PAGE 22. INDICES | | Janvier 2015 | Produits financiers Personnalisation des produits structurés L’essor des plateformes de trading ouvre de nouvelles perspectives aux investisseurs en produits structurés. GILLES CORBEL Responsable du Développement et du Trading des produits structurés, BCV C es dernières années ont vu la multiplication en Suisse de plateformes qui permettent de composer de plus en plus simplement des produits structurés. D’essence business-to-business, elles s’adressent avant tout aux professionnels de l’investissement, en raison notamment du montant encore relativement élevé que doit représenter une émission pour être rentable. Cependant, ce montant ne cesse de baisser et il est possible d’imaginer qu’un jour les particuliers pourront composer eux-mêmes leurs propres produits structurés, un peu comme ils achètent des meubles en kit qu’ils assemblent. La comparaison s’arrête là. Dans le cas du meuble, c’est le fabricant qui choisit les pièces et le client qui les assemble. Avec un structuré, le client choisirait les composantes et la plateforme assurerait le «montage» et l’émission. Retour à aujourd’hui. Près d’une dizaine de ces plateformes de trading de produits sont actuellement accessibles aux professionnels de l’investissement en Suisse, certaines étant même multi-émetteurs. Hautement automatisées, elles s’adressent à un public averti et sont utilisées pour des émissions relativement standardisées – mais avec une certaine capacité de personnalisation – pour un nominal minimal de quelques dizaines de milliers de francs. En revanche, el- les n’offrent pas un service individualisé et ne répondent pas aux besoins de certains acteurs de niche ou de leurs clients. Pour ces derniers, l’important ne réside pas dans l’efficacité d’une machine industrielle, mais dans l’apport d’une valeur ajoutée, par exemple via une analyse, une compréhension du besoin et l’optimisation de la construction du structuré. Les plateformes de trading de produits constituent l’une des réponses de l’industrie des structurés à la crise financière et au besoin de réduire les coûts. Elles ont pris leur essor après la faillite de Lehman Brothers et la chute des volumes qui a suivi. Rien qu’en Suisse, la part des structurés dans les portefeuilles est passée de 6% à 3% (soit 150 milliards de francs d’actifs en moins). Le modèle commercial traditionnel de l’époque passait par des émissions à grande échelle de produits standard, accompagnées de brochures de vente et de campagnes de publicité dans la presse, ou par des demandes ciblées pour le compte d’une clientèle sophistiquée. Le volume assurait des marges suffisantes, mais la faiblesse de ce modèle tenait au côté très «manuel» de la détermination du prix d’une émission. Les demandes arrivaient aux vendeurs par e-mail ou par téléphone, elles étaient ensuite transmises à un trader, celui-ci formulait un prix et le vendeur le relayait au client pour décision. La durée d’un cycle variait selon la complexité de la demande et le risque était grand qu’un paramètre mal transmis conduise à une erreur de pricing. Dans un contexte d’après-crise, la chute des volumes (en nombre et en taille moyenne des opérations) et une inflation des demandes de prix rendait ce travail «manuel» d’autant plus difficile que les équipes avaient souvent été fortement réduites… Pour lutter contre l’érosion des marges et élargir la base des clients, il fallait faire des économies d’échelle et s’inspirer du succès du commerce en ligne, en appliquant la même recette: renverser la relation et donner du pouvoir au client pour qu’il puisse davantage comparer avant d’investir. Pour LES PARTICULIERS POURRONT UN JOUR COMPOSER EUX-MÊMES LEUR PROPRES PRODUITS STRUCTURÉS. UN PEU COMME ILS ACHÈTENT AUJOURD’HUI DES MEUBLES EN KIT. les grands émetteurs, loin de rompre la relation personnelle, la mise à disposition d’une plateforme de trading s’avérait une opportunité pour renforcer la loyauté des clients et en atteindre de nouveaux à travers internet. Cependant, mettre en place une telle plateforme n’est pas aisé; une baisse suffisante des coûts de production nécessite un processus aussi efficient et automatisé que possible. Il ne s’agit pas simplement d’automatiser la fixation du prix d’une émission, mais de connecter tous les systèmes à l’intérieur d’une banque, les différents trading books, l’émission de composantes du produit et leur inscription au bilan de l’émetteur ainsi que l’ensemble de la chaîne de règlement. Après une première phase d’émergence, le monde des plateformes est entré dans une nouvelle ère, celle qui voit apparaître des plateformes permettant de choisir parmi plusieurs émetteurs, permettant de diversifier le risque de crédit et de rechercher le meilleur prix. L’une des principales plateformes en Suisse, Deritrade de la banque Vontobel, est d’ailleurs devenue multi-émetteurs. Les fonctionnalités vont continuer de s’enrichir. Et si, à ce stade, de nombreux émetteurs restent à l’écart de ces plateformes, il est vraisemblable que, à terme, l’évolution des fonctionnalités aidant, une majorité des émetteurs rejoindront une plateforme ou une autre. Cela peut encore prendre quelques années, mais le train est lancé. Cependant, au vu de l’évolution législative visant à protéger les investisseurs, il n’est pas certain que toutes les banques voient d’un bon œil tout un chacun construire son propre produit en pianotant sur son ordinateur. En tout cas, le libre accès direct à une plateforme par un investisseur individuel nécessitera un encadrement et une formation. Une chose reste toutefois certaine: un produit structuré ne peut apporter une vraie plus-value dans un portefeuille qu’à la condition d’avoir été parfaitement compris par son détenteur. n Comment bénéficier de la baisse du pétrole Les investisseurs hésitent entre tabler dès maintenant sur la baisse des prix du pétrole ou attendre un point d’entrée encore plus avantageux. JOHAN THOMYRIS Credit Suisse, Sales Produits Structurés pour la Suisse Romande D epuis l’été dernier, le baril de pétrole américain «WTI» a perdu 50% de sa valeur et ce mouvement s’est accentué au cours des deux derniers mois avec la décision de l’OPEP de ne pas réduire sa production et de laisser le marché s’ajuster par le jeu de l’offre de et la demande. Cette décision, menée par l’Arabie Saoudite, intervient dans un contexte d’augmentation de la production de pétrole de schiste aux États-Unis alors que la demande mondiale s’affaiblit (notamment en Europe, au Japon et en Chine). Elle démontre la détermination de plusieurs membres de l’OPEP à défendre leurs parts de marchés, maintenant de ce fait une pression sur le prix du baril qui devrait persister au cours des prochains mois. Pour les marchés actions ce scénario pourrait s’avérer positif, particulièrement pour les économies nettes importatrices de pétrole que sont les États-Unis ou l’Europe. Mais, s’il est vrai que l’Europe devrait à ce titre bénéficier de la baisse du pétrole, l’impact réel sur l’économie est toute- fois quelque peu amoindri par la baisse de l’euro par rapport au dollar sur la même période, de l’ordre de 13%. A cela s’ajoutent les risques liés aux récents déboires électoraux en Grèce et ceux qui pèsent sur l’approvisionnement énergétique de l’Allemagne, étroitement lié à l’instabilité des relations avec la Russie. La prudence reste donc de mise même si des opportunités existent. En revanche, les États-Unis représentent une alternative solide dont la croissance vigoureuse ne cesse de surprendre et va de pair avec la reprise des investissements. Quels secteurs deviennent attractifs à la suite de ce repli des cours du pétrole? S’il est vrai que les cours des compagnies pétrolières ont déjà subi de fortes baisses depuis le début de l’été 2014, la pression encore forte exercée sur le prix du pétrole constitue une menace qui tend à dissuader les investisseurs. En revanche, le secteur des biens de consommations «non essentiels» (par opposition aux produits de base) devrait en profiter grâce à des coûts de production plus faibles dus à la réduction des prix de l’énergie mais également du fait de l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages qui y est liée. Quelle stratégie adopter pour capter les opportunités de ce contexte de marché? Depuis plusieurs années, nous évoluons dans un environnement de taux bas liés aux politiques passées ou en cours d’expansion monétaire, aiguisant par conséquent l’intérêt des investisseurs pour les produits capables de dégager des rendements élevés. L’augmentation récente de la volatilité au-dessus de son niveau moyen des deux dernières années permet, via les produits structurés, d’offrir des solutions adaptées à la recherche de rendement tout en pariant sur le scénario de baisse des prix du pétrole. LA HAUSSE DE LA VOLATILITÉ PERMET D’OFFRIR DES SOLUTIONS ADAPTÉES À LA RECHERCHE DE RENDEMENT VIA LES PRODUITS STRUCTURÉS. En effet, vendre des options et donc de la volatilité en dehors de la monnaie ou avec une protection conditionnelle du capital peut s’avérer être une stratégie payante sur le court ou moyen terme. Il s’agit de choisir avec soin les sousjacents qui feront l’objet de ces ventes d’options et de privilégier les entreprises de consommation susceptibles d’engranger davantage de revenus du fait de l’évolution des cours de l’or noir. Prenons par exemple une reverse convertible sur Nike, PepsiCo & Starbucks en dollars et d’une durée de 1 an, avec remboursement anticipé conditionnel. En achetant ce produit, le client vend implicitement de la volatilité par le biais d’une vente d’option «Worst of» en dehors de la monnaie. La prime perçue en échange de ce risque sera payée trimestriellement sous la forme d’un coupon garanti. Ce produit structuré permet de booster le rendement obtenu par rapport à un simple dépôt fiduciaire. En effet, le coupon payé par une telle structure serait de 6% par année, soit bien au-delà des taux monétaires sur la même période. Si à la fin d’une des périodes trimestrielles, chacun des sous-jacents est au-dessus de son niveau initial, le produit est remboursé par anticipation, le client récupère l’intégralité de son capital et conserve les coupons déjà acquis. Toutefois, si à la date finale d’observation un des sous-jacents se trouve en-dessous du prix d’exercice fixé à 80% des niveaux initiaux, le client reçoit les titres de l’action la moins performante à un niveau plus intéressant que le cours initial. Les Autocallable Reverse Convertible sur les entreprises de biens de consommation semblent donc être adaptés pour bénéficier de la baisse des cours du pétrole en percevant un coupon intéressant dans l’univers actuel de taux bas. n