1 Contribution de la diaspora palestinienne à l'économie des Territoires : investissement et philanthropie Article publié in Maghreb-Machrek, (Paris : Documentation Française) no 161 novembre 1998 Sari Hanafi CEDEJ/Le Caire [email protected] Résumé Cet article propose un modèle économique pour estimer l'apport des Palestiniens de l'extérieur dans les Territoires palestiniens en terme d'investissements, d'aide familiale et d'actions caritatives. Cette contribution s'élève à 410.211 millions $ en 1997 (dont 76% d'investissements), chiffre qui correspond à l'aide internationale pour les Territoires palestiniens. Cet apport, bien que relativement modeste, n'en constitue donc pas moins l'une des sources principales de l'économie palestinienne. ----------------------------------------------------------------------------------------------- Avec le processus de paix, pourraient se rétablir des liens économiques, régionaux et internationaux interrompus par une longue période de belligérance. Déjà partiellement reliées à leur communauté d’origine, les diasporas contribueront à façonner la géographie et les contenus des réseaux économiques de demain. Destiné à éclairer l’histoire récente aussi bien que la réflexion prospective, le programme de recherche "L'économie palestinienne dispersée", lancé par le Centre d'études et de documentation économique, juridique et sociale au Caire (CEDEJ) vise à mener des enquêtes empiriques auprès d'hommes d'affaires palestiniens, afin notamment d'étudier les relations entre diaspora et centre. Quelque 600 entretiens ont donc été réalisés ces trois dernières années essentiellement entre la Jordanie, les Emirats Arabes Unies, l'Egypte, la Syrie, Israël, le Liban, les Etats-Unis, le Canada, le Chili, l'Angleterre et l'Australie1. Cet article propose une estimation approximative pour l'apport des Palestiniens de l'extérieur dans les Territoires palestiniens en terme d'investissements, d'aide familiale et d'actions caritatives. Il veut démontrer que cet apport, bien que relativement modeste, n'en constitue pas moins l'une des sources principales de l'économie palestinienne. L'importance de la diaspora ne se limite pas à ses seuls moyens financiers, mais inclut une compétence scientifique et un savoir-faire technique. Cependant cet article n'aborde qu'indirectement 1 - En relation avec la problématique de la recherche, l'"homme d'affaires" a été considéré comme celui qui possède ou dirige une ou plusieurs entreprise(s), de taille moyenne au moins, dans le secteur privé ou public, et qui tend à la développer. Ainsi, un homme d’affaires n’est pas seulement celui qui possède les capitaux, mais aussi celui qui a un pouvoir de décision dans l’entreprise. Toute personne indépendante n'est pas systématiquement considérée comme un homme d'affaires : un épicier ne l'est pas, sauf si le cumul de ses activités économiques lui confère une certaine importance. Sur le problème de la définition, cf. Sari Hanafi, (1997: 9-12). Pour avoir une idée sur le profile de ses hommes d'affaires cf. Sari Hanafi, (1998a) 1 2 cette question. Enfin une comparaison avec l'action des diasporas chinoise et juive en Chine et en Israël se révèle particulièrement fructueuse. Parmi les nombreuses études sur les Palestiniens de l'extérieur, identifiés comme réfugiés, expatriés et/ou diaspora 2 , peu ont abordé les relations entre ceux-ci et les Territoires palestiniens. Le débat s'est limité à des généralités, des souhaits, des sentiments et de l'idéologie. I. Les investissements de la diaspora La distinction entre investissements et dons vise simplement à faciliter leurs estimations en volume. Cependant, certaines actions philanthropiques peuvent engendrer des activités économiques. Il est très difficile d'évaluer le volume des investissements de la diaspora en utilisant les résultats de mes seules enquêtes sur les hommes d'affaires. J'ai aussi utilisé les statistiques du ministère de l'Economie et du Commerce, également celles du Bureau central palestinien des statistiques (PCBS) 3 . Cependant la viabilité et l'éligibilité des statistiques, pour mon analyse, sont problématiques pour les raisons suivantes : - Les données concernent les sociétés qui ont demandé à être bénéficiaires de la loi sur les investissements 4 . Ceux-ci vont être appelés dans cet article Les grands projets d'investissement pour les distinguer de petits projets de construction. - Les statistiques ont considéré l'investisseur local, celui qui a une carte d'identité palestinienne (ou israélienne), même s'il passe la majorité de son temps à l'extérieur. - Selon le standard international, la branche ou la filiale d'une entreprise étrangère dans les Territoires palestiniens est considérée comme locale, comme c'est le cas pour Palestine Development and Investment Co. (PADICO), dont le siège est à Amman. - A partir de mes enquêtes, j'ai pu vérifier que le capital déclaré d'une société est quelquefois au-dessous de la réalité pour des raisons fiscales; ou bien, ses sources ne sont pas définies, ce qui fait que cette société se considère comme locale. - Il n'y a pas une distinction entre les investisseurs étrangers et ceux d'origine palestinienne (foreigner national). Cependant, il est très probable que ces derniers constituent la majorité écrasante. Avec ces considérations, les investissements de la diaspora ont été calculés de la façon suivante. 2 - L'utilisation ici du terme diaspora pour le cas palestinien revêt un sens figuratif plus que propre. Ce terme n'exclut pas les réfugiés palestiniens. Etre diasporisé est un rapport à la société d'accueil et non pas à la condition du déplacement du migrant. cf. Sari Hanafi, (1998b) 3 - En Territoires palestiniens, les aléas statistiques sont nombreux, les données relatives à un phénomène précis peuvent varier selon la source. Le lecteur est invité d'en prendre précaution. 4 - Une des lois les plus libérales dans le Moyen-Orient, elle a été promulguée en 30 avril 1995 mais ratifié par le Conseil législatif en mai 1998. Sous condition de l'approbation préalable du Ministère de l'Economie et du Commerce, les investisseurs sont exceptés d'impôts pendant une période entre 5 ans et 15 ans, selon la nature du projet, et autorisé à importer leurs équipements et leurs matériaux dispensés des taxes de douane. 2 3 Les grands projets d'investissement Le capital direct investi dans les nouvelles entreprises ou pour étendre celles déjà existantes se révèle moins important que prévu par la Banque Mondiale au lendemain des Accords d'Oslo. Selon les statistiques du Ministère de l'Economie et du Commerce à Gaza et en Cisjordanie, il se monte à 48.6 millions $ en 1994, 62.5 millions $ en 1995, 1207. millions $ en 1996, et 81.7 millions $ en 1997. Cela constitue un petit pourcentage du Produit Intérieur Brut (PIB) respectivement : 1.6%, 1.7 %, 3.1% et 2%, alors que dans la plupart des pays arabes ce pourcentage s'élève à 15%. (Voir tableau 1) La répartition des investissements entre diaspora et locaux Les statistiques du ministère de l'Economie et du Commerce fournissant une répartition des projets entre locaux et étrangers sont très aléatoires, ce qui nous interdit de les utiliser. Cependant, Jamil Harara, Secretaire général du Haut comité d'investissements à Gaza, a estimé que 90% des capitaux d'investissements proviennent des Palestiniens de la diaspora5. Même déclaration m'a été faite par le directeur du Département d'investissements au Ministère, sans préciser le pourcentage estimé6. De mon côté, j'estime avec précaution que 70% des capitaux proviennent de la diaspora. Ces capitaux se montent donc à 84.5 millions $ en 1996 et à 57.2 millions $ en 1997. Il faut encore ajouter à ces chiffres ce que ces statistiques ont omis. En vérifiant les données, j'ai découvert que la plupart des projets d'investissement réalisés (ou en cours de réalisation) par certaines sociétés holdings n'ont pas été inclus dans les statistiques. J'ai alors pris en compte les trois grandes sociétés: Palestine Development and Investment Co. (PADICO), Arab Palestinian Investment Company (APIC), and Salam International Investment Company. (voir tableau 3) A l'exception de Palestine communication Co. (PALTEL), filiale de PADICO, ces sociétés n'ont pas encore demandé une exemption de taxes, selon la loi sur l'investissement. Leurs investissements, à part PALTEL, s'élèvent à 49.826 millions $ en 1996 et à 56.826 millions $ en 1997. L'estimation du volume des grands projets totalisait 134.326 millions $ en 1996 et 114.026 millions $ en 19977. Les petits projets de construction (surtout secteur résidentiel) Afin d'avoir un pied à terre en Territoires palestiniens, la diaspora achète ou construit des appartements, des villas pour les vacances, ou pour la famille. L'enquête menée par le PCBS "Existing Building Survey" a donné une évaluation floue des petits investissements dans le secteur de la construction souvent privée. Petits parce que les projets commerciaux de construction sont souvent inclus dans le paragraphe précédent. Selon cette enquête, la contribution de la diaspora est de l'ordre de 169.5 millions $ en 1996 et 197.1 millions $ en 1997. En somme, la contribution totale de la diaspora palestinienne en terme d'investissements se monte à 303.8 millions $ en 1996 et à 311.1 millions $ en 1997. (voir tableau 4) 5 - Entretien avec l'auteur le 15 mai 1998. - Entretien avec l'auteur le 3 juin 1998 7 - Entretiens avec les Directeurs de ces sociétés en juin 1998. 6 3 4 La répartition sectorielle des grands projets Avec 55.4% de l'ensemble des investissements en 1995, le secteur industriel, le plus productif en emplois, a chuté à 28.7% en 1997, principalement en raison de l'agonie du processus de paix, surtout après l'arrivée de la droite au gouvernement israélien. La majorité des projets concerne les produits de consommation ou les matériaux de construction. En 1997, 1434 employés ont été embauchés dans ce secteur, ce qui constitue 45% de l'ensemble des emplois créés grâce aux investissements. (voir tableau 2) A l'inverse de l'industrie, les services (banques, assurances, éducation et santé) ont affiché une croissance régulière: de 19.2% en 1994 à 44.5% en 1997. Le secteur du tourisme a pris une importance considérable en 1996 avec 26.4%, avant de reculer en 1997 à 19.2%. Quant aux grands projets de construction, ils ont atteint un pic en 1994 (44.6%), dans l'idée d'un retour massif des Palestiniens de la diaspora : un mirage vite découvert. Actuellement ce secteur est en crise, les statistiques révélant 3242 bâtiments sont vacants (complètement ou partiellement) dans les Territoires palestiniens, et 19311 en construction. (PCBS, 1998b). Les investissements en agriculture sont minimaux à cause de la rareté en terre et en eau. Un nouveau Modèle des activités économiques L'impact de la contribution de la diaspora n'est pas seulement quantitatif. Il a favorisé l'apparition d'un nouveau Modèle d'activité économique grâce aux nouvelles sociétés holdings qui ont apporté des investissements stratégiques et à long-terme, également d'importants projets, dépassant les capacités d'un seul investisseur. Ceci pourrait lancer un processus catalyseur d'accumulation du capital dans un pays dominé par de petites et moyennes entreprises à base familiale, dont l'économie se caractérise par de rares ressources et par un niveau élevé d'importations8. Le leader de ces sociétés holding se nomme PADICO. Avec un capital de 350 millions $, elle a été créée en 1993 par un groupe d'éminents hommes d'affaires palestiniens de la diaspora provenant surtout de la Jordanie et du Golfe (dont le président du Conseil d'administration est Monib Al-Masri), afin de mobiliser les petits investisseurs ou ceux qui n'ont pas accès aux Territoires palestiniens. (Hanafi, 1997: 98) Elle ambitionne d'investir un milliard de dollars à la fin du siècle. PADICO a résolu le problème du clivage entre Palestiniens de l'intérieur et de l'extérieur en créant des filiales où peuvent participer les investisseurs locaux. Comptent parmi ses plus grands succès des projets d'infrastructure telles la zone industrielle de Gaza; la société de téléphone Palestine Communications (PALTEL), dont 70% des actions sont détenues par PADICO; et bientôt une autre compagnie d'électricité, Palestine Electricity Co., (du capital de 100 millions $). Dans le secteur industriel, Palestine Industrial Investment Company (PIIC), une filiale de PADICO, affiche 8 - Je me contente d'exposer quelques conséquences économiques de la contribution de la diaspora. Or au niveau social et politique, il y en a plusieurs qui débordent le sujet de cet article. Simplement je dois signaler que l'entrepreunariat de la diaspora introduit dans la société palestinienne se caractérise par une relative autonomie par rapport à l'Autorité nationale palestinienne. Cette autonomie est beaucoup plus que celle de leurs collègues de l'intérieur, bien qu'un certain chevauchement existe entre les deux groupes. Ici je me distancie de l'analyse de Cedric Balas dans ce même numéro qui n'a pas pris en compte le dynamisme et la résistance du secteur privé palestinien par rapport au clientélisme, au népotisme, et au néo-patriarcalisme. 4 5 plusieurs projets. Poultry Project (9 millions $) et The Poly Ethylene Teraphthalte (P.E.T.) Project (4.5 millions $) sont déjà réalisés, alors que d'autres projets tels que the Tannery Project (10 millions $), Home Appliances Project (3 millions $), Thermal Pipes Project (1.3 millions $), The Carpet Project (5millions $) et The Steel Pipes Project (6 millions $) sont en phase finale d'étude9. Arab Palestine Co. for Investment (APIC) représente la deuxième société holding des Territoires palestiniens. Elle a investi 15.5 millions $, créant 440 emplois dans huit projets, dont quatre sont industriels (Aluminum Profile Co., Siniora Meat Factories, Arab Palestinian Storage et Palestine Electricity Co.). D'autres sociétés holdings ont vu le jour, mais leur importance ne peut pas être comparée aux deux sociétés précédentes10. Cependant, dire qu'un Modèle est nouveau ne signifie pas qu'il est le meilleur. Les nouvelles littératures en sociologie économique ont mis en évidence la prolifération de petites entreprises, éventuellement de type familial ou ethnique, par rapport aux grandes groupes, ainsi que l'augmentation de leur importance. Considérées comme archaïques jusqu'aux années 70, ces petites entreprises ont démontré une flexibilité et une capacité à acquérir la technologie la plus avancée. La Silicon Valley et Third Italy sont devenus des exemples à imiter. (Lever-Tracy, Ip et Tracy, 1996) II. Les activités philanthropiques de la diaspora Ces contributions ont été calculées sur la base des sources suivantes: 1- Les dons et dépenses faits lors des visites de la diaspora dans les Territoires palestiniens. Le PCBS les a estimés approximativement à 96.4 millions $ en 1996 et à 90.9 millions $ en 199711. 2- Les transferts individuels pour aider la famille résident dans les Territoires palestiniens. Il est très difficile d'aboutir à une estimation puisqu'une bonne partie de ces transferts ne passe pas par les banques. Néanmoins, une portion de ces transferts se chevauche avec le point précédent. 3- Les transferts institutionnels unilatéraux de l'extérieur, comme ceux des associations islamiques, chrétiennes, ou simplement ceux des groupes/organisations de solidarité propalestiniens (qui ne sont pas forcement gérés par de Palestiniens de la diaspora). La Welfare Association constitue le pôle le plus important de la diaspora palestinienne, tant par son poids matériel que son autorité symbolique. Créée en 1983, cette association, basée à Amman, regroupe des hommes d'affaires et des intellectuels de renom et entend assurer une tribune de discussion entre ces deux groupes (ou catégories des hommes d'affaires et des intellectuels). Les 30 hommes d'affaires fondateurs ont déboursé un million $ chacun pour qu'elle puisse voir le jour. Ensuite les contributions de ses membres, aussi bien que ses activités de collecte de fonds, sont à l'origine de ses propres ressources. De 1983 à 1996, 43 millions $ de fonds propres ont ainsi été mis au service de projets culturels, sociaux, économiques et éducatifs. De plus, 47 millions $, provenant de ressources extérieures arabes et internationale et donnés directement à l'associations ont été utilisés dans le même but. Cela équivaut à 6.42 millions $ environ par an (dont 3.071 millions $ de ses 9 - Source : www.padico.com. - Source : www.apic.com 11 - Chiffres sont donnés par le Département des Statistiques économiques du PCBS en mai 1998. 10 5 6 propres ressources). (Welfare Association, 1997:7) En 1997 la contribution de Welfare est tombée à 4.211 millions $, baisse due à la quasi-absence de ressources extérieures. L'importance de cette association est multiple. Elle pourrait jouer un rôle dans la prise de décision concernant les affaires nationales. En tant que pôle philanthropique, elle a réussi à établir un plan stratégique dépassant les petits plans d'aide primaire. Enfin, jouissant d'une bonne crédibilité internationale, elle est devenue l'une des interlocutrices préférées des bailleurs de fonds désirant aider les ONGs palestiniennes. D'autres associations importantes, telles les associations islamiques, collectent leurs fonds parmi les résidents musulmans et arabes, surtout aux Etats-Unis, en Europe et dans les pays du Golfe. Selon l'enquête de Jamil Hilal et Majdi Malki, 40.9% du fonds des Comités de Zakat proviennent de l'extérieur. 12 (1997: 21) Relevons encore la présence d'associations humanitaires sans couleur religieuse, comme United Palestinian Appeal (492000 $ en 1995 selon leur rapport annuel de 1997), United Holy Land Fund et Arab Palestinian Fund. En résumé, j'estime que la contribution de toutes ces associations, à l'exception de Welfare, pourrait atteindre 4 millions $. III. Contribution financière totale Au vu des chiffres précédents, comme le montre le tableau 5, l'apport de la diaspora en investissements et en activités philanthropiques, peut s'évaluer à 408.006 millions $ en 1996 (dont 74% d'investissements) et 410.211 millions $ en 1997 (dont 76% d'investissements). Cette contribution représente Sans doute l'une des ressources principales de la société palestinienne. En effet, comparée à l'aide internationale pour les Territoires palestiniens, elle a constitué 74% de cette aide ($549.414 millions $) en 1996, et 95% en 1997 (432. 259 millions $). (MOPIC, 1998) (voir tableau 5) Cependant cette contribution reste certainement insuffisante pour une jeune entité ravagée par 30 ans de "de-développement", selon l'expression de Sara Roy (1995), et se trouve même largement au-dessous de la capacité des hommes d'affaires palestiniens de la diaspora13. Conclusion : en quête d'un "Rotschild palestinien" ? Cette évaluation de la contribution de la diaspora, même à grands traits, démontre l'existence de relations actives entre les réseaux de la diaspora et les Territoires palestiniens. Elle ne permet pourtant pas de comprendre la portée de ces relations, ni leur perspective dans un contexte politique et économique en mutation. En revanche, mes enquêtes auprès de 600 hommes d'affaires palestiniens ont permis d'entamer une analyse des réseaux. Bien qu'une telle analyse dépasse le sujet de cet article, je me contenterai de relever un point lié au comportement économique de la diaspora vis-à-vis des Territoires palestiniens. Le président Yasser Arafat s'est à plusieurs reprises demandé qui serait le Rotschild de Palestine. Cette quête révèle une conception erronée de l'Autorité nationale palestinienne, selon laquelle les investisseurs en Palestine compteraient parmi les plus riches. Or mes 12 - Les Comités de Zakat sont des associations importantes reparties dans les villages et les villes palestiniens qui ont pour objectif de collecter les fonds payés par les croyants musulmans à titre du Zakat. 13 - Beaucoup d'auteurs ont tenté d'estimer la fortune de la diaspora palestinienne à un chiffre variant de 7 milliards $ à 100 milliards $. Je me refuse à participer à cette entreprise hasardeuse. 6 7 enquêtes mettent en évidence une corrélation faible entre la liquidité du capital disponible chez un homme d'affaires et son investissement. Les investisseurs appartiennent largement aux catégories petite et moyenne, beaucoup plus qu'à la proéminente. Les sociétés holdings ont facilement trouvé des petits actionnaires, surtout parmi les réfugiés qui ne peuvent pas encore visiter les Territoires palestiniens. De plus, la nature des niches économiques palestiniennes dans la diaspora, la construction et le commerce entre autres, ne sont pas compatibles avec les besoins de l'économie palestinienne. En revanche les industriels, détenteurs d'un savoir-faire utile au transfert de technologie, appartiennent à une génération trop nouvelle encore pour détenir la capacité financière d'investir réellement en Territoires palestiniens. D'où l'importance de mobiliser tous les groupes de la diaspora. Une question se pose, vu le sentiment national souvent fort au sein de la diaspora : peut-on attirer plus de dons, étant donné la morosité des climats économique et politique en Territoires palestiniens, qui découragent déjà les investisseurs? Les expériences des diasporas juive et chinoise dans leurs relations économiques avec leur centre offrent un observatoire privilégié comme deux models antagonistes. La diaspora chinoise a largement investi dans l'économie de la Chine. Selon l'analyse de Lever-Tracy, Ip et Tracy, les liens entre les capitaux de la diaspora, les activités entrepreneuriales et la patrie sont à l'origine du boom économique en Chine. Comme indicateur économique, dans des régions telles que Fujian ou Guangdong, 98% à 99 % des investisseurs étrangers sont d'origine chinoise. (1996: 171) Par contraste, la diaspora juive a aidé Israël, particulièrement par des dons. Ce pays a reçu quelque 22.5 milliards $ entre 1952 et 1984. C'est l'équivalent de 61.8 milliards $ au prix de 1992. (Kleiman, 1996: 5). L'aide constitue 87% (53 milliards $), de ce montant, et 13% (8 milliards $) pour les investissements. Israeli Independent Bonds représente l'une des formes de cette aide. Lancés par David Ben-Gourion en 1951 et garantis par son gouvernement, ces obligations ont été utilisées pour subvenir aux besoins des nouveaux immigrants et pour financer les projets d'infrastructure. Après 45 ans, 15 milliards $ ont été vendus. (Mustafa, 1996:7) Avec la synergie entre les développements par le bas et par le haut (la réforme économique), le Modèle chinois est approprié pour un pays avec une forte compétitivité économique. Ce n'est certainement pas le cas des Territoires palestiniens. Il est donc raisonnable d'imaginer, comme pour la diaspora juive, une mobilisation de la diaspora palestinienne en dons beaucoup plus qu'en investissements. Dans ce contexte extrêmement difficile en Territoires palestiniens où l'"aliyah" palestinienne n'est par pour demain, il est très important de mobiliser les petites comme les grandes fortunes palestiniennes. La création d'un "Palestine development bonds" permettrait de drainer les fonds nécessaires au lancement de l'économie palestinienne, et ainsi encourager une participation plus significative d'investisseurs tant palestiniens qu'étrangers. Bibliographie - HANAFI Sari (1998a), Business Directory of Palestinians in the Diaspora, Jerusalem, Biladi, June. (en anglais, français et arabe) - HANAFI Sari (1998b) Consequences of Forced Migration. The Absence of the Diaspora in the Case of the Palestinians, in MORAWSKA Ewa (Ed.) 'Forced Migrations in the 20th Century: Context and Consequences' organized by Institute Universitaire European, Florence. (A paraître) 7 8 - HANAFI Sari (1997) Entre deux mondes. Les hommes d'affaires palestiniens de la diaspora et la construction de l'entité palestinienne, trois éditions : deux en arabe, Le Caire, Dar al-Mostaqbal al-arabi, septembre 1996, et Ramallah- Territoires palestiniens, Muwatin (Palestinian Institute for the Study of Democracy), Janvier 1997, 264p ; et une édition en français, Le Caire, CEDEJ, juin 1997, 200 p. - HILAL Jamil, Majdi Malki & al. (1997) Social Support Institutions in West Bank and Gaza, Ramallah, MAS, 89 Pages. - KLEIMAN Ephraim (1996) Jewish and Palestinian Diaspora Attitudes to Philanthropy and Investment: Lessons from Israel's Experience, Jerusalem, A Gitelson Peace Publication. - KODMANI-DARWISH Bassma (1997) La diaspora palestinienne, Paris, PUF, 264 p. - LEVER-TRACY Constance, David IP & Noel TRACY (1996) The Chinese Diaspora and mainland China. An Emerging Economic Synergy, London, MacMillan Press Ltd., 343 pages. - MOPIC (Ministry of Planning and International Cooperation) (1998) "Aid Coordination Department. 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PIB 3048.045 3564.928 3890.037 4031.466 Pourcentage du PIB% 1.6 1.7 3.1 2 Source: ministère de l'Economie et du Commerce, et PCBS (1998a) * Estimation à partir de mon enquête à Jérusalem réalisée en juin 1998 Tableau 2 Emploi de l'investissement en 1997 Volume des No investissements d'emplois (millions $) créés Industrie 62.181 1434 % 28.7% 45.1 Agriculture 0.5 10 % 0.2% 0.3 Tourisme 41.524 548 % 19.2% 17.2 Construction 16.094 189 % 7.4% 5.9 Service 96.451 1002 % 44.5% 31.5 Total 216.750 3183 % 100% 100% Source: ministère de l'Economie et du Commerce Secteur 9 10 Tableau 3 Investissements en dehors des données officielles des trois plus grandes sociétés Holdings (millions $) Sociétés Holdings Investissements durant les dernières 3 années Investissements en 1996 Investissements in 1997 PADICO 134* 44.66 44.66 APIC 15.5 5.166 5.166 Salam International 7 Total 156.5 7 49.826 56.826 * investissements sans PALTEL (PADICO a investi 16 millions $ en PALTEL) Source : entretiens avec les sociétés en juin 1998 Tableau 4 Contribution de la diaspora en investissements (millions $) Type d'investissement Les grands projets d'investissement Les petits projets pour la Construction Total Source diverse. Voir le texte 1996 134.3 1997 114 169.5 197.1 303.8 311.1 Tableau 5 Contribution financière de la diaspora (millions $) Total Contribution Investissements totaux Dépenses de la diaspora en visitant les Territoires palestiniens Philanthropique -Welfare Association Philanthropique - autres associations Contribution Totale de la diaspora Aide International Source diverse. Voir le texte. 1996 303.8 96.4 1997 311.1 90.9 3.806 4.211 4.0 4.0 408.006 549.414 410.211 432.259 10