Le circuit de la récompense et la dopamine Stimulation et interférences par les drogues exogènes Références : Cerveau, drogues et dépendances, Lucas Salomon, (2010) eds Belin Sites : http://lecerveau.mcgill.ca et http://neurobranches.cite-du.net/ 1 Satisfaction des besoins vitaux et recherche du plaisir Manger, boire, se reproduire ou avoir un comportement maternel sont toutes des activités essentielles pour la survie de l’individu et de l’espèce. Au cours de l’évolution, la sélection naturelle a associé à ces comportements de fortes sensations de satisfaction/plaisir. Un véritable circuit de la récompense s’est donc développé pour favoriser ces comportements reliés à nos besoins fondamentaux. Ce circuit s’est ensuite élargi pour nous inciter à répéter les expériences plaisantes apprises au cours de la vie. 2 Le système limbique: Réseau de voies nerveuses reliant certaines structures cérébrales Fonction primordiale : renforcer les comportements essentiels à la survie o procréation o prise alimentaire o défense contre prédateurs Circuit de la récompense: Amygdale : Evalue si une expérience est plaisante ou non Etablit connexion entre objet du plaisir et environnement Hippocampe : enregistre les souvenirs associés à une expérience Cortex préfrontal: Intègre les informations et détermine les comportements Aire tegmentale ventrale et noyau accumbens (voir diapo suivant) 3 Le circuit de la récompense L’aire tegmentale ventrale (ATV) reçoit de l’information de plusieurs autres régions du cerveau, qui l’informent du niveau de satisfaction des besoins fondamentaux (nourriture, activité sexuelle) L’ATV transmet ensuite l’information au noyau accumbens, en utilisant comme neurotransmetteur la dopamine. L’augmentation de la dopamine dans le noyau accumbens et dans d’autres régions renforcera les comportements visant à la satisfaction de nos besoins fondamentaux. Le système de récompense repère la conséquence inattendue et positive d’un comportement et génère un signal d’apprentissage → incite à répéter à l’avenir ce comportement 4 5 La dopamine est libérée dans l’espace synaptique suite à une stimulation se fixe à des récepteurs pour induire ses effets dans la cellules cible. Elle est ensuite éliminée : par recapture, notamment grâce à des transporteurs sur la membrane présynaptique ou alors dégradée par l’enzyme monoamine oxydase 6 Effet des drogues sur le circuit de la récompense 7 La toxicomanie (d’après l’OMS): Désir ou besoin irrépressible de consommer une drogue Caractéristiques de la toxicomanie: L’accoutumance (besoin d’augmenter la dose pour même effet) La dépendance psychologique (toujours) et physique (souvent) qui pousse l’individu à continuer la consommation L’addiction : recherche irrépressible de drogue malgré les conséquences négative (émotionnelles, sociales, économiques) La toxicomanie = conjugaison de 3 éléments: Une substance Un individu : prédisposition liée à des facteurs biologiques et psychiques Un contexte : facteurs socioculturels et environnement 8 Actions diverses des substances consommées sur : le comportement la tolérance ou accoutumance (même dose, moins d’effet) les symptômes de sevrage les effets à court ou à long terme Quatre types d’effets: Perturbateurs du SN : Cannabis, Hallucinogènes : LSD, kétamine, mescaline (peyotl) psilocybine (champignons) Stimulants : cocaïne, crack, amphétamines, ecstasy (NMDA), nicotine Dépresseurs : morphine, héroïne, benzodiazépines, alcool, GHB (gamma-hydroxy-butyrate) Toutes les substances addictives produisent une augmentation de la dopamine dans le circuit de la récompense → puissant signal d’apprentissage → favorise prochaine consommation Des électrodes ont été implantées dans le cerveau d’un rat, qui peuvent stimuler des neurones dopaminergiques. Ce rat s’auto-administrera des décharges électriques et n’aura plus de motivation ni à se nourrir, ni à se reproduire. 10 Mesure des neurotransmetteurs libérés après administration de drogues 11 Les psychostimulants comme l’amphétamine et la cocaïne entrainent une augmentation de la dopamine mesurée dans le noyau acccumbens. Expériences faites chez le rat, par microdialyse cérébrale (voir diapo précédent) 12 L’alcool et la morphine ont également cet effet, qui est dose-dépendant. 13 Expériences d’auto-administration de drogue chez l’animal Permet de tester l’effet de la substance sur la motivation de l’animal à prendre de la drogue. Très vite un rat renoncera à se nourrir pour se procurer la drogue 14 15 Mécanismes d’action des drogues et toxines sur la transmission synaptique 16 Les drogues agissant sur la transmission synaptique peuvent avoir différents effets: Effet agoniste La drogue a le même effet que le neurotransmetteur. Effet antagoniste La drogue se fixe sur le récepteur du neurotransmetteur et le bloque. Inhibition du recaptage La drogue empêche le recaptage du neurotransmetteur dans la cellule présynaptique Inhibition de la sécrétion La drogue empêche la sécrétion du neurotransmetteur 17 La cocaïne Extraite à partir de la coca, dont les feuilles étaient déjà mâchées pour leurs vertus stimulantes dans les civilisations précolombiennes Effet stimulant par activation du système nerveux autonome sympathique (adrénaline ↗) Fréquence cardiaque ↗, pression artérielle ↗ Dépendance physique faible, mais dépendance psychologique peut être très forte Entraîne augmentation des doses et de la fréquence, utilisateurs compulsifs. Sevrage : baisse de plaisir à vivre, baisse d’énergie 18 Effet de la cocaïne sur le transporteur de la dopamine La cocaïne se fixe sur le transporteur qui recapte la dopamine et le bloque La dopamine reste dans l’espace synaptique et continue à stimuler le neurone postsynaptique La sensation de plaisir est amplifiée et prolongée 19 Effets de la cocaïne La cocaïne agit aussi en bloquant la recapture: de la sérotonine de la noradrénaline confiance en soi énergie Le cerveau tente de répondre à l’effet de la cocaïne en augmentant les récepteurs sur les neurones inhibiteurs, en diminuant les récepteurs sur la membrane postsynaptique. Le système est alors désensibilisé de concentration dépression, anxiété, défaut 20 Désensibilisation, sensation de manque La présence prolongée de dopamine dans l’espace synaptique va entraîner une diminution du nombre des récepteurs sur la membrane postsynaptique. La synapse et donc la voie nerveuse devient alors moins sensible Pour obtenir une satisfaction d’intensité « normale » la personne doit continuer à prendre de la drogue 21 Les amphétamines (psychostimulants) Utilisées originellement pour dilater les bronches des asthmatiques. Puis pour augmenter la vigilance des pilotes lors de la deuxième guerre mondiale Utilisation dans le sport pour augmenter les performances L’ecstasy (MDMA) découverte en1898, utilisée comme anorexigène durant la première guerre mondiale 22 Effets comportementaux des amphétamines chez les rongeurs 23 Effet des amphétamines sur la transmission synaptique L’amphétamine, lipophile, peut traverser la membrane plasmique (ou passer par le transporteur), et prendre la place du neurotransmetteur dans les vésicules La dopamine (ou la sérotonine) finit par sortir par les canaux transporteurs 24 Ecstasy et mort cellulaire L’ecstasy (MDMA) déclenche une cascade de réactions menant à la mort cellulaire programmée (apoptose) sur des neurones du cortex en culture. 25 Opiacés (morphine, codéine, héroïne) Dérivés de l’opium, lui-même extrait du pavot. Modifient profondément l’activité du corps, d’où une dépendance physique plus marquée que pour les psychostimulants, sevrage très difficile. Effet analgésique recherché en médecine (morphine). Agissent sur les voies qui transmettent les sensations douloureuses au niveau de la moelle épinière. Sensation de plaisir très intense obtenu par injection d’héroïne A très forte dose, peut provoquer la mort par arrêt respiratoire 26 Les opiacés agissent en se liant sur les récepteurs aux opioïdes endogènes, les enképhalines, produits naturellement par l’organisme 27 Action de la morphine : diminution de la libération de GABA dans la synapse diminution de l’effet inhibiteur du GABA* neurone dopaminergique excitable plus facilement Libération de plus de dopamine, donc sensation de plaisir, et fort signal d’apprentissage qui poussera à réitérer l’expérience. Après usage prolongé, diminution de la sensibilité des récepteurs * Le GABA induit l’ouverture de canaux à Cl-, donc une hyperpolarisation de la membrane 28 Le cannabis Vertus médicinales déjà connues en Chine il y a 5000 ans Principe actif : tétrahydrocannabinol ou Δ9-THC Effets complexes et variés: Immédiats: euphorie modification des perceptions sensorielles baisse des capacités motrices et performances psychiques augmentation de l’appétit analgésie, etc… A moyen-long terme : diminution des capacités de mémorisation baisse de la motivation augmentation de la vulnérabilité aux psychoses (schizophrénie) 29 Le cannabis Longue demi-vie du produit dans le sang (plusieurs dizaines d’heures), effet prolongé Sevrage : anxiété et irritabilité, problème de sommeil et baisse de l’appétit. diminution des capacités de concentration baisse de la motivation dépression La dépendance au produit est contestée, plus faible que pour les autres drogues. 30 Action du Δ9-THC: Comme la morphine, le Δ9-THC en se liant à son récepteur diminue la libération de GABA dans la synapse. Le récepteur cannabinnoïde est le récepteur à l’anandamine, NT naturel qui produit des effets similaires au Δ9-THC. Usage prolongé : les récepteurs diminuent en nombre et en sensibilité moins sensible aux canabinoïdes endogènes, pousse à augmenter les doses. 10% d’addicts parmi les consommateurs réguliers. 31 32 L’alcool (éthanol, CH3CH2OH) Drogue la plus consommée Phénomène de tolérance en cas de consommation régulière (augmentation de la dégradation par le foie, baisse des effets) Sevrage : anxiété, tremblements, convulsions Dépendances psychiques et physiques très fortes Agit à différents niveaux dans le cerveau: o Active les neurones inhibiteurs et inhibe les neurones activateurs → ralentissement général du fonctionnement du SNC → perturbe le fonctionnement de l’hippocampe → amnésie o Système de récompense : inhibe les neurones inhibiteurs des neurones dopaminergiques → augmente la dopamine 33 Tomographie par émission de positon Effet de l’alcool Après avoir stimulé le cerveau, l’alcool l’inhibe, comme on le voit chez le sujet A qui a bu de l’alcool, par rapport au contrôle B. En C, on voit que le nombre de récepteurs à la dopamine (D2) diminuent chez les personnes dépendantes à l’alcool (C, au centre et à droite), par rapport à un sujet témoin 34 35 Le tabac (la nicotine) agit sur l’ensemble de l’organisme effets physiologiques : o rythme cardiaque et pression artérielle ↗ o Dilatation des bronches, augmentation de la salivation effets sur le comportement: o Euphorie transitoire (circuit de la récompense) o Impression d’augmentation d’énergie o Baisse d’appétit, du stress, de l’anxiété ressentis effet de tolérance → augmentation de la consommation dépendance psychique et physique très forte 36 Action de la nicotine: effet stimulant par liaison au récepteur de l’acétylcholine (ACh) Reste plus longtemps que ACh dans la fente synaptique Se lie sur des récepteurs à l’ACh : o sur des neurones glutaminergiques excitateurs o sur des neurones à GABA (inhibiteurs) effet global d’activation des neurones dopaminergiques L’exposition chronique à la nicotine augmente la période réfractaire → diminue l’effet positif ressenti L’absence de nicotine → diminution de l’activité des neurones dopaminergiques →mal-être lors du sevrage 37 Antidépresseurs, anxiolytiques et somnifères Agissent sur les mêmes circuits que les drogues, certains entraînent une dépendance Certains inhibent l’enzyme qui dégrade la dopamine dans la synapse (monoamine oxydase ou MAO) D’autres (prozac) inhibent la recapture de la sérotonine. D’autres augmentent l’action du GABA sur ses R → influx nerveux diminué (benzodiazépines) 38 Mode d’action du Prozac: Dépression liée à une baisse des taux de sérotonine En bloquant la recapture de la sérotonine on augmente les taux de celle-ci dans la synapse. 39 Action des benzodiazépines : se fixent sur le R au GABA Augmentent la durée de fixation du GABA à son R Augmentent l’influx de ClLe neurone cible est hyperpolarisé et donc plus difficilement excitable 40 Y a-t-il une prédisposition génétique à l’addiction? Seule une partie des consommateurs réguliers deviennent addicts (15% des buveurs et drogues illégales, 50% des fumeurs) Les études avec des jumeaux mono/hétérozygotes, avec des enfants adoptés semblent le montrer. Mais l’influence de l’environnement, même in utero, est très importante. Importance du stress et de la dépression comme facteurs de risque. Pour l’alcool : les personnes qui métabolisent bien l’alcool semblent plus à risque (= facteur génétique) Pour le cannabis : les individus qui ressentent le plus d’euphorie la première fois. 41 Facteurs favorisants Le type de personnalité Impulsivité : incapacité de différer certains actes perçus comme impératifs, sans penser aux conséquences. Recherche de sensations fortes et prises de risque 42 Danger de rechute Importance du contexte : mémoire de consommation. L’association sensation/contexte se renforce quand la drogue passe du statut de substance plaisante à substance vitale. Caractéristiques des neurones du circuit de la récompense: anticipent les plaisirs sont sensibles à la dose absorbée sont sensibles à l’environnement de consommation 43 44 Exemple des soldats américains revenus héroïnomanes du Viet Nam La plupart ont décroché facilement lors du retour aux USA (plus le même contexte) Certains ont replongé suite à des retrouvailles avec des vétérans du Viet Nam. 45