Economie, société et culture en France depuis 1958

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 1 Economie, société et culture en France depuis 1958
I)
L’économ ie française au cœ ur des Trente Glorieuses (1958 – 1973)
En 1958, la France est en plein milieu de la période économique que Jean Fourastié a appelé
les « Trente Glorieuses » pour rendre compte de la croissance économique exceptionnelle que la
France et les autres pays industrialisés ont connu à partir de 1945. Cette croissance est remarquable
à la fois :
son intensité (5% par an ; par comparaison, on espère cette année, en France une
croissance comprise entre 1,5% et 2,5%)
sa régularité (il n’y a pas de retournement de conjoncture ni de cycles comme on a
pu en avoir par le passé : Grande Dépression (1873-1895) et crise de 1929(1929-fin des
années 30). La croissance est régulière.)
son maintien (c’est une croissance durable)
C’est une croissance qui n’a jamais été égalée sur une période aussi longue :
- jusqu’en 1913 et malgré les 2 révolutions industrielles : le taux de croissance annuel de la France n’a
jamais dépassé les 2,5% sur moyenne période
- entre les 2 guerres et jusqu’en 1930 : le taux de croissance français fut l’un des + élevés des pays
industrialisés sans pour autant dépasser 3%.
C’est donc une croissance sans précédent historique.
Cette croissance forte, régulière et durable est la toile de fond d'un changement qui affecte tous les
secteurs de l'économie française.
1)
Une économ ie m odernisée
Une « révolution silencieuse » transforme les structures agraires traditionnelles.
Les campagnes françaises connaissent la mécanisation (680 000 tracteurs en 1962, 1 300 000 en
1975)
Celle-ci a pour conséquence :
l'amélioration des rendements agricoles ;
la baisse du nombre d’exploitations (1,7 millions en 1960, 1,2 millions en 1975) et
l’augmentation de la taille moyenne des exploitations.
La baisse du nombre d’actifs agricoles (20% de la population active française en 1962,
9% en 1975)
La PAC, à l'oeuvre depuis 1962, est la principale responsable de cette révolution silencieuse. Elle
protège les exploitants et garantit l'écoulement des productions à des prix relativement élevés. La
France redevient exportatrice nette de produits agricoles.
La modernisation de l'industrie française. La concentration financière donne naissance à de grands
groupes, capables de rivaliser avec les leaders européens et mondiaux : Renault et Peugeot dans
l'automobile, Thomson et la CGE dans l'électricité et l'électronique. L'industrie contribue au plein
emploi, en favorisant notamment l'implantation d'établissements dans les régions faiblement industrialisées de l'Ouest. La France tend ainsi à devenir une grande nation industrielle.
L'essor du secteur tertiaire. Comme dans les autres grands pays occidentaux, les services se
développent, en réponse à la demande des ménages et des entreprises. Conséquence du baby-boom,
l'État recrute"des enseignants (le nombre des professeurs du secondaire est multiplié .par`. 3 entre 1960 et
1970) et des personnels hospitaliers (+60% entre 1968 et 1975) pour faire face aux besoins d'éducation
et de santé. Les secteurs du commerce, du transport, du tourisme, des banques et des assurances
recrutent en masse. En 1972, la moitié des actifs travaillent dans le secteur tertiaire.
2)
Les facteurs d’une croissance exceptionnelle
La forte hausse de la consommation. Entre 1958 et 1973, la population française passe de 45 à 52
millions, soit une augmentation annuelle moyenne de plus soit une augmentation annuelle moyenne de plus
de 400 000 personnes, dont 300 000 environ du fait de l'excédent naturel. Le solde migratoire est lui
aussi largement positif, avec un pic en 1962, année du retour en métropole de près d'un million de
Français d'Algérie. Le rajeunissement de la population dynamise la demande intérieure et contribue à
l'évolution des mentalités. Les ménages français adoptent de nouveaux modes de consommation,
2 encouragés par l'achat à crédit d'appareils électroménagers, de téléviseurs et d'automobiles.
Ils s'équipent en logements neufs, pourvus du confort effets à long terme. moderne. Cet essor de la
consommation des ménages dans un climat de confiance en l'avenir, stimule les investissements des
entreprises. Celles-ci réorganisent leur production en s'inspirant des méthodes américaines et renouvellent
leurs équipements afin de répondre à l'expansion de la demande intérieure.
L'État joue un rôle essentiel dans l'économie nationale.
Les investissements de l'État et des collectivités publiques en autoroutes, bâtiments scolaires, hôpitaux
et logements sociaux, contribuent eux aussi, significativement, a cette expansion.
Depuis les nationalisations de la Libération, un modèle économique français s'est mis en place, fondé
sur l'économie de marché et sur l'intervention de l'État. Les gouvernements de la Ve République
conduisent de façon volontariste des politiques structurelles, orientant à long terme l'économie nationale, et
soutiennent l'expansion par des politiques conjoncturelles d'inspiration keynésienne, c'est-à-dire utilisant la
monnaie et le budget pour garantir croissance et plein emploi. Mais ils doivent également surveiller l'évolution
des prix, pour éviter tout dérapage inflationniste et préserver la valeur du franc. C'est ainsi qu'entre 1963 et
1965, le plan de stabilisation limite l'inflation, mais freine la croissance.
L'ouverture sur les marchés extérieurs. L'étroitesse relative du marché national risque d'entraver
l'essor de la production française qui perd, avec les colonies, d'importants débouchés traditionnels à
l'exportation. II faut donc conquérir de nouveaux marchés et l'Europe, à cet égard, promet beaucoup. De
Gaulle en est conscient et accepte d'appliquer, pour le 1er janvier 1959, les premières baisses tarifaires
prévues en mars 1957 par le traité de Rome. La France rompt avec la tradition protectionniste. Ses
entreprises s'insèrent dans le réseau des échanges internationaux, au risque d'y affronter une concurrence
rude, souvent plus habituée et mieux adaptée aux offensives commerciales.
L’environnement international est favorable à la croissance.
La stabilité monétaire est un de ces facteurs favorables. Les accords de Bretton Wood de juillet 1944,
signés entre 44 pays, instaurent un système monétaire international basé sur le dollar. Il a l’avantage
d’instituer un change fixe entre les monnaies et favorise ainsi les échanges entre les pays.
3)
Les lim ites de la croissance
L'inflation, un mal français. Une inflation rampante (autour de 5% par an) accompagne les
Trente Glorieuses. Certes, elle allège les frais financiers liés aux investissements des entreprises, aux dettes
des ménages et à celles de l'État, ce qu'apprécie une France jeune et ambitieuse. Mais la valeur du franc est
érodée. Épargnants, créanciers et rentiers voient fondre leurs fortunes. Les revendications salariales sont
récurrentes, et l'inflation handicape les produits français à l'exportation- Néanmoins, dans l'élan de
l'époque, elle semble perçue comme un moindre mal ».
Dans les années cinquante et soixante la France est touchée par une crise du logement. Plusieurs
éléments font que la demande en logements augmente. Il ya d’abord le baby-boom de l'après-guerre a
permis une augmentation de la population française— elle s'est accrue de 23 % entre 1946 et 1968 —et il
a gonflé les effectifs des familles. D'autre part, l'essor économique et les transformations du monde
agricole conduisent vers les villes une population croissante, attirée par les emplois de l'industrie et des
services. Enfin, l’afflux d’immigrés pour fournir la main d’œuvre dont l’économie a besoin est un dernier
facteur. Certains immigrés vivent ainsi dans des bidonvilles tout autour de Paris comme à Nanterre
(Hiver 1954 : appel de l’abbé Pierre). On tente bien d’édifier rapidement des barres de HLM mais il faut
une vingtaine d’années pour que la situation s’améliore
La modernisation rapide fait des victimes. C'est en 1963 qu'est ouvert, à Sainte-Genevièvedes-Bois, le premier hypermarché Carrefour, suscitant l'inquiétude des commerçants. Leur angoisse fait
écho à celle des agriculteurs, qui voient se multiplier les fermetures d'exploitations familiales et s'amplifier
l'exode rural, et à la colère des mineurs de charbon, mobilisés pour une longue grève durant l'hiver
1962-1963 : les importations (pétrole du Moyen-Orient) concurrencent et menacent en effet de plus en plus les
productions nationales (charbon du Massif central, du Nord et de la Lorraine).
Au début des années 1970, les difficultés du système monétaire international, liées à l'affaiblissement du
dollar, inaugurent une nouvelle phase de l'histoire économique française. Le choc pétrolier d'octobre
1973 en est le douloureux révélateur. Comment l'économie française fait-elle face à ce retournement
de la conjoncture?
II)
Depuis 1973, trente ans de croissance m odeste
3 Le choc pétrolier de 1973 brise l'élan des Trente Glorieuses. Une récession durable
s'installe, marquée par le chômage de masse. Pourtant, la croissance se poursuit à un rythme annuel
modeste, proche de 2 %. L'économie française doit s'adapter, mais tente de préserver l'originalité
de son modèle.
1)
Les m anifestations de la crise
La fin de la haute croissance. À partir de 1973, la France connaît une croissance moyenne de 2 %
sur 30 ans. De 1973 à 1983, la stagflation cumule croissance faible et inflation forte (10% par an en
moyenne). L'inflation est progressivement endiguée, mais la croissance reste molle, alternant des
phases de reprise (1987-1991;1997-2001), puis des phases de repli (1993, 2003).
L'industrie, première victime de la récession. Le premier choc pétrolier révèle la fragilité des
entreprises françaises, insuffisamment armées pour lutter contre la concurrence des anciens et nouveaux
pays industrialisés. La crise se traduit par un recul de la part de l'industrie dans le PIB (de 33% en 1970
à 21% aujourd'hui), mais surtout par la destruction du tiers des emplois industriels depuis 1973.
Certains secteurs sont sinistrés : le textile et la sidérurgie perdent respectivement les 9/10 et les 2/3
de leurs emplois. Les friches industrielles se multiplient dans le Nord ou en Lorraine, bastions
miniers et sidérurgiques frappés de plein fouet.
Le chômage de masse est le principal symptôme de la récession. Le nombre de chômeurs passe de
400 000 en 1973 (3% de la population active) à 1 million en 1975, 2 millions en 1982, plus de 3 millions
en 1993, soit 12% des actifs. Malgré une baisse entre 1997 et 2001, le chômage affecte encore un
actif sur dix. Les jeunes, les femmes et les quinquagénaires sont les plus touchés.
2)
Les facteurs de la crise et les solutions politiques
Les contraintes extérieures.
La France, comme les autres pays industrialisés, doit faire face :
A la fin de la convertibilité du dollar en 1971 et donc du système de Bretton
Woods
à deux chocs pétroliers (augmentation brutale des prix du pétrole) en 1973 et
1979. Alors que le pétrole est alors de très loin la première source d’énergie, on
comprend toutes les conséquences que cette augmentation brutale a pu avoir dans
l’économie
à la concurrence soutenue des pays asiatiques (Japon, Corée du Sud, Chine).
Les années 1990 sont marquées par la mondialisation qui, pour certains, contrarie,
directement ou indirectement, le retour de la prospérité.
Des contraintes propres à la France.
La demande intérieur fléchit :
- Le milieu des années 1970 marque la fin du baby boom : l'indice de fécondité chute de 3 à
2,4 enfants par femme entre 1950 et 1970 et la baisse se poursuit par la suite..
- Les ménages sont désormais pourvus en appareils ménagers et en automobiles,
Les hésitations des politiques gouvernementales. Le spectre des années 1930 hante les
gouvernements qui veulent éviter que la crise économique ne débouche sur une crise politique. Un
traitement social spécifique du chômage est de ce fait associé à la lutte contre la récession et mis en
oeuvre par tous les gouvernements.
Pour relancer la machine économique, on hésite entre :
La relance par la production induisant un allègement des charges des entreprises.
C’est la politique menée par les gouvernements de droite (gouvernements Barre entre 1976
et 1981, gouvernement Chirac entre 1986 et 1988, gouvernement Balladur entre 1993 et
1995 et les différents gouvernements depuis 1995).
La relance par la consommation que le gouvernement socialiste essaye en 19811982 en complément d’un programme de nationalisation. Cette politique échoue et dès
1983, les Socialistes sont contraints de mener une politique de rigueur.
3)
Les m utations de l’économ ie française
Vers une économie post-industrielle. Déjà majoritaire à la fin des Trente Glorieuses, l'économie
des services devient prépondérante, contribuant pour plus de 70% au PIB. L'industrie subit des
restructurations et tente des diversifications. Au marasme du textile et de la sidérurgie s'oppose le dynamisme retrouvé de nombreux secteurs : l'automobile, l'aéronautique, la pharmacie, l'agroalimentaire,
par exemple. Renouant avec le profit au milieu des années 1980, les entreprises se restructurent,
4 investissent dans les nouvelles technologies et s'internationalisent, souvent au prix d'une réduction
d'emplois et de délocalisations. Ces évolutions contrastées se traduisent dans l'espace avec
l'attractivité des grandes métropoles, des nouvelles technopoles et globalement des régions du Sud
et de l'Ouest.
Le virage libéral fait évoluer le modèle économique français. Les années 1980 et 1990 voient la
France se rapprocher des grandes puissances capitalistes. Ce virage libéral se traduit par le recul de
l'intervention de l'État dans l'économie et notamment par la privatisation des entreprises publiques
(banques, Renault, TF1). Le capitalisme français entame une série de mutations : diversification des
activités, essor de la concentration des entreprises et insertion dans le cadre européen et mondial.
L'État cherche à stimuler la croissance; mais ses capacités d'intervention sont désormais limitées, du
fait des contraintes budgétaires et des transferts de compétences monétaires à l'Union européenne.
Avec l'intégration européenne et la mondialisation, l'économie française perd de sa
spécificité. Le tournant libéral coïncide avec la progression rapide de la construction européenne. La
mise en place de l'Union économique et monétaire en est une étape déterminante.
Dans cette évolution complexe, entre croissance modeste, évolution libérale et ouverture
extérieure, l'économie française s'est peu à peu éloignée de son modèle traditionnel.
III)
Le grand changem ent social
Depuis 1945, les Français sont les acteurs d'une Seconde révolution française qui bouleverse la
société. Cette évolution affecte diversement les groupes sociaux et met en cause la cohésion même
de la société française, surtout depuis la fin des Trente Glorieuses.
1)
L’évolution des structures de la société
Le mouvement démographique est à la base du changement social. La population française passe de
40,5 à 61,7 millions d'habitants entre 1945 et 2003. Elle rajeunit jusqu'en 1968 : cette année-là, la
proportion de jeunes de moins de 20 ans atteint 33,8% de la population totale. Par la suite, la
population continue d'augmenter, mais à un rythme moindre, et l'allongement de l'espérance de vie,
la diminution de la natalité et la stabilisation de l'immigration contribuent à son vieillissement. Ainsi,
au 1eC janvier 2004, les moins de 20 ans ne représentent plus que 25,3% de la population totale, contre
16,2% pour les plus de 64 ans. Ce bouleversement de la pyramide des âges pose, notamment, le
problème du financement des retraites, réformées par une loi votée en 2003.
L'évolution des normes familiales et des moeurs. Jusqu'aux années 1950, la famille nucléaire,
composée des parents et des enfants, paraît stable, fortement soudée autour du mariage. Mais la
baisse de la fécondité, en partie liée à la diffusion des moyens de contraception autorisée depuis
1967 (loi Neuwirth), puis la loi sur l'interruption volontaire de grossesse votée'en 1975 aloi Veil),
contribuent à l'évolution des mentalités. Ces lois entérinent et facilitent le mouvement
d'émancipation des femmes au moment où elles sont de plus en plus nombreuses sur le marché
du travail. Amorcée durant les années 1980, l'évolution des normes familiales se confirme au début du
xxie siècle. Les mariages sont moins nombreux et moins stables : on compte un divorce pour trois
mariages, et 40 des naissances se font hors mariage. Les familles recomposées se multiplient,
tandis que le PACS prend de l'ampleur. -• p.234-23
Une société urbaine. Sous la triple pression de l'exode rural, de l'arrivée d'immigrés et de
l'excédent naturel, l'urbanisation progresse fortement durant les Trente Glorieuses : les villes gagnent
13 millions d'habitants entre 1954 et 1975. Après une première phase marquée par le développement
des banlieues et de l'habitat périurbain, le recensement de 1999 fait apparaître un retour modéré vers
les centre-villes ainsi que l'essor de la rurbanisation.
Les transformations de la population active. Entre 1945 et 2003, le nombre d'actifs passe de
19 à plus de 26 millions. L'arrivée sur le marché de l'emploi de la génération du baby-boom, les
progrès du travail féminin et le recours à l'immigration expliquent cette croissance, qui est toutefois
freinée par l'allongement de la durée des études et la réduction de la durée d'activité, puisque l'âge
de la retraite est abaissé à 60 ans en 1982. Dans les années 1950, les travailleurs indépendants,
agriculteurs, artisans, commerçants, représentent encore un tiers des actifs; ils ne sont plus que 10%
aujourd'hui. Le salariat est devenu prépondérant dans le monde du travail. Mais les ouvriers ne sont
plus la catégorie la plus nombreuse : leur nombre passe de plus de 8 millions en 1975 à 7 millions en
2002. Depuis les années 1990, ils sont devancés par les employés (7,8 millions). L'extension des
5 classes moyennes, composées de techniciens, employés et cadres, constitue la transformation la
plus importante de la société des Trente Glorieuses.
2)
L’essor d’une société de consom m ation
L'enrichissement collectif des Français. Le pouvoir d'achat double entre 1950 et 1970, progresse
encore de 60% entre 1970 et 1990 et de 18% au cours des années 1990. L'amélioration de la productivité
permet aux entreprises de réaliser des profits, de rémunérer les actionnaires et, de façon mesurée,
d'augmenter les salaires. L'État garantit le pouvoir d'achat des rémunérations modestes par la fixation
d'un salaire minimum (SMIG en 1950, SMIC en 1970). Il met progressivement en place les transferts qui
assurent des revenus sociaux aux chômeurs, aux malades et aux retraités.
L'essor de la consommation de masse. Entre 1945 et 1973, la croissance du pouvoir d'achat met
les appareils électroménagers ou audiovisuels, voire l'automobile, à la portée des budgets modestes. Par
la suite, les phases d'euphorie consumériste alternent avec des phases de morosité, selon la
conjoncture économique, la situation internationale ou l'évolution du « moral des ménages ».
Une uniformisation des modes de vie. Le niveau de vie des Français s'améliore. Un tiers d'entre eux sont
propriétaires de leur résidence principale en 1954 contre 55 % aujourd'hui, Un logement sur 10 est équipé
d'une salle de bains et du chauffage central en 1954, les 4/5 le sont en 2004. Le temps libre augmente.
La semaine de travail diminue, de 45 heures dans l'après-guerre à 35 heures en 1998. Les congés
payés passent de 2 à 5 semaines entre 1945 et 1982. Les dépenses liées aux transports et aux loisirs
progressent.
3)
Une société duale
Le chômage et la précarité déstructurent la société. L'emploi salarié stable, qui caractérise les Trente
Glorieuses, se raréfie. Depuis 1973, le chômage de masse et l'extension de l'emploi précaire affectent
surtout les femmes, les jeunes et les quinquagénaires, ainsi que les immigrés. Ils fragilisent la famille,
exacerbent les tensions catégorielles et contribuent à la crise de l'État providence.
Les clivages de la société française s'accentuent. Les interventions de l'État providence limitent
l'impact social de la récession jusqu'au virage libéral du milieu des années 1980. Mais depuis, les
inégalités s'accroissent. Les plus pauvres (chômeurs en fin de droits, familles monoparentales modestes,
allocataires des minima sociaux sont progressivement marginalisés, malgré le RMI et la CSG.
L'intégration des immigrés n'est pas partout aisée. Entre repli identitaire et communautarismes, des
crispations apparaissent. Ces clivages se traduisent dans l'habitat : certaines cités dites « sensibles »
évoluent en ghettos.
Un militantisme caritatif se développe. Alors que les syndicats voient diminuer leurs adhérents,
avec un des taux de syndicalisation les plus bas d'Europe (environ 9%), les associations humanitaires se
multiplient, à l'image des cc Restos du coeur» lancés par Coluche en 1985. Elles sont d'autant plus actives
que la protection sociale mise en place durant les Trente Glorieuses est en crise. Alimentée par les
cotisations sociales et par l'impôt, elle est confrontée à l'explosion des dépenses liées à la santé, au
vieillissement et au chômage.
Face aux défis de d'exclusion et du vieillissement, la société française invente, comme les pays de l'Europe
unie, un nouveau modèle social.
IV)
L’évolution des pratiques culturelles des Français
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les pratiques culturelles des Français restent
traditionnelles. L'émergence d'une culture de masse au cours des années 1960 diversifie l'offre
culturelle. Depuis, entre les tendances contradictoires de l'uniformisation et de l'individualisation, les
pratiques des Français connaissent des mutations décisives.
1)
Le poids des traditions culturelles
Durant les années 1950, les pratiques culturelles de l'avant-guerre perdurent.
L'apogée de la radio, du cinéma et de l'imprimé. La radio est présente dans tous les foyers. À
côté des stations nationales et régionales de la radio d'État, Europe n° 1 est créée, au ton plus libre et à la
programmation musicale plus jeune. Les salles de cinéma sont très fréquentées. Au début des années 1950,
380 millions de billets sont vendus et 130 films produits par an. Les films américains et néoréalistes
italiens rivalisent avec un cinéma français classique qui s'illustre dans le drame bourgeois et le film policier
(Touchez pas au grisbi, de Jacques Becker); Jean Gabin et Gérard Philipe font partie des grandes
6 vedettes. La diffusion de l'imprimé augmente et se diversifie. Les groupes de presse élaborent de nouvelles
formules : magazines illustrés (Paris Match), journaux féminins (Elle), magazines sportifs,
cinématographiques, publications destinées à la jeunesse (Spirou, Tintin). Le format du Livre de poche,
créé en 1 9 5 3 , à prix modeste, démocratise également la culture.
Mais les pratiques culturelles sont fortement différenciées selon l'appartenance sociale. Le théâtre, la
salle de concert et le musée restent des lieux réservés à un public bourgeois. Des intellectuels et des
artistes proches du Parti communiste, appelés compagnons de route, tentent de toucher un public populaire, comme Jean Vilar avec le festival d'Avignon, dès 1947, et le Théâtre national populaire (TNP) de
Chaillot à partir de 1951. Les classes populaires privilégient le bricolage, la pêche ou le jardinage. Les
sports collectifs (football, rugby) sont aussi largement pratiqués, tandis que les municipalités et les paroisses
rivalisent pour organiser les activités des jeunes (avec notamment le scoutisme). On se divertit à la fête
foraine, on « guinche » au bal populaire, on s'évade au cinéma de quartier. Les veillées villageoises,
l'animation des marchés du bourg et les fêtes annuelles font partie de la culture de la France rurale
traditionnelle.
2)
L’essor de la culture de m asse
À partir des années 1960, les progrès économiques et technologiques permettent l'apparition
d'une culture de masse, dont les productions sont conçues pour un public très vaste.
L'essor des médias de masse et des autres « industries culturelles ». Le téléviseur envahit les foyers :
en 1960,15 % des ménages sont équipés, 40 % dès 1965, la quasi-totalité aujourd'hui. Jusqu'en 1964,
un programme unique est proposé aux téléspectateurs qui découvrent le flux des images en noir et blanc.
Deux nouvelles chaînes publiques font leur apparition en 1964 et 1971. L'offre télévisuelle se
démultiplie après la disparition du monopole d'État, en 1981, et les innovations techniques du câble et
des paraboles. Avec la libéralisation des ondes en 1978, de nouvelles radios thématiques à public ciblé
(NRJ, Radio Nostalgie) renouvellent l'offre au cours des années 1980. Le cinéma connaît, dans les
années 1960, une période exceptionnelle, avec les films de Jean-Luc Godard ou François Truffant :
c'est la « nouvelle vague ». En revanche,
la grande presse populaire (France-Soir, le Parisien libéré)
est concurrencée par la télévision
Une politique culturelle active. L'État soutient la création par une politique de commandes
publiques aux artistes et l'octroi d'avances sur recettes pour la production cinématographique. De plus,
il participe activement à sa diffusion par la construction du centre Pompidou (inauguré en 1 9 7 7 ) , de
bibliothèques comme la BNF (1996), de l'opéra Bastille, ou par la rénovation de musées comme le
Louvre ou Orsay. Dans les années 1 9 8 0 , Jack Lang, ministre de la Culture, soutient des formes de
culture nouvelles, comme le rap et lance la fête de la Musique en 1982. Les collectivités territoriales
subventionnent les festivals de musique, de théâtre ou de cinéma, comme le festival d'Avignon ou
le festival de Cannes (créé en 1 9 4 6 ) , qui ont un important impact touristique. Dans les négociations
commerciales multilatérales, la France s'oppose aux ÉtatsUnis pour défendre le principe de
l' « exception culturelle ».
3)
La diversification des pratiques culturelles
La richesse et la diversité de la création culturelle s'accompagnent, à partir des années 1960, d'un
élargissement des pratiques et des publics.
L'émergence d'un public jeune. Au cours des années 1 9 6 0 , la génération du baby-boom
découvre le rock-and-roll venu des États-Unis et fait de chanteurs tels que Johnny Hallyday, Sylvie
Vartan ou Claude François de véritables idoles. Une culture jeune (les yé-yés) se structure alors avec son
langage et ses valeurs. Elle évolue au fil des modes, mais garde une
spécificité par rapport aux autres classes d'âge. Le besoin de se réunir lors de manifestations de
masse, de concerts, de free parties, coexiste avec celui de se distinguer. Ce public jeune consacre en
outre une large part de ses moyens financiers aux sorties, à l'achat de biens culturels (livres, disques,
DVD) et d'équipements. Après le téléviseur et la chaîne hi-fi, c'est l'avènement du magnétoscope
dans les années 1 9 8 0 , puis de l'ordinateur personnel, connecté à Internet, et du téléphone portable,
depuis les années 1990.
L'invention du temps libre. La réduction hebdomadaire et annuelle du temps de travail a pour effet
l'extension du temps libre. Plus des deux tiers des Français partent aujourd'hui en vacances, contre
moins de la moitié dans les années 1 9 6 0 . Gîte rural ou éden tropical, en club, en famille ou en solo,
en ou hors-saison, les vacances évoluent, se fragmentent, avec la semaine de 35 heures, en weekends prolongés, mais font partie de la vie des Français. Ceux-ci consacrent aussi une part importante
de leurs loisirs au sport et à la remise en forme : une attention nouvelle au corps s'observe depuis les
années 1970. Venus des États-Unis, le jogging et le fitness en sont l'illustration.
7 Les pratiques culturelles ne sont pas figées. La tendance à la segmentation des publics est
sensible, même si des modes communes se dégagent. Mais, bien que réelles, les spécificités
françaises s'estompent devant la standardisation des produits culturels de masse.
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