Apprendre au cerveau à lire

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Dr Duncan Milne
Neuropsychologue
Apprendre au
cerveau à lire
Adapté par Dyslexia International
© 2010 Dr Duncan Milne
asbl
Apprendre au cerveau à lire
Préface
Comment le cerveau apprend-il à lire ? Comment apprendon à lire à un groupe de cerveaux distincts ou à un
type de cerveau déterminé ? La lecture est un processus
artificiel, pour lequel le cerveau n’a pas été conçu au
départ. Quelles en sont les parties impliquées lors de
ce processus créé par l’homme ? Lors de la lecture, des
images visuelles sont associées à des sons par une
série de connexions dans le cerveau pour ensuite être
transférées dans la partie frontale de l’hémisphère
gauche.
Ce livre expose les éléments de la science neurologique
expliquant la lecture, et examine quelles en sont les
implications pour l’enseignement de celle-ci. Apprendre
au cerveau à lire est un livre destiné aux enseignants, aux
parents et aux spécialistes de la lecture, qui fait appel à
la recherche sur le cerveau pour appuyer la théorie ainsi
que la pratique. Cet ouvrage passe en revue les principaux
développements de la recherche en imagerie cérébrale des
dix dernières années, ainsi que les évolutions parallèles
des théories qui sous-tendent l’enseignement de la lecture
et les meilleures pratiques scolaires.
L’exploration du cerveau permet d’étudier le fabuleux
processus de la lecture. Comment cette capacité se
développe-t-elle ? Comment l’apprentissage modifie-t-il
la façon dont le cerveau est configuré ? Quels sont les
endroits spécifiques du cerveau qui devraient être visés
pour la remédiation à la lecture ou pour un apprentissage
accéléré ? Ce livre explique comment le cerveau développe
des connexions lors de la lecture, et profitera à tous ceux
qui s’intéressent à l’apprentissage de celle-ci, à mesure
qu’ils prendront connaissance des résultats des dernières
recherches sur la capacité du cerveau à lire et à écrire.
Ce texte a été traduit de l’anglais Teaching the brain to read,
adapté au français, et n’inclut pas les éléments pertinents
pour l’anglais uniquement.
La traduction a été réalisée par des étudiants de l’ISTI
(Institut Supérieur de Traducteurs et Interprètes), Bruxelles,
supervisés par Marie-France Baeken.
Conception : Pauline Key-Kairis
2
Apprendre au cerveau à lire
Sommaire
Table des illustrations 5
Introduction 7
La diversité neurologique 16
Les origines du langage 16
La variation symétrique 17
Le paradoxe de la spécialisation pour la lecture 18
Résumé 21
Le cerveau lors de la lecture 23
Modules 24
Le module auditif (avant du cerveau) 24
Le module visuel (arrière du cerveau) 28
Les circuits de lecture 31
Le décodage (le circuit supérieur) 31
L’accès direct (le circuit inférieur) 34
Résumé 37
L’enseignement de la lecture 38
La méthode phonique et la méthode globale 38
Les méthodes phoniques synthétique et
analytique 43
La méthode mixte 46
Résumé 51
L’orthographe et la composition 52
Le rappel direct (le circuit inférieur) 52
L’encodage (le circuit supérieur) 54
L’orthographe inventée 56
La rédaction 59
Résumé 60
3
Apprendre au cerveau à lire
La dyslexie développementale 61
La dyslexie développementale et la dyslexie
acquise 61
La dyslexie développementale et les simples
faiblesses en lecture 63
Les recherches effectuées sur le cerveau des
dyslexiques 67
Résumé 72
Les procédés de lecture 74
Le procédé de lecture dyséidétique 81
Le procédé de lecture dysphonétique 82
Relation de cause à effet 84
Intervention 88
Résumé 93
Conclusion 95
Glossaire 101
Bibliographie 110
4
Apprendre au cerveau à lire
Table des illustrations
1.1Les personnes illettrées et lettrées
1.2L’électro-encéphalographie
1.3L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle
1.4La méthode multi-sensorielle du « trotteur »
2.1Les ectopies au microscope
2.2Le corps calleux hypertrophié
2.3Les cerveaux symétriques de personnalités douées
2.4La constellation des « dys » - les apprenants
différents
3.1Les origines de l’alphabétisme
3.2Les modules du langage
3.3La conscience phonologique
3.4La reconnaissance des symboles
3.5Le stade logographique
3.6Le stade phonologique
3.7Le stade orthographique
3.8L’accès lexical
3.9Le lecteur expérimenté
4.1La méthode phonique et la méthode globale
4.2Les mots sémantiquement incongrus
4.3Les méthodes phoniques synthétique et analytique
4.4
Simulations informatisées des modèles de lecture
4.5
(L’illustration n’est pas reprise)
4.6
(L’illustration n’est pas reprise)
4.7La méthode mixte
4.8La lecture en groupe au moyen de méthodes
phoniques « avec lettres intégrées dans les mots »
5
Apprendre au cerveau à lire
4.9Les questions à poser lors de la lecture assistée
5.1L’orthographe par rappel direct
5.2L’encodage
5.3
(L’illustration n’est pas reprise)
5.4
(L’illustration n’est pas reprise)
5.5Relecture
6.1La dyslexie acquise et la dyslexie développementale
6.2La répartition de la lecture
6.3Le modèle de décalage entre le QI et les
performances
6.4La compensation chez les dyslexiques adultes
6.5Les reconnexions dans le cerveau des dyslexiques
6.6Le manque de latéralisation lors de la lecture dans
le cerveau d’un individu dyslexique
7.1Les méthodes pour identifier les procédés de
lecture
7.2Le procédé de lecture dysphonétique
7.3Le procédé de lecture dyséidétique
7.4Les variations de la symétrie bêta
7.5Le déséquilibre audio-visuel
7.6Les causes de variabilité de lecture
7.7Les problèmes de lecture - organigramme
7.8Le transcodage du visuel à l’auditif
7.9Les lettres amovibles
7.10Le transcodage de l’auditif au visuel
7.11Les livres audio
7.12La boîte aux lettres et les fiches pédagogiques
7.13Les fiches analogiques
8.1Les modules du langage
8.2Le modèle de la méthode mixte
6
Apprendre au cerveau à lire
1
Introduction
Le cerveau humain reste sans aucun doute l’ensemble de
circuits le plus remarquable au monde. Son évolution, qui
a pris des millions d’années, a doté l’homme d’un système
lui permettant d’avoir accès aux informations, de calculer
ou de se rappeler d’un événement. Si le « matériel »
du cerveau a été conçu pour permettre à l’homme de
survivre, son « logiciel » possède des fonctions plus
complexes. Aujourd’hui, la quantité d’informations
disponibles augmente bien plus vite que la capacité du
cerveau à pouvoir l’absorber. Pour suivre ce rythme, pour
apprendre à lire, par exemple, cet organe doit fonctionner
de manière prodigieuse. Le savoir augmente de façon
exponentielle et la lecture reste le meilleur moyen pour
avoir accès à de nouvelles informations.
Grâce à la technologie moderne, les scientifiques
peuvent examiner l’intérieur du cerveau et le voir
fonctionner. Des expériences analysent la façon dont le
cerveau procède dans l’accomplissement de différentes
tâches. L’activité du cerveau lors de la résolution d’un
problème peut être examinée, par exemple. En employant
l’imagerie fonctionnelle pour étudier le cerveau, les
neuroscientifiques parviennent à comprendre en partie
comment le cerveau apprend, en quoi il se distingue et
quelles sont les meilleures conditions à l’apprentissage
(Illustration 1.1). En séparant les composants
indispensables à la lecture, les neuropsychologues
peuvent examiner les moyens les plus efficaces pour
enseigner au cerveau, afin de rendre l’apprentissage
plus rapide et plus aisé. Les spécialistes arrivent aussi à
mettre au point des techniques adaptées aux différences
d’apprentissage, par exemple à celles des apprenants
dyslexiques.
Les processus d’apprentissage tels que la lecture,
l’orthographe et l’écriture, fonctionnent grâce à un circuit
complexe de neurones qui relie des régions de traitement
spécialisées du cerveau. Les circuits du cerveau
intervenant dans la lecture se forment normalement dans
l’hémisphère gauche, dans la mesure où l’on observe une
prédominance dans cet hémisphère pour le langage dans
95 pour cent des cas. Toujours dans cet hémisphère,
7
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 1.1
Les personnes illettrées et
lettrées
L’emploi de l’imagerie cérébrale a permis de comparer le
cerveau de personnes illettrées qui ne sont jamais allées à
l’école avec celui de personnes lettrées ayant été scolarisées
(Petersson et al. 2000). On a demandé à chaque participant
de répéter des mots inventés. Alors que les personnes
illettrées trouvaient cette tâche difficile, les personnes lettrées
la trouvaient au contraire assez simple. Dans le cerveau
des personnes scolarisées, il y a un système d’activation
complexe, particulièrement dans l’hémisphère gauche.
D’autre part, les personnes analphabètes présentent une
sous-activation considérable de l’hémisphère gauche. En
d’autres mots, ce sont les enseignants qui programment le
cerveau en mettant les bonnes connexions en place !
il existe différents centres de traitement ayant des
spécialisations différentes. Ils sont connus parfois sous le
nom de modules et permettent à l’homme d’analyser les
informations provenant de ses sens. Différents modules
du langage de l’hémisphère gauche travaillent ensemble
pour accomplir des tâches telles que la lecture, l’écriture
et l’orthographe.
Alors que l’hémisphère gauche est presque toujours
dominant dans les fonctions du langage, la très grande
majorité des gens écrivent de la main droite. Ceci est
dû aux connexions croisées du cerveau, ce qui donne à
la plupart d’entre nous une meilleure maîtrise du côté
droit de notre corps. Cependant, il existe également
des connexions associées au même côté du corps, qui
permettent à chaque hémisphère d’envoyer des signaux
8
Apprendre au cerveau à lire
aux côtés droit et gauche et d’en recevoir. De plus, les
deux hémisphères sont reliés entre eux par un gros
faisceau de fibres nerveuses appelé le corps calleux. Le
corps calleux veille à ce que l’information puisse passer
de gauche à droite et de droite à gauche. La distinction
entre hémisphère gauche et hémisphère droit est, à bien
des égards, une simplification excessive étant donné que
le corps calleux assure un usage des deux hémisphères
comme un tout intégré. On ne peut tout simplement
pas se passer d’un hémisphère. Lors de la lecture ou
de l’écriture, par exemple, nous employons en grande
partie notre hémisphère gauche, mais nous recevons
indéniablement de l’aide de notre hémisphère droit.
Le cerveau humain est constitué de milliards de cellules
cérébrales interconnectées. Le connexionnisme est une
théorie qui permet d’expliquer comment le cerveau
fonctionne et apprend grâce à un nombre presque infini
de connexions pouvant se former entre les cellules
du cerveau. Ce concept explique aussi la façon dont
les modules spécialisés du cerveau communiquent
entre eux. C’est à la fois dans et entre les régions du
cerveau que s’établissent les connexions qui créent une
matrice de traitement de l’information. Ces réseaux de
connexions fournissent des circuits de réaction et un
soutien auxiliaire pour l’apprentissage. Selon la théorie
du connexionnisme, la lecture est un processus d’autoapprentissage, c’est-à-dire que dès que le cerveau a
appris à lire un mot, il emploie ce savoir pour lire des
mots nouveaux. Le cerveau repère vite les mots qui
paraissent corrects et ceux qui doivent être vérifiés dans
un dictionnaire. Cette fonction d’auto-apprentissage du
cerveau implique qu’après la mise en place des bons
circuits, le cerveau continue à renforcer ces circuits en les
rendant plus performants. Cela prouve que le système de
lecture est intelligent, et que le cerveau n’aura finalement
plus besoin d’instructions explicites sur la manière de
procéder pour lire. En effet, à ce stade, le cerveau est apte
à apprendre seul.
Les recherches dans le domaine de la lecture se sont
nettement développées ces dernières années. La
méthode la plus communément employée pour l’étude
de la lecture est la recherche comportementale. Cette
méthode consiste à examiner le comportement du lecteur
lorsqu’il exécute plusieurs tâches de lecture, telles
que les tests de reconnaissance des mots, ainsi que de
9
Apprendre au cerveau à lire
perception phonémique et orthographique. La recherche
comportementale ne permet pas de donner directement
des réponses sur le fonctionnement du cerveau, étant
donné que par cette méthode, on ne fait qu’examiner le
produit final de la lecture. Néanmoins, elle permet de
clarifier certaines zones d’ombre sur le fonctionnement
du système de lecture grâce à l’observation de ces
différentes tâches de lecture. En joignant l’imagerie
fonctionnelle du cerveau à ces conclusions importantes, il
est possible de déterminer où et quand ces processus se
produisent.
Il existe de nombreux tests de lecture qui permettent
aux chercheurs de comprendre les points forts et les
points faibles des mécanismes de lecture. Des normes
sont établies à partir de tests standardisés sur un
large échantillon de lecteurs choisis pour représenter
l’ensemble de la population. La plupart de ces tests
de lecture examinent la capacité à lire en comparant
l’aptitude réelle du lecteur à celle qu’il est censé avoir
acquise, compte tenu de son âge. Ces tests permettent
de situer les compétences de lecture d’un enfant par
rapport à celles d’autres enfants du même âge. D’autres
tests comparent la capacité réelle à la capacité attendue
sur la base d’une compétence similaire. Par exemple, on
arrive à prévoir les compétences attendues en lecture
sur la base des capacités orthographiques, parce que la
lecture et l’orthographe sont intimement liées. Lorsqu’une
compétence diverge par rapport aux prévisions, on peut
identifier la combinaison inhabituelle de points forts et
de points faibles et mettre ainsi en place la méthode la
plus appropriée pour apprendre à l’enfant à lire.
Une autre technique de recherche pour l’étude du
processus de lecture est la simulation informatique.
Plusieurs théories ont été avancées pour expliquer
le mécanisme de la reconnaissance des mots dans
le cerveau. Des simulations informatiques de ces
théories ont été créées pour déterminer la façon dont
le cerveau lit les mots. Les scientifiques peuvent aussi
avoir recours à des manipulations par simulation
informatique pour prédire un mode de lecture parmi
des individus dyslexiques. Pour qu’un modèle théorique
de la lecture soit efficace, il doit pouvoir expliquer les
différents modes de lecture signalés d’un point de vue
comportemental, et la façon dont le cerveau apprend à
lire.
10
Apprendre au cerveau à lire
L’imagerie fonctionnelle cérébrale est devenue depuis
peu une technique courante pour analyser le processus
de lecture. Cette technique peut servir à tester la façon
dont les différents sous-processus impliqués dans la
lecture interagissent au sein du cerveau. Les méthodes
les plus fréquentes sont l’électro-encéphalographie (EEG),
la magnéto-encéphalographie (MEG), la tomographie par
émission de positons (TEP) et l’imagerie pour résonance
magnétique fonctionnelle (IRMf) ; chacune de ces
techniques présente ses avantages et ses inconvénients
pour ce qui est du coût et de la qualité de l’image.
Une question à laquelle les scientifiques ont pu répondre
grâce aux techniques d’imagerie cérébrale est la suivante :
quand se produisent, dans le cerveau, des changements
liés à la lecture ? La résolution temporelle consiste à
savoir quand un changement intervient dans le cerveau,
ce qui permet l’examen de différentes fenêtres de temps
lors de la lecture. Par exemple, l’EEG démontre que l’accès
à un mot dans la base de données du cerveau prend entre
150 et 250 millièmes de seconde après lecture du mot,
alors que la prononciation d’un mot prend un peu plus
de temps, entre 300 et 500 millièmes de seconde après
lecture du mot.
L’EEG mesure les rythmes cérébraux grâce à l’application
d’électrodes sur le cuir chevelu (Illustration 1.2). Les
participants s’asseyent devant un écran d’ordinateur et
effectuent différents tests de lecture auxquels une limite
de temps a été fixée dans la procédure d’enregistrement
de l’EEG. L’EEG parvient à faire la moyenne de centaines
d’essais et à évaluer les réponses du cerveau à différents
types de mots. En variant les types de mots employés
lors des tests, on arrive à influencer les différents sousprocessus de lecture dans le cerveau. Par exemple, l’accès
aux mots très fréquents (comme « je », « que », « et ») est
rapide et direct, alors que l’accès aux mots non porteurs
de sens (comme « quirbeau », « fropème », « borette »)
prend plus de temps, car le cerveau doit décoder le mot
inconnu.
L’inconvénient de l’EEG est sa faible résolution spatiale
par rapport à sa résolution temporelle. La résolution
spatiale permet de pouvoir localiser exactement où ont
lieu les modifications dans le cerveau. La MEG fonctionne
en suivant le même principe que l’EEG, mais elle est
aussi équipée d’un gigantesque aimant qui enregistre en
même temps l’endroit où s’effectuent les changements
11
Apprendre au cerveau à lire
L’électro-encéphalographie (ou EEG) consiste à appliquer des
électrodes sur le cuir chevelu afin de mesurer les rythmes
cérébraux. Le cuir chevelu est dégagé et on y applique une
solution saline ou du gel pour diminuer l’impédance.
L’EEG mesure les signaux électriques du cerveau qui passent
au travers du crâne. Plus il y aura d’électrodes placées sur
le cuir chevelu, meilleure sera la résolution spatiale. Le
point fort de l’EEG est de pouvoir déterminer quand ont lieu
les changements. L’enregistrement des signaux électriques
montre, au millième de seconde près, le moment où les
différentes réactions interviennent lors de la lecture.
Illustration 1.2
L’électro-encéphalographie
Illustration 1.3
L’imagerie par résonance
magnétique fonctionnelle
au niveau du cerveau. D’autres chercheurs ont employé
l’EEG dans un scanner IRMf pour obtenir des informations
tant spatiales que temporelles. Un des avantages de la
méthode de l’IRMf est son excellente précision concernant
l’information spatiale. Contrairement à l’EEG, le principe
de l’IRMf est de calculer les zones d’activation en fonction
des modifications du flux sanguin et du taux d’oxygène
(Illustration 1.3). Les chercheurs associent souvent
plusieurs tests pour n’isoler que le processus étudié.
Ainsi, en soustrayant des tâches d’identification de mots
à des tâches d’identification de lettres isolées, on obtient
l’activation des différents sous-composants de la lecture.
Cette machine est un scanner à imagerie par résonance
magnétique fonctionnelle (IRMf) de l’Institut de Recherche
sur le Cerveau (Brain Research Institute) à Melbourne en
Australie. Si on trouve les IRM dans la plupart des hôpitaux,
cette machine est équipée d’un scanner fonctionnel qui
mesure non seulement la structure (ou la forme) du cerveau,
mais aussi les modifications du flux sanguin et du taux
d’oxygène lorsque le cerveau effectue diverses tâches ou
expériences. Le scanner IRMf n’emploie pas de traceur
radioactif (comme la tomographie par émission de positons),
ce qui rend son utilisation sûre pour les enfants et même pour
les bébés. Cette machine possède un aimant tesla 3, qui est
l’un des plus grands employés sur l’être humain. La tête de
la bobine contient un miroir de sorte qu’aucun mouvement
de la tête n’est nécessaire pour lire l’écran. Différents mots
sont présentés à l’écran, et d’un clic de souris, le participant
répond selon les exigences de la tâche de lecture. De plus, le
scanner enregistre plusieurs états du cerveau au repos pour
ensuite déterminer l’état normal du cerveau.
12
Apprendre au cerveau à lire
L’apprentissage implicite a lieu lorsqu’on apprend
quelque chose sans en avoir conscience. Ce mode
d’apprentissage, une des fonctions primitives du
cerveau, facilite l’apprentissage, car la conscience
n’accapare pas l’intégralité de la fonction cérébrale.
Beaucoup de processus dans le cerveau se passent au
niveau du subconscient, c’est-à-dire sans que l’on en soit
conscient. Quand on lit, par exemple, on ne parcourt
pas le « dictionnaire » de notre cerveau pour reconnaître
chaque mot étant donné que l’information est transmise
inconsciemment. La lecture est un mélange de processus
conscients et subconscients. Les activités conscientes
demandent plus d’énergie car elles font appel à la
mémoire de travail. Au début, nous sommes conscients
de lire, comme lorsque nous apprenons à rouler à vélo ou
à jouer du piano. Toutefois, lorsque nous commençons à
intégrer quelques éléments fondamentaux de lecture, nos
capacités de compréhension se développent dans notre
subconscient. Nous pouvons alors pleinement apprécier
la signification de ce que nous lisons consciemment et
laisser le « côté pratique » à notre subconscient. Cette
capacité à employer le subconscient fait du cerveau
une machine à lire plus rapide et plus précise. Tandis
que notre conscience comprend le sens, on peut porter
notre attention sur d’éventuelles erreurs au niveau du
subconscient, telles que l’accès à un mot faux. Les circuits
de réaction du subconscient détectent les erreurs pour
que des corrections automatiques puissent se faire.
L’apprentissage multi-sensoriel est une méthode
d’enseignement qui fournit des indications implicites
au subconscient. Lorsque les enfants apprennent de
manière implicite, ils découvrent les règles de relation
lettre-son sans s’en rendre compte, ce qui réduit le travail
de traitement conscient lors du décodage et va leur
permettre d’apprendre à lire plus facilement. Par exemple,
l’utilisation de lettres de couleur permet non seulement
d’apprendre plus facilement aux enfants à prononcer
correctement de nouveaux mots, mais son usage est aussi
très ludique. L’effet de création est une autre méthode
d’apprentissage implicite dont le but est de faciliter
l’apprentissage et de le rendre plus amusant, par la
création d’un nouveau mot. L’effet de génération, appelé
souvent « apprendre en faisant », facilite l’apprentissage
en demandant à l’enfant de créer quelque chose. En effet,
les enfants auront par exemple davantage de facilités
13
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 1.4
La méthode multi-sensorielle
du « trotteur »
La méthode multi-sensorielle vise les enfants ayant des
besoins d’apprentissage différents et prévient les difficultés
de lecture. L’apprentissage multi-sensoriel est comparable
à un trotteur dont les trois roues sont les mécanismes
kinesthésiques (tactiles), auditifs et visuels qui aident à
construire les circuits de lecture. Une fois les bons circuits de
lecture mis en place, ces roues peuvent être abandonnées
dans la mesure où le cerveau est totalement apte à apprendre
par lui-même.
14
Apprendre au cerveau à lire
pour apprendre un nouveau mot quand ils l’ont construit
eux-mêmes avec des lettres amovibles. La méthode multisensorielle dans l’acquisition de nouvelles compétences
en lecture peut être comparée à un trotteur. En effet,
une fois ces compétences acquises, le « trotteur multisensoriel » n’aura plus de raison d’être et l’enfant pourra
s’en passer (Illustration 1.4).
Ces dix dernières années, la connaissance du
fonctionnement de la lecture s’est considérablement
développée. Pour la première fois, le comportement
physiologique du cerveau peut être examiné lors du
processus de lecture.
Ce nouveau domaine passionnant de la neuroscience
cognitive permet d’intégrer les résultats des recherches
effectuées dans différentes disciplines comme la
médecine, l’enseignement, la neuropsychologie,
l’informatique et l’imagerie cérébrale. Si on examine la
lecture à travers ces différents domaines, un nouveau
concept apparaît, celui du cerveau comme « machine à
lire ».
15
Apprendre au cerveau à lire
2
La diversité neurologique
L’apprentissage de la lecture fait appel à de nombreuses
connexions complexes dans le cerveau. Il n’existe pas
deux lecteurs qui aient la même configuration de la
zone du cerveau impliquée dans la lecture. En effet, ces
connexions sont propres à chaque individu, tout comme
leurs empreintes digitales. La diversité neurologique
permet d’expliquer pourquoi le cerveau développe sa
propre façon d’apprendre à lire. Certaines personnes
apprennent à lire très vite et peuvent être en avance de
deux ans ou plus sur leurs camarades de classe, d’autres
apprennent à lire difficilement, quels que soient les
efforts qu’elles fournissent.
Les origines du langage
Selon les scientifiques, l’origine du langage remonterait
à deux millions d’années au moins. A l’origine, notre
langage n’était pas oral car la communication se faisait
par gestes. En l’espace de près de deux millions d’années,
le cerveau humain a évolué pour se doter de la capacité
de parole. On estime que la parole s’est développée il y a
150.000 à 250.000 ans, et qu’elle est une fonction innée
du cerveau, à l’instar de la marche ou de la respiration. La
faculté de parler procure à l’homme différents avantages,
en termes de survie, par rapport aux animaux. La
communication orale ne demande pas l’usage des mains,
ce qui permet de concilier travail et communication. Les
mères peuvent parler à leurs enfants tout en utilisant
leurs mains pour s’occuper d’eux. Le langage permet de
communiquer la nuit ou sans se voir. De nos jours, grâce
aux technologies modernes de communication, il est
possible de contacter instantanément des individus aux
quatre coins du monde.
Contrairement à la parole, l’écriture et la lecture sont
des inventions récentes. L’écriture date d’environ
quatre mille ans et, tout comme la télévision ou la
radio, elle a été conçue comme moyen supplémentaire
pour communiquer. L’apprentissage de la lecture et de
l’écriture dans l’enseignement traditionnel existe depuis
encore moins longtemps. Le développement d’un système
16
Apprendre au cerveau à lire
de communication écrite est si récent que le cerveau
n’a pas encore eu le temps d’évoluer et d’acquérir ces
compétences naturellement, étant donné que chaque
personne doit encore apprendre à lire et à écrire.
L’invention de l’écriture a donné naissance à l’opération
cognitive de la lecture, mais vu que la lecture est une
invention récente, celle-ci n’est pas une fonction cérébrale
transmise de manière héréditaire. C’est la raison pour
laquelle la lecture doit être construite sur les systèmes
existants du cerveau, grâce aux modules visuel et auditif.
La lecture est un processus complètement artificiel, et
il faut des années pour l’acquérir entièrement. Il n’est
dès lors pas étonnant que tant d’enfants éprouvent au
départ des difficultés pour apprendre à lire. Néanmoins,
la lecture est importante étant donné qu’elle constitue
un moyen très efficace d’acquisition rapide de nouvelles
informations.
La variation symétrique
La plupart des cerveaux sont asymétriques, car ils
favorisent l’hémisphère gauche, qui est d’ailleurs
l’hémisphère dominant pour la parole. Mais comment le
cerveau développe-t-il cette asymétrie ? Le cerveau fœtal
humain possède beaucoup plus de cellules cérébrales
que le cerveau adulte. Entre le sixième et le neuvième
mois de grossesse, le cerveau fœtal va subir un processus
d’élagage des synapses, au cours duquel les cellules du
cerveau migrent pour former des connexions entre elles.
Celles qui ne parviennent pas à former des connexions
meurent. Par asymétrie de l’hémisphère gauche du
cerveau humain, on entend la formation de connexions
entre les régions de l’hémisphère gauche. Ce processus
est le résultat de l’évolution qui a fait de l’hémisphère
gauche la zone dominante pour le langage. Les processus
liés au langage vont dès lors se former naturellement
dans l’hémisphère gauche, hémisphère qui présente
certains avantages de traitement de ces informations.
Plus tard, cette spécialisation unilatérale facilite
grandement l’apprentissage de la lecture, de l’écriture
et de l’orthographe. Ainsi l’information ne doit pas être
« dupliquée » par chaque hémisphère.
Les mécanismes de l’évolution de l’être humain créent
la diversité de façon aléatoire. Le cerveau peut se
« rebeller » contre le processus de migration des cellules
17
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 2.1
Les ectopies au microscope
De minuscules ectopies perturbent le processus de migration
des neurones du cerveau, occasionnant des différences de
connectivité, de réseau cérébral et de symétrie entre les
hémisphères.
par une anomalie appelée « ectopie ». Les ectopies sont
des groupes de cellules cérébrales qui se forment pour
perturber la migration entre le sixième et le neuvième
mois de grossesse, réduisant ainsi le développement
d’une asymétrie en faveur de l’hémisphère gauche
(Illustration 2.1). Cette perturbation entraînera la mort de
moins de cellules, ainsi que la formation de connexions
anormales.
On a recours à la recherche animale pour examiner les
effets des ectopies sur le développement du cerveau
fœtal. Si la migration des cellules du cerveau fœtal
chez les rongeurs est interrompue à la suite de lésions
microscopiques, des connexions anormales se forment
alors avec d’autres régions du cerveau. Par exemple,
si l’hémisphère gauche est perturbé, des connexions
supplémentaires se forment dans l’hémisphère droit.
Certains animaux développent naturellement des
différences neurologiques. Environ la moitié des souris
brunes de Nouvelle-Zélande développent des ectopies,
ce qui entraîne de nouvelles connexions et induit des
différences dans la perception spatiale.
Le paradoxe de la spécialisation pour la
lecture
La découverte d’ectopies explique la façon dont les
gènes de chaque personne peuvent modifier le degré
d’asymétrie du cerveau et par conséquent affecter
l’apprentissage de la lecture. Les différences de symétrie
peuvent donc avoir des effets sur la connectivité inter- et
intra-hémisphérique, ce qui entraîne des différences de
fonctionnement au cours de la lecture (Illustration 2.2).
Illustration 2.2
Le corps calleux hypertrophié
Les ectopies créent des symétries dans le cerveau. Les
cerveaux symétriques peuvent présenter une hypertrophie
au niveau du corps calleux, c’est-à-dire le faisceau de nerfs
qui relie les deux hémisphères, ce qui génère des différences
dans le traitement inter-hémisphérique.
18
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 2.3
Les cerveaux symétriques de
personnalités douées.
Certaines célébrités ont eu
beaucoup du mal à apprendre
à lire, comme Léonard de Vinci,
Einstein, Edison et Churchill
(West, 1997).
Cette perturbation n’aurait posé aucun problème à l’ère
de la chasse et de la cueillette, étant donné que la lecture
n’existait pas encore. À cette époque (pré-lecture), le
cerveau symétrique permettait aux tribus de concevoir les
choses différemment (comme employer un boomerang
alors que tout le monde possédait une lance). Des
activités, telles que la création de nouvelles armes pour
la chasse ou de nouveaux outils pour l’agriculture, ont
sans doute nécessité le développement d’un cerveau plus
symétrique pour penser différemment ; voilà pourquoi la
diversité neurologique constitue une part importante de
l’évolution. Il est primordial d’avoir différentes façons
d’appréhender un problème au sein d’un groupe. Par la
présence de cerveaux symétriques et asymétriques dans
un même groupe, les synergies entraînent une meilleure
résolution des problèmes. Des cas anecdotiques attirent
l’attention sur une longue liste de scientifiques dotés
de grandes capacités créatrices, en dépit des difficultés
qu’ils ont rencontrées pour apprendre à lire. Ils ont
contribué à la société en pensant différemment et en
mettant au point de nouveaux savoir-faire. Parmi ces
personnes connues qui ont éprouvé des difficultés pour
apprendre à lire, on peut citer Léonard de Vinci, Albert
Einstein, Thomas Edison et Winston Churchill (Illustration
2.3). Il est intéressant de noter que, après avoir surmonté
des difficultés d’apprentissage, Michael Faraday, James
Maxwell et Nikola Tesla ont chacun contribué à découvrir
les principes mathématiques sur lesquels repose
l’imagerie cérébrale.
La diversité est essentielle pour l’évolution, dans la
mesure où elle permet de développer de meilleures
compétences pour résoudre des problèmes. Les
êtres humains travaillent généralement en groupe et
communiquent avec les autres dans leur environnement.
Grâce à la diversité des types de cerveau, de nouvelles
idées peuvent être discutées, débattues et conçues selon
différents points de vue et différents angles. Dans une
classe, il existe habituellement des groupes d’enfants
aux capacités multiples, non seulement en termes de
vécu, mais aussi en termes de diversité neurologique.
Certains enfants ont des problèmes de lecture (dyslexie),
d’autres de coordination (dyspraxie), et d’autres encore
d’écriture (dysgraphie). D’autres enfin ont des problèmes
de concentration (TDAH, c’est-à-dire trouble déficitaire
de l’attention avec hyperactivité), de communication
19
Apprendre au cerveau à lire
verbale (dysphasie), d’orthographe (dysorthographie)
ou de mathématiques (dyscalculie). Tous ces problèmes
sont à bien des égards créés par l’homme. En effet,
ces difficultés spécifiques ont pour cause la diversité
neurologique, qui au départ fut conçue pour aider à la
résolution de problèmes au sein d’un groupe, et non pas
pour créer des difficultés d’apprentissage. Ainsi, bien des
différences d’apprentissage découlent d’un mécanisme
d’évolution conçu pour accroître la diversité.
Illustration 2.4
La constellation des « dys »
Il existe un grand nombre de
difficultés d’apprentissage qui
forme une constellation (Habib,
2003b). Les scientifiques
reconnaissent aujourd’hui
que tous ces troubles sont
distincts, bien que des liens
entre ces éléments de la
constellation soient courants.
La constellation des « dys » est
très paradoxale : le point faible
de l’un peut être le point fort
de l’autre.
Le concept de la constellation des « dys » décrit par
Habib (2003b) est utilisé pour caractériser différentes
difficultés d’apprentissage et leurs relations (Illustration
2.4). Cette constellation est loin d’avoir livré tous ses
secrets et nombre d’éléments la constituant ne sont
considérés que depuis peu comme des troubles distincts.
Les chercheurs travaillant dans ce domaine parlent de ces
nouvelles typologies en utilisant l’expression « nouvelle
neuropsychologie ». Toute une série de questions,
actuellement à l’état de projets de recherche, sont en
attente d’être résolues par des expériences.
Les différentes « étoiles » formant la constellation des
« dys » sont les suivantes :
–La dyslexie est un trouble affectant la capacité à
acquérir les aptitudes pour la lecture. Les dyslexiques
peuvent avoir du mal à prononcer des mots ou lire les
mots dans leur forme globale.
–La dyscalculie est un trouble qui affecte la capacité à
acquérir des aptitudes arithmétiques. Les personnes
20
Apprendre au cerveau à lire
atteintes de dyscalculie peuvent avoir des difficultés à
lire l’heure, à calculer ou à mesurer.
–La dysgraphie est un trouble qui affecte la capacité
à acquérir les aptitudes pour écrire. Les personnes
atteintes de dysgraphie n’ont pas une bonne
coordination motrice, en particulier lorsqu’il s’agit de
former des lettres.
–La dysorthographie est un trouble qui affecte la
capacité à assimiler les règles orthographiques. Les
personnes souffrant de dysorthographie ont des
problèmes pour se rappeler les mots au moyen de leur
mémoire visuelle.
–La dyspraxie est un trouble qui affecte l’apprentissage
et l’équilibre moteur. Les personnes atteintes de
dyspraxie ont des problèmes de coordination, et
parfois même des problèmes de coordination œil/main.
–La dysphasie est un trouble qui affecte le
développement du langage oral. Les personnes
souffrant de cette pathologie éprouvent des difficultés
à trouver les bons mots pour s’exprimer.
–Le TDAH, ou trouble déficitaire de l’attention avec
hyperactivité, est un trouble affectant l’attention. Les
enfants atteints de TDAH sont souvent impulsifs et
n’arrivent pas à maintenir leur concentration.
Pour enseigner à des individus dont les connexions du
cerveau sont différentes, il faut les encourager de manière
positive afin d’établir un climat propice à la confiance et à
la motivation. Apprendre est un plaisir, mais l’échec peut
être traumatisant. Les enfants aux capacités contrastées
se demandent pourquoi ils excellent dans certains
domaines et non dans d’autres. Il faut alors leur expliquer
que le cerveau n’a jamais été conçu pour lire et que nous
avons tous nos forces et nos faiblesses.
Résumé
La diversité neurolinguistique a marqué l’évolution des
êtres humains. Elle constitue un aspect essentiel de
l’évolution car plus il y a de cerveaux différents, meilleure
sera la résolution de problèmes au sein d’un groupe. La
diversité neurologique signifie que certaines personnes
ont un réseau de connexions dans leur cerveau différent
de celui des autres, ce qui leur apporte des avantages
potentiels en termes de créativité, d’idées originales, et de
21
Apprendre au cerveau à lire
résolution de problèmes visuels et spatiaux. L’ironie de la
chose est que ces avantages peuvent exister au détriment
de la lecture. Il n’en reste pas moins qu’avec une
instruction, une prévention et une motivation adéquates,
chaque enfant peut apprendre à lire. En agissant de la
sorte, les enfants peuvent apprendre à tirer profit de
leurs talents dans le monde lettré qui est le nôtre.
22
Apprendre au cerveau à lire
3
Le cerveau lors de la lecture
Lors de la lecture, nous activons un circuit complexe de
régions et de connexions spécialisées dans le cerveau.
L’architecture de neurones responsable de la lecture
détermine quelles sont les parties du cerveau qui
seront employées pour les différentes composantes
du processus de lecture. Au fil du temps, l’homme a
développé différents modules (zones de traitement),
capables de traiter les informations provenant de diverses
modalités, telles que les images ou les sons. C’est en
fonction de son environnement que l’homme a appris
à développer des liens et circuits entre ces modules,
afin que puissent s’établir des connexions pour lire
efficacement (Illustration 3.1). Les bases de la lecture sont
les modules à partir desquels les circuits de lecture se
forment. Ces circuits de lecture et ces connexions entre
les modules aident à comprendre comment le cerveau lit
les mots.
Illustration 3.1
Les origines de l’alphabétisme
Il y a deux millions d’années, ni la lecture, ni la parole
n’existaient. La communication se faisait alors par gestes.
Il a fallu près de deux millions d’années au cerveau pour
développer la parole, qui est considérée comme une capacité
innée, à l’instar de la marche et de la respiration. Il y a à
peine 4.000 ans que l’homme a inventé l’écriture, et que
l’opération cognitive de la lecture a donc vu le jour. Mais
4.000 ans n’ont pas suffi au cerveau pour développer des
processus de lecture. C’est pourquoi le cerveau doit employer
des mécanismes plus anciens, les modules visuel et auditif,
et les relier à l’aide de circuits de lecture. Il faut apprendre
à établir ces liens étant donné qu’ils ne se développent pas
naturellement comme le langage. Dans le monde lettré qui
est le nôtre, le cerveau a besoin de former des circuits de
lecture afin qu’il puisse rapidement acquérir de nouvelles
informations.
23
Apprendre au cerveau à lire
Modules
Lors de la lecture, le cerveau mobilise deux modules
importants :
1Un module auditif à l’avant du cerveau, chargé du
traitement de la parole ;
2Un module visuel à l’arrière du cerveau, chargé de
l’accès aux images visuelles.
Les modules sont des régions du cerveau qui ont
développé des spécialisations pour le traitement
d’informations provenant de modalités différentes
(Illustration 3.2). Les modules auditif et visuel de lecture
sont eux-mêmes composés de mécanismes sous-traitants,
spécialisés dans différents domaines : les sons et les
prononciations dans le module auditif, les lettres et les
mots dans le module visuel.
Le module auditif (avant du cerveau)
Le module auditif à l’avant du cerveau est le siège de deux
sous-composants que l’on emploie lors de la lecture : les
prononciations et les phonèmes.
Les prononciations
Les prononciations des mots que nous apprenons
au cours de notre vie sont stockées dans le module
auditif, à l’avant du cerveau. La fluence verbale est une
mesure du nombre de mots de la langue parlée qu’un
enfant connaît, reconnaît et emploie. En outre, le fait de
posséder une certaine fluence verbale est une condition
importante pour apprendre à lire, puisque la parole est
la résultante que nous produisons au cours de la lecture.
Pour que des connexions puissent se faire entre les
prononciations et les formes globales des mots, il faut
que les prononciations soient déjà présentes. Les enfants
développent naturellement une certaine fluence verbale
au travers de leur exposition constante à des mots de
vocabulaire nouveaux, étant donné que la parole est
une compétence naturelle, alors que la lecture ne l’est
pas. Les parents et les enseignants ont la responsabilité
d’expliquer le sens des mots que les enfants ne
connaissent pas et devraient les encourager à employer
des mots nouveaux. Toute forme de communication
aux enfants, y compris la lecture d’histoires, les aide à
24
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 3.2
Les modules du langage
Il y a deux modules dans le cerveau qui forment les bases
de construction des circuits de lecture. À l’avant du cerveau,
on trouve le module auditif, responsable de la conscience
phonémique, qui est le siège de deux sous-composants : la
zone de prononciations, qui comporte tous les mots que nous
pouvons prononcer, et la zone des phonèmes, qui comporte
les petites unités de sons qui composent les mots. La
conscience phonémique se développe lorsqu’on apprend que
les mots de la langue parlée sont composés de petites unités
de sons que l’on peut manipuler pour former de nouveaux
mots. À l’arrière du cerveau, on trouve le module visuel,
responsable de la conscience graphémique, qui est le siège
de deux sous-composants : une zone de formes de mots, qui
comporte des images de mots entiers, et une zone de formes
de lettres, qui comporte les formes des lettres. La conscience
graphémique se développe lorsqu’on comprend que les mots
sont composés de différentes combinaisons de formes de
lettres.
25
Apprendre au cerveau à lire
développer une certaine fluence verbale dans le module
auditif.
Les phonèmes
À l’avant du cerveau, il existe aussi un sous-composant
des phonèmes dans le module auditif, comportant
des représentations d’unités de son plus petites que
la prononciation des mots entiers. Quand les enfants
ont acquis la conscience phonémique, ils sont capables
de découper les prononciations des mots en unités
phonémiques de son dans le module auditif. Ils
comprennent ainsi que les mots de la langue parlée sont
composés d’unités de son plus petites qui peuvent être à
leur tour manipulées. Ils prennent aussi conscience des
différentes unités de son. La plus grande unité de son
dans un mot est la syllabe (p. ex. municipal :
/mu/-/ni/-/ci/-/pal/), suivie au niveau sous-syllabique par
l’unité d’attaque / rime (p.ex. pomme : /p/-/om/ ). La plus
petite unité est le phonème (par ex. pomme : /p/‑/o/‑/m/).
Alors que la conscience phonémique est spécifique
aux unités phonémiques individuelles ( /p/‑/o/‑/m/ ), la
conscience phonologique concerne également de plus
grandes unités de son dans les mots ( /p/‑/om/ ou
/mu/‑/ni/‑/ci/‑/pal/ ). Le développement de la conscience
des sons dans les mots est une condition préalable pour
apprendre à lire puisqu’elle nous prépare à découper
et à prononcer des mots (décodage). La conscience
phonémique est, en soi, un très bon indice pour prédire
les habiletés ultérieures de lecture.
Comment enseigne-t-on la conscience phonémique
à l’avant du cerveau ? L’emploi de jeux et d’activités
ludiques constitue l’une des stratégies les plus efficaces
pour développer la conscience phonémique. Des groupes
d’images ou d’objets peuvent être utilisés dans un jeu
de devinettes dans lequel on demande aux enfants
d’identifier une image dont ils connaissent le son initial,
par exemple l’image d’une balle, en leur disant : « je
cherche quelque chose qui commence par le son / b / ».
Ce jeu de devinette permet aux enfants de comprendre
que les mots sont composés d’unités de son, et leur
apprend à isoler ces mêmes unités de son dans les
mots. Les comptines constituent un excellent moyen de
commencer à développer la conscience phonologique,
grâce à leur répétition, leur rythme et leurs rimes. Les
enfants entendent continuellement les mêmes sons dans
26
Apprendre au cerveau à lire
les mots qui constituent les comptines. Les jeux de rimes
permettent aux enfants de comparer les sons de mots
qui désignent des images afin de trouver quelles images
partagent les mêmes sons. Les enfants ne doivent pas
nécessairement avoir complètement assimilé une unité de
son avant de se familiariser avec une autre (Illustration
3.3). Au début, les enfants auront probablement plus de
facilité à acquérir des unités de son plus larges, étant
donné que les unités phonémiques plus petites sont
Illustration 3.3
La conscience phonologique
Il existe six opérations principales de conscience phonémique
que l’on peut utiliser pour manipuler les sons des mots :
« faire correspondre » (est-ce que « faire » et « fatigué »
commencent par le même son ?), « isoler » (quel est le son du
milieu dans « tir » ?), « substituer » (remplace le son /m/ dans
« manger » par le son /r/), « assembler » (assemble ces sons :
/l/, /a/, /k/), « segmenter » (sépare les sons dans « lac ») et
« supprimer » (dis « plier » sans le son /p/). On distingue aussi
différentes unités de son que l’on peut identifier et manipuler
(Goswami, 2003). La plus grande unité de son est la syllabe,
suivie au niveau sous-syllabique par l’unité d’attaque/rime. La
plus petite unité de son est le phonème. Lorsque les enfants
peuvent effectuer ces diverses opérations de manipulation
des unités de son, ils prennent conscience des unités
phonologiques.
27
Apprendre au cerveau à lire
plus difficiles à isoler. Les enfants peuvent développer la
conscience syllabique en frappant dans les mains pour
chaque syllabe du mot, par exemple en frappant dans les
mains trois fois pour le mot « crocodile » (« cro / co / dile »).
Toutes ces activités contribuent au développement du
module auditif, à l’avant du cerveau.
Le module visuel (arrière du cerveau)
Le module visuel à l’arrière du cerveau est le siège de
deux sous-composants utilisés lors de la lecture : la
reconnaissance de la forme des mots et l’identification de
la forme des lettres.
La reconnaissance des mots
La zone de reconnaissance des mots dans le module
visuel sert à reconnaître les formes des mots entiers. Au
cours du développement normal, les enfants commencent
par reconnaître des symboles. Par exemple, en voyant
les arches jaunes de la marque McDonalds, ils disent
« McDonalds ». Leur cerveau active la forme visuelle des
arches jaunes dans le module visuel à l’arrière du cerveau,
et transmet ces informations au sous-composant de
prononciation à l’avant du cerveau (Illustration 3.4).
Les enfants peuvent également reconnaître des mots
simples tels que le STOP des panneaux de signalisation,
sans qu’on leur ait appris au préalable à quels sons les
lettres correspondent. Lors de ce type de lecture, appelé
stade logographique, l’apprenant se souvient de mots
grâce à leurs caractéristiques visuelles (Illustration 3.5).
Ainsi, le mot moto, dont les deux « o » ressemblent à des
roues, permet aux enfants d’identifier le mot rien qu’à ses
caractéristiques visuelles. Des jeux de rime, ainsi que des
fiches peuvent être utilisés pour familiariser les enfants
aux formes globales des mots dans le but d’établir et
d’enrichir le module de la forme visuelle des mots. En
effet, les mots les plus fréquents peuvent être présentés
sur des cartes (aimantées) de telle manière que leur
contour global soit mis en évidence. De cette manière, le
contour global du mot facilite sa reconnaissance précoce.
L’identification des lettres
Le sous-composant d’identification des lettres dans le
module visuel est spécialisé dans l’identification les
28
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 3.4
La reconnaissance des
symboles
Avant que les enfants n’apprennent à lire, ils commencent
par reconnaître des objets ou des mots familiers. Par
exemple, en voyant les arches jaunes de McDonalds, ils
diront « McDonalds ». Dans ce cas, ils accèdent à la forme
complète de l’image dans le module visuel, et l’associent à
la prononciation dans le sous-composant de prononciation
du module auditif. Cette étape logographique précoce est un
précurseur au développement du circuit inférieur de lecture.
Illustration 3.5
Le stade logographique
C’est lors du stade logographique que les enfants
apprennent à reconnaître des mots simples, sur la base de
leur contour global. Par exemple, les enfants apprennent
le mot « moto » en se rappelant que les deux « o »
représentent les deux roues. Cet apprentissage direct peut
se produire préalablement à toute instruction concernant les
correspondances entre lettres et sons. En fait, le cerveau
mémorise plutôt les mots entiers et les identifie directement.
lettres de l’alphabet. On note parfois des inversions
de lettres chez les enfants qui commencent à écrire
les lettres, car leur cerveau effectue un traitement
spatial pour apprendre la forme correcte des lettres. Le
29
Apprendre au cerveau à lire
traitement spatial implique une bonne compréhension
des propriétés physiques des lettres dans l’espace. Une
manière d’exploiter ce traitement spatial est l’approche
kinesthésique. La présentation de lettres en papier de
verre permet aux enfants de sentir la forme des lettres
et de les visualiser. En plaçant une feuille de papier sur
une lettre en papier de verre, les enfants peuvent tracer
la forme de la lettre eux-mêmes avant d’avoir vraiment
développé des compétences à l’écrit. Ils peuvent utiliser
de la pâte à modeler pour construire les formes des
lettres. De grandes lettres découpées dans du carton
permettent également de sentir les formes des lettres,
de les visualiser et d’en tracer les éléments. Une autre
activité ludique consiste à coller des objets ou des images
qui commencent tous ou toutes par la même lettre sur
une grande forme en carton correspondant à cette lettre.
On peut ainsi montrer aux enfants des exemples de
mots pour leur montrer que ceux-ci sont composés de
lettres. On appelle conscience graphémique la capacité à
identifier les formes des lettres et à ensuite reconnaître la
forme globale des mots.
Les parents et les enseignants demandent souvent
conseil pour préparer au mieux les enfants à lire. Bien
qu’il n’y ait pas de façon naturelle pour enseigner la
lecture, étant donné que celle-ci demeure un processus
artificiel, les bases de la lecture devraient être enseignées
de manière à correspondre au développement naturel
de l’enfant. La majeure partie de ce travail préparatoire
pour enseigner la lecture peut se faire à l’aide de jeux
et d’activités ludiques. Pour préparer le cerveau à lire, il
faut activer deux modules importants: le module auditif
et le module visuel. Lorsque les enfants apprennent
que la langue parlée est faite d’unités de sons plus
petites, ils développent la conscience phonémique
dans le module auditif ; et lorsque les enfants prennent
conscience du fait que les mots écrits sont constitués
de lettres, ils développent la conscience graphémique
dans le module visuel. À ce stade, le cerveau est prêt à
commencer à développer les circuits de lecture entre ces
modules, circuits qui formeront la base de leurs habiletés
ultérieures de lecture.
30
Apprendre au cerveau à lire
Les circuits de lecture
Cet ouvrage aborde le processus d’acquisition de la
lecture en se basant sur le modèle neurologique cognitif,
selon lequel la lecture est une opération cognitive
complexe ayant lieu dans le cerveau, et qui doit être
apprise explicitement. Lors de la lecture, l’information
est transférée du module visuel à l’arrière du cerveau au
module auditif à l’avant du cerveau. La lecture passe par
la perception visuelle du mot à l’arrière du cerveau et
relie ensuite cette information aux sons correspondants à
l’avant du cerveau.
Au sein de ce flux directionnel d’informations, deux
circuits principaux permettent de lire des mots : un circuit
supérieur et un circuit inférieur.
Le décodage (le circuit supérieur)
Le circuit supérieur permet de décoder et de prononcer
les mots. Le terme scientifique utilisé pour désigner
ce processus est la « conversion des graphèmes en
phonèmes ». Le circuit supérieur prend naissance
à l’arrière du cerveau dans le sous-composant
d’identification des lettres du module visuel. Après
avoir analysé les lettres d’un mot et leurs positions
respectives, l’information est transmise par ce circuit
supérieur au sous-composant des phonèmes du module
auditif à l’avant du cerveau (Illustration 3.6). Pour que
le mot puisse être décodé, chaque lettre est associée au
son correspondant. Ce circuit se développe au cours de
l’apprentissage des correspondances entre les graphèmes
et les phonèmes (méthodes phoniques).
La formation du circuit supérieur dans le cerveau fournit
un nouveau mécanisme pour lire des mots inconnus
(Illustrations 3.7 et 3.8). Au lieu de deviner les mots sur
la base d’indices picturaux, on peut décoder les mots
en déterminant la prononciation la plus probable. Le
circuit supérieur permet de décoder un mot inconnu sur
la base de la connaissance des relations entre lettres et
sons. Étant donné que la plupart des mots sont nouveaux
quand on apprend à lire, le circuit supérieur est un outil
très puissant permettant d’apprendre des mots nouveaux
puisqu’il nous aide à déchiffrer le code phonologique.
31
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 3.6
Le stade phonologique
Essayez de lire le mot grec kαλησπέρα. Vous éprouverez des
difficultés à décoder ce mot, à moins que vous ne sachiez que
la lettre ρ se prononce /r/ en grec. Une fois que les lettres
et que leurs sons correspondants sont appris, on peut alors
associer les formes des lettres aux phonèmes. C’est alors
que l’on emploie la conscience phonémique pour assembler
ces sons de manière à prononcer /kalispera/, ce qui signifie
« bonne après-midi » en grec.
Le sous-composant des phonèmes à l’avant du cerveau
n’est pas seulement spécialisé dans la reconnaissance des
unités de son dans les mots, mais il permet également de
manipuler les sons. La manipulation des sons se définit
comme la capacité à traiter les petites unités de sons au
sein des mots. Différentes manipulations correspondent à
différentes opérations de conscience phonologique. Bien
que l’on puisse enseigner ces opérations exclusivement
par la manipulation des son, elles sont souvent plus
faciles à acquérir à l’aide du support visuel des lettres.
32
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 3.7
Le stade orthographique
En lisant le mot « lac » pour la première fois, nous ne
disposons pas d’entrée pour ce mot dans la zone de
reconnaissance des formes des mots du module visuel à
l’arrière du cerveau. Dès lors, nous prononçons ce mot en
employant le circuit supérieur qui fait correspondre les formes
des lettres aux phonèmes. La conscience phonémique nous
permet d’assembler les sons pour prononcer le mot. Dès
l’instant où l’on peut voir et entendre le mot simultanément,
le cerveau l’enregistre dans sa globalité, créant ainsi une
entrée dans le sous-composant de la forme du mot dans
le module visuel, qui est relié au sous-composant de la
prononciation dans le module auditif à l’avant du cerveau. Ce
processus de mémorisation de la forme globale d’un mot est
appelé lexicalisation.
Les enfants peuvent alors constater que la manipulation
des lettres induit la manipulation des sons. Ceci constitue
la base du développement des habiletés de décodage et
de la mise en place du circuit supérieur de lecture dans le
cerveau.
33
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 3.8
L’accès lexical
Lorsque nous voyons le mot « lac » et que nous connaissons
ce mot, nous avons automatiquement accès à celui-ci dans
le sous-composant de la forme des mots de notre module
visuel. Le circuit inférieur se connecte rapidement au souscomposant de la prononciation dans le module auditif, ce qui
nous permet de prononcer ce mot.
L’accès direct (le circuit inférieur)
C’est lorsque les enfants reconnaissent des symboles
(tels que les arches jaunes de McDonalds) ou des mots
simples en se fondant sur leurs caractéristiques visuelles
globales (tels que le mot « moto ») qu’ils s’apprêtent à lire.
Dans les exemples ci-dessus, les enfants ont directement
accès au sous-composant de la prononciation dans le
module auditif. Le circuit inférieur de lecture va du souscomposant de la reconnaissance du mot dans le module
visuel à l’arrière du cerveau au sous-composant de la
prononciation du mot (sortie vocale) dans le module
34
Apprendre au cerveau à lire
auditif à l’avant du cerveau. Ainsi, aucune connaissance
des lettres, ni des relations entre les lettres et les sons,
n’est utilisée pour lire les mots à ce stade logographique
précoce.
Une fois que le circuit supérieur de lecture s’est
développé et que les mots nouveaux peuvent être
décodés, le cerveau peut alors enregistrer un mot
directement dans sa globalité pour stocker sa forme
visuelle associée à sa prononciation dans le circuit
inférieur. Ainsi, il existe deux façons de créer une
représentation du mot dans la banque de mots du
cerveau, située dans le circuit inférieur. La première est
l’apprentissage direct à partir de la signification ou de
l’association d’une image sans la décoder. C’est le cas
pour l’enfant qui apprend le mot moto en fonction de
ses caractéristiques visuelles globales. La seconde est
l’apprentissage par décodage qui a lieu dans le circuit
supérieur où le mot est décodé, ce qui permet d’établir
une correspondance entre l’identification de la forme du
mot et sa prononciation.
À l’âge adulte, les circuits de lecture supérieur et
inférieur sont censés être complètement développés.
Lors de la lecture, le circuit inférieur est aux commandes,
permettant ainsi d’accéder directement à la banque de
mots du cerveau. Les lecteurs expérimentés disposent
d’une connaissance étendue des mots. Leur circuit
inférieur accède directement à la plupart des mots qu’ils
lisent. Grâce à sa rapidité et à sa précision, ce circuit est
le plus efficace. Le lecteur ne doit pas décoder chaque
mot, vu que cela lui prendrait trop de temps ; d’ailleurs,
ce ne serait d’aucune utilité puisque ces mots sont déjà
présents dans sa banque de mots. C’est seulement au
moment où l’on rencontre un mot qu’on ne connaît pas
qu’on dépend du circuit supérieur pour le décoder. Des
expériences scientifiques ont démontré que le circuit
inférieur fonctionne beaucoup plus rapidement que le
circuit supérieur et que le circuit inférieur se renforce
au fil du temps. Cependant, le circuit supérieur est
nécessaire pour lire des pseudo-mots dépourvus de sens
(comme « grovibe ») étant donné que ces mots ne sont pas
stockés dans la banque de mots du circuit inférieur et
doivent donc être décodés (Illustration 3.9).
35
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 3.9
Le lecteur expérimenté
Le lecteur expérimenté se sert essentiellement du circuit
inférieur pour lire les mots, car ce circuit est rapide et
efficace. Le circuit inférieur accède aux mots en l’espace
de 150 à 250 millièmes de seconde après la lecture. Ce
circuit est donc bien plus rapide que le circuit supérieur qui
accède aux mots dans un délai de 300 à 500 millièmes de
seconde après la lecture. La recherche en imagerie cérébrale
a démontré que le circuit inférieur montre des réseaux
d’activations plus forts pour les mots connus que pour les
mots inconnus, et que l’activation dans le circuit inférieur
augmente avec l’âge à mesure que l’on apprend plus de mots
(Pugh et al., 2000). Le circuit supérieur joue encore un rôle
important dans le décodage de mots inconnus et présente un
réseau d’activations plus fort pour les mots inconnus que pour
les mots connus.
36
Apprendre au cerveau à lire
Résumé
Les modules visuel et auditif du cerveau humain sont
connectés par deux circuits. On a directement accès aux
mots connus à l’aide du circuit inférieur où se trouve
la banque de mots du cerveau. Le circuit inférieur relie
la forme visuelle des mots à l’arrière du cerveau aux
prononciations (sortie vocale) à l’avant du cerveau. Les
mots qui ne peuvent être reconnus sont traités par le
circuit inférieur, qui détermine la prononciation la plus
probable. Le circuit supérieur se charge du décodage, en
associant l’identification des lettres à l’arrière du cerveau
aux phonèmes du module auditif à l’avant du cerveau.
C’est dans ce module que les sons sont assemblés pour
produire la prononciation du mot. Cette information est
ensuite renvoyée au circuit inférieur afin qu’une nouvelle
entrée dans la banque de mots du cerveau puisse être
créée. Ainsi, dès que l’on revoit ce mot, le circuit inférieur
peut y accéder directement.
37
Apprendre au cerveau à lire
4
L’enseignement de la lecture
Les pédagogues ont développé différentes méthodes pour
apprendre à lire au cerveau sur la base d’observations
et, depuis peu, des conseils fournis par la recherche
pédagogique. À l’aide de l’imagerie cérébrale, les
neuroscientifiques arrivent aujourd’hui à examiner
directement la façon dont l’enseignement de la lecture
peut influencer le développement de l’apprentissage de
la lecture dans le cerveau. Ils parviennent aussi à isoler
les composants du système de lecture pour envisager les
méthodes d’apprentissage de la lecture les plus efficaces.
Quand on apprend de nouveaux mots, soit le circuit
inférieur, soit le circuit supérieur du cerveau peut être
employé. Pour lire des mots nouveaux isolés, la méthode
la plus efficace est le décodage des mots par le circuit
supérieur. Néanmoins, le circuit inférieur joue un rôle
important dans le décodage de nouveaux mots selon
le sens ou le contexte. Le cerveau emploie souvent une
combinaison de ces deux circuits, ce qui implique un
décodage partiel pour trouver un mot qui corresponde
au sens de la phrase ainsi qu’aux relations entre lettres et
sons du mot.
La méthode phonique et la méthode
globale
Il existe deux méthodes principales pour enseigner la
lecture. La première est la méthode phonique dont le but
est d’apprendre aux enfants à reconnaître les sons et les
lettres individuelles. L’autre est la méthode globale dont
le but est d’enseigner aux enfants à reconnaître la forme
globale des mots dans un contexte de sens. Ces deux
méthodes d’apprentissage visent différents circuits du
cerveau (Illustration 4.1).
L’instruction phonique stimule le circuit supérieur
du cerveau. Ce circuit traite les formes des lettres
individuelles à l’arrière du cerveau et les relie aux sons
correspondants à l’avant du cerveau. La méthode globale
active le circuit de lecture inférieur du cerveau qui traite
les formes globales des mots à l’arrière du cerveau et
38
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 4.1
La méthode phonique et la
méthode globale
Les deux méthodes courantes d’apprentissage de la lecture
sont la méthode phonique et la méthode globale. Chacune
cible un circuit différent du cerveau. La méthode phonique
stimule le circuit supérieur, fournissant des stratégies
pour décoder des mots nouveaux, tandis que la méthode
globale fait appel au circuit inférieur dans le but d’accroître
la compréhension globale par l’apprentissage de mots en
contexte. Alors que des débats font toujours rage sur les
avantages et inconvénients des méthodes phonique et
globale, ces dernières sont tout aussi importantes l’une que
l’autre pour le développement des circuits de lecture. Il existe
une méthode dite mixte dans les programmes d’apprentissage
de la lecture, qui consiste en un mélange synergique entre la
méthode globale et la méthode phonique.
39
Apprendre au cerveau à lire
les relie à leur prononciation à l’avant de celui-ci. Alors
que le circuit supérieur comporte un ensemble de règles
qui sont utilisées pour décoder des mots nouveaux , le
circuit inférieur stocke le vocabulaire de telle manière
que l’on puisse directement reconnaître un mot quand
on le rencontre de nouveau. Quand on commence à lire
couramment, on fait moins appel au circuit supérieur
puisque la plupart des mots que l’on lit sont déjà stockés
dans le circuit inférieur. Le circuit supérieur est utile
pour apprendre des mots nouveaux car il constitue
une stratégie (indépendante du sens) pour déchiffrer
la prononciation d’un mot. Ce circuit analyse les traits
visuels d’un mot nouveau et détermine ensuite la
prononciation la plus probable en se basant sur les règles
de correspondance entre lettres et sons.
Bien qu’aucune méthode pédagogique ne soit purement
phonique (sans contact avec des textes), ou purement
globale (sans instruction de décodage), ces deux
méthodes élaborent des façons différentes de lire
des mots inconnus. La méthode phonique favorise le
décodage de mots pour déterminer la prononciation la
plus probable. La méthode globale, quant à elle, anticipe
plutôt la prononciation d’un mot inconnu sur la base du
sens de la phrase et du contexte du mot dans le récit.
Alors que la lecture de mots inconnus isolés de tout
contexte nécessite un décodage pour déterminer la
prononciation la plus probable, il est possible de décoder
des mots inconnus présentés dans un contexte ou
d’en deviner le sens grâce à des indices contextuels. La
recherche en électro-encéphalographie (EEG) a démontré
que le cerveau prédit les mots dans une phrase sur
la base du sens. Lorsqu’on lit une phrase qui n’a pas
totalement du sens, le cerveau réagira au mot qui n’a
pas sa place dans la phrase. Ces mots-là sont appelés
« sémantiquement incongrus ». Par exemple, quand on lit
la phrase « Elle a bu un grand verre d’ongles », c’est le mot
« ongles » qui produit une incohérence. Après la lecture
du mot « ongles », il faut attendre 400 millièmes de
seconde pour que le cerveau réagisse en disant : « Attends
un peu, il y a quelque chose qui ne va pas ici », et un
potentiel électrique négatif est produit (Illustration 4.2).
Ceci démontre que le cerveau exploite le sens quand il lit
des mots en contexte afin de prédire la prononciation la
plus probable d’un mot inconnu.
40
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 4.2
Les mots
sémantiquement
incongrus
Lisez cette phrase : « Elle a bu un grand verre d’ongles ». N’y
a-t-il pas quelque chose de bizarre ? Le mot « ongles » n’y
a pas sa place. La recherche en électro-encéphalographie
montre qu’un potentiel électrique négatif est produit
400 millièmes de seconde après la lecture du mot « ongles »,
ce qui prouve que le cerveau peut utiliser le contexte de la
phrase pour faciliter la lecture.
Les disparités d’apprentissage d’un individu à l’autre
alimentent la polémique sur les méthodes phonique et
globale. Un programme strictement axé sur la méthode
globale ou la méthode phonique néglige le développement
soit du circuit supérieur, soit du circuit inférieur. Alors
que certains enfants peuvent développer implicitement
certaines aptitudes qui ne leur sont pas instruites, la
plupart des apprenants ont besoin d’un enseignement
explicite. L’enseignement fondamentaliste de la méthode
phonique ou globale ne répond pas à tous les besoins
d’apprentissage et mène à des disparités des compétences
en lecture des différents enfants.
Ainsi, dans une même classe, les enfants présentent des
capacités inégales et ne se situent pas tous au même
stade de développement. Certains auront besoin de la
méthode phonique pour décoder rapidement des mots
nouveaux, tandis que d’autres auront déjà compris les
relations entre lettres et sons et auront besoin de textes
contextuels. Pour cette raison, les enseignants devraient
opter pour une combinaison équilibrée des deux
méthodes en veillant à répondre aux besoins spécifiques
de chaque enfant de la classe. Sans cette combinaison
équilibrée des deux méthodes, des irrégularités risquent
de se développer entre les forces et les faiblesses relatives
des circuits supérieur et inférieur. Les enfants à qui l’on
enseigne exclusivement la méthode phonique auront des
difficultés à identifier des mots dans un texte porteur de
sens, ce qui est l’une des fonctions du circuit inférieur,
41
Apprendre au cerveau à lire
mais décoderont les mots sans grande difficulté grâce
au circuit supérieur. Les enfants à qui l’on enseigne
exclusivement la méthode globale éprouveront des
difficultés à prononcer des mots nouveaux en utilisant
Illustration 4.3
Les méthodes phoniques
synthétique et analytique
Il existe deux manières courantes d’enseigner la méthode
phonique : la méthode phonique synthétique et la méthode
phonique analytique. La méthode phonique synthétique
enseigne les relations lettre/son au circuit supérieur du
cerveau. Généralement, la méthode phonique synthétique
comporte une forte composante auditive basée sur les 36
phonèmes que compte la langue française. La méthode
phonique analytique est une méthode plus visuelle qui recourt
aux séquences communes de mots déjà appris afin de faciliter
le décodage de mots nouveaux. Concrètement, ces opérations
recourent à des connexions entre le circuit inférieur du
cerveau qui fournit le mot analogue, et le circuit supérieur qui
détermine les relations lettre/son.
42
Apprendre au cerveau à lire
le circuit supérieur du cerveau, mais développeront de
bonnes capacités de lecture en contexte grâce au circuit
inférieur.
Les méthodes phoniques synthétique et
analytique
Il existe deux manières d’enseigner la méthode phonique :
la méthode phonique synthétique et la méthode phonique
analytique (Illustration 4.3).
La méthode phonique synthétique enseigne les 36 sons
de la langue française ainsi que leurs relations avec les
lettres correspondantes. Cette méthode s’avère efficace
dans la mesure où elle fournit un outil pour décoder
n’importe quel mot nouveau. Néanmoins, certains enfants
peuvent éprouver des difficultés à identifier les phonèmes
vu que ces derniers constituent de très petites unités de
son. Ces difficultés sont compréhensibles étant donné la
nature artificielle des phonèmes eux-mêmes. Par exemple,
certains phonèmes tels que le / b / sont imprononçables
individuellement sans la voyelle / e / . Néanmoins, la
capacité de l’enfant à manipuler les sons individuels et
les relations lettre / son constitue un excellent moyen de
prédiction des habiletés ultérieures de lecture.
La méthode phonique analytique s’appuie sur les radicaux
de mots que le cerveau connaît déjà afin d’en décoder de
nouveaux (Illustration 4.4). Des recherches ont démontré
que les enfants développent cette aptitude dès les
premiers stades de l’apprentissage de la lecture. Avec la
méthode phonique analytique, le cerveau a recours aux
relations lettre / son courantes constituant des « familles
de mots ». Il analyse les mots nouveaux au moyen des
séquences déjà apprises. Cette méthode fait moins
appel à la mémoire de travail puisque la co-articulation
(assemblage de sons) est déjà faite. Par exemple, il est
facile de décoder « trace » en / tr / / ace / , car le cerveau
reconnaît facilement les séquences de lettres d’autres
mots (telles que « truc » et « très », ainsi que « place » et
« race »), alors que la méthode phonique synthétique exige
davantage de traitement pour décoder / t / / r / / a / / s / .
Certains mots comportant diverses voyelles variables sont
immédiatement reconnaissables grâce aux mots similaires
sur le plan visuel.
43
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 4.4
Simulations informatisées des
modèles de lecture
Le cerveau est tellement doué pour décoder des mots
inconnus en se fondant sur des mots déjà appris que les
scientifiques ont créé des simulations de lecture informatisées
pour expliquer le processus de lecture (Share, 1995). Le
modèle connexionniste lit un nouveau mot en décomposant
des séquences similaires de mots déjà appris. Dans cette
expérience, l’ordinateur est capable de lire une liste de
mots dépourvus de sens avec un taux d’exactitude de 66%
après avoir acquis 2.897 mots de base. Un autre modèle
informatisé, appelé modèle à double voie en cascade, adopte
les mêmes principes, mais possède également un mécanisme
de décodage lettre/son similaire au fonctionnement du circuit
supérieur du cerveau. Il lit la même liste de mots dépourvus
de sens avec un taux d’exactitude de 98%, après avoir acquis
les 2.897 mots de base. Les participants humains, après avoir
acquis le même nombre de mots de base, lisent les mots
dépourvus de sens avec un taux d’exactitude de 91%. Ainsi,
si l’on veut expliquer la façon dont le cerveau décode de
nouveaux mots, il faut accepter le fait que le cerveau possède
un mécanisme de décodage direct (le circuit supérieur), sans
toutefois perdre de vue qu’il existe aussi des connexions
entre les mots déjà appris et ce mécanisme de décodage.
Ces connexions sont connues sous le nom de connexions
analytiques. Le facteur d’erreur humaine doit également être
pris en considération.
44
Apprendre au cerveau à lire
La méthode phonique synthétique recourt au circuit
supérieur du cerveau pour lire en développant une
compréhension des relations lettre / son qui permettent
le décodage des mots nouveaux, alors que la méthode
phonique analytique implique une activation plus centrale
représentant l’interconnexion entre les deux circuits
de lecture. La méthode phonique analytique exploite
l’analogie, qui implique une analyse des séquences
de lettres courantes et de leurs sons correspondants,
en transférant ces informations de mots connus pour
identifier les mots inconnus. Pour ce faire, le décodage
d’un mot inconnu se fait en comparant les mots connus
ayant des relations lettre / son semblables.
Les recherches récentes en IRMf, menées par Beneventi
et ses collègues, ont montré que le traitement de la plus
petite unité de son, le phonème, s’opère dans le circuit
supérieur et que le traitement d’une unité de son plus
grande, la rime, (telle que la terminaison –ime) a lieu
dans une zone plus centrale entre les circuits inférieur et
supérieur de lecture. Le traitement analytique de la rime
est plus rapide que le traitement des phonèmes. Dans
l’hémisphère gauche, les deux circuits de lecture sont en
effet reliés et se soutiennent mutuellement. L’intégration
de ces deux circuits offre un soutien supplémentaire
au décodage, non seulement en se basant sur le sens
et le contexte, mais aussi sur l’analogie entre les mots.
La banque de mots du cerveau dans le circuit inférieur
ne contient pas une liste de mots classés par ordre
alphabétique comme un dictionnaire ordinaire. La banque
de mots du cerveau est plutôt multidimensionnelle.
Alors que certains mots sont regroupés selon le sens,
d’autres sont regroupés selon les sons. Ce processus se
produit au niveau du subconscient. Au niveau de l’activité
consciente, l’assemblage phonologique permet alors de
manipuler les sons de mots nouveaux pour trouver des
séquences communes. Il est possible d’identifier les sons
individuels d’un mot nouveau et de les comparer avec
les mots qui y ressemblent. Dans le cerveau, la méthode
phonique analytique permet la formation de connexions
entre différents sons, lettres et formes globales des mots
pour les mots nouveaux qui sont appris.
La méthode phonique synthétique implique
l’apprentissage des relations entre les sons correspondant
aux différentes combinaisons de lettres de la langue
française. Habituellement, cette méthode est introduite
45
Apprendre au cerveau à lire
avec les associations lettre-nom / lettre-son, les
associations lettre-nom / image ou les actions liées aux
sons initiaux de mots déjà connus. Une fois les enfants
familiarisés aux lettres et aux sons correspondants, on
peut utiliser des lettres amovibles pour créer de nouveaux
mots. Les mots CVC (consonne-voyelle-consonne) sont
faciles à manipuler vu qu’ils constituent des syllabes
fermées, qu’ils comportent une voyelle courte et qu’ils
contiennent des règles lettre / son faciles à suivre (par
exemple « sac », « bol », « tir »). Le composant –VC à la
fin des mots CVC est le radical de la rime. Grâce à la
méthode phonique analytique, les enfants peuvent se
rendre compte que les mots qui se terminent par le
même radical partagent la même séquence de sons. Ils
peuvent alors manipuler le son initial pour former de
nouveaux mots. Par exemple, on peut remplacer le / b / du
mot « bol » par le son / k / pour former le mot « col ». Les
enfants peuvent aussi accomplir d’autres opérations avec
les mots CVC à l’aide de lettres amovibles de l’alphabet.
Les lettres peuvent être assemblées pour fusionner des
sons, ce qu’on appelle la co-articulation, ou séparées pour
illustrer la segmentation, l’isolation ou la suppression.
Les enfants peuvent aussi substituer des lettres à d’autres
pour former de nouveaux mots. Par exemple, ils peuvent
remplacer le son / è / de « sel » par le son / o / pour faire
« sol ». Une fois que les enfants maîtrisent ces opérations,
ils comprennent que les mots sont constitués de
différentes unités de son qui correspondent à différentes
lettres, qui peuvent à leur tour être manipulées. Un
travail au niveau des mots en utilisant des lettres
amovibles combine les méthodes phoniques synthétique
et analytique, ainsi que la conscience phonémique en
une seule leçon. Néanmoins, la méthode phonique ne
constitue qu’une partie d’un programme d’apprentissage
plus large, et devrait être intégrée dans le contexte de la
lecture réelle.
La méthode mixte
La méthode mixte implique le développement de
programmes de lecture qui visent le circuit supérieur
(méthode phonique synthétique), le circuit inférieur
(méthode globale) et les connexions entre les deux circuits
(méthode phonique analytique). Le développement
des deux circuits de lecture au moyen d’instructions
46
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 4.7
La méthode mixte
Comment la méthode mixte agit-elle dans le cerveau ? Le
cerveau possède deux modules : un module visuel à l’arrière
du cerveau et un module auditif à l’avant du cerveau. Dès
que l’on comprend, en utilisant le module auditif, que les
mots prononcés sont constitués de petites unités de son,
on développe la conscience phonémique. Une fois que l’on
a appris, en employant le module visuel, que les mots sont
constitués de lettres, on a alors développé la conscience
graphémique. C’est ainsi que l’on peut créer des circuits
de lecture entre ces deux modules. La méthode phonique
synthétique apprend aux enfants à identifier la forme
d’une lettre et à l’associer à un phonème, alors que la
méthode globale permet d’associer le sous-composant de
la reconnaissance de la forme d’un mot à la prononciation.
Enfin, la méthode phonique analytique permet l’utilisation
de mots déjà appris pour décoder de nouveaux mots (par
analogie).
47
Apprendre au cerveau à lire
explicites est un élément essentiel de la méthode de
lecture mixte (Illustration 4.7). Les méthodes mixtes
doivent également présenter une certaine souplesse pour
permettre d’enseigner à des groupes d’enfants ayant des
compétences et des besoins différents. La philosophie
de la méthode mixte est de maintenir un équilibre entre
la lecture faite aux enfants, celle faite avec les enfants et
celle effectuée par les enfants. Lorsqu’un texte est trop
compliqué pour que les enfants le lisent seuls, on peut
utiliser les approches de lecture partagée ou guidée.
La lecture en groupe est largement utilisée pour
familiariser les enfants aux textes. L’instituteur encourage
un groupe d’élèves à lire en même temps que lui. La
lecture en groupe rend le texte accessible aux enfants,
ceux-ci appréciant la sensation que leur procure alors
la lecture. Pour une lecture en groupe, il convient
de sélectionner des textes prévisibles contenant des
répétitions. Ainsi, les enfants prennent goût à la lecture
à la fois en reconnaissant les mots et en comprenant
le sens. Lors d’une lecture en groupe, les enseignants
peuvent adapter aux compétences de chaque enfant
leurs questions portant sur les phonèmes, les mots,
la grammaire et le sens. Les exercices de questions et
réponses, dirigés par les enseignants, et avec leur soutien,
s’appellent « l’échafaudage ». Avec l’aide des professeurs,
l’attention des élèves peut être attirée explicitement sur
les règles lettre / son, sur la place de ces lettres dans les
mots, sur les mots et leur place dans la phrase, et sur le
sens général du texte. Le soutien auditif peut venir de
la lecture en groupe elle-même ou de la répétition du
texte pendant des activités d’écoute. Quand les enfants
commencent à éprouver la sensation de lire en écoutant
une histoire, il faut les encourager à lire eux-mêmes le
texte pour qu’ils puissent décoder et lire les lettres, les
mots et les phrases. Les élèves acquièrent de la fluence
et du vocabulaire tout en lisant. En employant des textes
contenant des sons représentés par des lettres intégrées
dans des mots, les enfants prennent conscience des sons
que produisent ces lettres et du fait que les mots sont
constitués de lettres, et les phrases, de mots. De cette
manière, les relations apprises par le travail au niveau
des mots, à l’aide des méthodes phoniques synthétique et
analytique, peuvent être transférées des mots isolés aux
mots pris dans leur contexte. La mise en évidence d’une
lettre ou d’un son spécifique dans un texte permet aux
enfants de mieux comprendre la relation lettre / son et sa
48
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 4.8
La lecture en groupe au moyen
de méthodes phoniques « avec
lettres intégrées dans les
mots »
La lecture en groupe au moyen de méthodes phoniques « avec
lettres intégrées dans les mots » est utilisée pour enseigner
à la fois la méthode phonique synthétique et la méthode
phonique analytique dans le cadre de la lecture réelle. Les
éléments du processus de lecture sont expliqués aux enfants
au cours d’une leçon de groupe. Le professeur pose des
questions de façon à adapter l’enseignement aux besoins du
groupe d’enfants ayant tous des compétences différentes, et
les enfants peuvent apprendre les uns des autres au cours
de ces discussions de groupe. L’approche multi-sensorielle
soutient les enfants ayant des styles d’apprentissage
différents et fait en sorte que tous les enfants soient sur la
voie de l’acquisition des compétences en lecture.
place au sein des mots. Cette mise en évidence facilite le
découpage d’un mot en différentes unités de son, étant
donné que la division a déjà été réalisée. La répétition
d’une lettre ou d’un son mis en évidence dans tout le
texte permet un renforcement implicite (Illustration 4.8).
La lecture assistée fait partie intégrante d’un programme
de méthode mixte, et sert à rendre des textes accessibles
à des enfants ayant différents niveaux de lecture. Une
fois que les enfants ont acquis des capacités de lecture
et d’écriture, ils peuvent tenter par eux-mêmes de
décoder un texte nouveau. La lecture assistée implique
un enseignement à un petit groupe composé d’enfants
pourvus de capacités similaires. Le professeur écoute
les enfants lire une histoire et les assiste si nécessaire.
L’attention des enfants peut être attirée sur différents
aspects de l’histoire pour s’assurer qu’ils suivent bien le
49
Apprendre au cerveau à lire
sens pendant la lecture. Lorsqu’un enfant est confronté
à un mot qu’il ne peut pas lire, le professeur l’assiste
alors pour l’amener à utiliser une méthode efficace
pour déchiffrer le mot. La plupart du temps, la méthode
initiale impose à l’enfant de relire la phrase depuis le
début, jusqu’au mot inconnu. Ensuite, l’enfant essaie
de deviner le sens du mot en se basant sur ce qu’il a lu
précédemment. S’il ne comprend toujours pas le mot, il
peut alors continuer à lire jusqu’à la fin de la phrase et
essayer à nouveau de déchiffrer le mot en fonction du
sens de la phrase complète. L’illustration 4.9 montre le
type de questions que le professeur peut poser lors de la
lecture assistée.
Illustration 4.9
Les questions à poser lors de la
lecture assistée
Inversement, la méthode peut être fondée sur la
phonologie, soit en décodant le mot lettre par lettre, en
ayant recours à la méthode phonique synthétique, soit en
utilisant la méthode phonique analytique pour examiner
des mots qui se ressemblent afin d’avoir des indices
supplémentaires sur la prononciation d’un mot inconnu.
Parfois, il est utile d’isoler les mots les plus difficiles et
d’en discuter avec les élèves avant d’entamer la lecture.
Cette étape peut être effectuée lors de l’introduction du
livre. Avoir les mots difficiles fraîchement en mémoire
permet de consolider la fluence verbale lors de la lecture
assistée. Pour la lecture assistée, il convient de choisir
des textes d’un niveau approprié pour que les enfants
puissent lire la plupart des mots (90-95% d’exactitude),
sinon ils se sentiront frustrés et ne comprendront plus le
sens.
Il faut encourager la lecture individuelle car elle permet
aux enfants de lire pour leur plaisir. Le matériel de
lecture mis à disposition devrait inclure une gamme de
livres comprenant de la fiction et d’autres genres pour
stimuler l’envie de lire. Le niveau de lecture approprié
pour une lecture individuelle est de l’ordre de 95% de
mots compris, c’est pourquoi il est très important de
motiver les enfants lorsqu’ils apprennent à lire. On
associe à la lecture deux types de motivations pour
un enfant : la motivation intrinsèque et la motivation
extrinsèque. La motivation intrinsèque de l’enfant l’amène
à lire par intérêt personnel, pour explorer le monde
nouveau de la lecture et pour découvrir des sujets qui
le passionnent. Les enfants motivés intrinsèquement
prennent du plaisir en lisant. Quand ils sont confrontés
à une difficulté, ils veulent s’en sortir par eux-mêmes. Ils
50
Apprendre au cerveau à lire
persistent et se plaisent à accomplir une tâche difficile.
Les enfants motivés intrinsèquement passent une grande
partie de leur temps à lire parce qu’ils en retirent une
satisfaction cognitive et émotionnelle. Pour évaluer la
motivation intrinsèque, on emploie des variables telles
que la curiosité et l’implication. Lorsqu’on éveille la
curiosité d’un enfant, celui-ci va se concentrer sur la
description des événements et va faire preuve d’un
intérêt plus prononcé pour la suite de l’histoire. Des
efforts plus importants d’ordre cognitif aboutissent à
des jugements plus justes et à une compréhension plus
approfondie du texte. La motivation extrinsèque implique
la participation à la lecture résultant d’exigences et de
valeurs extérieures. Elle est mesurée à l’aide de variables
telles que la reconnaissance, les résultats scolaires, les
valeurs sociales, la compétition et la conformité. Les
enfants dont la motivation est extrinsèque lisent pour
éviter des conséquences négatives et pour recevoir
des récompenses extérieures plutôt que pour leur
satisfaction cognitive et émotionnelle. Malheureusement,
la motivation extrinsèque s’avère être improductive pour
la compréhension du texte, étant donné que le lecteur ne
prête que peu d’attention à certains aspects de celui-ci, ce
qui entraîne des méthodes d’apprentissage inefficaces et
des déductions erronées. La motivation extrinsèque a des
effets négatifs sur l’envie de lire alors que la motivation
intrinsèque augmente la compréhension ainsi que la
quantité de textes que les enfants liront pour leur propre
plaisir.
Résumé
La recherche pédagogique et les méthodes utilisées
en classe offrent une série de techniques pour un
enseignement efficace de la lecture. Alors que la
recherche avancée sur le cerveau n’existait pas lorsque
ces méthodes d’instruction ont vu le jour, elle permet
aujourd’hui de leur donner une légitimité scientifique.
Il n’est plus nécessaire de débattre pour savoir si une
technique est meilleure qu’une autre. Nous avons
une vue plus globale. Différentes approches ciblent
différentes parties du cerveau lors de la lecture, et il faut
s’efforcer de cibler simultanément plusieurs modules,
circuits et connexions afin de produire des synergies
d’apprentissage et de former des enfants qui aiment lire.
51
Apprendre au cerveau à lire
5
L’orthographe et la
composition
L’orthographe mobilise tant le circuit supérieur que le
circuit inférieur de l’hémisphère gauche du cerveau.
Tandis que la lecture s’effectue de l’arrière à l’avant du
cerveau (du visuel à l’auditif), l’orthographe, quant à elle,
s’effectue de l’avant à l’arrière du cerveau (de l’auditif au
visuel). L’orthographe aboutit à des mots écrits, tandis
que la lecture aboutit à la prononciation des mots.
L’obtention de l’orthographe d’un mot passe par sa
prononciation à l’avant du cerveau, et ensuite par l’accès
à sa forme visuelle à l’arrière du cerveau. Ce processus
implique un changement directionnel dans le circuit
inférieur de l’hémisphère gauche.
Le rappel direct (le circuit inférieur)
Le circuit inférieur du cerveau contient une banque de
mots reliée au sous-composant de la prononciation à
l’avant du cerveau ainsi qu’au sous-composant de la
forme visuelle des mots à l’arrière du cerveau (Illustration
5.1). Cette banque de mots comporte les formes
complètes des mots, ce qui permet un rappel direct
lorsqu’il faut les orthographier. Le cerveau ne contient
pas de banques de mots différentes pour la lecture,
l’orthographe et l’écriture, c’est plutôt chaque habileté
(lecture, orthographe et écriture) qui fait appel à l’unique
banque de mots du cerveau, à l’aide de différentes
entrées et sorties (« directionnalité »). Le fait d’avoir une
seule banque de mots qui relie toutes les propriétés
importantes des mots explique pourquoi les capacités à
lire, à orthographier et à écrire sont si intimement liées.
La banque de mots du cerveau peut développer un
ensemble de mots rapidement connus « par cœur » au
moyen de l’exposition répétée à de nouveaux mots par la
lecture et l’écriture. Grâce à ces expositions répétées, on
obtient non seulement un accès rapide à la prononciation
correcte du mot au cours de la lecture, mais aussi une
image visuelle de la forme du mot entier, qui peut être
utilisée lorsqu’il faut l’orthographier. Ces représentations
52
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 5.1
L’orthographe par rappel direct
La plupart des formes orthographiques des mots impliquent
un lien direct allant du sous-composant de la prononciation
au sous-composant de la forme visuelle du mot. C’est ce lien
qui permet d’accéder directement à l’orthographe correcte du
mot sans avoir à le prononcer à haute voix. Le circuit inférieur
permet également d’accéder aux orthographes correctes des
mots irréguliers, souvent très difficiles à encoder.
de mots commenceront à s’affaiblir si elles ne sont pas
constamment renforcées par la lecture et l’orthographe.
Les mots utilisés moins fréquemment sont les plus
difficiles à lire ou à orthographier. La vitesse de lecture
peut ralentir si l’on passe de son roman préféré à un sujet
spécifique ne relevant pas de la fiction. Il en va de même
pour l’orthographe. Lorsque l’on essaie d’orthographier
un mot rarement rencontré ou utilisé, il est probable
que la banque de mots n’ait emmagasiné qu’une vague
représentation de celui-ci qui ne nous reviendra pas
facilement en mémoire. De ce fait, il sera difficile de
l’orthographier correctement. Le circuit inférieur peut se
résumer par l’expression suivante : « apprenez bien le mot
ou oubliez-le ».
53
Apprendre au cerveau à lire
L’acquisition de l’orthographe des mots les plus
souvent utilisés constitue un gain de temps et d’énergie
considérable pour les apprentis lecteurs, dans la mesure
où ces mots constituent plus de la moitié des mots
couramment lus et orthographiés. Nombre de ces mots
fréquents sont directement appris en utilisant le circuit
inférieur. Les mots très fréquents sont vite appris par
le biais de la lecture, et possèdent rapidement une
représentation dans la banque de mots du cerveau.
On peut avoir accès à la forme d’un mot à partir de sa
prononciation. Lorsque les mots ont été mémorisés
correctement, le rappel direct fournit des orthographes
parfaites. Dans ce cas, le mot n’est plus considéré
simplement comme un groupe de lettres, mais comme
un mot dans sa globalité, rattaché à une prononciation,
un sens et une orthographe. Il n’en reste pas moins que,
souvent, l’habilité à orthographier correctement n’est
pas aussi simple que l’accès à la forme globale du mot.
Le cerveau ne peut pas toujours se rappeler les mots
qu’il veut orthographier. Il arrive parfois que, lorsqu’il
tente de se souvenir de l’orthographe du mot, le circuit
inférieur ne fournisse aucune réponse. En effet, au début
de l’apprentissage de l’orthographe, seule une poignée de
mots est directement accessible. Lorsque l’orthographe
n’est pas directement accessible depuis la banque de
mots, on peut utiliser le circuit supérieur du cerveau pour
orthographier le mot de la manière la plus probable.
L’encodage (le circuit supérieur)
Alors que le circuit inférieur du cerveau est une base
de données qui emmagasine les différentes propriétés
des mots entiers, le circuit supérieur du cerveau est
spécialisé dans la reconnaissance des relations lettre / son
dans les mots. Parfois, le cerveau doit compter sur le
circuit supérieur pour décoder un mot nouveau lors de la
lecture. Le décodage permet d’estimer la prononciation
la plus plausible du mot en se basant sur la séquence
que forment ses lettres constitutives. Le décodage est
également appelé conversion de graphèmes en phonèmes
dans la mesure où il implique la prise en compte d’une
séquence de lettres (graphème) et son association au
son correspondant (phonème). Orthographier des mots
inconnus est une opération qui fait également appel au
circuit supérieur du cerveau, mais dans le sens opposé.
54
Apprendre au cerveau à lire
L’estimation de l’orthographe de mots inconnus est
appelée l’encodage, et fonctionne de l’avant à l’arrière du
cerveau (Illustration 5.2).
L’encodage est le processus d’estimation de l’orthographe
la plus probable d’un mot sur la base d’unités de son.
Il porte également le nom de conversion de phonèmes
Illustration 5.2
L’encodage
L’encodage est une opération orthographique qui fait appel
au circuit supérieur. Plutôt que d’aller des formes des lettres
aux sons des phonèmes (décodage), cette opération va des
sons des phonèmes aux formes des lettres (encodage). Le
processus d’encodage ne fournira pas toujours l’orthographe
correcte, mais il en ressortira une suggestion probable,
qui peut être vérifiée par la suite dans le dictionnaire. Les
orthographes inventées permettent aux enfants de continuer
à écrire sans être gênés par une orthographe inconnue.
L’usage d’orthographes inventées par les personnes qui
commencent à écrire leur permet de produire des histoires
plus longues, et d’acquérir un meilleur vocabulaire et des
structures grammaticales plus complexes.
55
Apprendre au cerveau à lire
en graphèmes, dans la mesure où il implique la prise
en considération d’une unité de son (phonème) et son
association à la séquence de lettres correspondante
(graphème). Si le circuit inférieur peut apprendre à
orthographier un mot grâce à un contact répété ainsi qu’à
des indices sur la forme complète de ce mot, quel est
alors le but de l’encodage ? Il est utilisé lorsque la forme
du mot entier n’est pas accessible, mais que la « meilleure
estimation » d’orthographe du mot est requise. Trouver
rapidement une orthographe plausible d’un mot incertain
lors de l’expression écrite permet de ne pas s’interrompre
tout en maintenant le sens du texte. L’orthographe
encodée pourra être vérifiée par la suite dans le
dictionnaire. Lors d’un test d’orthographe, on tentera
de deviner l’orthographe la plus probable, mais cela ne
signifie pas que l’encodage produira toujours la bonne
orthographe. Les règles du décodage fourniront plus de
chance de produire une prononciation correcte lors de
la lecture, tandis que les règles de l’encodage fourniront
plus de chance de produire une orthographe correcte lors
de l’écriture. Ceci est dû au fait qu’il existe beaucoup plus
de possibilités d’orthographe pour chaque son qu’il n’y a
de prononciations, ce qui fait de l’encodage un procédé
plus hasardeux que le décodage.
Pour comparer et différencier les caractéristiques
orthographiques des mots, nous pouvons procéder à des
classifications ou regroupements des mots ayant des
radicaux ou des significations semblables. Les enfants
peuvent identifier des séquences orthographiques
récurrentes dans certains groupes de mots, dans
la mesure où ils remarquent des correspondances
lettre / phonème, des structures et des morphèmes
récurrents. Bien que la classification de mots constitue
une approche phonique analytique pour enseigner
les séquences orthographiques, les enseignants
peuvent également encourager une approche phonique
synthétique dans laquelle les enfants déconstruisent les
mots en leurs séquences lettre / son constitutives. Enfin,
les mots peuvent aussi être classés sur la base de leur
signification, ce qui constitue une approche globale.
56
Apprendre au cerveau à lire
L’orthographe inventée
Lorsque les enfants écrivent, ils doivent rapidement
accéder aux formes écrites des mots afin de pouvoir
mettre leurs idées par écrit sans interrompre le fil de
leur pensée. Tant que les enfants suivent les règles
d’encodage lors de l’écriture, ils produiront des mots
phonologiquement corrects, c’est-à-dire des mots dont le
décodage donnera la prononciation correcte, même s’ils
sont mal orthographiés. En utilisant des orthographes
inventées, les enfants peuvent ensuite vérifier dans le
dictionnaire l’orthographe des mots dont ils doutent. Il
est bon de les encourager à souligner les orthographes
inventées si elles leur semblent incorrectes. Ils peuvent
ensuite les vérifier lors de la relecture. Ces mots devraient
également être ajoutés à des listes orthographiques
individuelles, à condition que l’estimation de l’enfant
soit relativement proche du mot recherché. Les
orthographes inventées sont utiles lors de la relecture
des écrits tant par l’enfant que par l’enseignant, étant
donné qu’il est possible de suivre l’histoire sans avoir à
deviner la signification d’une séquence écrite par hasard.
Les enfants qui utilisent les orthographes inventées
écrivent des histoires plus longues avec un vocabulaire
plus expressif et utilisent davantage de structures
grammaticales plus complexes. Par conséquent,
l’encodage, sous-composant de l’orthographe, est
également un sous-composant majeur de la rédaction.
Dès que les lettres d’un mot ont été sélectionnées, mises
les unes à la suite des autres et puis écrites, le cerveau
doit s’autocontrôler pour s’assurer que l’orthographe est
correcte. Il utilise alors le circuit inférieur pour accéder
au mot depuis sa banque de mots, ce qui représente un
processus de lecture. Si le mot n’est pas reconnu, c’est
qu’il n’est pas stocké dans la banque de mots du cerveau
et doit être vérifié dans le dictionnaire ou grâce à une
liste orthographique (Illustration 5.5).
Si le mot est reconnu, c’est qu’il est accessible dans la
banque de mots du cerveau. Plus le mot est activé, mieux
il sera retenu. Le cerveau n’a plus besoin de perdre du
temps et de l’énergie à utiliser le circuit supérieur, dans
la mesure où il obtient un accès direct à l’orthographe
depuis le circuit inférieur.
57
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 5.5
Relecture
Lors de la vérification d’un mot, on utilise le circuit inférieur de
lecture du cerveau. En lisant des mots écrits, le cerveau tente
d’accéder à leur orthographe correcte dans la zone des formes
visuelles du mot. Le mot a été orthographié correctement lorsqu’il
peut être immédiatement reconnu par le circuit inférieur du
cerveau. S’il ce n’est pas le cas, il est vraisemblable qu’il ait été mal
orthographié. De tels mots doivent être vérifiés dans le dictionnaire
afin de déterminer s’ils ont été orthographiés correctement.
58
Apprendre au cerveau à lire
La rédaction
Tout comme l’enseignement de la lecture implique un
équilibre entre les temps de lecture à l’enfant, avec
l’enfant et par l’enfant, l’enseignement de l’écriture
implique un équilibre de la pratique de l’écriture pour
l’enfant, avec l’enfant et par l’enfant. La rédaction
partagée est utilisée pour montrer les liens entre un
texte oral et un texte écrit, par exemple, lorsque les
enseignants utilisent les idées des enfants pour écrire une
histoire. Les enfants peuvent prendre part à l’élaboration,
à la discussion et à la relecture de la rédaction. La
rédaction partagée peut être utilisée pour introduire
de nouveaux genres à la classe, tels que la rédaction de
lettres et la poésie. Les textes non fictifs, tels que les
souvenirs, les instructions, la narration, l’explication et
la discussion peuvent être également introduits par ce
biais. La rédaction assistée passe de la démonstration
par l’enseignant à la modélisation par l’enseignant, c’està-dire que l’enseignant et l’enfant planifient ensemble
la rédaction, mais qu’ensuite il incombe à l’enfant de
construire ses propres phrases.
Il n’est pas recommandé que les enseignants accordent
trop d’attention aux fautes d’orthographe des enfants
lorsqu’ils travaillent avec eux sur une rédaction. En effet,
si les premiers commentaires de l’enseignant sur le travail
d’un élève concernent l’orthographe ou l’écriture, ce
dernier commencera à penser que ce sont là les choses les
plus importantes dans une rédaction. Or, tant la lecture
que la rédaction sont des processus principalement
dirigés vers la signification. Le rédacteur doit construire
le sens pour le futur lecteur. A l’instar des bons lecteurs
qui relisent un texte s’ils ne le comprennent pas, les bons
rédacteurs doivent relire et réécrire lorsqu’il y a perte
de sens. Les discussions lors de la rédaction assistée
aident l’enfant à structurer son récit. Par exemple, le sens
d’une histoire pourrait être perdu parce qu’un enfant
a oublié de placer l’histoire dans son contexte grâce à
une phrase d’introduction. En discutant avec l’enfant,
on peut créer cette phrase pour améliorer l’histoire.
De même, on peut lui proposer un mot plus adéquat
pour décrire une idée. Cet apprentissage influencera
les performances de production écrite ultérieures de
l’enfant, lorsqu’il ne sera plus encadré. Le produit final
relu et corrigé peut être tapé à l’ordinateur et imprimé
59
Apprendre au cerveau à lire
afin que l’enfant en possède une copie. L’histoire
définitive est alors disponible pour être lue et appréciée
par un public plus large, tel que d’autres enfants, les
enseignants et les parents. Plus les enfants s’impliqueront
dans les discussions, la relecture et l’édition, meilleures
deviendront leurs aptitudes en lecture, en orthographe et
en rédaction. Lorsque les enfants maîtrisent la rédaction,
ils peuvent se positionner tantôt en narrateurs tantôt en
lecteurs, et développer ainsi l’autocritique.
Résumé
La rédaction et l’orthographe utilisent les mêmes
circuits du cerveau que la lecture, mais dans des
directions opposées. Lorsqu’on orthographie un mot,
la prononciation à l’avant du cerveau est connectée à
la forme globale du mot à l’arrière du cerveau par le
circuit inférieur. Lors de l’invention de l’orthographe
d’un mot qui n’existe pas dans la banque de mots du
circuit inférieur, on utilise le circuit supérieur pour
l’encodage. Dans ce cas, les sons constitutifs du mot
sont décomposés à l’avant du cerveau, pour être ensuite
appariés aux séquences de lettres correspondantes à
l’arrière du cerveau. Lorsqu’un mot est correctement
orthographié, il « semble juste ». D’autres mots, qui ne
semblent pas corrects, sont vérifiés dans le dictionnaire
et leur orthographe correcte est apprise pour le futur.
Lors de la relecture et de la correction, le cerveau essaie
d’accéder aux mots écrits de la banque de mots pour
s’assurer que l’orthographe est correcte. Ce processus
de lecture fait appel au circuit inférieur. Une grande
partie du processus de rédaction implique le passage de
l’écriture à la lecture, et ensuite de la lecture à l’écriture.
En inversant la directionnalité des circuits de lecture, le
cerveau peut s’autocorriger, réviser et s’autocritiquer.
La lecture, l’écriture et l’orthographe ont une même
importance dans un programme scolaire utilisant la
méthode mixte car ces compétences sont intimement
liées et se renforcent les unes les autres.
60
Apprendre au cerveau à lire
6
La dyslexie développementale
Bien que la dyslexie ait été mentionnée pour la première
fois il y a plus d’un siècle, il reste aujourd’hui encore
une grande confusion sur sa nature réelle. Sa définition
variera suivant les spécialistes. Les pédiatres, les
psychologues, les neurologues, les optométristes, les
enseignants, les parents et les journalistes en expriment
généralement une conception différente. Si les difficultés
en lecture se remarquent rapidement, leurs causes,
comme la dyslexie développementale, nécessitent
des recherches plus approfondies. Les sections
suivantes traiteront des différences entre la dyslexie
développementale et la dyslexie acquise, ainsi qu’entre la
dyslexie développementale et les faiblesses en lecture, et
traiteront des recherches récentes en imagerie cérébrale
dans le domaine de la dyslexie.
La dyslexie développementale et la
dyslexie acquise
La neuropsychologie distingue deux types de dyslexie :
la dyslexie développementale et la dyslexie acquise. La
dyslexie développementale résulte du développement
naturel d’un cerveau qui fonctionne différemment, ce
qui entraîne des difficultés d’apprentissage de la lecture.
La dyslexie acquise, quant à elle, résulte d’une lésion
cérébrale qui occasionne des pertes de compétences en
lecture. Il s’agit là d’un traumatisme et non d’un trouble
héréditaire (Illustration 6.1).
La dyslexie acquise résulte d’une lésion qui a endommagé
les circuits de la lecture. Lorsqu’une lésion est spécifique
à une région ou à un module du cerveau, il peut arriver
qu’un composant de lecture soit perdu, alors que
d’autres composants restent intacts. Une lésion à la
tête peut, par exemple, endommager la capacité du
cerveau à acquérir des mots nouveaux en utilisant le
circuit supérieur, alors que les mots existants, déjà
appris, restent intacts et peuvent être lus en utilisant la
banque de mots du cerveau dans le circuit inférieur. Il
est possible de reproduire temporairement ce trouble
61
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 6.1
La dyslexie acquise et la
dyslexie développementale
La neuropsychologie distingue deux types de dyslexie : la
dyslexie acquise et la dyslexie développementale. La dyslexie
acquise résulte d’une lésion d’une région du cerveau utilisée
lors de la lecture, provoquant des pertes de compétences
en lecture. Alors que la dyslexie acquise est causée par
une lésion à la tête, la dyslexie développementale est un
trouble héréditaire. Les personnes présentant une dyslexie
développementale disposent de connexions neurologiques
différentes dès la naissance, ce qui donne lieu à des difficultés
dans le développement des compétences de lecture.
à l’aide de la simulation magnétique transcrânienne
(SMT). Cette technique consiste à perturber certaines
régions du cerveau impliquées lors de la lecture de telle
manière qu’elles soient temporairement paralysées. La
perturbation du circuit supérieur de lecture d’un cerveau
normal provoquera une dyslexie acquise temporaire,
en raison de laquelle les mots non porteurs de sens ne
pourront être lus en utilisant le circuit supérieur, alors
que les mots existants pourront toujours être lus par
le circuit inférieur. Selon certains, un environnement
inapproprié dans l’utérus, comme par exemple un
taux élevé de polluants (plomb, toxines, alcool) lors
de la grossesse, ou une naissance traumatisante, peut
provoquer la dyslexie. Les personnes ayant vécu de
tels traumatismes sont susceptibles de présenter une
dyslexie acquise, dans la mesure où le trouble n’est
pas d’origine génétique et ne résulte pas de la même
réorganisation anormale du cerveau que dans le cas de la
dyslexie développementale. Bien que la dyslexie acquise
soit considérée comme une forme de dyslexie, le terme
« dyslexie » fera référence dans la suite de cet ouvrage à la
forme développementale ou héréditaire.
62
Apprendre au cerveau à lire
La dyslexie développementale et les
simples faiblesses en lecture
En règle générale, il existe deux groupes d’enfants qui
ont des difficultés pour apprendre à lire : les dyslexiques
et ceux qui présentent des faiblesses en lecture. Les
dyslexiques ont des connexions cérébrales différentes, qui
perturbent l’apprentissage de la lecture, tandis que ceux
qui présentent des faiblesses en lecture ont des circuits
de lecture sous-développés en raison d’un enseignement
insuffisant ou d’un retard développemental. Tant les
personnes qui présentent des faiblesses en lecture que
les dyslexiques se situent à l’extrémité inférieure de la
courbe qui représente la distribution des performances
de lecture dans la population (Illustration 6.2). Sur le plan
génétique, certains enfants ont pu hériter de la dyslexie,
ce qui a entraîné des perturbations dans les connexions
de leur cerveau. Ils peuvent également avoir hérité d’une
faible propension à apprendre à lire : ils seront alors
de faibles lecteurs plutôt que des dyslexiques. Si les
enfants sont peu exposés, dans leur environnement, à
des textes imprimés, ou encore s’ils ont un enseignement
insuffisant de la lecture, ils peuvent présenter des signes
de difficultés dans cette compétence. Un environnement
dans lequel on ne lit pas peut intensifier les effets d’une
instruction en lecture insuffisante. Ceci est connu sous
le nom d’effet Mathieu, par lequel les bons lecteurs
continuent à s’améliorer alors que les mauvais lecteurs
lisent de plus en plus mal. Étant donné que la lecture
est un mécanisme autodidacte, toute irrégularité affecte
le système, qui ne se développe pas aussi rapidement
et qui empêche l’enfant d’apprendre aussi efficacement
qu’un autre. Les enfants ont besoin d’être souvent en
contact avec des textes imprimés pour développer leur
compétence en lecture. Lorsque ce contact est perdu, les
enfants accumulent de plus en plus de retard au moment
le plus propice pour que leur cerveau en développement
apprenne à lire. Alors que leurs camarades lisent de
mieux en mieux, ils se détournent de la lecture et la perte
de motivation qui en découle aboutit à une exposition
moins fréquente aux textes écrits.
Traditionnellement, le terme « dyslexie » a été employé
pour décrire une incapacité à lire, en dépit d’une
intelligence et d’une scolarisation adéquates. Dans ce
cas, la classification de dyslexie sera faite après avoir
écarté les autres possibilités. Les personnes présentant
63
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 6.2
La répartition de la lecture
Tant les dyslexiques développementaux que les personnes
présentant des faiblesses en lecture représentent
l’extrémité inférieure de la courbe de répartition normale
des performances de lecture. Les enfants qui présentent les
performances les plus faibles sont sujets à l’effet Mathieu,
par lequel leur situation ne fera qu’empirer. Les dyslexiques
sont des mauvais lecteurs parce que leurs circuits nerveux
sont perturbés. Les problèmes des personnes présentant
des faiblesses de lecture sont causés par d’autres facteurs,
tels qu’un manque de contact avec des textes écrits ou un
enseignement mal adapté. Chez ces personnes, les circuits de
lecture sont sous-développés, plutôt que perturbés.
des faiblesses en lecture ne sont pas considérées comme
des dyslexiques si leurs capacités intellectuelles sont
plus faibles, ou si elles n’ont pas eu suffisamment
d’occasions pour apprendre. En effet, elles peuvent avoir
reçu un enseignement inadéquat ou souffrir de troubles
du comportement qui ont perturbé leur apprentissage
en classe. Ces personnes proviennent généralement d’un
milieu socio-économique défavorisé dans lequel elles
ont peu de livres à leur disposition, et où la lecture n’est
pas encouragée. Tant que la cause des problèmes de
lecture n’est pas déterminée, il est difficile d’évaluer la
prévalence de la dyslexie chez les personnes présentant
des faiblesses en lecture. Alors que beaucoup s’accordent
à dire que les personnes présentant des faiblesses en
64
Apprendre au cerveau à lire
lecture constituent 20 % de la population, seuls 4 à 10 %
de la population sont considérés comme dyslexiques.
La définition par exclusion du terme « dyslexie »
est la suivante : échec inattendu à apprendre à lire
malgré des capacités intellectuelles et des possibilités
d’apprentissage suffisantes. Les enfants présentant
d’autres troubles tels qu’un retard mental ou des
problèmes comportementaux sont exclus, mais les vrais
dyslexiques avec un QI faible peuvent également l’être.
Le diagnostic de la dyslexie sur la base de décalages
entre les sous-tests évaluant le QI donne beaucoup de
poids au test de QI, qui n’est pas nécessairement un
moyen approprié d’estimer l’intelligence des personnes
dyslexiques. De plus, les mesures d’écarts avec le QI sont
les plus appropriées chez des enfants de plus de huit
ans, à un moment où les bénéfices d’une intervention
précoce sont perdus. Il n’en reste pas moins que les tests
de QI, en dépit de leurs limites, fournissent toujours un
moyen efficace de distinguer les personnes présentant
des faiblesses en lecture des individus dyslexiques. Ils
permettent également de revaloriser l’estime que les
dyslexiques ont d’eux-mêmes, ce qui constitue un facteur
important pour surmonter les difficultés en lecture
(Illustration 6.3).
On a remis en question certains aspects de la validité
statistique en ce qui concerne la définition par exclusion
de la dyslexie (basée sur des tests de QI). A partir de
quelle limite les gens pourvus de capacités intellectuelles
limitées sont-ils exclus ? Quelle est la limite ? À un certain
niveau, on utilise une limite arbitraire pour distinguer
les dyslexiques de ceux qui ne le sont pas. Une fois cette
limite établie, tous les dyslexiques seront-ils séparés
des personnes présentant des faiblesses en lecture ?
En effet, définir la dyslexie par exclusion a été maintes
fois critiqué. Il faut remettre en question toutes les
définitions par exclusion, dans la mesure où, abstraction
faite de la performance en lecture, les critères d’inclusion
demeurent incertains. Inversement, un enfant peut lire
correctement pour son âge, mais moins bien que prédit
sur la base de son intelligence. L’enfant est-il pour autant
dyslexique ? Probablement. Y a-t-il des dyslexiques ayant
un QI faible, qui ne sont pas reconnus comme tels ?
Sans doute. Les tests de QI sont-ils toujours fiables pour
mesurer l’intelligence d’un dyslexique ? Probablement pas.
65
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 6.3
Le modèle de décalage entre le
QI et les performances
Le profil d’une personne présentant une dyslexie
développementale consiste en un mélange inhabituel de
forces et de faiblesses d’après les résultats des sous-tests
de QI, donnant lieu à un décalage entre les sous-échelles.
Au contraire, les personnes qui présentent des faiblesses en
lecture montrent des difficultés générales, où le résultat d’une
sous-échelle peut prédire le résultat d’une autre. Certains
psychologues utilisent les sous-tests de QI pour faire une
distinction entre les deux groupes. Bien que ces deux groupes
présentent des faiblesses en lecture, telles que mesurées par
les capacités de lecture, d’orthographe et de phonologie, seuls
les dyslexiques, bien que ce soit un critère de classement,
présentent des aptitudes verbales ou non verbales nettement
supérieures à ce que l’on pourrait prédire sur la base de leurs
résultats en lecture.
66
Apprendre au cerveau à lire
Les différences de connectivité observées dans le
cerveau forment la variable latente qui caractérise la
dyslexie développementale. Le moyen le plus efficace
pour diagnostiquer la dyslexie est d’examiner le cerveau
dyslexique lui-même. De nos jours, l’imagerie cérébrale
peut donner un aperçu de la façon dont le cerveau
fonctionne durant la lecture. On peut maintenant utiliser
cette technologie pour une évaluation neurologique de
la dyslexie, bien que l’on soit encore loin de pouvoir
établir un diagnostic ferme. Actuellement, hormis le
diagnostic neurologique, la méthode de prédilection
est l’identification d’une différence statistiquement
importante entre les sous-échelles des tests d’intelligence.
L’idée sous-jacente de ce diagnostic est que de grandes
différences entre les forces et les faiblesses témoignent
de la présence d’un autre type de système de traitement,
qui est celui du cerveau dyslexique.
Les recherches effectuées sur le
cerveau des dyslexiques
Dans les années quatre-vingt, des chercheurs de
l’Université de Harvard ont étudié des cerveaux
dyslexiques après autopsie. Les résultats ont constitué
une grande avancée dans le domaine de la recherche
sur la dyslexie, le cerveau ayant été placé au centre
des préoccupations. Des cerveaux dyslexiques ont été
comparés avec ceux de personnes non dyslexiques et
différentes régions du cerveau ont été analysées pour
examiner les symétries et les anomalies. Les cerveaux
dyslexiques présentaient de nombreuses différences
au microscope lors des examens post-mortem (voir
chapitre 2).
La première étude sur la dyslexie avec imagerie
fonctionnelle a eu lieu en 1996 et portait sur des
participants dyslexiques adultes. Si les dyslexiques
adultes tentent d’activer l’hémisphère gauche de leur
cerveau au cours de la lecture, ils font également appel
à l’aide des régions opposées dans l’hémisphère droit.
Cette stratégie, appelée compensation auxiliaire, est
semblable à ce que font les patients victimes d’un
accident vasculaire cérébral pour retrouver l’usage de
leurs fonctions après le traumatisme.
67
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 6.4
La compensation chez les
dyslexiques adultes
Cet adulte dyslexique présente une sous-activation à l’arrière
de l’hémisphère gauche et des activations compensatoires
dans les régions ipsilatérales de l’hémisphère droit (Milne et
al., 2002). Les dyslexiques semblent avoir davantage recours
aux deux hémisphères lors de la lecture.
Les dyslexiques adultes peuvent lire, mais leurs aptitudes
à lire ont peu de chances d’égaler celles du cerveau non
dyslexique. L’utilisation de l’hémisphère droit du cerveau
comme soutien lors d’une tâche séquentielle comme la
lecture n’est pas aussi efficace, précise et rapide qu’un
processus unilatéral qui n’utilise que l’hémisphère
gauche.
L’imagerie cérébrale fonctionnelle est à présent reconnue
comme inoffensive pour les enfants. Des études récentes,
telles que les expériences MEG de Simos et ses collègues
en 2002, ont permis d’observer le développement de
la lecture dans le cerveau d’enfants dyslexiques. Ces
études montrent que chez les enfants dyslexiques, la
jonction entre l’avant et l’arrière du cerveau ne fonctionne
pas correctement et que celle-ci est sous-activée. Il
en résulte donc une déconnexion. Toutefois, après
des interventions au moyen de programmes justifiés
scientifiquement et basés sur la phonologie, le cerveau
dyslexique semble fonctionner de façon plus normale. En
effet, leur hémisphère gauche est alors davantage activé
(Illustration 6.5).
Ce n’est pas pour autant que fournir un enseignement
supplémentaire au cerveau dyslexique le rendra normal.
Ces recherches mettent plutôt en évidence le fait que
les dyslexiques utilisent les mêmes régions du langage
dans l’hémisphère gauche lors de la lecture que les nondyslexiques. Le cerveau dyslexique ne comporte pas une
réorganisation globale où des modules sont distribués
de façon aléatoire dans tout le cerveau. Cependant, le
cerveau d’un dyslexique rencontre des difficultés de
communication entre les modules qui le composent,
en raison de connexions défaillantes. L’imagerie
68
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 6.5
Les reconnexions dans le
cerveau des dyslexiques
Les recherches sur le cerveau d’enfants dyslexiques montrent
qu’une intervention efficace améliore la lecture et augmente
l’activation dans les régions du langage de l’hémisphère
gauche du cerveau, qui étaient auparavant sous-activées
(Simos et al., 2002). Les réseaux d’activation après
remédiation sont plus proches de la normale (Aylward et al.,
2003).
cérébrale fonctionnelle révèle la façon dont les modules
semblent déconnectés les uns des autres dans le cerveau
dyslexique. Toutefois, les résultats obtenus par Aylward
et ses collègues en 2003 montrent qu’une intervention
appropriée peut entraîner une plus grande activation
dans l’hémisphère gauche chez les enfants dyslexiques.
Dans ce cas, après intervention efficace visant à améliorer
les capacités de traitement, les régions ou modules de
l’hémisphère gauche commencent à agir de la même
manière que chez les individus non dyslexiques, pour
autant que le niveau de difficulté ne s’élève pas au-dessus
de leurs capacités.
Des recherches récentes effectuées par Temple et
ses collègues en 2003 sur l’efficacité de programmes
d’intervention sur le cerveau d’enfants dyslexiques ont
montré un regain d’activation des modules auditif et
visuel dans l’hémisphère gauche, ainsi qu’une nouvelle
activation dans l’hémisphère droit (Illustration 6.6). Une
intervention phonologique stimule parfois un circuit
supérieur bilatéral (hémisphères gauche et droit) inactif,
une des caractéristiques qu’on retrouve parfois dans
le cerveau plus symétrique d’un dyslexique. Dans tous
les cas, le cerveau dyslexique possède des différences
structurelles et fonctionnelles par rapport à un cerveau
non dyslexique, et une intervention appropriée peut
s’avérer bénéfique. Elle améliore les performances en
lecture, les fonctions comportementales et la capacité du
cerveau à traiter des mots.
69
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 6.6
Le manque de latéralisation
lors de la lecture dans
le cerveau d’un individu
dyslexique
Les configurations d’activation obtenues après un programme
d’entraînement intensif montrent un regain d’activation
dans deux régions de l’hémisphère gauche du cerveau,
ainsi que de nouvelles activations dans l’hémisphère droit
(Temple et al., 2003). Il est possible que la récupération des
fonctions phonologiques stimule un circuit de lecture bilatéral
précédemment inactif, ce qui laisse supposer qu’il existe une
représentation anormalement bilatérale de la lecture dans le
cerveau dyslexique.
Etant donné que les dyslexiques et les personnes
présentant des faiblesses en lecture bénéficient des
mêmes interventions pour la lecture, pourquoi avoir
besoin d’un terme spécifique pour désigner la dyslexie ?
Car les lecteurs ont besoin de savoir pourquoi ils
éprouvent des difficultés à apprendre à lire. Le cerveau
dyslexique est différent de celui d’une personne
présentant des faiblesses de lecture pour des raisons
neurologiques. Bien que le cerveau n’ait jamais été
conçu pour la lecture, le cerveau dyslexique est né avec
la dyslexie, qui est un trouble héréditaire. Le cerveau
des dyslexiques présente des différences tant au niveau
structurel qu’au niveau fonctionnel. Ainsi, il faut prendre
des précautions avant de décréter qu’un enfant souffre
d’un trouble spécifique de la lecture, tel que la dyslexie.
70
Apprendre au cerveau à lire
Si des informations concernant le cerveau ne sont pas
incluses, on ne peut jamais être entièrement certain de
l’examen. Toutefois, un parent dyslexique qui observe
ou reconnaît des caractéristiques de la dyslexie chez son
enfant peut très probablement s’attendre à ce que celui-ci
soit également dyslexique.
Que faire si un enfant présente les symptômes de la
dyslexie ? Avec l’aide d’un psychologue de l’éducation,
il est primordial d’entreprendre un examen complet
mettant en évidence les forces et les faiblesses
d’apprentissage de l’enfant. Des rapports d’évaluation
d’enfants dyslexiques au cours de leur développement
fournissent des indications importantes sur le profil de la
dyslexie, et permettent d’écarter la possibilité d’un retard
de croissance. Lorsque l’individu dyslexique accède à
l’enseignement supérieur, un historique de ses problèmes
de lecture fournit les preuves permettant de mettre en
place des conditions spécifiques pour la passation des
examens. Nombre d’adultes dyslexiques sont réticents
à l’idée de bénéficier de ces conditions dans la mesure
où ils veulent être traités comme tout un chacun.
Néanmoins, il est normal de permettre aux personnes
dyslexiques de bénéficier de conditions spéciales pour
la passation d’examens, qui tiennent compte de l’énergie
supplémentaire que doit fournir leur cerveau lorsqu’ils
effectuent des activités telles que la lecture, l’orthographe
et l’écriture.
Aucune recherche n’a montré que les programmes
de remédiation pour lecteurs dyslexiques devaient
comporter des éléments spécifiques qui ne seraient pas
repris dans les programmes de remédiation destinés
aux lecteurs présentant des faiblesses en lecture.
Alors que de nombreuses approches nouvelles, telles
que l’apprentissage multi-sensoriel, ou la méthode
« apprendre en faisant », sont particulièrement bénéfiques
pour les dyslexiques, elles semblent aider tous les
lecteurs, y compris les meilleurs d’entre eux. D’aucuns
prétendent que les ressources ne devraient pas être
exclusivement consacrées aux dyslexiques, considérés
comme tels sur la base d’un diagnostic par exclusion,
dans la mesure où tout mauvais lecteur souffre d’une
incapacité à lire qui exige une attention immédiate et
des formes d’intervention similaires. D’autres affirment
même sous forme de boutade que tous les enfants sont
dyslexiques lors de leur premier jour à l’école : ils veulent
71
Apprendre au cerveau à lire
dire par là que tous les enfants présentent initialement
des faiblesses en lecture. Il est un fait que tous les
enfants qui éprouvent des difficultés devraient disposer
des ressources adéquates leur permettant d’apprendre
à lire, indépendamment de la cause. Cependant, les
dyslexiques ont besoin d’un soutien supplémentaire
en raison de leurs différences neurales, qui ont causé
des perturbations dans leurs circuits de lecture dès
la naissance. Les personnes présentant des faiblesses
de lecture, quant à elles, ont besoin d’un soutien
supplémentaire parce que leurs circuits de lecture sont
sous-développés et requièrent plus d’instructions et
d’entraînement.
Résumé
Si un enfant éprouve des problèmes de lecture, est-il
forcément dyslexique ? Pour répondre à cette question,
il faut considérer toutes les causes possibles pouvant
induire des faiblesses en lecture :
– D’autres membres de la famille éprouvent-ils également
ces problèmes de lecture ?
– Y a-t-il eu des anomalies lors de la naissance de l’enfant
qui auraient pu causer des dommages aux systèmes de
lecture ?
– Quelle place a eu la lecture dans l’environnement
précoce de l’enfant ?
La myriade de causes possibles aux problèmes de lecture
explique pourquoi il y a eu tant de confusion dans le
domaine de la dyslexie. Historiquement, en l’absence de
recherche sur le cerveau, les spécialistes de la dyslexie
ont sauté d’une théorie à l’autre dans l’espoir de
découvrir une cause unique pour ce trouble. Pendant de
nombreuses années, la dyslexie a été considérée comme
un terme générique désignant toutes les personnes
atteintes de problèmes de lecture ou d’autres difficultés
d’apprentissage. Cependant, cette approche générique
non seulement déforme les résultats importants des
recherches faites sur la dyslexie, mais elle fournit
également des informations potentiellement erronées à
l’individu qui éprouve des difficultés pour apprendre à
lire. Une analyse approfondie des causes qui pourraient
être à l’origine des problèmes de lecture constitue dès
lors un élément essentiel de toute évaluation portant
72
Apprendre au cerveau à lire
sur la lecture, dans la mesure où elle peut répondre à la
question suivante : pourquoi une personne éprouve-t-elle
des difficultés de lecture ?
73
Apprendre au cerveau à lire
7
Les procédés de lecture
Chez tous les lecteurs, il existe une combinaison de
facteurs génétiques et environnementaux qui influence
le fonctionnement de leurs circuits de lecture. Dans
le cerveau, une faiblesse en lecture peut affecter
différentes parties du système de lecture. D’un point
de vue environnemental, ceci peut s’expliquer par un
déséquilibre, comme par exemple un enseignement de
la lecture trop phonique ne permettant pas à l’enfant de
visualiser assez de mots en contexte, ou vice versa. D’un
point de vue neurologique, des perturbations peuvent
être responsables d’une faiblesse en lecture, ou il peut
exister un déséquilibre entre les forces et les faiblesses
des deux circuits de lecture.
Lorsque les chercheurs analysent l’intérieur du cerveau
pour examiner la façon dont les circuits de lecture
interagissent, ils prennent en compte les procédés de
lecture du cerveau. Ils s’intéressent à la façon dont
les mécanismes internes de la machine interagissent
(Illustration 7.1), plutôt qu’à la façon dont elle a été
construite ou à son utilisation. La connaissance des
procédés de lecture est très utile, dans la mesure où
c’est grâce à cette connaissance que l’on peut développer
des programmes d’intervention. Ces programmes sont
élaborés sur mesure pour les besoins de chacun. Les
procédés de lecture constituent la source d’information
principale pour le développement de programmes
d’intervention. À l’intérieur du cerveau, les problèmes
de lecture induisent des déséquilibres au sein même
du système de lecture. Il ne faut pas forcément être
dyslexique pour développer ces déséquilibres. Un
enseignement mauvais ou insuffisant et / ou un manque
de motivation peuvent causer une répartition anormale
des forces et des faiblesses dans les régions du cerveau
consacrées à la lecture. Divers facteurs, tels que la
diversité neurologique, le contact avec des textes écrits,
les méthodes d’enseignement ou la motivation à lire,
peuvent occasionner des différences dans les opérations
internes du système de lecture, et par conséquent dans le
cerveau lui-même.
74
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 7.1
Les méthodes pour identifier
les procédés de lecture
Des tests de lecture spécifiques sont utilisés pour mesurer la
robustesse des circuits de lecture supérieur et inférieur.
Les mots irréguliers testent le circuit inférieur (Boder et
Jarrico, 1982). Le circuit inférieur doit être utilisé pour
accéder directement aux mots irréguliers, puisque le circuit
supérieur ne peut pas les prononcer. Des séquences non
porteuses de sens peuvent être utilisées pour tester la
capacité du circuit supérieur (Frith et Gallagher, 1997). Les
séquences non porteuses de sens ne sont pas accessibles
depuis la banque de mots du circuit inférieur, car elles sont
inconnues. Au lieu de cela, le circuit supérieur est utilisé
pour déterminer la prononciation la plus probable. Chez les
lecteurs non dyslexiques, il existe une égalité relative entre
les capacités des circuits inférieur et supérieur.
75
Apprendre au cerveau à lire
Des chercheurs ont tenté d’utiliser l’imagerie cérébrale
fonctionnelle pour distinguer différents types de
procédés de lecture qui serviraient ensuite à l’étude de
la neurobiologie des problèmes de lecture. La région
du cerveau consacrée à la lecture contient deux circuits
principaux, le circuit supérieur et le circuit inférieur. Afin
d’examiner les différences individuelles dans les types de
procédés de lecture, on identifie les forces et faiblesses
relatives entre les circuits de lecture. La variabilité
individuelle peut se manifester à travers le circuit
supérieur, le circuit inférieur ou les deux. Bien que la
plupart des lecteurs possèdent des forces tant au sein du
circuit supérieur que du circuit inférieur, certains lecteurs
présentent des déséquilibres qui favorisent l’un des deux
circuits.
Il existe deux façons de lire un mot à haute voix. La
première implique un accès direct au mot depuis
l’endroit où les formes des mots sont représentées
dans le circuit inférieur du cerveau, tandis que l’autre
implique le décodage du mot en utilisant la conversion
des graphèmes en phonèmes dans le circuit supérieur du
cerveau. Tout comme il existe deux circuits de lecture,
il existe également deux types de procédés de lecture
(Illustrations 7.2 et 7.3). Les dyséidétiques ont des
difficultés à accéder aux formes des mots et à lire des
mots irréguliers (tels que « yacht » ou « plomb »), ce qui
semble indiquer des problèmes avec la capacité du circuit
inférieur à accéder aux formes visuelles des mots. Les
dysphonétiques ont des difficultés à décoder les mots
et à lire des séquences non porteuses de sens (telles que
« grovibe »), ce qui semble indiquer des problèmes de
conversion graphème / phonème dans le circuit supérieur.
Les dyséidétiques et les dysphonétiques présentent des
procédés de lecture différents dans le cerveau (Illustration
7.4). Les dyséidétiques semblent concentrer l’activité
neurologique à l’arrière du cerveau dans le but d’accéder
aux formes des mots entiers. Les dysphonétiques, quant
à eux, semblent concentrer l’activité neurologique dans
les régions frontales du cerveau liées à l’articulation
phonologique (Illustration 7.5).
76
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 7.2
Le procédé de lecture
dysphonétique
Chez les lecteurs dysphonétiques (ceux qui ont des difficultés
à décoder les mots), les capacités du circuit inférieur
sont plus développées que celles du circuit supérieur. Les
dysphonétiques ont plus de facilité à lire les mots irréguliers
que les séquences non porteuses de sens (Milne et al., 2003).
Une autre caractéristique propre aux dysphonétiques est une
orthographe incorrecte d’un point de vue phonologique. Ils
ont des difficultés à encoder, opération qui nécessite d’aller du
phonème à la forme des lettres. Les dysphonétiques comptent
sur la mémorisation de la forme globale des mots : leur mode
de lecture est dit « chinois » (apprentissage de mots entiers
par cœur).
77
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 7.3
Le procédé de lecture
dyséidétique
Les dyséidétiques ont des difficultés à lire les mots irréguliers
parce qu’ils ont des difficultés à accéder aux mots dans le
circuit inférieur. Ils ont plus de facilité à lire des séquences
non porteuses de sens, étant donné qu’ils disposent d’une
force relative dans leur circuit supérieur. Ils peuvent
également encoder avec une exactitude phonologique. Ainsi,
même s’ils n’orthographient pas toujours correctement
les mots, la plupart de ces mots sont décodables. Les
dyséidétiques ont souvent des difficultés à développer
une fluence verbale étant donné qu’une bonne lecture fait
davantage appel au circuit inférieur. Décoder lettre par lettre
leur donne un rythme de lecture lent : leur mode de lecture
est dit « phénicien ».
78
n 12 lecteurs normaux
s 6 dyséidétiques
l 6 dysphonétiques
les ondes bêta antérieures
Apprendre au cerveau à lire
les ondes bêta postérieures
Illustration 7.4
Les variations de la symétrie
bêta
L’activité cérébrale peut être mesurée pour examiner si les
cerveaux dysphonétiques et dyséidétiques lisent les mots
différemment (Milne et al., 2003). Cette expérience a été
réalisée sur six dysphonétiques, six dyséidétiques et douze
lecteurs normaux (comme éléments de comparaison).
L’ordonnée représente les ondes bêta à l’avant du cerveau
et l’abscisse, les ondes bêta à l’arrière du cerveau. Des
stratégies neurologiques différentes s’opèrent entre les
dysphonétiques et les dyséidétiques lors de la lecture. Les
dysphonétiques concentrent plus d’activité à l’avant du
cerveau, et les dyséidétiques à l’arrière. Les lecteurs normaux
se situent entre ces deux extrêmes.
Auditif - dysphonétiques
Visuel - dyséidétiques
Illustration 7.5
Le déséquilibre audio-visuel
Cette illustration montre une soustraction entre le procédé
de lecture de la moyenne des dysphonétiques et celui
de la moyenne des dyséidétiques. Les dysphonétiques
concentrent leurs efforts dans le module auditif, tandis que les
dyséidétiques les concentrent dans le module visuel. Ces deux
groupes présentant des difficultés de lecture consacrent toute
leur énergie dans des zones de faiblesse. Ceci laisse à penser
que nous devrions faire de même lorsqu’il s’agit d’adapter les
interventions.
79
Apprendre au cerveau à lire
En concentrant leur activité neurologique dans une zone
de faiblesse, ces lecteurs améliorent leurs performances
en lecture. Bien que cela leur demande des efforts, les
dysphonétiques apprennent tout de même à décoder et
les dyséidétiques à accéder aux formes globales des mots,
y compris des mots irréguliers. Il s’agit là d’une forme de
compensation stratégique qui implique une augmentation
de l’activité afin d’améliorer les performances dans
les zones du langage qui ne sont pas correctement
connectées dans l’hémisphère gauche. La compensation
stratégique ne se fait toutefois pas sans peine. En effet,
cette concentration d’activité neurologique demande de
l’énergie. La compensation stratégique peut échouer si
l’individu se trouve dans des conditions de stress, telles
que devoir lire à haute voix devant la classe, voire devant
le professeur.
Différents procédés de lecture peuvent être utilisés pour
aider à adapter les programmes d’intervention qui visent
le déséquilibre de lecture. Les interventions peuvent alors
être testées sur la région du cerveau consacrée à la lecture
pour observer l’amélioration de la connectivité. Après
intervention, le lecteur n’aura plus besoin de concentrer
son activité neurologique sur les zones de faiblesse,
dans la mesure où les habiletés spécifiques de traitement
auront augmenté dans ces zones. Les dyséidétiques et
les dysphonétiques partagent la même caractéristique
dominante, des performances en lecture anormalement
faibles, mais les circuits de lecture responsables du
déficit en lecture sont différents dans les deux cas.
Un simple test de lecture ne suffit pas à comprendre le
type de variabilité en lecture, étant donné que ces tests
ne font qu’indiquer la présence d’un problème dans la
compétence de lecture. Pour déterminer de quel type de
variabilité en lecture il s’agit, les enseignants peuvent
suivre de près les procédés de lecture pendant la lecture
assistée en tenant compte des questions suivantes :
– Quelles sont les stratégies employées pour décoder les
mots nouveaux ?
– Quelles sont les stratégies qui fonctionnent pour cet
enfant ?
–Les fautes de prononciation sont-elles acceptables sur
le plan phonologique ?
–Certains mots sont-ils confondus avec des mots de
même signification ?
80
Apprendre au cerveau à lire
–L’accès à certains mots est-il incorrect, ce qui engendre
l’activation d’autres mots de formes visuelles
semblables ?
– A quel moment la signification est-elle perdue et
pourquoi ?
–Comment les stratégies de lecture changent-elles au
cours du développement ?
Lors des lectures assistées, on s’attend à ce que les
enfants fassent certaines erreurs, sinon le niveau du
texte choisi est trop faible. Il faut utiliser ces erreurs
comme des indications sur la façon dont interagissent
les deux circuits de lecture. Une analyse des productions
orthographiques de l’enfant peut fournir davantage
d’informations. L’enfant peut-il orthographier des mots
nouveaux avec une précision phonologique ? Dans quelle
mesure est-il capable de se remémorer des mots appris
globalement, tels que les mots fréquemment utilisés ou
les mots irréguliers ? Un déséquilibre relatif qui favorise
la précision phonologique par rapport à un rappel direct
suggère le type dyséidétique, tandis qu’un déséquilibre
relatif qui favorise un rappel direct par rapport à la
précision phonologique suggère le type dysphonétique.
Le procédé de lecture dyséidétique
Les dyséidétiques s’appuient surtout sur le circuit
supérieur du cerveau. Ils lisent les mots nouveaux
« lettre par lettre » pour en décoder la prononciation.
Ce « déchiffrage » résulte souvent en une lecture plus
lente et des erreurs de régularisation. Dans ce cas, les
mots irréguliers ou les mots contenant des séquences
de lettres correspondant à des sons irréguliers (« oi »
dans oiseau et oignon) sont parfois prononcés avec les
sons réguliers. Les dyséidétiques ont du mal à accéder
aux représentations visuelles des mots, ce qui les oblige
à employer davantage le circuit supérieur lors de la
lecture. Or, le circuit supérieur est bien plus lent que
le circuit inférieur car le décodage est une estimation,
tandis que l’accès aux mots recourt au rappel direct.
Ainsi, les dyséidétiques lisent généralement moins vite
et éprouvent des difficultés à lire les mots irréguliers car
ils les décodent au lieu d’y accéder. Les dyséidétiques ont
également du mal à orthographier les mots, surtout les
mots irréguliers. Etonnamment, ils disposent de capacités
81
Apprendre au cerveau à lire
d’encodage très développées car ils favorisent le circuit
supérieur. Bien que les textes écrits par des dyséidétiques
soient truffés de fautes d’orthographe, ces erreurs sont
généralement exactes phonologiquement, ce qui permet
de comprendre le texte lors de la relecture.
Le procédé de lecture dysphonétique
Lors d’une lecture assistée, les dysphonétiques ont des
difficultés à lire des mots qu’ils ne connaissent pas. La
plupart des mots fréquents peuvent être appris selon la
méthode « chinoise », ce qui implique un apprentissage
par cœur basé sur la reconnaissance de la forme globale
des mots. Cependant, les mots rares et inconnus doivent
en général être décodés. Les dysphonétiques essaient
souvent de sauter les mots qu’ils ne connaissent pas, ou
de deviner les mots sur la base du contexte sémantique.
Lors du décodage d’un mot, ils ont des difficultés à
manipuler les unités de son, ce qui souligne l’importance
de l’enseignement de la conscience phonologique dès
le plus jeune âge. Souvent, ils utilisent des indices
partiels issus du décodage, combinés au contexte pour
lire correctement des mots nouveaux. Ceci les empêche
de sélectionner un voisin sémantique (tel que « table »
pour « bureau »), étant donné qu’ils se basent sur le son
initial lorsqu’ils devinent le mot approprié. Ainsi, les
dysphonétiques peuvent apprendre à chercher un mot
nouveau en se fondant sur le son initial ainsi que sur le
contexte. Les dysphonétiques, à l’instar des dyséidétiques,
ont des difficultés récurrentes avec l’orthographe. Si les
dyséidétiques peuvent orthographier avec une certaine
précision phonologique, les dysphonétiques font preuve,
quant à eux, d’inexactitude phonologique. Leurs erreurs
rendent leurs productions écrites plus difficiles à suivre
et dans un effort pour conserver le sens, ils peuvent
recourir à l’utilisation de mots courts dont ils connaissent
l’orthographe.
Pourquoi la plupart des personnes ayant des difficultés
en lecture présentent-elles des faiblesses d’assemblage
phonologique ? Tant les dyséidétiques que les
dysphonétiques risquent de montrer des difficultés à
utiliser les analogies afin de prononcer ou orthographier
des mots nouveaux, dans la mesure où ce processus
recourt simultanément aux deux circuits de lecture.
Lors de l’utilisation d’une analogie, le circuit inférieur
82
Apprendre au cerveau à lire
fournit des mots visuellement similaires pour aider le
circuit supérieur dans son processus de décodage. Si le
circuit inférieur ne fonctionne pas correctement, comme
c’est le cas pour les dyséidétiques, moins de mots sont
transmis au circuit supérieur. Pour les dysphonétiques,
les difficultés d’assemblage phonologiques sont plus
marquées, étant donné que le circuit supérieur joue un
plus grand rôle dans le décodage. Bien qu’on dise que les
dyséidétiques présentent un léger déficit phonologique,
celui-ci peut résulter du fait qu’ils présentent plus de
difficultés à recourir aux analogies. Il convient de faire
ici une distinction majeure : malgré de légers problèmes
d’assemblage phonologique chez les dyséidétiques, le
procédé de lecture dyséidétique n’est pas une forme
bénigne du procédé de lecture dysphonétique, mais
un procédé distinct à part entière. Étant donné que
l’assemblage phonologique fait appel aux deux circuits
de lecture, à cause des analogies visuelles, tant les
dyséidétiques que les dysphonétiques ont des difficultés
à utiliser des stratégies analytiques en raison de divers
déficits.
Au début de l’apprentissage de la lecture, le
dysphonétique est le plus facilement reconnaissable.
En effet, son circuit inférieur n’a que quelques entrées.
Par conséquent, la plupart des mots seront nouveaux
pour l’enfant et devront être lus à haute voix. Les
dysphonétiques semblent avoir des difficultés à décoder
des mots nouveaux, et préfèrent un apprentissage
direct (circuit inférieur) pour acquérir du vocabulaire
sans décomposer les mots (de manière globale). Les
dyséidétiques peuvent décoder les mots, mais ont des
difficultés à ajouter ces mots dans leur banque de mots.
À ce stade précoce de l’apprentissage de la lecture,
les dyséidétiques ont l’air tout à fait normaux, dans
la mesure où ils sont capables de décoder des mots
réguliers et qu’ils disposent de peu de vocabulaire visuel,
tout comme leurs camarades (de même niveau de lecture).
Lorsque ces lecteurs mûrissent, les dyséidétiques sont
plus reconnaissables, tandis que les dysphonétiques
semblent plus normaux. Les dyséidétiques ne parviennent
pas à développer une banque de mots qu’ils pourront
utiliser de manière rapide et efficace dans le circuit
inférieur du cerveau, et utilisent davantage le décodage
des mots pour lesquels ils n’ont pas d’accès direct.
Inversement, lorsque les dysphonétiques deviennent
des lecteurs plus expérimentés, et ce après un contact
83
Apprendre au cerveau à lire
important avec des textes imprimés, ils ont développé
des banques de données importantes et ne sont gênés
que par les mots nouveaux qu’ils n’ont encore jamais vus.
Ainsi, à un niveau de lecture avancé (quand on est capable
de lire un texte ordinaire sans trop de mots nouveaux),
les dysphonétiques ressemblent plus à des lecteurs
normaux, par rapport aux dyséidétiques qui semblent
avoir beaucoup plus de difficultés à lire.
Relation de cause à effet
Les adultes qui lisent avec aisance sont peu susceptibles
de présenter des procédés de lecture dyséidétiques ou
dysphonétiques, à moins d’être placés sous pression.
Chez les enfants, les caractéristiques dyséidétiques
et dysphonétiques peuvent changer au cours du
développement de la région du cerveau consacrée à
la lecture. Lire avec aisance nécessite que les circuits
supérieur et inférieur du cerveau soient bien intégrés et
fonctionnent ensemble. De cette manière, le lecteur peut
accéder rapidement aux mots, décoder les mots nouveaux
sans perdre de temps et utiliser des mots analogues pour
faciliter le décodage et s’autocorriger de manière efficace.
La cause interne des caractéristiques présentes chez les
dyséidétiques / dysphonétiques est la variabilité dans
la région du cerveau consacrée à la lecture. D’un point
de vue interne, il y a une différence entre la fonction
du circuit supérieur et celle du circuit inférieur. En
identifiant la variabilité (circuit supérieur ou inférieur),
on peut alors déterminer les causes possibles (Illustration
7.6) et l’intervention la plus appropriée (Illustration 7.7).
Une cause possible de la lecture dysphonétique pourrait
être une méthode globale « fondamentaliste », par laquelle
les enfants ne bénéficieraient pas d’un enseignement
explicite pour le décodage des mots. La méthode globale
fournit aux enfants un contact important avec des textes
écrits, en les immergeant dans le plaisir de la lecture.
On encourage souvent les enfants à utiliser des indices
sémantiques (contexte) pour deviner la prononciation
de mots inconnus. Bien que la plupart des enfants
apprennent à décoder de manière implicite grâce à un
contact avec les textes, le procédé de lecture global
change si on leur enseigne de cette façon. La lecture
peut se faire selon un « style chinois » si les enfants
surexploitent la méthode d’apprentissage des mots
84
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 7.6
Les causes de la variabilité de
lecture
D’où proviennent ces procédés de lecture ? Il existe de
nombreuses façons de développer des caractéristiques
propres à la lecture dyséidétique ou dysphonétique.
1 Le modèle de lecture de l’enfant change au cours de son
développement. Lorsqu’il apprend à lire, l’enfant entre dans
un stade logographique, où seul le circuit inférieur est utilisé.
L’enseignement de la méthode phonique développe le circuit
supérieur, changeant ainsi le profil de lecture de l’enfant. Par
la suite, le circuit supérieur facilite l’acquisition de nombreux
mots nouveaux qui sont alors stockés dans le circuit inférieur,
changeant à nouveau le profil de lecture.
2 Les méthodes éducatives peuvent influencer la variabilité
des procédés de lecture. Certains enfants éprouvent
des difficultés à développer leur circuit supérieur sans
enseignement explicite de la méthode phonique, ce qui crée
un procédé de lecture dysphonétique. Si seule la méthode
phonique est utilisée, il y aura très peu de contact avec les
mots en contexte, ce qui engendrera un sous-développement
du circuit inférieur ou du procédé de lecture dyséidétique.
3 L’environnement influence les procédés de lecture des
enfants. En effet, un environnement peu propice à la lecture
empêche l’enfant de développer des connexions fortes pour
les mots dans le circuit inférieur du cerveau, ce qui engendre
le procédé de lecture dyséidétique.
4 La diversité neurologique dans les circuits du cerveau
peut créer un déséquilibre, résultant en un avantage de
traitement d’un circuit sur l’autre : il y a soit une insuffisance
dans le circuit supérieur (dysphonétique), soit dans le circuit
inférieur (dyséidétique). Il peut s’avérer plus difficile de
remédier à la diversité neurologique (telle que dans le cas de
la dyslexie), néanmoins, on appliquera les mêmes méthodes
d’intervention.
85
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 7.7
Les problèmes de lecture organigramme
Les problèmes de lecture peuvent être occasionnés par
diverses causes externes, ou distales. Dans le cerveau, la
cause interne des problèmes de lecture, ou cause proximale,
se manifeste dans le circuit supérieur pour les dysphonétiques
et dans le circuit inférieur pour les dyséidétiques. Cet
organigramme décrit deux programmes d’intervention,
l’un avec une base phonologique et l’autre avec une base
orthographique. Ces deux interventions comportent un
entraînement à l’utilisation d’analogies.
86
Apprendre au cerveau à lire
par cœur dans le circuit inférieur, sans les prononcer
dans le circuit supérieur. L’enseignement selon la
méthode globale entraîne le risque que certains enfants
n’apprennent pas à décoder de façon implicite quand
leur dialecte est différent de celui de l’enseignant, leur
faisant courir un plus grand risque de développer le
procédé de lecture dysphonétique. Les enfants qui parlent
des dialectes différents peuvent être pénalisés par un
programme basé sur la méthode globale qui néglige le
décodage et les stratégies de reconnaissance des mots.
Les enfants recevant un enseignement basé sur la
méthode phonique apprennent explicitement comment
décoder les mots. L’enseignement de la méthode
phonique fournit davantage un travail au niveau des
mots qu’un contact avec des textes entiers. Pour cette
raison, le circuit supérieur se développera plus vite que
le circuit inférieur, créant ainsi un profil dyséidétique
(ou phénicien). Ce profil présente des avantages lorsque
les enfants commencent leur apprentissage, étant donné
qu’un moyen efficace de lire des mots nouveaux revient
à les décoder en utilisant le circuit supérieur. Au début
de l’apprentissage de la lecture, les enfants vont souvent
surexploiter le circuit supérieur et sous-exploiter le circuit
inférieur. À mesure qu’ils se développent et deviennent
des lecteurs indépendants, ils liront plus de textes et
leur circuit inférieur en sera renforcé. Ils devraient alors
commencer à perdre ces caractéristiques dyséidétiques.
Lors du développement de l’enfant, les capacités de
lecture sont influencées par son environnement et
son attitude envers la lecture. Par exemple, les enfants
provenant d’un milieu socio-économique défavorisé
auront plus tendance à présenter des caractéristiques
dyséidétiques, en raison du fait que le manque de
contact avec les textes écrits freine le développement du
circuit inférieur. Les étudiants qui apprennent l’anglais
comme langue seconde peuvent également présenter
des caractéristiques dyséidétiques dans la mesure
où, au début de l’acquisition de cette nouvelle langue,
leur banque de mots anglais dans le circuit inférieur
contient très peu de formes ou de prononciations de
mots. Toutefois, tout comme les enfants issus de milieux
anglophones qui apprennent à lire, les étudiants en
langues acquièrent le circuit supérieur plus rapidement
que le circuit inférieur. Développer de nombreuses
représentations dans la banque de mots du cerveau
87
Apprendre au cerveau à lire
nécessite un contact important avec des textes écrits. Les
enfants dyséidétiques issus de milieux socio-économiques
défavorisés continueront à être dyséidétiques s’ils n’ont
pas davantage de contacts avec les textes écrits. Les
choses peuvent cependant se compliquer étant donné que
beaucoup d’entre eux perdent le goût pour la lecture dès
leur plus jeune âge.
Intervention
L’approche multi-sensorielle, qui inclut un apprentissage
visuel, auditif et kinesthésique, est considérée comme
le moyen le plus efficace pour enseigner aux enfants
présentant des difficultés en lecture. Le transcodage
est le nom donné à une forme d’apprentissage multisensoriel efficace, qui vise à compenser une faiblesse
(telle que dans le module auditif) grâce au soutien d’une
force fonctionnellement efficace (telle que dans le module
visuel). Des recherches sur le transcodage audiovisuel
ont permis de déterminer qu’il s’agit d’un moyen efficace
d’augmenter les capacités du module auditif avec le
soutien du module visuel. Les mauvais lecteurs ont
souvent des difficultés à distinguer les sons. Kujula et
ses collègues (2001) ont découvert que si la distinction
des sons est enseignée avec des figures visuelles
correspondantes, le composant visuel permet au module
auditif d’apprendre. Ainsi, le module auditif rétablit des
connexions, améliorant en même temps la distinction
auditive et les capacités de lecture.
Comment peut-on utiliser le transcodage pour enseigner
à des lecteurs présentant des perturbations dans ou
entre les modules auditif et visuel ? Les dysphonétiques
semblent présenter une suractivation dans le module
auditif (Illustration 7.8). Leurs centres de traitement
auditif (chargés de manipuler les unités de son)
travaillent à plein régime, nécessitant un effort mental
et une consommation d’énergie considérables. C’est
pourquoi les dysphonétiques peuvent se fatiguer
rapidement en lisant ou en écrivant, et avoir des
difficultés à rester concentrés. Il est important de cibler
le module présentant une faiblesse afin d’augmenter
sa capacité fonctionnelle. Cet objectif est atteint par
l’enseignement aux dysphonétiques de la méthode
phonique synthétique et de la conscience phonémique,
88
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 7.8
Le transcodage du visuel à
l’auditif
Comment le transcodage est-il utilisé pour enseigner
aux dysphonétiques ? Les dysphonétiques éprouvent des
difficultés pour faire le lien entre les formes des lettres et
les phonèmes. Lors de la lecture, leur module auditif est
surchargé. L’enseignement de la conscience phonémique et
de la méthode phonique synthétique permet d’augmenter la
capacité du module auditif, pour qu’il soit moins sollicité. Le
dysphonétique peut cependant éprouver des difficultés avec
ce genre d’intervention, étant donné qu’il trouve le traitement
auditif difficile. Une alternative consiste alors à transcoder
du module fort au module faible. Le recours aux couleurs
permet aux apprenants dysphonétiques de différencier les
groupes de lettres et de sons. Les lettres amovibles, quant
à elles, permettent à l’enfant de constater les changements
résultant du retrait du son d’une lettre. La méthode phonique
analytique permet à ceux utilisant le procédé dysphonétique
d’identifier les séquences de lettres communes aux familles
de mots, et de les mettre en relation avec les sons communs
correspondants.
89
Apprendre au cerveau à lire
des aptitudes qui nécessitent un composant auditif
puissant. Malheureusement, il est fréquent que les
dysphonétiques aient des difficultés à bénéficier de cette
forme d’intervention, dans la mesure où ils trouvent la
manipulation de sons très difficile. Ils ont des difficultés
à distinguer et à manipuler les sons et deviennent vite
frustrés étant donné que ce processus nécessite un
énorme effort conscient. Cependant, les dysphonétiques
peuvent bénéficier d’un soutien visuel tel que des groupes
de sons représentés par des couleurs. Ces enfants voient
ainsi les différentes relations entre les sons. Grâce à des
lettres amovibles, ils peuvent également constater qu’en
manipulant des lettres, ils manipulent en fait des sons.
De plus, en introduisant des familles de mots, ils peuvent
prendre conscience que les mots ayant des séquences de
lettres communes ont également les mêmes sons. Tous
ces exemples impliquent un transcodage - l’utilisation
du module visuel pour assister le module auditif
(Illustration 7.9).
Illustration 7.9
Les lettres amovibles
Dans cet exemple, les lettres amovibles sont utilisées pour
enseigner le son de la voyelle du milieu. La forme de la lettre
peut être palpée, liant ainsi le kinesthésique à l’auditif. Le
code de couleur pour chaque lettre permet une distinction
implicite entre les consonnes et les voyelles. Enfin, les sons
des lettres peuvent être enseignés individuellement (méthode
phonique synthétique) et combinés (conscience phonémique)
afin de créer des familles de mots (méthode phonique
analytique).
En lisant, les dyséidétiques utilisent des stratégies
différentes de celles des dysphonétiques. La difficulté
pour les dyséidétiques est d’accéder rapidement aux
formes globales des mots. Accéder rapidement aux
mots nécessite un effort considérable pour ceux dont
le procédé de lecture est dyséidétique parce que cela
mobilise une grande partie de leur activité neurale
(Illustration 7.10). Mettre l’enfant en contact intensif avec
des textes écrits est la meilleure façon de développer les
capacités de la zone de la forme visuelle des mots. Mais
les dyséidétiques peuvent devenir réticents à la lecture,
dans la mesure où ils savent qu’ils ont des difficultés
à lire. Pour surmonter ce problème, on peut utiliser le
module auditif pour préparer l’accès visuel aux mots.
Pour ce faire, on peut utiliser la poésie ou la musique. En
effet, celles-ci établissent automatiquement un rythme
90
Apprendre au cerveau à lire
ou un tempo dans le module auditif, facilitant ainsi
l’accès aux mots. Souvent, la poésie et la musique font
usage de répétitions, ce qui permet de reconnaître les
mots immédiatement, car ils sont frais dans la mémoire
de travail. Aussi, la poésie et la musique utilisent la
rime : on peut ainsi prédire le mot sur la base de la
modalité auditive même s’il est irrégulier. Des histoires
ou de la poésie préenregistrées permettent aux enfants
d’apprendre ces mots lorsqu’ils les écoutent, tout en
suivant le texte. Les enfants peuvent écouter l’histoire
plusieurs fois pour renforcer leur connaissance des mots.
Ces méthodes sont de bons moyens de transcoder depuis
Illustration 7.10
Le transcodage de l’auditif au
visuel
Le problème de lecture chez les dyséidétiques se situe
dans le circuit inférieur, c’est-à-dire la zone d’accès aux
formes visuelles des mots, et celle des prononciations. Plus
précisément, il y a une concentration plus élevée de l’activité
cérébrale dans le module visuel, la zone de faiblesse. La
meilleure façon de développer la zone de la forme visuelle
des mots est d’augmenter le contact avec les textes écrits,
c’est-à-dire faire lire davantage les dyséidétiques. Néanmoins,
ceux-ci peuvent refuser cette contrainte étant donné qu’ils
considèrent déjà la lecture comme une tâche fastidieuse. Pour
contrer leurs difficultés, on peut utiliser des textes prévisibles,
tels que de la poésie ou des chansons, qui sont constituées de
répétitions, de rythmes, et de rimes. Dans ce cas, le module
auditif fort transcode vers le module visuel faible, fournissant
ainsi un accès plus facile aux mots.
91
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 7.11
Les livres audio
Les livres enregistrés
soutiennent un accès rapide à
la forme visuelle du mot par
une préparation basée sur la
phonologie ou le sens.
le module auditif vers le module visuel, ce qui aide les
apprenants utilisant le procédé dyséidétique à accéder
aux mots (Illustration 7.11).
Au cours de la lecture, les dysphonétiques devraient
être encouragés à utiliser des stratégies de décodage
lorsqu’ils rencontrent un mot nouveau. Dans certains cas,
le mot peut être une exception et l’enseignant devra alors
mettre l’accent sur les régularités phonologiques pour
aider l’enfant. Lors de la rédaction, les dysphonétiques
devraient être encouragés à utiliser des orthographes
inventées lorsqu’ils ne connaissent pas le mot. Ils
peuvent s’entraîner à prononcer le mot et ensuite à
écrire les lettres qui correspondent aux sons de ce mot.
Au départ, les dysphonétiques auront une orthographe
relativement mauvaise à cause de la faiblesse de leur
circuit supérieur. Cependant, à mesure que leurs banques
de mots s’étofferont, ils seront capables d’orthographier
correctement la plupart des mots par accès direct, en
utilisant le circuit inférieur.
La meilleure remédiation pour les dyséidétiques (si ce
n’est pour toutes les personnes présentant des difficultés
en lecture), est d’augmenter leur contact avec les textes
écrits. Il est donc important de trouver du matériel de
lecture qui motive et encourage l’apprenant. Lire des mots
en contexte est le moyen le plus efficace d’apprendre aux
dyséidétiques de nouveaux mots irréguliers. La lecture
soutient également la visualisation de ces mots afin que
plus tard, lorsqu’ils les orthographieront, ils puissent
avoir un accès direct via le circuit inférieur. Des indices
relatifs au contexte peuvent être utilisés pour corriger
les erreurs de régularisation lors de la lecture assistée.
D’autre part, une aide partielle peut être offerte pour les
92
Apprendre au cerveau à lire
Illustration 7.12
La boîte aux lettres et les
fiches de mots
On utilise souvent des fiches
de mots pour augmenter
le stock de représentations
orthographiques et la vitesse
de traitement.
Illustration 7.13
Les fiches analogiques
Les fiches analogiques
permettent aux enfants
de comparer les radicaux
communs entre les mots en
se basant sur le sens. Ces
jeux encouragent la discussion
sur les mots et améliorent la
connaissance du langage.
composants phonologiquement irréguliers des mots. La
lecture en contexte est importante pour les dyséidétiques,
dans la mesure où le sens soutient l’accès aux mots.
Le cerveau peut lire les mots plus rapidement en les
devinant sur la base du contexte de la phrase et du fil
de l’histoire. D’après la syntaxe, il peut deviner la classe
des mots, par exemple un nom ou un adjectif, parce que,
sans le mot approprié, la phrase n’a aucun sens. Tous ces
procédés soutiennent une aptitude à accéder directement
aux formes des mots entiers. Plus on lit des mots en
contexte, plus vite et plus facilement on y accèdera
depuis la banque de mots du cerveau. Les dyséidétiques
éprouvent des difficultés avec l’orthographe car leur
« appareil à photographier les mots » ne fonctionne pas
correctement. Les dyséidétiques doivent apprendre
directement l’orthographe des mots irréguliers, peutêtre avec un soutien partiel du décodage. On utilise
fréquemment des fiches de mots pour les dyséidétiques
dans le but d’enrichir leur stock de représentations
orthographiques. On peut utiliser différentes fiches
de mots au niveau du mot entier, y compris la
reconnaissance image / mot, et les noms irréguliers
(Illustration 7.12). On utilise également des moyens
mnémotechniques pour enseigner les orthographes
irrégulières (par exemple, « Le ‘a’ de château prend un
accent circonflexe parce que le château a un toit, alors
que le ‘a’ de chapeau ne prend pas d’accent circonflexe
parce que le chapeau est un toit »).
Dans le même esprit, on peut introduire des dérivés
latins et grecs. Les préfixes, suffixes et radicaux sont
faciles d’un point de vue phonologique, étant donné
qu’ils sont généralement monosyllabiques. Comprendre
leurs sens fournit des indices additionnels lors de la
lecture, de l’orthographe et de l’écriture (Illustration
7.13). La connaissance morphémique est très utile, tant
pour les lecteurs dyséidétiques que pour les lecteurs
dysphonétiques.
Résumé
Les personnes présentant des difficultés en lecture
se regroupent en deux catégories bien distinctes: les
dyséidétiques, qui ont du mal à accéder aux mots, et
les dysphonétiques, qui ont du mal à les prononcer. Le
93
Apprendre au cerveau à lire
procédé de lecture dyséidétique résulte d’un déséquilibre
qui favorise le circuit supérieur, tandis que le procédé
de lecture dysphonétique résulte d’un déséquilibre qui
favorise le circuit inférieur. Les interventions devraient
inclure des remédiations qui ciblent le circuit dans lequel
se situe la faiblesse, tout autant que le développement
de liens entre les circuits pour créer un échafaudage.
Dans le circuit dans lequel se situe la faiblesse, il faut
chercher des façons d’aider le module fort à soutenir le
module faible. Cette technique efficace porte le nom de
transcodage et devrait être encouragée par le biais des
modalités auditive, visuelle et kinesthésique.
La méthode mixte implique trois techniques qui peuvent
être utilisées pour lire un mot inconnu :
1Prédire la prononciation du mot en se basant sur
un mot qui pourrait convenir dans la phrase (circuit
inférieur).
2 Décoder la relation lettre / son en prononçant le mot
(circuit supérieur).
3 Analyser la relation lettre / son du mot à partir
d’analogies visuelles (les circuits supérieur et inférieur
fonctionnent ensemble).
Toutes ces stratégies devraient être encouragées lors des
interventions visant la lecture.
94
Apprendre au cerveau à lire
8
Conclusion
Tout modèle de lecture doit pouvoir expliquer comment
le processus de lecture est représenté dans le cerveau.
Il doit aussi pouvoir expliquer les différents problèmes
de lecture rencontrés dans une salle de classe, et être
testé dans différents domaines et fournir des conseils
réels et pratiques aux enseignants et aux parents sur
les meilleures méthodes pour enseigner la lecture.
Traditionnellement, la région du cerveau consacrée à la
lecture a été considérée comme une boîte noire où les
mots sont insérés et d’où la prononciation est extirpée.
Toutefois, cette conceptualisation ne donne que très peu
d’informations sur la façon dont le système fonctionne et
sur les facteurs responsables des différences individuelles
observées chez les enfants qui apprennent à lire.
Nombre de méthodes pour apprendre à lire dans
différents domaines ont été présentées dans cet
ouvrage. Une grande partie de ces recherches vient de
l’enseignement et de la psychologie. Travailler avec des
enfants donne un aperçu des différences individuelles
et des techniques d’enseignement qui conviennent.
Cependant, cela ne suffit pas, étant donné que certaines
questions restent sans réponse. Aussi, les théories sur la
lecture et les modèles de développement ont été inclus, ce
qui permet à la région du cerveau consacrée à la lecture
d’être considérée comme une machine fonctionnelle. La
psychologie évolutionniste a été utilisée pour expliquer
d’où proviennent cette machine ainsi que les différentes
spécialisations développées dans le cerveau pour lire.
Enfin, et plus important encore, l’imagerie cérébrale
fonctionnelle fournit la pièce manquante du puzzle étant
donné qu’elle permet de suivre de près la région du
cerveau consacrée à la lecture lors du développement et
de l’apprentissage. La variabilité des procédés de lecture
observée dans une classe est le résultat de différentes
connexions nerveuses au sein du cerveau lui-même.
L’utilisation du cerveau pour lire est un phénomène
récent : il a moins de 4000 ans. Le cerveau n’étant pas
conçu pour la lecture, celle-ci est prise en charge par
des systèmes cérébraux, bien plus anciens que la lecture
elle-même. Le système le plus ancien impliqué dans la
95
Apprendre au cerveau à lire
lecture est le module visuel, et c’est là que sont reconnus
les mots et les lettres. L’autre module utilisé lors de la
lecture est le module auditif à l’avant du cerveau. En liant
le visuel à l’auditif, le circuit inférieur permet un accès
direct aux prononciations depuis la forme globale des
mots, et ensuite un accès à la signification. C’est ça la
lecture ! Néanmoins le cerveau dispose également d’un
mécanisme de décodage des mots inconnus. Grâce à une
même direction du visuel à l’auditif, le circuit supérieur
permet de lier les lettres individuelles à des sons dans
le but d’obtenir la prononciation la plus probable. En
orthographiant un mot, on utilise les mêmes mécanismes,
mais dans le sens inverse, allant du module auditif au
module visuel. Ainsi, pour orthographier un mot connu, le
circuit inférieur va de la prononciation à la forme globale
du mot. En revanche, pour encoder un mot inconnu dans
le but de deviner l’orthographe la plus probable, le circuit
supérieur va du phonème aux lettres correspondantes.
C’est l’architecture neurologique de base du cerveau lettré
pour la lecture et l’orthographe.
Lorsqu’il s’agit d’enseigner la lecture, il existe différentes
méthodes d’apprentissage qui visent différents
composants du cerveau. Plutôt que de débattre des
avantages d’une méthode par rapport à une autre,
toutes les méthodes peuvent être introduites de manière
synergique pour permettre le développement du cerveau
lecteur en tant que système unifié. On y parvient grâce
à la méthode mixte, qui consiste à enseigner la méthode
phonique synthétique, la méthode phonique analytique
et la méthode globale (Illustrations 8.1 et 8.2). Il faut lire,
écrire, et orthographier le plus possible pour renforcer
la multidirectionnalité et une connectivité efficace.
Une classe comporte de nombreux cerveaux différents.
Certains enfants lisent très bien, tandis que d’autres
ont plus de difficultés. Même le premier jour d’école,
au début de l’enseignement de la lecture, le cerveau de
certains d’entre eux bénéficiera déjà d’un avantage, tandis
que d’autres seront désavantagés, indépendamment
de tout effort. Il convient alors de créer une certaine
structure pour répondre aux besoins de tous ces cerveaux
différents lors des leçons de lecture. Les questions et
explications s’adressent aux besoins spécifiques des
enfants. Les techniques multi-sensorielles facilitent
l’apprentissage chez ceux qui ont plus de difficultés,
puisqu’elles permettent d’établir des connexions entre les
96
Apprendre au cerveau à lire
modules auditif et visuel. Etant donné que la lecture est
un processus artificiel, l’approche multi-sensorielle peut
s’appliquer à tout apprenant.
Il existe des causes multiples aux difficultés de lecture.
Pour découvrir ces causes, les enseignants peuvent
considérer l’histoire de l’enfant et l’environnement
dans lequel celui-ci a fait ses débuts d’apprentissage. La
dyslexie n’est qu’une des causes possibles des difficultés
de lecture. En effet, cette compétence repose sur une
combinaison de facteurs génétiques et environnementaux.
Illustration 8.1
Les modules du langage
Deux modules du cerveau ont besoin d’être stimulés : le
module auditif à l’avant du cerveau et le module visuel à
l’arrière du cerveau. Après avoir pris conscience, dans le
module auditif, que les mots prononcés sont constitués
de plus petites unités de son, le cerveau a développé la
conscience phonémique. Après avoir pris conscience, dans le
module visuel, que les mots sont faits de lettres, le cerveau a
développé la conscience graphémique.
97
Apprendre au cerveau à lire
Dans le cas d’une dyslexie développementale, on
considère qu’il y a eu une perturbation d’origine
génétique dans l’hémisphère gauche, qui a entraîné des
déconnexions entre les modules auditif et visuel, et de ce
fait, rendu l’acquisition de la lecture difficile. Cependant,
il existe certaines personnes présentant des faiblesses
de lecture car elles n’ont pas reçu un enseignement ou
un contact suffisant avec les textes écrits. Elles aussi ont
besoin d’une intervention urgente.
Illustration 8.2
Modèle de la méthode mixte
On peut construire les circuits de lecture entre ces deux
modules sur la base suivante. La méthode phonique
synthétique relie l’identification de la forme des lettres aux
phonèmes, la méthode globale relie le sous-composant de
reconnaissance de la forme du mot à la prononciation, et la
méthode phonique analytique utilise des mots connus pour
décoder des mots nouveaux en procédant par analogie.
98
Apprendre au cerveau à lire
Si l’on considère les procédés de lecture, il est aujourd’hui
possible d’examiner l’intérieur du cerveau afin d’observer
les interactions entre les différents modules et circuits.
Il ne s’agit plus ici de faire le compte des problèmes de
lecture passés, mais bien de jeter un regard dynamique
sur ce que fait réellement le cerveau. Le procédé de
lecture est utilisé pour adapter l’intervention. On a
identifié deux procédés de problèmes de lecture à
l’intérieur du cerveau. Les dysphonétiques qui font
davantage usage du circuit inférieur lors de la lecture,
et qui, de ce fait, éprouvent des difficultés pour décoder
les mots, et les dyséidétiques, qui font davantage usage
de leur circuit supérieur lors de la lecture, et de ce fait,
éprouvent des difficultés pour accéder aux formes
globales des mots. Les tests de lecture, ou même les
seuls tests d’assemblage phonologique, ne mesurent
pas les capacités des circuits de lecture individuels mais
des phénomènes plus larges dans tout le système de
lecture. Ainsi, ils parviennent rarement à différencier
les deux groupes. En surveillant de près les stratégies
et les erreurs d’un enfant lors de la lecture assistée, on
peut mieux comprendre les différences entre les forces
et les faiblesses de ses circuits de lecture. Les fautes
d’orthographe des enfants peuvent aussi être analysées
pour montrer les capacités du circuit supérieur, telles
qu’on peut les observer grâce à des fautes exactes d’un
point de vue phonologique. Ceci fournit un aperçu de la
façon dont les deux circuits travaillent simultanément.
Une fois que l’on a créé un profil du procédé de lecture,
on peut procéder à une intervention visant les faiblesses,
étant donné que ce sont les capacités de ces zones de
faiblesse que l’on veut améliorer. Dans la mesure où
remédier aux difficultés de lecture d’un enfant est un
processus qui exige une grande consommation d’énergie
et de nombreux efforts, il n’est pas rare que les résultats
de l’intervention soient faibles et décevants. Une
alternative possible est de cibler la zone de faiblesse par
le biais d’un module fort. L’utilisation du transcodage
implique de relier différents modules d’apprentissage
(auditif, visuel ou kinesthésique) pour soutenir la zone
de faiblesse. Dans le même temps, un soutien continu est
dirigé vers les forces dans le cadre de la méthode mixte.
De plus, il faudrait immerger les enfants le plus possible
dans la lecture afin qu’ils puissent exercer leurs nouvelles
aptitudes dans une vraie lecture contextuelle.
99
Apprendre au cerveau à lire
Le but de l’apprentissage de la lecture est la fluence. Il
en résulte un fonctionnement automatique précis, qui
ne fait pas perdre inutilement de l’énergie. En tant que
bon lecteur, la plus grande partie de nos ressources
mentales s’occupe de suivre et d’apprécier le sens d’un
texte. Nous accédons aux mots inconsciemment dans
leur forme globale, jusqu’à ce que nous rencontrions un
mot rare ou inconnu. C’est alors que nous enclenchons
les mécanismes de prononciation pour décoder le mot.
En même temps, l’information ne cesse de circuler entre
les modules visuel et auditif pour tenter de retrouver
inconsciemment le mot dans la mémoire à long terme.
Lire aisément est un processus autodidacte. Les lecteurs
matures et les bons lecteurs peuvent lire n’importe
quel texte sans aide et peuvent décoder tous les mots
nouveaux et les ajouter à la banque de mots du cerveau.
Ceci constitue le but ultime des enseignants : développer
un système de lecture intelligent pour que tous les
étudiants deviennent de bons lecteurs capables de lire par
eux-mêmes.
100
Apprendre au cerveau à lire
Glossaire
Accès direct : lorsqu’on accède directement à la banque
de mots du cerveau à partir d’une entrée visuelle. À ce
moment, le sens et la prononciation sont accessibles
(processus de lecture du circuit inférieur).
Analogie : relier un élément connu à un élément nouveau.
Dans le cadre de la lecture et de l’orthographe, il
s’agit d’utiliser la connaissance d’un mot pour lire
et orthographier d’autres mots, par ex. chien = /ch/
comme dans « cheval » et /ien/ comme dans « bien ».
Antonyme : mot de sens contraire à un autre. Par exemple,
« proche » est le contraire de « lointain ».
Apprentissage implicite : apprendre une chose sans avoir
conscience de l’apprendre.
Apprentissage multi-sensoriel : méthode d’apprentissage
qui se concentre sur la mobilisation des différents
sens : auditif, visuel et kinesthésique.
Assemblage : fait d’assembler des sons, par ex. assembler
l/a/k pour faire « lac ».
Assemblage phonologique : processus par lequel les mots
peuvent être formés ou manipulés sur la base de leurs
relations lettres/sons.
Asymétrique : lorsqu’un côté est plus grand que l’autre
côté, par ex. le cerveau humain présente une asymétrie
en faveur de l’hémisphère gauche, c’est-à-dire que la
partie gauche du cerveau est plus grosse que la partie
droite.
Attaque : consonne ou groupe de consonnes initiales
d’une syllabe, par ex. b-ol, cl-é.
Circuits de lecture : deux circuits de l’hémisphère gauche
qui vont du module visuel à l’arrière du cerveau
au module auditif à l’avant du cerveau. Tandis que
le circuit supérieur, plus lent, évalue quelle sera la
prononciation la plus probable d’un mot inconnu, le
circuit inférieur, plus rapide, fournit un accès direct à
la forme globale d’un mot connu.
Circuit inférieur : voie centrale allant du module visuel
à l’arrière du cerveau au module auditif à l’avant du
cerveau. Le circuit inférieur est chargé d’accéder aux
formes globales des mots (accès direct). Il est également
utilisé en orthographe pour accéder aux propriétés
orthographiques d’un mot connu (rappel direct).
101
Apprendre au cerveau à lire
Circuit supérieur : voie dorsale allant du module visuel
au module auditif. Le circuit supérieur est chargé
d’évaluer les relations lettre/son pour la prononciation
de mots inconnus (décodage). Il est également utilisé en
orthographe pour évaluer la relation son/lettre la plus
probable d’un mot inconnu (encodage).
Connexionnisme : discipline qui considère le cerveau
comme un réseau complexe de neurones qui forme un
système d’apprentissage.
Conscience phonémique : conscience que les mots sont
formés de petites unités de son, appelées « phonèmes ».
Capacité à manipuler et entendre de manière
consciente les phonèmes individuels dans les mots.
Conscience phonologique : conscience des différents
sons de la parole tels que les rimes, les syllabes et les
phonèmes individuels.
Constellation des « dys » : ensemble des difficultés
d’apprentissage associées.
Conversion graphèmes - phonèmes : estimation de la
prononciation d’un mot (allant des lettres aux sons).
Corps calleux : faisceau de fibres nerveuses qui connecte
les hémisphères gauche et droit du cerveau.
Correspondance : fait de comparer les sons de deux mots,
par exemple, « col » et « cage » commencent-ils par le
même son ?
CVC : modèle orthographique qui se rapporte à la
séquence de lettres consonne-voyelle-consonne. Par
exemple, l/a/c.
Décalage dans les sous-tests de QI : méthode pour
diagnostiquer la dyslexie développementale en se
basant sur un décalage entre les sous-tests des tests
d’intelligence. Ainsi, un individu peut par exemple
présenter de bons résultats dans les tests de blocs de
couleur et une mauvaise moyenne pour le décodage.
Décodage : conversion des lettres en sons (processus de
lecture du circuit supérieur).
Distinction auditive : aptitude à distinguer différents sons
entre eux.
Dyscalculie : trouble qui affecte la capacité à acquérir des
compétences arithmétiques. Les personnes atteintes
de dyscalculie peuvent éprouver des difficultés à lire
l’heure, à calculer ou à mesurer.
102
Apprendre au cerveau à lire
Dyséidétique : type de lecteur qui éprouve des difficultés
à percevoir les configurations globales des mots.
Dysgraphie : trouble qui affecte la capacité à apprendre à
écrire. Les personnes atteintes de dysgraphie ont une
mauvaise coordination motrice, en particulier en ce qui
concerne la formation des lettres.
Dyslexie : trouble marqué par des difficultés importantes
en lecture et en orthographe.
Dyslexie acquise : lorsqu’une personne a perdu la capacité
de lire, à la suite d’une lésion cérébrale.
Dyslexie de surface : type de dyslexie où le mécanisme
d’accès aux mots semble déficient (circuit inférieur),
alors que le mécanisme de décodage reste intact
(circuit supérieur).
Dyslexie développementale : trouble génétique caractérisé
par des difficultés à lire et à orthographier, malgré un
enseignement et une intelligence adéquats.
Dyslexie phonologique : type de dyslexie où le mécanisme
de prononciation semble déficient (circuit supérieur),
alors que le mécanisme d’accès aux mots reste intact
(circuit inférieur).
Dysorthographie : trouble qui affecte l’acquisition de
capacités orthographiques. Les dysorthographiques ont
des difficultés à se rappeler des mots en utilisant la
mémoire visuelle.
Dysphasie : trouble qui affecte le développement du
langage oral. Les personnes atteintes de dysphasie
peuvent éprouver des difficultés à trouver les bons
mots pour s’exprimer.
Dysphonétique : type de lecteur qui éprouve des
difficultés à convertir les graphèmes en phonèmes ou à
prononcer des mots.
Dyspraxie : trouble qui affecte l’apprentissage moteur
et l’équilibre. Les personnes atteintes de dyspraxie
présentent des difficultés de coordination en général et
de coordination visuelle et/ou motrice en particulier.
Echafaudage : soutien temporaire offert aux enfants par
les enseignants pour permettre une lecture autonome
plus tard.
Ectopie : petit faisceau de cellules nerveuses qui perturbe
le processus de migration des cellules au cours du
troisième trimestre de grossesse.
103
Apprendre au cerveau à lire
Effet de génération : amélioration de l’apprentissage
(mémoire) par la création personnelle (apprendre par la
pratique).
Effet Mathieu : lorsque les mauvais lecteurs ont moins
de pratique de la lecture à cause de leur manque de
confiance ou de motivation.
Efficacité de lecture : fait référence au fait qu’on peut être
bon en lecture.
Electro-encéphalographie (EEG) : méthode utilisée pour
mesurer les configurations d’activité cérébrale à l’aide
d’électrodes placés sur le cuir chevelu.
Encodage : conversion des sons en lettres (processus
d’orthographe du circuit supérieur).
Familles de mots : ensembles de mots qui contiennent des
propriétés analogues, par ex. « bol », « col » et « sol »
forment une famille de mots avec la rime –ol.
Fautes d’orthographe phonologiquement correctes : fautes
d’orthographe qui suivent les règles des relations
lettre/son.
Fautes d’orthographe phonologiquement incorrectes :
fautes d’orthographe qui ne suivent pas les règles des
relations lettre/son.
Fluence : fait de maîtriser la lecture. Lire sans difficultés
et sans effort.
Fluence verbale : nombre de mots qu’un enfant connaît et
utilise en s’exprimant oralement.
Goût pour le défi : aimer maîtriser ou comprendre des
idées complexes dans un texte.
Graphème : représentation écrite d’un son, qui peut être
composé d’une ou de plusieurs lettres.
Homonymes : mots qui ont la même prononciation mais
un sens différent, par ex. ver et vert.
Imagerie pas résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) :
technique qui permet de mesurer les configurations
d’activation cérébrale en plaçant le cerveau dans un
large champ magnétique.
Inclusion : fait de créer des environnements comprenant
tous les types de lecteurs.
Intervention : programme créé dans le but de modifier les
stratégies de lecture.
104
Apprendre au cerveau à lire
Ipsilatéral : le cortex visuel droit du cerveau est ipsilatéral
au cortex visuel gauche du cerveau, c’est-à-dire qu’il
se trouve dans la même zone du cerveau, mais dans
l’autre hémisphère.
Isoler: se concentrer sur un son dans un mot, par
exemple, quel est le premier, le second et le dernier son
dans « sac » ?
Kinesthésique : mode d’apprentissage qui utilise le
toucher et le mouvement.
Lecteur présentant des faiblesses en lecture : lecteur qui
a des circuits de lecture sous-développés en raison
d’un enseignement insuffisant ou d’un retard du
développement.
Lecteurs précoces : enfants présentant un développement
prématuré de leurs circuits de lecture.
Lecture assistée : enseignement de la lecture en petits
groupes où les lecteurs sont regroupés selon leur
capacité de lecture. L’enseignant décide de l’objectif
de la lecture et travaille de manière intensive
avec le groupe pour aider à la lecture d’un texte
soigneusement choisi.
Lecture autonome : fournir des textes d’un niveau
approprié que l’enfant peut lire seul, sans l’aide de
l’enseignant.
Lecture chinoise : style de lecture où les mots sont appris
directement par cœur.
Lecture contrainte : lorsqu’un élève lit en vue de répondre
à des objectifs ou des exigences extérieurs.
Lecture en groupe : l’enseignant guide le processus
de lecture en lisant aux élèves. Le texte peut avoir
un niveau trop élevé pour être lu individuellement.
Les élèves se joignent à la lecture et sont ensuite
encouragés à relire le texte entier ou des parties de
celui-ci.
Lecture phénicienne : style de lecture où les mots sont lus
lettre par lettre ou prononcés son par son.
Lecture pour être reconnu : lorsque l’apprenant prend
plaisir à recevoir une forme tangible de reconnaissance
quand il réussit à lire quelque chose.
Lecture spontanée : lorsque l’apprenant désire lire des
documents relatifs à un certain sujet dans le but
d’enrichir sa connaissance.
105
Apprendre au cerveau à lire
Lexicalisation : processus de stockage d’un mot dans la
banque de mots du cerveau (comme prendre un rapide
cliché d’un mot nouveau).
Méthode globale : technique d’enseignement de nouveaux
mots dans le contexte de la lecture réelle. L’accent est
mis sur le sens, la syntaxe et le vocabulaire dans sa
globalité.
Méthode mixte : méthode d’apprentissage de la lecture qui
utilise autant la méthode phonique synthétique que la
méthode phonique analytique et la méthode globale.
Méthode phonique : méthode éducative systématique pour
l’enseignement des relations lettres/sons.
Méthode phonique analytique : méthode qui apprend
aux enfants comment décoder de nouveaux mots en
découpant ceux qu’ils connaissent déjà et en trouvant
des caractéristiques similaires.
Méthode phonique synthétique : méthode éducative qui
enseigne explicitement les 34 phonèmes de la langue
française et leurs graphèmes correspondants.
Microscopique : se dit d’un élément que l’on ne peut
apercevoir qu’au microscope.
Milliseconde (msec) : un millième de seconde.
Mnémotechnique : méthode qui consiste à aider la
mémoire à apprendre l’orthographe particulière d’un
mot, par exemple « nourrir » prend deux « r » parce
qu’on se nourrit plusieurs fois, alors que « mourir »
prend un seul « r » parce qu’on ne meurt qu’une fois.
Modalité : qui se rapporte à un mode sensoriel, par ex. les
modalités visuelle, auditive et kinesthésique.
Module : unité indépendante dans le cerveau spécialisée
dans un type particulier de traitement ou d’analyse, tel
que le module visuel ou auditif.
Module auditif : centre de traitement à l’avant du cerveau
qui gère la prononciation et les phonèmes.
Module visuel : centre de traitement à l’arrière du cerveau
qui gère les formes globales des mots.
Monosyllabique : qui ne contient qu’une syllabe.
Morphème : plus petite unité de sens. Les préfixes et les
suffixes sont des morphèmes.
106
Apprendre au cerveau à lire
Mots appris globalement: mots fréquents qui sont
appris directement. Ces mots sont souvent des liens
fonctionnels (par ex. « ou », « le », « que ») qui n’ont pas
de simple lien sémantique ou qui sont irréguliers, et
qui manquent de transparence phonologique.
Mots fréquents : mots les plus souvent vus et utilisés,
par ex. « venir », « aller », « en haut », « regarder ». Cette
catégorie inclut également des liens fonctionnels tels
que « le », « la », « et », etc.
Mots irréguliers : mots qui ne suivent pas les relations
lettre/son du français, parfois appelés « exceptions ».
Mots peu fréquents : mots que l’on ne voit pas souvent ou
que l’on utilise peu.
Orthographe inventée : lorsque les enfants inventent
l’orthographe d’un mot qu’ils ne connaissent pas en
se basant sur les relations son/lettre, ce qui produit
souvent des fautes d’orthographe phonologiquement
correctes.
Palindrome : mot ou phrase se lisant de la même façon de
gauche à droite ou de droite à gauche, par ex. « kayak ».
Polysyllabe : mot qui contient plus d’une syllabe.
Prévention : développer dès le début de l’enseignement
des programmes de lecture inclusifs afin d’effacer ou
d’atténuer les difficultés de lecture.
Principe de l’alphabet : apprentissage de la forme et du
nom des lettres de l’alphabet.
Procédés de lecture : comportement observé chez
un lecteur en ce qui concerne les capacités de
prononciation (circuit supérieur) et d’accès aux mots
(circuit inférieur).
Rappel direct : moyen d’accéder directement à la banque
de mots du cerveau à partir de la prononciation de la
forme visuelle d’un mot (processus orthographique du
circuit inférieur).
Recherche comportementale : recherche qui implique
l’évaluation du comportement et ne tient pas compte
du processus de traitement du cerveau.
Remédiation : programmes créés dans le but d’aider les
enfants qui lisent lentement ou qui ont des difficultés à
apprendre à lire.
Résolution spatiale : fait de savoir exactement l’endroit du
cerveau où s’opère un changement.
107
Apprendre au cerveau à lire
Résolution temporelle : fait de savoir exactement quand
se produit un changement dans le cerveau.
Retard du développement : lorsque le développement
cognitif est plus lent que la normale.
Rime : unité de son composée de la voyelle et de toute
consonne qui suit dans une syllabe par ex. –ol dans
« bol », « sol », …
Rimer : un mot rime avec un autre quand ils ont tous
les deux la même rime dans la syllabe finale, par ex.
« bloc » et « roc ».
Segmentation : séparation des sons dans un mot, par ex.
quels sont les différents sons dans « lac » ?
Sémantique : relatif au sens dans le langage.
Sémantiquement incongru : se dit d’un énoncé qui n’a pas
de sens, par ex. « elle a bu un grand verre d’ongles ».
« Ongles » est le terme incongru d’un point de vue
sémantique.
Séquences non porteuses de sens : séquences de lettres
(qui ne se trouvent pas dans le dictionnaire mais qui
peuvent être lues) utilisées pour tester la façon dont
les enfants s’y prennent pour prononcer de nouveaux
items, appelés parfois non-mots.
Stade logographique : un des premiers stades du
développement de la lecture consistant à mémoriser les
mots selon leurs propriétés visuelles globales.
Stimulation magnétique transcrânienne (SMT) : technique
d’imagerie cérébrale où le cortex est temporairement
perturbé par la stimulation magnétique.
Substitution : fait de remplacer un son par un autre dans
un mot, par ex. changer le premier son dans « col » par
le son /b/.
Suffixe : lettre ou groupe de lettres que l’on peut
ajouter en fin de mot et qui en modifie légèrement la
signification.
Suppression : fait d’enlever un son dans un mot, par
exemple « prions » sans le son /p/.
Syllabe : partie d’un mot qui ne contient qu’une seule
voyelle et est prononcée en tant qu’une unité, par ex.
« canal » a deux syllabes, « lac » n’en a qu’une.
Symétrique : structure dont les parties sont égales en
forme et en taille.
108
Apprendre au cerveau à lire
Synonymes : mots qui ont le même sens ou un sens
proche, par ex. un synonyme de « joyeux » est « gai ».
Transcodage : forme d’apprentissage multi-sensoriel où
un module de faiblesse est compensé par un module de
force, par ex. enseigner la distinction auditive (module
auditif) à l’aide de lettres de couleur (module visuel).
Transcodage audiovisuel : enseignement des capacités
auditives à l’aide du module visuel.
Validité statistique : fait de savoir si une chose est
statistiquement valable. Il s’agit aussi de savoir si cette
chose mesure ce qu’elle est censée mesurer, par ex. la
variable latente.
Variabilité de lecture : ensemble des différences
individuelles dans les procédés de lecture.
Variable latente : variable sous-jacente que l’on veut
mesurer.
Voyelles variables : voyelles qui produisent deux sons
différents, par ex. /an/ dans « chanter » et « canard » et
/en/ dans « chien » et « enfant ».
Zone des formes visuelles des mots : zone à l’arrière du
cerveau qui stocke des formes globales des mots.
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