Ces DSI qui se lancent dans l`agilité pour transformer la culture de

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EXPÉRIENCES AGILES
Ces DSI qui se lancent dans l'agilité
pour transformer la culture de leur entreprise
10 experts, directeurs de développement et DSI de grands
comptes partagent leurs approches et leurs enjeux liés
à la mise en place d’une démarche agile.
Collection " Les carnets d’expériences " pour action ! en partenariat avec
EXPÉRIENCES AGILES | 2
Avant-propos ....................................................................................................................................................................................................................................................................................... .4
Introduction ........................................................................................................................................................................................................................................................................................... .5
Expert
L'Agiliste
Florent Lothon, Editeur du site L’Agiliste........................................................................................................................................................................................................... .7
Figaro Classified
Florence Chabanois, Product Owner chez Figaro Classifieds.................................................................................................................................... .9
Medias
France Télévisions
Marie Lombardo, Directrice Déléguée en charge du département ISI/Media
à France Télévisions..............................................................................................................................................................................................................................................................................11
Opérateur Télécom
HubOne
Grégory Mottier, Directeur des Systèmes d'Information d’Hub One.......................................................................................................13
Edition de jeux
Amplitude Studios
Laurent Lemoine, Senior Producer chez Amplitude Studios....................................................................................................................................15
Secteur Public
Pôle Emploi
Aline Renan, Chargée de développement des métiers à la DSI de Pôle emploi...................................................................17
DISIC
Laurent Bossavit, Expert en approche agile à la Disic..........................................................................................................................................................19
Transport
Voyages-SNCF.com
Gilles de Richemond, Directeur Général de Voyages-sncf.com...........................................................................................................................21
Mutuelle
Mutuelle Générale
Sébastien Bourguignon, Responsable du domaine développements
logiciels à La Mutuelle Générale....................................................................................................................................................................................................................................23
Société de conseil
SOAT
Pascal Poussard, Coach Agile, et Haïm Mamou, Conseil en organisation et management........................... .25
AVANT-PROPOS | 4
L’agilité est aussi managériale
Une société de conseil qui prône l’agilité pour ses clients
doit savoir s’en approprier les principes et les mettre en
œuvre dans ses propres équipes. SOAT entend innover dans
ses pratiques managériales en proposant un modèle de
gouvernance qui se distingue des systèmes hiérarchiques
pyramidaux de type top-down.
Sur les bases des préceptes de l'holacratie, nous nous
appuyons sur un management allégé et collaboratif, laissant
largement autonomes et décisionnaires des équipes
auto-organisées.
C’est dans cet esprit que nous réalisons régulièrement une
écoute active de l’ensemble de nos services dans le but
d’assurer une évolution cohérente, conforme à nos valeurs.
Nous en tirons toujours un certain nombre d’axes
d’amélioration dont les ressorts sont ceux de l’agilité.
L’organisation doit pouvoir mesurer le progrès accompli à
chaque étape d’un projet et, dans le cas contraire, réajuster
le tir rapidement. Avec un droit à l’erreur comme postulat de
départ et en suivant les pratiques d’amélioration continue du
Kaizen.
SOAT a vu son effectif doubler en quatre ans. Absorber une
telle croissance tout en préservant la culture d’entreprise
suppose d’introduire beaucoup de souplesse dans
l’organisation. D’autant que la société évolue dans le secteur
des nouvelles technologies, un secteur particulièrement
mouvant. Cette capacité d’adaptation au quotidien ne nous
empêche pas de fixer le cap de l’entreprise à trois ans.
Blog, conférences, communautés de pratiques, veille
technologique et managériale… nous favorisons en
permanence l’échange et le partage des connaissances entre
nos consultants. Cette démarche de capitalisation ancrée
dans les gènes de notre société participe à la diffusion des
savoirs. Allier savoir-faire et savoir-être reste notre défi
au quotidien pour rendre notre organisation toujours plus
performante et épanouissante.
A travers ce carnet d’expériences, nous avons souhaité
prendre la mesure du chemin restant à parcourir pour ces
DSI qui, comme nous, ont osé faire le grand saut vers l’agilité.
Michel Azria & David-Eric Levy
Directeurs Associés de SOAT
5 | INTRODUCTION
L’agilité,
un rempart à l’uberisation de notre économie
Liberté, égalité, fraternité… agilité. Après
avoir accusé quelques années de retard sur
les pays anglo-saxons, la France est en passe
d’adopter massivement les méthodes agiles. Si
le développement rapide d'applications (RAD) a
été introduit dès 1994, l’agilité était longtemps
réservée à l’avant-garde de la conception
logicielle, à quelques « geeks » éclairés.
Au milieu des années 2000, les medias
spécialisés relayaient les premiers retours
d’expérience dans la conception de sites
web. Puis, ces dernières années, le champ
d’expérimentation s’est progressivement élargi
tant au niveau du périmètre des projets éligibles
- applications métiers ou décisionnelles - que du
nombre de références.
En reprenant divers témoignages de terrain,
ce carnet d’expériences montre combien
l’agilité concerne aujourd’hui toutes les
entreprises, petites ou grandes, du privé ou
du public, et, ce, quel que soit leur secteur
d’activité. Signe de maturité, ces entreprises ne
s’arrêtent pas à Scrum, Kanban et XP. Elles se
projettent dans les différents prolongements
que sont les démarches lean startup, DevOps
ou Management 3.0.
En 2015, il n’est plus concevable de gérer
un projet comme autrefois. Dans un climat
de compétition exacerbé et de restriction
budgétaire, comment livrer des produits « time
to market » en restant aux méthodes dites
classiques ? Les développeurs qui ont un peu de
bouteille ont tous connu le fameux effet tunnel
des projets en cycle en V. Ils devaient croiser
les doigts pour que le produit livré réponde
aux attentes formulées un an plus tôt et que le
contexte économique et réglementaire n’ait pas
changé entre-temps.
Les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon)
et, à leur suite, « les barbares du web » (Uber,
Airbnb…) ont définitivement changé les règles
du jeu. Par leur rapidité d’exécution, ils ont
montré leur capacité à générer de nouveaux
modèles économiques mais aussi à « disrupter »
des pans entiers de l’économie traditionnelle,
jusqu’au secteur qu’on croyait intouchable de la
banque-assurance.
L’agilité peut être un rempart à cette
« uberisation ». La dynamique ne vient plus
seulement des développeurs, de leur DSI mais
des métiers et du top management. Dans la
sphère privée, les décideurs voient les itérations
se succéder sur leur messagerie Gmail ou
leur page Facebook. Sur leur smartphone, les
applications mobiles se mettent à jour à un
rythme soutenu. Pourquoi les entreprises ne
pourraient-elle pas, elles aussi, aspirer à sortir
leurs produits plus vite ?
Mettre fin au clivage MOE / MOA
L’agilité répond à cette promesse de concevoir,
comme le dit Florent Lothon, éditeur du site
L’Agiliste, le bon produit au bon moment
dans la meilleure enveloppe budgétaire. Une
promesse qui peut rendre moins attrayantes les
sirènes de l’offshore et participer au mouvement
de réinternalisation en cours dans les DSI.
L’agilité est aussi une occasion historique de
faire tomber les cloisons, et de mettre fin au
clivage maîtrise d’œuvre / maître d’ouvrage,
une spécificité bien française, héritée du BTP.
« Dans un projet agile, MOE et MOA se voient tout
le temps et pas seulement au début, au milieu et à
la recette », rappelle Florent Lothon.
Par ailleurs, l’agilité redonne ses lettres de
noblesse au métier de codeur, une profession star
à l’étranger mais longtemps sous-considérée
en France. Le développeur gagne en autonomie,
en responsabilités. Lui qui a longtemps été
confiné dans un rôle d'exécutant, il peut
s’exprimer, remonter les problèmes. Ce qui lui
donne aussi un droit à l’erreur.
Non « déformées » par les méthodes
traditionnelles, les jeunes recrues sont
naturellement favorables aux méthodes agiles.
Il est toutefois à regretter qu’elles ne soient
pas plus formées en écoles d’ingénieurs, ces
dernières n’y consacrant généralement que
quelques heures dans un cursus de 3 ans.
Le prochain défi consistera à sortir l’agilité de
l’univers IT pour la propager à toutes les strates
de l’entreprise. Des fonctions supports comme
les achats ou les RH gagneraient en efficacité en
reprenant certaines valeurs ou principes. Une
fois les métiers devenus « agiles », il n’y aurait,
par ailleurs, plus de rupture de la chaîne entre la
définition du produit en amont et sa conception
par les équipes IT.
Sur le concept de l’« entreprise étendue », une
société peut aussi rendre son écosystème de
partenaires, fournisseurs, startups plus agile.
Entre les hackathons, les app stores, les labs
internes, les occasions se multiplient pour
réduire le délai entre l’idée et le prototype, puis
le produit final.
Xavier Biseul
journaliste
7 | EXPÉRIENCES AGILES
« Produire le bon produit au bon moment
dans la meilleure enveloppe budgétaire »
Florent Lothon
Editeur du site L’Agiliste
Fort de son expérience dans les méthodes
agiles, Florent Lothon présente sur son site
L’Agiliste, un grand nombre de conseils pratiques
pour mettre en œuvre l’agilité en entreprise.
Insuffler un nouvel état d’esprit au sein des
équipes, améliorer leur efficacité, leur fierté et
leur collaboration. Il en détaille ici quelques-uns.
La preuve des bénéfices de l’approche agile n’est
plus à faire et pourrait se résumer à la phrase
« faire le bon produit, au bon moment et au
meilleur coût ». Mais, pourquoi tant d’équipes
échouent-elles dans l’adoption d’une telle
approche ?
Comment introduire l’agilité dans une
organisation ?
Il faut d’abord réaliser qu’il s’agit d’un
changement de paradigme, voire d’un
changement culturel. Le principal piège
consiste à penser qu’il s’agit juste d’une méthode
à appliquer, ou pire d’une « recette miracle ».
C’est plus subtil que ça et l’approche agile est
d’autant plus difficile à appréhender quand on a
travaillé pendant des années avec une approche
traditionnelle de type cycle en V.
Il faut désapprendre, même si globalement, les
activités restent les mêmes : recueillir et analyser
le besoin, planifier, concevoir la solution,
coder, tester, livrer. C’est la mise en musique
de ces activités et l’état d’esprit qui changent.
Par exemple, en mode agile, on raisonne
davantage « valeur ajoutée » que « volume de
fonctionnalités ». Sur les cent fonctionnalités
du produit, quelles sont les 20 qui ont le plus
d’importance ? Commençons par celles-ci.
Ce changement culturel peut-il nourrir une
appréhension chez les informaticiens ?
Oui, cela arrive. Dans ce cas, il faut identifier les
personnes clés dans une équipe, celles qui sont
motivées à changer. Il peut s’agir par exemple de
jeunes qui ont peu d’expérience en méthodes
traditionnelles ou, à l’inverse, des seniors qui sont
frustrés par le statu quo et souhaitent évoluer
dans la façon de gérer ou de vivre un projet. Le
volontariat est essentiel pour réussir durablement
l’adoption de l’agilité et en tirer tous les bénéfices.
Le top management et sponsors ont aussi leur
rôle à jouer. Lever les obstacles organisationnels
et apporter leur soutien : confiance, formation,
coaching, outillage, etc.
D’où l’importance de commencer par se demander
« Pourquoi adopter une approche agile ». La
réponse doit être claire et donner du sens à cette
aventure. Etre agile pour être agile n’a aucun
intérêt. Surtout pour des équipes déjà efficaces.
Selon mon expérience et certaines enquêtes, les
échecs d’adoption de l’agilité sont généralement
dus à l’incompatibilité de culture de l’organisation
avec la culture agile. Cela nourrit les cas les plus
difficiles de résistance au changement, conscients
et inconscients, visibles et invisibles.
Sur ce thème, je recommande la lecture du guide
de survie à l’adoption ou transformation agile de
Michael Sahota. Un livre gratuit que nous avons
traduit en français.
Quel est le bon rythme d’adoption des
pratiques agiles ?
Il faut y aller pas à pas, installer une pratique puis
une autre. Eviter le mode « big bang » (sauf peut
être en situation de « survie » de l’organisation, c’est
parfois un atout). Surtout si on opte pour Scrum
qui est davantage en rupture que peut l’être la
méthode Kanban par exemple. Et c’est seulement
quand toutes les pratiques sont implémentées,
que l’organisation en tire pleinement les bénéfices
en termes d’efficacité et de performance.
Quel est le plus gros challenge qui attend un
projet agile ?
En fait, j’en citerai deux. D’abord, la séparation
MOE/MOA à la française. En général ces deux
entités sont bien cloisonnés et entretiennent une
relation « client / fournisseur ». Alors que L’agilité
consiste à faire collaborer étroitement ces deux
entités pour ne former qu’une seule équipe
efficace. Le « Product Owner », généralement
côté MOA, tient un rôle-clé. Il représente les
utilisateurs et porte la « vision » du produit à
réaliser. L’agilité fait tomber les cloisons. MOE
et MOA interagissent au quotidien tout au
long du cycle de vie d’un projet. Au fil du temps,
la MOA verra le produit se construire comme une
maison qui sort de terre.
Le second gros challenge est la négligence des
pratiques de développement. Dans le cas de Scrum
par exemple, l’équipe de développement doit
être en mesure de délivrer un produit enrichi de
nouvelles fonctionnalités et potentiellement livrable
à la fin de chaque itération. Et pour cela, l’usage et la
maîtrise des pratiques de développement portées
en grande partie par eXtremme Programming sont
devenues indispensables. D’où l’intérêt personnel
que je porte au mouvement Craftsmanship.
Mouvement qui tend à valoriser plus justement le
métier de développeur.
Par ailleurs, pour les équipes qui ont réussi
l’adoption d’une approche agile, au sens où
les résultats sont là, je les accompagne sur la
voie du Lean Management pour passer un
nouveau seuil de performance. L’avantage,
c’est que tout est complémentaire et se
marie très bien : Scrum, Kanban, eXtremme
Programming, Craftsmanship, Lean. Car l’état
d’esprit sous-jacent est globalement le même.
Et, quelles que soit les approches retenues, la
rigueur doit rester le maître mot.
Comment motiver l’équipe ?
L’agilité apporte en soi des leviers de motivation.
En effet, cette notion est fortement véhiculée
dans le manifeste agile dans lequel on parle
de rythme soutenable, d’auto-organisation, de
soutien et de confiance. Sans parler de l’esprit
d’équipe encouragé par l’agilité.
Le leadership tribal est également un levier de
motivation et de performance intéressant. Il
consiste à maximiser le collectif, la domination
du « nous » sur le « je », à donner un maximum
de sens au travail de chacun à travers une
« noble cause » et des valeurs fondamentales
communes. Il est particulièrement intéressant
pour l’atteinte d’objectifs qui dépassent ceux
d’un projet. On s’inscrit dans une démarche
globale ambitieuse qui nécessite la collaboration
de tous. Nous l’utilisons dans le cadre de la
transformation digitale de SwissLife.
Quelles sont les idées reçues autour de
l’agilité ?
Un de mes collègues disait récemment après une
immersion au sein de nos équipes : « L’agilité,
finalement, ça n’a rien avoir avec l’anarchie
(au sens péjoratif du terme), au contraire, ça
demande beaucoup de rigueur ». Voilà un
premier élément de réponse.
Les idées reçues que je rencontre le plus, sont
celles qui laisseraient penser que sur un projet
agile, il y a ni documentation ni planification.
Autre idée reçue : un gros projet ne serait
pas éligible à l’agilité. Ou encore, l’agilité n’est
applicable qu’à des projets web. Je confirme, ce
sont bel et bien des idées reçues.
l’Agiliste
Afin de répondre à un besoin croissant de formation
aux méthodes Agiles, le site internet L'Agiliste
accompagne ses lecteurs sur le chemin des
méthodes agiles et du Leadership Tribal. Le site
www.agiliste.fr propose un dispositif de formation
et d’accompagnement : le SPOC (version privée du
MOOC) d’initiation à l’approche agile.
source l’Agiliste
9 | EXPÉRIENCES AGILES
« L’agilité n'est jamais " acquise ",
il faut savoir se remettre en cause »
Florence Chabanois
Product Owner chez Figaro Classifieds
Filiale du groupe Figaro, Figaro Classifieds
est l’une des sociétés Internet les plus
importantes en France avec ses sites
d’annonces classées spécialisés dans
l'emploi (Cadremploi, Keljob…), la formation
(Kelformation, Le Figaro Etudiant…) et
l'Immobilier
(Explorimmo,
Propriétés
de France…). Après être passée de
développeuse à Scrum Master, Florence
Chabanois est aujourd’hui Product Owner
chez Figaro Classifieds.
A quand remonte le premier projet agile ?
Avec Keljob, en 2007. Il s’agissait par les
itérations et des feed-back réguliers de
produire tout simplement le meilleur produit
qui soit, sans bug et dans un délai acceptable.
Je garde un souvenir ému de ce premier projet.
Bien sûr, nous avons essuyé les plâtres mais
je n’ai jamais ressenti autant de cohésion
et d’enthousiasme dans une équipe pour
s’auto-améliorer.
Quand il y avait des ratés, nous rebondissions
aussitôt. De son côté, le marketing était plutôt
satisfait, nous tenions nos engagements. Nous
étions sereins lors des mises en production,
car nous avions fait tous les tests fonctionnels
automatiques en amont. S’il y avait un bug, le test
automatique nous garantissait qu’il ne pourrait
jamais survenir de nouveau en production. Après
ce premier projet, un deuxième produit est passé
en agile, puis un troisième avec Kelformation et
Cadremploi. L'agilité s’est peu à peu diffusée
à tous les métiers du groupe : l’emploi, la
formation et l’immobilier.
Quelles pratiques avez-vous adopté ?
Au départ, nous étions circonspects sur le
management visuel. A quoi bon coller des
post-it sur les murs ? Nous n’y avons pas tout
de suite vu l’intérêt, nous étions des pros
après tout ! Et pourtant, lorsque nous avons
commencé à mettre en œuvre régulièrement
cette pratique, nous ne pouvions plus nous en
passer. C'était devenu notre tableau de bord. Il
y a plein d’outils logiciels qui le remplacent mais
ce n'était plus imaginable d’en changer.
Après, il faut être suffisamment souple pour
adapter les pratiques en fonction du projet,
du contexte, des individus. C’est le propre
de l’agilité. Avoir une approche dogmatique
serait contraire à cet esprit, en plus d'être
contre-productif. Dans une organisation, des
gens partent, d’autres arrivent. Ce qui marche
sur un projet peut complètement rater sur un
autre.
Quelles difficultés avez-vous rencontré ?
Vus de l’extérieur, les agilistes peuvent être
perçus – je caricature un peu - comme des
anarchistes. Ils font ce qu’ils veulent, ils
chiffrent comme bon leur semble, ils n’ont pas
de concurrence. En réalité, il faut beaucoup de
discipline pour tenir ses engagements et suivre
les actions décidées en rétrospective, par
exemple.
Nous pouvons avoir les meilleures idées et
principes du monde, si au quotidien nous ne
sommes pas rigoureux pour nous y tenir, ce
n'est que du vent.
Les solutions qui fonctionnent viennent des
développeurs. Si elles viennent du coach agile
ou du Scrum Master, cela ne marche pas. Pour
être impliqués, les développeurs doivent être
écoutés et leur feed-back doit être pris en
compte. Avec un système hiérarchique trop
fort, on peut facilement passer à côté.
Du côté des développeurs, le risque consiste à
se croire agile sous prétexte que l’on fait tous les
rituels mais sans se remettre en cause. Durant
les rétrospectives, les personnes sont dans
leur bulle. Elles ne voient plus les problèmes
ou se déchargent sur les métiers. Sans objectif
commun, il est impossible de converger.
Comment lutter contre ces dérives ?
Avec Scrum, on perd parfois de vue la finalité
du produit avec la tenue d’un engagement
fort sur chaque sprint. Depuis un an et demi,
nous sommes passés à Kanban. Avec Kanban,
nous sommes plus mobilisés sur le produit
et évitons de nous renvoyer la balle entre les
services. C’est désormais la responsabilité de
tout le monde que les fonctionnalités soient
mises en production. Quand il manque une
validation, ce n’est plus uniquement au Product
Owner de relancer le chargé de référencement,
les développeurs le font aussi. L’idée est de
commencer à finir plutôt que de continuer
indéfiniment à commencer. Nous ne faisons
plus d’itérations. Nous organisons des réunions
de prévision ponctuellement quand nous avons
besoin de dates plus précises.
Quels pourraient être les évolutions
futures ?
Rien n’est jamais acquis, l’amélioration continue
se cultive. Chaque jour, je suis surprise par une
pratique que je découvre ou que je redécouvre.
Mais pour moi, il n’y aura pas de nouveau gain
significatif si les autres services ne s’y impliquent
pas. Pour avoir plus d’impact, l’agilité doit
être portée hors de l’IT, et on voit peu à peu
apparaître quelques tentatives dans ce sens.
Cet élargissement du périmètre est un axe de
progression fort. On le voit dans nos statistiques.
Les trois-quarts de la durée d’un projet ont lieu
avant que le développement ne commence. Ce
sont des phases de validation entre services en
amont, chaque service doit gérer sa feuille de
route et ses urgences. En réalité, chaque service
ne consacre que quelques heures par mois sur
tel projet, entrecoupées de larges périodes
de « standby », les personnes vacant à leurs
occupations courantes. Il y a une perception de
longueur sur certains projets alors que le temps
effectif de chaque équipe passé dessus est très
faible. Le kanban contribue à diminuer les
temps d’attente pour optimiser le flux global.
Figaro Classifieds
Activité : Filiale à 100 % du groupe Figaro, leader
français des petites annonces en ligne
Création : 2 000
Effectif : 350 collaborateurs
Chiffre d’affaires : 60 millions d’euros
source Figaro Classifieds
11 | EXPÉRIENCES AGILES
« L’implication de la maîtrise
d’ouvrage est fondamentale »
Marie Lombardo
Directrice Déléguée en charge du département ISI/Media à France
Télévisions
Le groupe France Télévisions s’est mis à
l’agilité à l’occasion de la refonte de son site
institutionnel. Un bon moyen d’impliquer
la maîtrise d’ouvrage à toutes les étapes du
projet et de livrer dans un délai contraint.
Comment avez-vous introduit l’agilité au
sein de France Télévisions ?
Les méthodes agiles étaient déjà utilisées
par la direction de France Télévisions Editions
Numériques (FTVEN) qui gère les sites et les
applications numériques du groupe. Mais ce
n’était pas le cas du département ISI (Ingénierie
des Systèmes d’Information) en charge des
applications métiers et des systèmes de gestion.
Nous avons profité de la refonte du site
institutionnel francetelevisions.fr pour passer
en mode agile. L’équipe technique est partie se
former à Scrum. Nous avons aussi fait appel à un
coach agile, un consultant extérieur, pour initier
à l’approche le directeur de projet et les deux
« Product Owners », un pour chaque lot.
Est-ce que l’équipe a bien adhéré à
l’approche agile ?
Nous avons recruté l’équipe technique en
connaissance de cause. Les deux développeurs,
l’intégrateur et le « lead dev » (faisant office de
Scrum Master) avaient déjà pratiqué l’agilité.
Par ailleurs, certains connaissaient bien
l’environnement de France Télévisions pour avoir
travaillé chez FTVEN.
Les Product Owners ont également bien adhéré
à la méthode. Ils ont désormais une visibilité
permanente sur l’état d’avancement du projet.
Comment s’est passé le démarrage du
projet ?
Nous avons lancé fin avril le sprint zéro avec la
mise en place de l’infrastructure et du « Product
Backlog » (carnet du produit). Les « cérémonies »
ont permis de préciser le rôle de chacun et de
prioriser les User Story (récit utilisateur). Nous
avons aussi défini sur quels critères une User
Story était jugée terminée.
Nous avons repris tout le management avec
les Stand-up Meetings et en tapissant le mur
de post-it de couleurs. Le rythme est d’un sprint
toutes les deux semaines pour une livraison du site
mi-juillet. Durant chaque cycle, nous procédons
aux tests et à l’analyse des anomalies. Nous nous
essayons aussi à l’intégration continue. Ce
qui est nouveau chez nous, notre organisation
reposant traditionnellement sur des équipes de
production et d’exploitation.
Avez-vous rencontré
particulières ?
des
difficultés
En dépit de la mise en place de Scrum, il peut y
avoir des problèmes de communication entre un
Product Owner et le Scrum Master. Le coach, qui
était présent à plein temps les deux premières
semaines, a rappelé combien la transparence est
fondamentale afin que le Product Owner dispose
de l’ensemble des informations pour asseoir
ses décisions. De son côté, le directeur de la
communication externe, sponsor du projet, a joué
le jeu en rendant les Product Owners disponibles
à 80 % de leur temps.
L’autre difficulté était d’ordre sécuritaire. L’agilité
implique des problématiques BYOD (bring
your own device) ou de travail nomade. Il fallait
donc permettre à l’équipe technique d’accéder
facilement à l’environnement de développement
tout en sécurisant le système d’information de
France Télévisions. Le sujet est particulièrement
sensible depuis la cyberattaque dont TV5 Monde
a fait l’objet récemment.
Enfin, il a fallu s’outiller pour la mise en ligne des
versions ou le suivi d’anomalies. En matière de
content management system (CMS), nous avons
opté pour la version 8 de Drupal, la dernière en
date. Il a fallu également et dans ce contexte,
s’adapter aux nouvelles fonctionnalités.
Quelle est la suite après ce premier projet ?
Nous avons démarré sur un projet simple pour
se faire les dents. Le lot 1 porte sur des pages
d’informations assez statiques avec back-office
classique. Le lot 2 qui se lance juste après sera
plus complexe puisqu’il s’agira d’interroger les
applications métiers qui alimenteront le site.
L’objectif est de remplacer les 4 extranets existants
qui commençaient à dater. Les attachés de presse
du groupe enrichiront leurs communiqués de
presse en allant récupérer des contenus sur les
applications de programmes.
A l’avenir, est-ce que d’autres projets seront
éligibles à l’agilité ? Il est encore trop tôt pour le
dire. Il faut d’abord terminer celui-ci.
Quels sont les gains déjà observés ?
Il y a bien sûr la rapidité d’exécution et la capacité
de réaliser un projet dans un délai contraint.
L’implication de la maîtrise d’ouvrage est
aussi capitale. Entre l’écriture des spécifications
détaillées et ce que l’on envisage réellement, il y a
parfois un écart.
L’agilité, au travers des différentes cérémonies
prévues dans les cycles, permet de se poser
les bonnes questions tout au long du projet. Si
je fais cette fonctionnalité à forte valeur ajoutée,
laquelle je ne réaliserais pas ?
France Télévisions
Activité : premier groupe audiovisuel en France
avec les chaînes publiques France 2, France 3,
France 4, France 5, France Ô
Création : 1992
Effectif : 10 138 équivalents temps plein en 2014
Chiffre d’affaires : ressources publicitaires de
320 millions d’euros pour l’année 2014 et ressources
publiques s’élevant à 2,493 milliards d’euros
source France Télévisions
13 | EXPÉRIENCES AGILES
« La formation a permis de légitimer les
méthodes agiles auprès des métiers »
Grégory Mottier
Directeur des Systèmes d'Information d’Hub One
Afin d’améliorer les échanges avec le métier
et accélérer le rythme des livraisons de
projets complexes, Hub One a généralisé
le déploiement de Scrum. Des membres de
la DSI mais aussi des directions utilisateurs
ont été formés à la méthodologie.
Grégory Mottier, directeur des systèmes
d’information du groupe de sociétés de
technologies, est le sponsor du programme.
Comment avez-vous introduit l’agilité au
sein de Hub One ?
Nous ne partions pas de zéro. A la DSI, des
collaborateurs étaient déjà formés à Scrum.
Nous étions pleinement conscients des apports
des méthodes agiles et de leur capacité à
améliorer l’efficacité de nos projets.
L’élément déclencheur a été un projet
particulièrement éligible à l’agilité. En
l’occurrence, l’Espace Client, interface qui
gère la relation avec nos clients (commandes,
incidents, factures…) dont nous souhaitions
accélérer le développement de nouvelles
fonctionnalités et améliorer celles existantes.
L’équipe agile SOAT a formé 24 personnes
à ce jour dont une dizaine côté métiers
(marketing, direction de l’innovation, direction
des opérations…). Au sein de la DSI, les chefs de
projet, les responsables de pôles et moi-même
avont été formés.
La mise en place de Scrum a-t-elle été un
choc culturel ?
Non, pas vraiment. Nous l’avions déjà
expérimenté et Hub One est une entreprise
numérique avec des salariés jeunes et ouverts
d’esprit. Il n’y a pas eu de résistance au
changement du côté des équipes de la DSI.
Bien au contraire, ils y ont rapidement vu leur
intérêt, car qui n’a pas connu la frustration de
bien formaliser et faire valider le besoin métier
pour au final livrer un produit qui ne répond
plus aux attentes ?
L’IT évolue très vite mais les méthodes de
gestion de projet aussi. On ne réussit plus les
projets comme il y a dix ans. Il ne faut pas vivre sur
nos vieilles convictions mais se transformer en
permanence. Les connaissances d’aujourd’hui
ne seront plus valables dans deux ans.
La formation théorique a surtout permis
d’institutionnaliser et de légitimer la méthode
auprès des métiers. Si le Product Owner sur
l’espace client pouvait être inquiet au départ, il
s’est rassuré en voyant la macro fonctionnalité
demandée se construire au fil des semaines et
des itérations. Les méthodes agiles donnent
la main au métier. Il gère son Product Backlog
(carnet du produit) et priorise les users stories
(récits utilisateur). L’équipe travaille main dans
la main et le métier tient le volant.
Avez-vous déployé Scrum sur d’autres
projets ?
Oui, pour le développement de plusieurs
services au sein de la direction de l’innovation
mais aussi pour l’outil de back-office qui
sert à configurer les équipements télécoms.
Nous avons également utilisé une partie de la
méthode pour notre solution centrale de gestion
de la production (Oracle Siebel) en ne retenant
que le management visuel, avec notamment, le
mur de post-it et les Daily Stand-Up Meetings.
Ces réunions matinales de dix minutes offrent
beaucoup de visibilité sur les projets en cours.
Cela permet de savoir ce qui sera fait demain en
production puis en exploitation.
Dans ces réunions, chaque membre de l’équipe
répond à trois questions. Qu’est-ce que j’ai fait
hier ? Qu’est-ce que je fais aujourd’hui ? Qu’est
ce qui pourrait me ralentir dans ma tâche ?
En relevant les problèmes au plus tôt, on
peut aisément réadapter le plan de charge de
chacun. L’agilité, c’est finalement beaucoup de
communication.
Le mur de post-it donne sur le couloir, au regard
de tous. Ce qui suscite des interrogations quand
les gens extérieurs à l’équipe se rendent à la
machine à café. Que font-ils debout à bouger
des post-it ? Une curiosité positive !
Y a-t-il des risques de dérives ?
Le quotidien peut effectivement prendre le
dessus. Accaparé par d’autres projets, un
Product Owner peut, par exemple, ne plus se
rendre aussi disponible ou bien déléguer. C’est
au Scrum Master, le gardien du temple, de
remonter ce type de problème. Si le sponsorship
sur les méthodes agiles vient de moi, j’interviens
assez peu. Avec l’agilité, on oublie les systèmes
hiérarchiques pyramidaux.
Quels sont les gains observés ?
Il est toujours difficile de mesurer les bienfaits
d’un tel changement d’organisation. Nous avons
réduit nos coûts de développement mais le gain
numéro un, c’est la capacité de sortir des projets
complexes dans les délais en adéquation avec
les besoins. Et ça, ça n’a pas de prix.
Hub One
Activité : opérateur télécoms, fournisseur de
solutions de mobilité. Filiale à 100 % d'Aéroports de
Paris
Création : 2001
Effectif : 430 collaborateurs
Chiffre d’affaires : 131 millions d'euros en 2013
source Hub One
15 | EXPÉRIENCES AGILES
« L’agilité facilite la production de jeux
vidéo répondant aux attentes des joueurs »
Laurent Lemoine
Senior Producer chez Amplitude Studios
En 2011, deux anciens d’Ubisoft, Mathieu
Girard et Romain de Waubert, fondaient
leur propre studio. Quatre ans plus tard,
Amplitude Studios a produit trois jeux de
stratégie - Endless Space, Endless Legend et
Dungeon of the Endless - qui ont connu un
succès à la fois critique et commercial. Un
développement soutenu qu’il doit en partie
à l’adoption de Scrum.
Comment avez-vous initié l’agilité dans
votre organisation ?
Tout naturellement, en mode natif. Quand je suis
arrivé à la création du studio pour implémenter
les méthodes agiles, nous n’étions que douze.
Une taille idéale. Certains avaient déjà pratiqué
Scrum chez Ubisoft et les plus jeunes avaient été
formés en écoles spécialisées. Tout le monde
était demandeur, sachant que les méthodes
agiles commençaient à s’être répandues dans
le milieu du jeu vidéo.
La décision a été rapidement prise de
développer le premier jeu sorti l’été 2012 en
mode Scrum. Fort de cette première expérience,
les deux autres jeux, commercialisés à
l’automne 2014, ont été produits selon les
mêmes pratiques.
L’approche agile permet en effet de connaître
précisément l’état d’avancement d’un produit.
Cette visibilité rassure nos Product Owners que
sont le directeur de production et le directeur
de création. Ils peuvent mettre en avant les
fonctionnalités qui ont le plus de valeur dans
le backlog. L’agilité offre aussi des métriques au
top management.
Le secteur du jeu vidéo se prête-t-il tout
particulièrement à l’agilité ?
Oui, la conception d’un jeu vidéo fait intervenir
plusieurs métiers - du design, du développement,
de la production... - qu’il faut coordonner. Un jeu
doit aussi répondre aux attentes des joueurs qui
peuvent évoluer avec le temps.
Sur la plateforme de jeux en ligne Steam sur
laquelle nos titres sont diffusés, nous proposons
des versions jouables, en amont de la version
gold. Cette diffusion en « accès anticipé » nous
permet d’avoir un feed-back de la communauté
des « gamers ». Ce qui suppose d’avoir, à chaque
sprint, un produit potentiellement livrable. Le
joueur n’est pas un « play testeur ». Il ne doit
pas être bloqué ni frustré par les bugs afin de
se concentrer sur l’expérience de jeu.
Comment avez-vous défini les meilleures
pratiques ?
Nous sommes partis sur un rythme d’un sprint
toutes les deux semaines et d’une release tous
les deux à trois mois. A la fin de chaque sprint,
l'équipe réalise une rétrospective sur le cycle
achevé afin d’améliorer nos pratiques pour les
itérations à venir.
A la fin du projet, nous rédigions un post-mortem.
Un document qui recense l’ensemble des
évènements du projet. Chaque corps de métier
établit ce qui a bien marché et ce qui aurait pu
être amélioré. Cela permet, dans un contexte
de progression permanente, de ne pas répéter
les mêmes erreurs. Ne plus voir les mêmes
problèmes réapparaître à chaque projet est un
grand motif de satisfaction pour l’équipe.
Ces différents débriefings nous ont permis
d’identifier les pratiques les plus pertinentes
pour le studio et d’établir un référentiel propre
à notre organisation. Il ne s’agit en rien d’un
référentiel figé, il évolue dans le temps.
Comment l’approche agile a-t-elle grandi
en même temps que le studio ?
Amplitude Studios emploie aujourd’hui une
quarantaine de collaborateurs. Les Scrum
Masters ont passé une certification auprès
de la Scrum Alliance. Je fais une présentation
d’une heure aux nouvelles recrues rappelant
les valeurs et les principes de l’agilité.
Je leur conseille de lire la littérature sur le sujet
et d’assister à différents évènements comme la
Scrum Night et les autres rencontres du French
Scrum User Group. Inversement, je suis preneur
des bonnes pratiques qui ont été mises en place
lors de leurs précédents postes. Les nouveaux
arrivants ne sont pas pris au dépourvu. L’agilité
est clairement mise en avant en entretien
d’embauche.
Avec le succès du studio, l’organisation évolue.
Alors que nous gérions jusqu’alors les projets en
quinconce, un projet débutant à la fin du précédent,
nous commençons maintenant à mener plusieurs
projets en parallèle. Nous implémentons aussi
Kanban pour les graphistes.
Pour autant, il s’agit de faire attention aux
dérives qui pourraient nous jouer des tours
sur la durée. Il faut de temps en temps lever
la tête du guidon afin d’analyser les raisons
qui nous ont écarté de telle ou telle pratique.
Peut-être ne sont-elles tout simplement plus
adaptées à notre organisation ? Pour y pallier, je
vais prochainement mettre en place un Scrum
Game qui rappellera les grands principes de la
méthode de façon ludique.
Comment sont réparties les équipes agiles ?
Les équipes sont toutes sur un même open
space, regroupées par projet, les Product
Owners au milieu du plateau. Une disposition
qui favorise la communication directe. Un
développeur peut entendre une discussion
tournant autour d’un problème qu’il a déjà
rencontré et apporter sa solution. Chaque
équipe a son Scrum Board avec un découpage
des tâches en post-it et des étiquettes pour
assigner les tâches aux différents membres
de l’équipe. Nous travaillons aussi avec
des intervenants extérieurs en menant des
conférences sur Skype et en nous appuyant sur
des outils de suivi de bugs.
Amplitude Studios
Activité : Edition de jeux vidéo
Création : 2011
Effectif : Quarantaine de collaborateurs
Chiffre d’affaires : NC
source Amplitude Studios
17 | EXPÉRIENCES AGILES
« Le renforcement des activités numériques de
Pôle emploi nécessitait de passer à l’agilité »
Aline Renan
Chargée de Développement des métiers à la DSI de Pôle emploi
Pour faire face à la montée en puissance
de ses services numériques, Pôle emploi
s’est engagé, depuis cinq ans, dans la
généralisation des pratiques agiles, Scrum
puis Kanban et XP.
A quand remonte la mise en place de
l’agilité au sein de Pôle emploi ?
Les toutes premières certifications Scrum
remontent à 2009 mais le tournant a été pris
en 2010-2011. La DSI a durant cette période
procédé à un recrutement important pour
réinternaliser certains processus et réajuster la
pyramide des âges. Ces jeunes recrues avaient
été déjà sensibilisées aux méthodes agiles en
écoles d’ingénieurs et n’ont pas été « déformés »
par la gestion de projet de cycle en V. Puis, par
capillarité et émulsion, l’agilité s’est diffusée.
Pris au jeu, les équipes ont voulu y aller. Cela
s’est fait progressivement, pas du tout en mode
big bang.
Le renforcement des activités numériques
dans le cadre du plan stratégique « Pôle emploi
2015 » - et aujourd’hui « Pôle emploi 2020 » nécessitait de toute façon de découper les
projets web pour livrer dans les temps. Nous
nous sommes appuyés sur Scrum, puis en
2012 sur Kanban. La DSI a aussi mis en place
les pratiques de l’Extreme Programming et du
Management 3.0. Ce dernier modèle redéfinit
le rôle du manager en passant d’un système
hiérarchique à un management participatif basé
sur l’amélioration continue et l’engagement des
collaborateurs.
Comment diffusez-vous la culture de
l’agilité ?
Tout repose sur le volontariat, dans une démarche
bottom- up. L’agilité n’est pas non plus la solution
à tout. Elle doit entrer en cohérence avec les
projets. Des chantiers continuent à être gérés
de façon « traditionnelle ». Depuis deux ans, la
DSI a aussi mis l’accent sur Kanban qui offre plus
de souplesse que Scrum sur certaines activités.
C’est notamment le cas de projets réglementaires
dont la dead line est inflexible et dont on ne peut
réduire le périmètre de fonctionnalités.
Aujourd’hui, sur les 1 600 salariés de la DSI,
163 sont certifiés Scrum. Nous avons formé aussi
300 personnes à Scrum, plus de 250 à Kanban et
56 cadres au Management 3.0. Le sponsorship
vient du plus haut et la quasi-totalité du comité de
direction a été embarquée sur l’agilité.
Notre ancien DSI était venu nous voir sur le site
de Bordeaux, il s’était prêté au jeu des rituels.
Lors d’une mêlée il a reçu et envoyé le ballon.
Les représentants du personnel ont aussi
demandé à être sensibilisés à l’approche agile.
Quels sont les projets éligibles à l’agilité ?
C’était le cas pour l’accompagnement 100 %
web. Avec ce dispositif basé sur le volontariat,
les entretiens et les contacts du demandeur
d'emploi avec son conseiller de Pôle emploi se
font par téléphone, visioconférence, courriel ou
messagerie instantanée. Ce projet avait besoin
de modularité.
Pour faire évoluer l’inscription en ligne du
demandeur d’emploi, nous avons aussi eu
recours à l’agilité sachant que l’appel de
certaines couches de données nécessitait des
pratiques plus « traditionnelles ».
Comment se passe l’agilité au quotidien ?
Nous retrouvons le management visuel, les
démos, les rétrospectives et les réunions
quotidiennes même si pour Kanban, les mêlées
se tiennent en fonction de l’intérêt. Il y a aussi
un Product Owner dans l’équipe. Si ce n’est
pas le métier qui tient ce rôle, c’est un expert
fonctionnel de la DSI. Nous ajustons les rituels.
Pôle emploi a, par exemple, une culture du travail
multisites, la DSI à elle seule est disséminée sur
une quinzaine de lieux. C’est dans notre ADN.
Nous travaillons en visioconférence avec des
caméras sur nos PC.
Quels peuvent être les évolutions futures ?
Mêmes les fonctions support s’intéressent à
l’agilité. Notamment les directions achats et
juridiques qui se forment. Les réflexions en
cours portent sur l’introduction de l’agilité dans
les appels d’offres. Comment l’embarquer dans
le respect du code des marchés publics ? S’il est
difficile de contractualiser l’agilité, l’appel d’offres
peut exiger des développeurs certifiés Scrum
ou des Scrum Masters dans les descriptions de
postes.
Nous sommes en phase de mise en place
de la démarche DevOps qui vise à mieux
faire travailler ensemble les "devs" (chargés
de développer les applications) et les "ops"
(chargés de leur exploitation). Nous avons
aussi démarré les premières formations de SAFe
(Scaled Agile Framework), un cadre de bonnes
pratiques pour mettre en œuvre l’agilité à l'échelle
de l'entreprise.
Pôle emploi
Activité : Etablissement public à caractère
administratif (EPA), chargé de l'emploi en France
Création : 2008 suite à la fusion entre l'ANPE et les
Assedics
Effectif : 54 000 personnes
Budget : 4,8 milliards d'euros en 2013
source Pôle emploi
19 | EXPÉRIENCES AGILES
« Il faut adapter le discours de l’agilité
aux spécificités de l’administration »
Laurent Bossavit
Expert en approche agile à la Disic
Laurent Bossavit a intégré, en avril dernier,
la Direction interministérielle des systèmes
d'information et de communication (Disic),
couramment rebaptisée « la DSI de l’Etat ».
Venant du privé, cet agiliste confirmé
doit porter le sujet de l’agilité au sein de
l’administration centrale et des différents
opérateurs publics.
Sur votre profil social, vous vous présentez
comme un « digital hussard », quel est le
message ?
Dans le registre militaire, le hussard est ce
cavalier léger, expert dans les missions de
reconnaissance et de raid. Le « hussard noir »
correspond aussi au surnom donné aux
instituteurs sous la IIIème République et qu’il
m’a semblé pertinent de recycler aujourd’hui
pour désigner des corps de fonctionnaires à qui
l’on confie des missions stratégiques.
Au-delà de la symbolique, il s’agit de se mettre
dans une situation de rupture. Mon rôle est
d’acculturer comme je l’ai fait pendant 17 ans
dans le privé, en favorisant la conduite de
projets courts et impactants. Vu de l’extérieur,
la fonction publique a pour tradition de lancer
de grands chantiers informatiques qui se
chiffrent en millions d’euros voire en dizaines
de millions d’euros. Le grand public en a
connaissance uniquement quand des plantages
sont médiatisés.
Adopter les cycles courts permet de minimiser
les risques. L’état des comptes publics ne
permet de toute façon plus de multiplier les
chantiers de grande ampleur. Le directeur de
la Disic, Jacques Marzin l’a dit : l’époque des
grands projets est révolue.
Quel niveau de maturité avez-vous constaté
ces premiers mois au sein de la fonction
publique ?
Des initiatives d’appropriation des méthodes agiles
existent que ce soit au sein de l’administration
centrale ou chez les opérateurs publics. La BnF a,
par exemple, expérimenté Scrum avec succès. Le
Ministère de l’Agriculture a eu un très bon retour
sur les premières mises en place de l’agilité et
souhaite généraliser l’approche.
Le gouvernement, à travers le Secrétariat
général pour la modernisation de l'action
publique (SGMAP), a aussi accéléré la
transformation des organisations publiques
afin de livrer des services publics plus efficaces
et plus rapidement. Son portefeuille comprend
une vingtaine de petites équipes, travaillant
en mode agile et devant livrer de nouveaux
services à fort usage en 6 mois maximum.
Cela a commencé par la refonte de data.gouv.fr,
la plateforme gouvernementale d’open data.
On peut aussi citer le service Marché public
simplifié (MPS) qui permet à une entreprise de
répondre à un marché public en renseignant
seulement son numéro SIRET.
Avez-vous observé des points communs
avec ce que vous avez connu dans le privé ?
Tout à fait et
les mêmes
management
backlog sur
ils sont nombreux. On retrouve
constantes qu’il s’agisse du
visuel avec le mur de post-it, le
l’intégralité des fonctionnalités
du produit ou les notions de transparence
de l’information, de mesure de la vélocité et
de qualité intrinsèque du code. Les équipes
disposent aussi des mêmes outils de test en
continu ou de changement de version.
À moi ensuite d’adapter le discours de l’agilité
à un contexte spécifique, ce que les clients me
demandaient déjà quand j’étais consultant.
Un ministère, une administration, c’est une
histoire, un environnement particulier. Après, il
y a le cadre très codifié des marchés publics.
Est-ce que les pratiques des achats publics sont
compatibles avec les pratiques agiles ? Et si non,
comment les adapter ?
Comment diffuser la culture agile ?
Être agile, cela ne se décrète pas. L’agilité
s’appuie sur le volontariat, la motivation
des équipes terrain, dans une approche
bottom-up. Ce sont les personnes présentes
dans l’équipe qui vont créer l’intelligence
collective. L’expression « méthodes agiles » est
d’ailleurs un oxymore, un cadre méthodologique
strict obérant cette efficacité. La Disic ne doit
d’ailleurs pas avoir une attitude prescriptive qui
serait contre-productive.
Il faut être dans la culture du faire, dans une
démarche de transformation par l’exemple en
mobilisant les volontaires sur des projets courts
à forte valeur ajoutée pour l’administré. Tout
citoyen que nous sommes a déjà connu de la
frustration devant un service public en ligne mal
foutu quand une transaction ne peut se réaliser
qu’entre 9 et 17 heures ou quand on demande à
la fin du processus d’envoyer un courrier papier.
Même les banques font tout en ligne.
L’idée est de faire appel aux intrapreneurs
et de les réunir dans un open space, baptisé
Open Lab, pour un séminaire sans agenda mais
néanmoins structuré, où chacun est libre de
parler de ce qui lui tient le plus à cœur.
Avec son Lab, Pôle emploi réunit ainsi dans
un même lieu des demandeurs d'emploi, des
employeurs, des conseillers, des startups,
ce qui aboutit à l’Emploi Store, un magasin
d’applications dédiées aux candidats comme
aux recruteurs.
La Disic organisait son premier hackathon
en juin, quel bilan tirez-vous ?
À cette occasion différentes administrations
ont proposé des jeux de données à des
développeurs, des chefs de projets et des
responsables métiers pour concevoir de
nouveaux services publics numériques. Le
thème était celui de France Connect, le système
de fédération d’identités qui donnera accès à
l’ensemble des comptes que vous avez ouverts
dans les différentes administrations.
Le hackathon a remonté 30 propositions de
projets. Nous allons pouvoir puiser dans ce
vivier pour monter des projets courts en mode
agile avec un responsable produit, deux ou trois
développeurs et des contacts réguliers avec des
représentants métiers et des utilisateurs finaux.
Disic
Activité : Placée sous l'autorité du Premier
Ministre, la Disic est chargée de coordonner les
actions des administrations en matière de systèmes
d'information
Création : Février 2011
Effectif : Une quarantaine de collaborateurs
Budget : 15,9 millions d’euros en 2015
source Disic
21 | EXPÉRIENCES AGILES
« Les développeurs ne demandent
qu’à avoir davantage d’autonomie »
Gilles de Richemond
Directeur Général de Voyages-sncf.com
VSCT gère le développement et l’exploitation
des sites et des applications mobiles
de Voyages-sncf.com, le premier site
d’e-commerce français. Basée à Nantes et
à Paris, son usine logicielle s’est structurée
pour garantir leur performance et leur
qualité de service, en s’appuyant notamment
sur les méthodes agiles. Explications de son
directeur général, Gilles de Richemond.
A quand remonte l’agilité à Voyages-sncf.com ?
VSCT pratique les méthodes agiles depuis
longtemps mais c’est en 2012 que nous avons
décidé de généraliser l’approche. La création de
notre usine logicielle va dans ce sens, l’agilité
s’applique au développement logiciel mais aussi
à l’organisation elle-même.
Sur le fond, Voyages-sncf.com devait s'accélérer
sur le digital. Itérer vite pour montrer rapidement
au client un début de produit puis amender le
projet en fonction de ses réactions. Mener un
projet sur deux ans en ne sachant pas au final
si on aura visé juste ou pas, est une angoisse
pour n’importe quel développeur. Pour autant,
nous n’avons pas renoncé au cycle en V plus
adapté à certains projets industriels. Il n’y a pas
de réponse univoque.
Sur quels types de projets appliquez-vous
cette approche ?
Fin janvier, nous avons développé pour la SNCF
son application mobile d’information voyageur,
baptisée tout simplement SNCF, qui réunit sous
la même interface les applications existantes
(SNCF Direct, SNCF Transilien…).
Actuellement, nous sommes en train de refaire
la « home » de Voyages-sncf.com et la page du
devis pour tous les trains à raison d’un sprint
tous les 15 jours. Nous nous appuyons selon les
projets sur Scrum ou Kanban.
Les équipes agiles réunissent de 7 à
10 personnes, idéalement sur le même
plateau. Bien sûr, avec la visioconférence, il
est possible de faire travailler ensemble des
personnes situées à Nantes et Paris. Mais cela
rajoute tout de même de la difficulté.
Quelles sont les étapes suivantes ?
Depuis le début de l’année, nous avons
mis en place des « Features Teams », des
équipes pluridisciplinaires mêlant des gens
venant du marketing, de l’exploitation, du
développement, de l’intégration, et bien sûr
un Product Owner. Cela constitue une vraie
transformation agile de l’entreprise en affichant
une nouvelle posture managériale.
Il ne s’agit pas de remettre en cause le rôle des
cadres mais au contraire de réhausser leur rôle
de manager. Les managers n’ont plus à prendre
toutes les petites décisions opérationnelles du
quotidien.
Ils sont là pour créer et animer des communautés, gérer des compétences, cadrer les
objectifs et donner une cohérence d’ensemble.
Ce qui suppose d’accepter un certain lâcher
prise. Pour les aider, il y a un programme de
conduite du changement et des formations
pour se familiariser au Management 3.0. Les
managers sont aussi les bienvenus dans les
Stand-Up meetings.
Les méthodes de développement agiles, c’est
une chose mais rendre une entreprise agile
est plus complexe. Les développeurs, eux, ne
demandent que ça, qu’on leur donne davantage
d’autonomie pour aller plus vite. La génération
Y et plus encore la génération Z aiment l’agilité.
Que vous reste-t-il encore à accomplir ?
Nous sommes en mesure d’industrialiser
l’ensemble des processus logiciels de notre
Digital Factory avec l’automatisation des tests
et des configurations et la démarche DevOps.
L’objectif est d’aller plus rapidement en
production, de façon sécurisée, la qualité de
service restant dans notre ADN.
Le déploiement de l’ensemble des modules
de Voyages-sncf.com prend 15 minutes, nous
voulons descendre à 10 minutes cet été. Comme
nous le faisons plusieurs fois par jour, le gain
n’est pas neutre.
L’évolution suivante consistera à instaurer
un esprit de communauté open source. Le
système d’information Voyages-sncf.com est
complexe. Une équipe qui s’occupe d’une
fonctionnalité peut être amenée à toucher
à deux ou trois composants, ce qui multiplie
d’autant les demandes dans le backlog, créé
des embouteillages et retarde le projet.
L’idée ici est de laisser la possibilité à une Feature
Team de toucher à ce composant tiers et de
contribuer à son évolution comme le font les
communautés open source. Ensuite une « Core
Team », des experts dudit composant, valide la
qualité du code et garantit son intégrité avant la
mise en production.
Entre le moment où on lance une pratique et
celui où elle se généralise, cela prend du temps.
Mais d’ici trois ans, nous aurons couvert tout
le cycle de l’agilité.
Voyages-scnf.com
Activité : première agence de voyages en ligne en
France. Distribution de billets de train mais aussi
vente de billets d'avions, de séjours, location de
voitures et chambres d'hôtel
Création : 2000
Effectif : 1 000 collaborateurs
Volume d’affaires : 4,2 milliards d’euros
source Voyages-scnf.com
23 | EXPÉRIENCES AGILES
« Il faut une communication globale
pour emporter l’adhésion »
Sébastien Bourguignon
Responsable du domaine développements logiciels
à La Mutuelle Générale
En l’espace d’un an, La Mutuelle Générale
a mis les moyens et les ressources pour
réussir sa transformation agile. Avec un DSI
qui a joué pleinement son rôle de sponsor.
Et les efforts portent déjà leurs fruits.
A quand remonte le passage à l’agilité ?
L’arrivée d’un nouveau DSI, en janvier 2014,
a été le point de départ. Il avait l’ambition de
faire avancer des projets innovants. De par son
expérience de conduite de grands projets aux
Etats-Unis, il était rompu à l’approche agile, en
revanche la distinction entre maîtrise d’ouvrage
et maîtrise d’œuvre était pour lui un frein à
cette agilité.
Nous travaillions jusqu’alors en méthode en
cascade avec de nombreux échanges entre les
équipes projet et métiers. Pour le marketing,
il s’agissait aussi de mettre sur le marché de
nouveaux produits plus rapidement, dans une
optique time-to-market.
J’avais moi-même pratiqué l’agilité 3 ans plus
tôt en tant que responsable du pôle digital et
CRM. J’ai donc profité de cette fenêtre de tir
pour proposer un plan de transformation agile.
Le feu vert a été donné en juillet 2014. Pendant
un mois et demi, une société de conseil a
analysé nos méthodes de travail, conduit
des interviews, réalisé un sondage auprès
des collaborateurs. Cet audit a permis de
déterminer les cibles à atteindre puis de tracer
la trajectoire. Un séminaire d’une demi-journée,
réunissant le Codir de la DSI et des représentants
du marketing, a été l’occasion de présenter la
feuille de route et d’aligner tout le management.
Quelles méthodes avez-vous retenu ?
Nous avons retenu Scrum comme méthode
principale et Kanban, essentiellement pour
le maintien en conditions opérationnelles
des solutions. Sur les projets innovants dont
le périmètre est incertain, nous avons choisi
l’approche « Discover to deliver ». Les trois
projets pilotes ont permis de couvrir ces trois
méthodes.
Deux anciennes chefs de projet ont été
promues coachs agiles. Elles montent en
puissance et remplacent progressivement
les coachs externes. Nous avons mis en place
une communauté de pratiques de quelque 45
responsables de projet et managers au sein
d’une DSI qui compte 300 collaborateurs.
La DSI est aussi pilote pour l’entreprise du
réseau social Yammer, ce qui facilitera le
travail collaboratif et permettra d’animer
la communauté de pratique. Enfin, nous
préparons un important plan de formation
interne afin d’embarquer le plus grand nombre
de personnes dans l’agilité d’ici début 2016.
L’agilité s’est-elle diffusée auprès des
fonctions supports ?
Oui, nous « agilisons » la gestion de notre
portefeuille de projets (PMO) pour donner plus
de souplesse dans la priorisation des projets
et une gestion plus agile du budget… Nous
ne sommes pas encore au stade du « Beyond
Budgeting » mais le cap est donné.
Nous avons aussi introduit les enjeux de
l’agilité auprès de la direction achats. La
Mutuelle Générale externalise en partie ses
développements. Il faut donc introduire des
critères d’agilité dans les appels d’offres mais
aussi faire comprendre à nos fournisseurs
actuels quelles sont nos nouvelles méthodes
de travail.
Nous avons aussi sensibilisé les ressources
humaines sur le type de profil et de personnalité,
des experts fonctionnels ou des chefs de projet
les mieux à même de correspondre à l’esprit agile.
Quels sont les prochains enjeux ?
La production a mis en œuvre DevOps en
même temps que nous les méthodes agiles. Si la
partie technique est terminée, il reste à réaliser
la partie organisationnelle. Que les « ops »
soient présents au sein des équipes projets
dans un processus de déploiement continu. En
ce qui concerne la qualité, nous devons aussi
travailler sur le volet processus, organisation et
humain pour casser le fameux mur qui sépare
les « devs » et les « ops ».
A la rentrée, nous allons amplifier nos
opérations de communication. Nous avons
déjà déployé des sessions de sensibilisation et
des petits-déjeuners thématiques, nous faisons
découvrir l’agilité à toutes les personnes qui le
souhaitent dans l’entreprise.
Des affiches reprenant notre identité visuelle
mettent en scène nos coachs avec leurs photos,
leurs coordonnées. Nous allons aussi passer à la
vidéo pour diffuser nos messages. L’idée étant
que toute personne intéressée doit pouvoir
rentrer dans le dispositif. La mayonnaise
va prendre d’elle-même en contournant les
dernières résistances au changement.
Nous sommes déjà en mesure de proposer un
catalogue de services en interne, qui va de la
simple formation à l’accompagnement renforcé
de projet en mode agile.
Comment mesurer le niveau de maturité
d’une organisation ?
C’est un autre chantier de la rentrée. Nous
allons travailler sur un outil à même de
déterminer ce niveau de maturité. Quel est le
niveau de séniorité, le pourcentage d’utilisation
des pratiques et des rituels collaborateur par
collaborateur ? L’agilité concerne-t-elle un tiers,
la moitié de la DSI ? A titre personnel, je participe
à un groupe de travail au Cigref qui publiera
à la fin de l’année, un modèle d’évaluation de
La Mutuelle Générale
Activité : La troisième mutuelle française assure
quelque 1,45 millions de personnes
Création : 1945
Effectif : 2 225 salariés
Chiffre d’affaires : 1,126 milliard d’euros HT
source La Mutuelle Générale
25 | EXPÉRIENCES AGILES
« Une organisation véritablement
agile s’enrichit de ses erreurs »
Pascal Poussard, Coach Agile
Haïm Mamou, Conseil en organisation et management
Alors que les entreprises françaises ont
généralisé l’approche agile, il reste des
freins, notamment au niveau du middle
management pour monter en maturité dans
les pratiques. Management 3.0, « entreprise
libérée », lean startup…. De nouvelles
démarches tentent de faire sauter ces
verrous même si la réponse vient avant tout
de l’organisation elle-même.
Bonne nouvelle, la France a définitivement
rattrapé son retard. PME et grands comptes,
toutes les organisations se mettent à
l’approche agile. L’agilité est demandée non
seulement par les développeurs, lassés par
les méthodes de type cycle en V, mais aussi
par le top management.
La phase d’évangélisation définitivement
révolue.
« Beaucoup de dirigeants sont aujourd’hui
convaincus des bienfaits de l’agilité, observe
Pascal Poussard, coach agile chez SOAT. Ils ont
vu que cela marchait chez leurs concurrents, leurs
fournisseurs. Ils perçoivent très concrètement les
apports de l’agilité. » Les entreprises ont sauté
le pas mais elles n’ont pas toutes, loin s’en
faut, atteint le degré ultime de maturité. Si
l’on applique le Shuhari, concept issu des arts
martiaux japonais à l’agilité, l’apprentissage suit
trois étapes : Shu, l’organisation découvre la
technique, Ha, elle maîtrise cette technique,
Ri, elle la connaît tellement bien qu’elle se l’est
appropriée. « Les vrais résultats ne viennent qu’à
ce troisième niveau, avance Haïm Mamou, conseil
en organisation et management chez SOAT.
Avant, on obtient de petits bénéfices mais très loin
de l’espérance de gain totale. »
Mais des freins persistent.
Pour Pascal Poussard, le principal obstacle
pour atteindre ce Nirvana de l’agilité vient
du nouveau rôle que doit prendre le middle
management. « Avec l’agilité, il voit deux de ses
rôles principaux disparaître. Les équipes devenant
autonomes, sa fonction d’encadrement s’en trouve
réduite d’autant. Avec la culture de la transparence,
le pouvoir de rétention qu’il pouvait exercer sur
l’information ascendante ou descendante n’existe
plus. » Au cadre intermédiaire d’évoluer vers
une fonction de support en faisant en sorte
que ses collaborateurs évoluent dans un
environnement propice à la motivation et à la
créativité. Mais ce changement de rôle peut
être mal vécu (comme le montre la dernière
étude de VersionOne).
Résultat, le middle management ralentit
l’adoption de l’agilité ou fait en sorte - sciemment
ou non - que les projets échouent.
Le management 3.0 leur donne des armes
pour endosser ce nouveau rôle. On parle
aussi d’« entreprise libérée » pour repenser
les modes de fonctionnement en accordant
plus d’autonomie, et donc de confiance aux
collaborateurs.
Mais rien ne sert de changer les hommes,
si l’organisation reste figée. « Dans les
organigrammes, on retrouve toujours une
direction des études, de tests, de la production, des
directions métiers », déplore Pascal Poussard.
Les carcans budgétaires.
Ce dernier dénonce une autre dérive héritée
de la gestion projet traditionnelle qui consiste
à programmer tous les ans et une fois pour
toutes le budget. « On voit des entreprises qui font
des projets pour les projets parce qu’elles ont des
équipes à staffer ou des services qui ne doivent pas
dépenser plus que leur budget ni… moins, sous peine
de le voir réduit l'année suivante. » « Les chantiers
qui échouent sont ceux qui sont les plus contrôlés,
note, de son côté, Haïm Mamou. Les responsables
de ces projets passent plus de temps à répondre aux
contrôles qu’à apporter de la valeur. »
Pour assouplir ce processus budgétaire, le Beyond
Budgeting se propose d’introduire de l’agilité
afin de permettre aux entreprises de répondre
aux opportunités du moment et de faire vivre les
projets qui répondent à de vraies attentes.
La peur de l’échec, un mal français.
Il y a aussi, estime Pascal Poussard, un problème
français sur la notion d’échec. « Elle est vécue
comme une tragédie au lieu d’être une opportunité
pour apprendre. En France, il y a un art consommé
pour masquer les erreurs et tant pis si le projet va
dans le mur. On ne communiquera que sur la partie
positive d’un projet alors que l’essentiel n’est pas au
rendez-vous. » « En approche agile, il est plus facile
d’accepter l’échec puisque s’il survient, c’est au bout
d’un sprint de deux semaines, complète Haïm
Mamou. Elle offre la capacité de tester une idée et
de se tromper. »
La démarche lean startup ou la méthode de
gestion de l’amélioration de la qualité PDCA
(planifier, développer, comparer et ajuster en
français) permettent de passer par ce cycle
d’essais-erreurs. Cela renvoie aussi à la notion d’«
entreprise apprenante ». Où sont nos problèmes,
nos douleurs ? Comment s’enrichir de nos échecs ?
L’agilité, un retour aux fondamentaux.
Pour Haïm Mamou, l’agilité est présentée, à
tort, comme en rupture avec les méthodes
traditionnelles. « Mais qu’est ce qui fait qu’un
projet est réussi ? Quand il respecte le périmètre
fonctionnel, le coût, les délais ? Ne faut-il pas
dépasser cette équation trop simpliste, ne mesurant
que la réussite d'implémentation d'un projet ?
L'objectif n'est-il pas plutôt de rendre l'organisation
plus performante au travers d'un processus
d'amélioration dont les effets sont mesurables ? »
Pour que l’agilité gagne les autres services, il
faut parler de satisfaction client. « Pour chaque
processus, il faut identifier les clients - internes ou
externes - et les fournisseurs de ce processus. Il faut
également dépasser le processus pour optimiser la
chaîne de valeur dans son ensemble. Cela passe
par l’implication des autres services avec leurs
processus, pour que chacun prennent conscience
qu’ils participent à la livraison de valeur pour
l'entreprise et pour les clients. »
Comment passer le Ri du Shuhari ?
« Notre rôle de coach est d’aider les entreprises à se
poser les bonnes questions, qu’elles s’approprient
progressivement les valeurs pour aller jusqu’au Ri,
conclut Pascal Poussard. Nous intervenons sur
des mises en place mais aussi de plus en plus sur
des organisations déjà agiles. Elles sont frustrées
ou ne sont pas certaines d’être sur la bonne voie.
Notre métier consiste à montrer le chemin, qu’elles
devront parcourir seules. »
Haïm Mamou va plus loin : « Il faut arrêter
d’attendre la solution miracle. Hier, on parlait
de lean startup, aujourd’hui de lean analytics. Il
y a une vingtaine de méthodes dites agiles, une
entreprise ne peut s’investir dans toutes. Certaines
organisations ont voulu appliquer la méthode
Spotify, sans succès.
L’évolution ultime de l’agilité, c’est la capacité d’une
organisation à trouver les solutions par elle-même,
à trouver SA méthode. » Une méthode qui n’est
pas forcément réplicable ailleurs.
SOAT
Activité : Société d'expertise en informatique
spécialisée sur les technologies Java-JEE, Microsoft,
Web, Mobile et dans la transformation agile des
entreprises
Création : 2000
Effectif : 350
CA : 34 millions d'euros
source SOAT
27 | EXPÉRIENCES AGILES
La collection « Les Carnets d’Expériences » propose une série de dossiers traitant
des problématiques auxquelles sont confrontés des secteurs d’activité spécifiques.
Elle est fondée sur la capitalisation d’expériences d’acteurs majeurs du marché,
sans parti pris, pour apporter une vision nouvelle du sujet traité. Une approche
pragmatique valant mieux qu’un long discours, ces expériences du quotidien
de décideurs facilitent le décryptage des grandes tendances à venir. Ce Carnet
d’Expériences été réalisé par le journaliste Xavier Biseul pour la société pour action !
en partenariat avec SOAT.
pour action ! est une agence de marketing opérationnel & de business développement
dédiée au secteur informatique. Sa culture du résultat a amené l’entreprise à
développer des programmes clé-en-main pour accompagner la communication
des leaders du marché informatique & télécom sous un angle éditorial, afin de
traiter l’information d’un point de vue pragmatique. A travers la maîtrise des outils
de communication et l’expérience rédactionnelle de son équipe, pour action ! agit
pour la performance des usages.
Mentions légales et droit d’exploitation
pour action ! - 32 rue des Jeûneurs - 75002 Paris
Siret : 440 685 246 00058
TVA intracommunautaire : FR70 440685246
www.pouraction.fr
Directeur de publication : Sylvain Fievet
Toute reproduction des textes publiés sur le Carnet d’Expériences – AGILE
est interdite sans autorisation explicite de la rédaction.
Pour tout renseignement, vous pouvez adresser vos questions à l’adresse suivante :
[email protected]
Téléchargez ce carnet d’expériences ici : www.experiences-entrepriseagile.fr
KAIZEN GAME
« Un Serious Game agile pour
s’initier à l’amélioration continue »
Olivier Le Lan
Coach Agile et co-créateur du Kaïzen Game
Si les principes de l’amélioration continue sont simples, sa mise en œuvre est
loin d’être triviale.
Pour vous aider à en appréhender les concepts et les bonnes pratiques,
SOAT a imaginé pour vous le « Kaizen Game », un jeu de plateau simple et
ludique qui vous éclairera sur la mise en place d’une stratégie d’amélioration
continue dans votre entreprise.
PRINCIPE DU JEU
Vous venez d’ouvrir votre restaurant et vous avez
10 jours pour faire vos preuves.
Réussirez vous à surmonter les difficultés et les
aléas d’une telle aventure, grâce à une bonne
démarche d’amélioration continue ?
READY TO PLAY?
Pour une animation de notre jeu dans vos locaux, contactez [email protected]
Pour téléchargez directement notre jeu au format PDF : soat.fr/kaizen-game
POUR PLUS D’INFORMATIONS
soat.fr/kaizen-game
www.soat.fr
+33 (0)1 44 75 42 52
[email protected]
29 | EXPÉRIENCES AGILES
Déjà parus dans la collection Les Carnets d’Expériences
N°22 - Expériences Performance Financière
« Cash, fast-closing, prédictif : les nouveaux pilotages qui construisent l’avenir »
N°21 - Expériences Pilotage et Performance
« Quels moyens pour une cohésion DSI - Métiers productive ? »
N°20 - Expériences Formation
« Métiers du Big Data : les entreprises à la recherche de l’oiseau rare »
N°19 - Expériences Innovation Marketing B2B
« Qu’est-ce qui fait battre le cœur de vos clients ? »
N°18 - Expériences conduite du changement
« De la digitalisation à l’adoption des technologies :
quand l’entreprise parie sur l’utilisateur pour réussir sa transformation »
N°17 - Expériences Travel Management
« Quand politiques de voyages et liberté des collaborateurs se confrontent :
quelles nouvelles voies pour le voyage d’affaires ? »
N°16 - Expériences Collectivités
« Comment favoriser le lien social et citoyen ? »
N°15 - Expériences Transformation logicielle
« Innovation : les éditeurs peuvent-ils encore suivre le rythme ? »
N°14 - Expériences PME
« Ces entreprises qui grandissent avec le numérique »
N°13 - Expériences hébergement
« Virtualisation, automatisation, services : peut-on faire mieux que le Cloud ? »
N°12 - Expériences Planification RH
« Rentabilité d’entreprise, épanouissement des employés, qualité de service :
un équilibre vertueux est-il atteignable au quotidien ? »
EXPÉRIENCES
AGILES
EXPÉRIENCES PERFORMANCE
FINANCIÈRE
Agile. Ils n’ont plus que ce mot à la bouche ! Grâce aux avantages offerts par les
innovations technologiques, aux nouveaux modes de travail et à un renouvellement
des logiques managériales, nos entreprises n’ont jamais eu autant d’opportunités de
se montrer réactives, adaptables, résilientes et capables de répondre aux exigences de
plus en plus pointues de leurs clients.
Mais l’agilité n’est pas un simple état de fait. C’est un enjeu d’amélioration permanent
qui prend souvent la forme d’une obscure nébuleuse pour les entreprises. Par où
commencer ? Et surtout, si l'agilité est déjà présente dans l'entreprise, comment continuer
à l'améliorer ?
Ce recueil donne la parole à des experts, directeurs de développement et DSI de grands
comptes, de secteurs d’activités divers afin qu’ils puissent partager leurs expériences
agiles. Qu’est-ce qui a motivé ces dynamiques chez eux ? Quelles sont leurs spécificités ?
Quel point de départ et quels axes d’amélioration ? Quels sont leurs prochains chantiers ?
en partenariat avec
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Ces DSI qui se lancent dans l'agilité
pour transformer la culture de leur entreprise
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