F
déf
γ=
,
∂Σ T,V,N,{xi }
où F = U − T S est l'énergie libre du lm de savon d'énergie interne U , de
température T et d'entropie S . L'évolution d'un système thermodynamique
vers un état d'équilibre est caractérisée par l'inéquation dF < 0. Comme γ
est par dénition positive, il vient que dΣ < 0 : le lm savonneux doit nécessairement diminuer sa surface libre pour être à l'équilibre thermodynamique.
2
Échanges gazeux entre deux bulles de savon
Clélia de Mulatier & Pierre-Élie Larré
Le 8 janvier 2009
On considère le montage expérimental schématisé à la gure 1. Deux
bulles sphériques d'eau savonneuse de rayons diérents sont formées en soufant dans les tuyaux (1) et (2), le robinet (3) étant fermé. On ferme ensuite
les robinets (1) et (2) puis on ouvre le robinet (3) pour mettre l'air des deux
bulles en contact. On étudie l'évolution des deux bulles.
Fig.
1 Bulles de savon de tailles diérentes.
On néglige le volume du tube de liaison entre les deux bulles. Les évolutions thermodynamiques sont considérées quasi-statiques : dans chaque bulle,
on peut dénir à chaque instant une température T1 ou T2 et une pression p1
ou p2 uniformes. L'atmosphère impose une pression extérieure uniforme p0 ;
elle se comporte comme un thermostat à la température T tel que l'équilibre
thermique est atteint à tout instant : T1 = T2 = T .
Les pressions p1 et p2 à l'intérieur des bulles sont données à l'équilibre
par les lois de Laplace :
p1 − p0 =
4γ
r1
et p2 − p0 =
1
4γ
,
r2
où γ est une constante positive appelée coecient de tension supercielle.
On suppose que l'équilibre mécanique entre chaque bulle et l'atmosphère est
atteint de sorte que les lois précédentes soient valables à tout instant.
1
Étude qualitative
En soustrayant p2 − p0 =
4γ
r2
à p1 − p 0 =
p1 − p2 = 4γ
4γ
r1
, on obtient :
1
1
−
r1 r2
,
d'où p1 < p2 si r1 > r2 . La pression est donc toujours plus forte dans la petite
bulle que dans la plus grosse. Les molécules d'air ont alors tendance à migrer
de la petite bulle vers la plus grande, ce qui entraîne une diminution du rayon
de la petite bulle et une augmentation de celui de la grande. Progressivement,
la petite bulle se vide dans la plus grosse.
2
Étude quantitative
Soit un système fermé, d'énergie interne U , d'entropie S et de volume
V , en évolution isotherme (température extérieure T ) et isobare (pression
extérieure p0 ), n'échangeant pas d'autre forme de travail avec l'extérieur que
celui des forces de pression. Le premier et le second principe de la Thermodynamique s'écrivent respectivement :
UF − UI = −p0 (VF − VI ) + Q et SF − SI ≥
Q
,
T
ce qui donne :
UF − T SF + p0 VF − (UI − T SI + p0 VI ) ≤ 0.
En posant G∗ = U − T S + p0 V , on écrit alors :
G∗F − G∗I ≤ 0
∆G∗ ≤ 0.
G∗ est une fonction qui décroît au cours de l'évolution et qui est minimale à
l'équilibre. C'est donc un potentiel thermodynamique ; on l'appelle enthalpie utilisable . Au vu des hypothèses qui ont permis d'aboutir à la dernière
équation, cette enthalpie paraît a priori apte à décrire l'évolution de notre
système thermodynamique de bulles.
2
On néglige le volume d'air contenu dans le tube de liaison entre les bulles
(1) et (2) et on étudie le système constitué : d'une part de l'air contenu dans
les deux bulles et assimilé à un gaz parfait ; on note, avec i = 1 ou i = 2 selon
le compartiment, Vi le volume, ri le rayon, pi la pression, ni le nombre de
moles d'air, Si l'entropie de l'air ; la température T est commune aux deux
compartiments ; d'autre part des membranes d'eau savonneuse qui limitent
les deux bulles, d'épaisseur négligeable, d'énergies internes respectives Ui(m) ,
de températures Ti(m) = T , d'entropies Si(m) et de surfaces Σ(m)
= 8πri2
i
(double de la surface de la sphère car il y a deux interfaces air/eau savonneuse), pour lesquelles l'identité thermodynamique fondamentale s'écrit
dUi(m) = T dSi(m) + δWi avec δWi = γ dΣ(m)
(travail élémentaire des forces de
i
tension supercielle). Comme G∗ = U − T S + p0 V et comme le volume des
membranes est nul, on a l'égalité :
dG∗ = dU1 + dU2 − T dS1 − T dS2 + p0 dV1 + p0 dV2
+ dU1
(m)
+ dU2
(m)
− T dS1
(m)
− T dS2 ,
(m)
soit avec les hypothèses :
dG∗ = dU1 + dU2 − T dS1 − T dS2 + p0 dV1 + p0 dV2
+ γ dΣ1
(m)
+ γ dΣ2 .
Or, on a aussi γ dΣ(m)
= γ16πri dri =
i
(m)
4γ
4πri2
ri
dri = (pi − p0 )dVi , d'où :
dG∗ = dU1 + dU2 − T dS1 − T dS2 + p1 dV1 + p2 dV2 .
L'identité thermodynamique fondamentale pour l'enthalpie libre de la
bulle (i), alias Gi = Ui − T Si + pi Vi , est :
dGi = −Si dT + Vi dpi + µi dni
= Vi dpi + µi dni ; T = cste,
où µi (pi , T ) est le potentiel chimique de l'air dans la bulle (i). Une diérenciation simple de la formule Gi = Ui − T Si + pi Vi conduit d'autre part à
l'équation :
dGi = dUi − T dSi + pi dVi + Vi dpi .
En identiant les deux dernières formules, on arrive nalement à :
dUi − T dSi + pi dVi = µi dni .
3
Par voie de conséquence, il vient que :
dG∗ = µ1 dn1 + µ2 dn2 ,
et par conservation du nombre total de moles : dn1 + dn2 = 0, il en résulte
que :
dG∗ = (µ1 − µ2 )dn1 .
On sait également pour un gaz parfait que le potentiel chimique vaut µi (pi , T ) =
f (T ) + RT ln pi , où f est une fonction de la température, identique dans les
deux bulles car le gaz est le même. Dès lors, on satisfait à :
dG = RT ln
∗
p1
p2
dn1 .
La loi de Laplace implique :
dpi
4γ
= − 2 < 0.
dri
ri
D'autre part, la loi des gaz parfaits ni =
donne :
pi Vi
RT
=
1
RT
× 43 πri3 × (p0 + 4γ/ri )
dni
4π
=
(3p r2 + 8γri ) > 0.
dri 3RT 0 i
Ainsi, lorsque r1 croît, p1 décroît et n1 croît. Puisque dn2 = −dn1 , n2 doit
en même temps décroître ; de ce fait, r2 décroît puis p2 croît.
Dans le cas particulier r1 > r2 , on a vu que p1 < p2 , d'où ln(p1 /p2 ) < 0.
Comme on a toujours dG∗ < 0 (G∗ est un potentiel thermodynamique), il
vient d'après ce qui précède : dn1 > 0 ; autrement dit, n1 croît puis n2 décroît
par conservation de la matière, en même temps que r2 décroît. La petite bulle
se vide dans la plus grosse.
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