2. Opportunité d`arbitrage et marchés viables Un marché viable sera

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2. Opportunité d’arbitrage et marchés viables
Un marché viable sera un marché sur lequel on ne peut gagner d’argent sans
risque (c’est-à-dire dans tous les états du monde), ce que l’on traduit par la notion
importante d’absence d’opportunité d’arbitrage. Nous allons préciser cette notion
et donner une caractérisation des marchés viables en fonction des propriétés des
prix actualisés des actifs financiers.
2.1. Stratégie d’arbitrage et marchés viables. Nous commençons par faire
une restriction naturelle sur les stratégies considérées.
Définition 2.1. Une stratégie φ est dite admissible si elle est autofinancée et telle
que, à toute date n ∈ {0, . . . , N }, la valeur du portefeuille Vn (φ) est positive ou
nulle.
La notion suivante exprime qu’une stratégie permet un arbitrage.
Définition 2.2. Une stratégie d’arbitrage est une stratégie admissible telle que la
valeur initiale du portefeuille est nulle et la valeur finale n’est pas nulle presque
sûrement.
Nous arrivons finalement à la définition d’un marché viable.
Définition 2.3. Un marché financier est viable s’il n’existe pas de stratégie d’arbitrage.
Nous nous placerons dorénavant dans le cadre des marchés viables. Voici une
première caractéristique de tels marchés.
Proposition 2.1. Si le marché est viable et si φ est une stratégie autofinancée
de valeur initiale nulle alors sa valeur finale ne peut satisfaire VN (φ) ≥ 0 et
P [VN (φ) > 0] > 0.
Démonstration : Soit φ une stratégie autofinancée et de valeur initiale nulle. Supposons par l’absurde que VN (φ) ≥ 0 et P [VN (φ) > 0] > 0. Alors φ n’est pas
admissible puisque le marché est viable et on note n0 le plus grand entier n pour
lequel P [Vn (φ) < 0] > 0. Clairement, n0 ∈ {1, . . . , N − 1} et, pour tout n > n0 ,
Vn (φ) ≥ 0.
Soit alors ψ le processus défini, pour tout n ∈ {0, . . . , N }, par
(
φn 1[Vn0 (φ)<0] si n > n0
ψn =
0 sinon,
et soit ψ l’unique stratégie autofinancée de même valeur initiale que ψ, et qui
coı̈ncide avec ψ pour les actifs à risque, définie par la Proposition 1.2. Alors, pour
tout n ≥ 1,
n
X
ψk · (S̃k − S̃k−1 ),
Ṽn (ψ) =
k=1
d’où
Ṽn (ψ) =

n
X


 1[Vn (φ)<0]
φk · (S̃k − S̃k−1 ) si n > n0
0



k=n0 +1
0 sinon,
1
2
et donc
(
Ṽn (ψ) =
(Ṽn (φ) − Ṽn0 (φ))1[Vn0 (φ)<0] si n > n0
0 sinon.
Comme Ṽn (ψ) ≥ 0 pour tout n, ψ est une stratégie admissible et
h
i
P ṼN (ψ) > 0 ≥ P [Vn0 (φ) < 0] > 0,
ce qui contredit la condition de viabilité du marché.
¤
2.2. Martingales. Nous allons caractériser les marchés viables grâce à la notion
de martingale.
Remarquons que, dans le cas d’un espace probabilisé fini, comme c’est le cas ici,
toute les variables aléatoires sont intégrables et donc la condition d’intégrabilité
des martingales est automatiquement satisfaite. De même, les variables sont toutes
de carré intégrable et donc l’espérance conditionnelle n’est autre qu’une projection
dans L2 et, lorsque (Mn )n=0..N est une martingale, la meilleure estimation au sens
des moindres carrés de Mn+1 à la date n est Mn . En fait, puisque les tribus sont
finies, cette estimation est en fait une “moyennisation” de Mn+1 sur les événements
engendrant la tribu Fn .
Enfin, comme on suppose en outre que P [{ω}] > 0 pour tout ω ∈ Ω, la probabilité conditionnelle est définie de façon unique.
Voici quelques propriétés utiles sur les martingales.
Proposition 2.2. Soit (Mn )n≥0 une suite adaptée à une filtration (Fn )n≥0 .
(1) (Mn )n≥0 est une martingale si et seulement si, pour tout n ≥ 0, Mn est
intégrable, et pour tout k ≥ 0,
Mn = E [Mn+k |Fn ].
(2) Si (Mn )n≥0 est une martingale alors E [Mn ] = E [M0 ] pour tout n ≥ 0.
(3) On suppose que (Mn )n≥0 est à valeurs réelles et de carré intégrable. Soit
(Hn )n≥0 un processus réel de carré intégrable adapté et prévisible. Alors la
suite (Xn )n≥0 , définie par


 X0 = H0 M0

n
X

X
=
H
M
+
Hk (Mk − Mk−1 ) pour n ≥ 1,

0 0
 n
k=1
est une martingale.
(4) On suppose que (Mn )n=0..N est une suite adaptée de variables aléatoires
réelles et de carré intégrable. Alors (Mn )n=0..N est une martingale si
et seulement si, pour tout processus réel adapté, prévisible et de carré
intégrable (Hn )n=1..N , on a
"N
#
X
E
Hn (Mn − Mn−1 ) = 0.
n=1
Démonstration : Les propositions (1) et (2) ont déjà été vues dans le cours sur les
martingales.
3
Pour (3), on remarque que (Xn )n≥0 est adaptée à la filtration (Fn )n≥0 et que,
pour tout n ≥ 0, Xn+1 = Xn + Hn+1 (Mn+1 − Mn ). D’où
E [Xn+1 |Fn ] = Xn + E [Hn+1 (Mn+1 − Mn ) |Fn ].
Comme (Hn )n≥0 est prévisible, Hn+1 est Fn -mesurable et
E [Xn+1 |Fn ] = Xn + Hn+1 E [Mn+1 − Mn |Fn ].
Nous concluons par la propriété de martingale de (Mn )n≥0 .
Démontrons enfin (4). Si (Mn )n=0..N est une martingale et (Hn )n=1..N est
prévisible, on pose H0 = 0 et on définit la martingale (Xn )n=0..N comme dans
(3). D’après (2),
E [Xn ] = E [X0 ] = 0,
ce qu’il fallait démontrer. Réciproquement, soit n0 ∈ {0, ..N − 1} et soit A ∈ Fn0 .
On définit le processus H = (Hn )n=1..N par
½
1A si n = n0 + 1
Hn =
0 sinon.
Le processus H est donc prévisible et
"N
#
X
E
Hn (Mn − Mn−1 ) = E [1A (Mn0 +1 − Mn0 )].
n=1
Dire que cette quantité est nulle signifie donc que
Z
Z
Mn0 +1 dP =
Mn0 dP,
A
A
ce qui conclut la preuve.
¤
2.3. Caractérisation des marchés viables. Nous retournons maintenant au
modèle de marché et nous concluons la section avec un théorème de caractérisation
des marchés viables.
Le cas qui va nous intéresser est celui dans lequel les prix actualisés des actifs
sont des martingales.
Proposition 2.3. Si les prix actualisés des actifs sont des martingales alors, pour
toute stratégie autofinancée φ, la suite (Ṽn (φ))n=0..N est une martingale.
Démonstration : D’après la Proposition 1.1-(d), si φ est une stratégie autofinancée,
alors
n
X
φk · (S̃k − S̃k−1 )
Ṽn (φ) = φ0 · S0 +
k=1
pour tout n ≥ 1 et donc, d’après la proposition 2.2-3., (Ṽn (φ))n=0..N est une martingale.
¤
Théorème 2.1. Le marché est viable si et seulement si il existe une probabilité P∗
définie sur (Ω, F) et équivalente à P sous laquelle les prix actualisés des actifs sont
des martingales.
4
Rappelons que deux probabilités définies sur un même espace mesurable P et
Q sont équivalentes si elles admettent les mêmes négligeables. Dans le cas d’un
espace probabilisé fini et avec la condition que P charge tous les singletons, Q est
équivalente à P si Q satisfait également cette propriété.
Dans la suite, on notera E∗ l’espérance relative à la probabilité P∗ .
Démonstration : On commence par supposer qu’il existe P∗ équivalente à P sous
laquelle les prix actualisés sont des martingales. Soit φ une stratégie admissible de
valeur initiale nulle; montrons que φ n’est pas une stratégie d’arbitrage. D’après la
Proposition 2.3, (Ṽn (φ))n=0..N est une martingale sous P∗ . Par conséquent,
h
i
h
i
E∗ ṼN (φ) = E∗ Ṽ0 (φ) = 0.
Mais comme P∗ charge tous les singletons, et ṼN (φ) ≥ 0, on en déduit que cette
variable est nulle, ce qu’il fallait démontrer.
Réciproquement, supposons que le marché est viable. On va utiliser un théorème
de séparation pour définir P∗ puis utiliser le point 4. de la Proposition 2.2 pour
démontrer que, sous P∗ , les prix actualisés des actifs sont des martingales.
Lemme 2.1. Soit F un sous espace-vectoriel de Rm (m ≥ 1) et soit K un convexe
compact de Rm disjoint de F . Il existe une forme linéaire ξ sur Rm telle que
F ⊂ Kerξ et ξ(x) > 0 pour tout x ∈ K.
Pour appliquer ce lemme, on remarque tout d’abord que l’ensemble des applications de Ω dans R peut-être identifié à Rm avec m = card Ω et que l’ensemble
des variables réelles FN -mesurables en constitue un sous-espace que nous notons
E (ici, avec l’hypothèse F = P(Ω), toutes les applications sont mesurables et donc
E = Rm ).
On définit
F = {ṼN (φ)/ φ stratégie autofinancée de valeur initiale nulle}.
F est bien un sous espace vectoriel de E car ṼN est linéaire et l’ensemble des
stratégies autofinancées de valeur initiale nulle forme un espace vectoriel (F =
Im ṼN ). Enfin, on pose
(
,
)
X
K= X∈E
X ≥ 0 et
X(ω) = 1 .
ω∈Ω
D’après la Proposition 2.1, F ⊂ K c et on peut appliquer le Lemme 2.1. La forme
linéaire ξ du lemme peut être identifiée à un vecteur (ξω )ω∈Ω de Rm . Du fait que
ξ est strictement positive sur K, on déduit que ξω > 0 pour tout ω ∈ Ω. En effet,
pour tout X ∈ E,
X
ξ(X) = hξ, XiRm =
ξω X(ω).
ω∈Ω
Si enfin on applique cette relation aux X de K qui sont de la forme
½
1 si ω = ω0
X(ω) =
0 sinon
pour tout ω0 ∈ Ω, on obtient bien ξω0 > 0 pour tout ω0 ∈ Ω dès que l’on suppose
ξ > 0 sur K.
5
On pose alors
ν=
X
ξω
ω∈Ω
et on définit P∗ par, pour tout ω ∈ Ω,
ξω
.
ν
Comme P∗ charge tous les singletons, elle est équivalente à P. Reste à montrer
que, sous cette probabilité, les prix actualisés des actifs sont des martingales. Soit
(Hn )n=1..N un processus prévisible réel et soit i0 ∈ {1, . . . , d} fixé. On pose V0 = 0
et pour tout n ≥ 1 et tout i ≥ 1,
½
Hn si i = i0
i
φn =
0 sinon.
P∗ [{ω}] =
Enfin on appelle φ l’unique stratégie autofinancée définie par la Proposition 1.2.
Puisque F ⊂ Kerξ, on a,
X
ξω ṼN (φ)(ω) = 0,
ω∈Ω
c’est-à-dire
"N
#
h
i
X
i0
∗
i0
E ṼN (φ) = E
Hn (S̃n − S̃n−1 ) = 0.
∗
n=1
On applique alors la Proposition 2.2-4. et donc S̃ i0 est une martingale.
¤
Corollaire 2.1. Si le marché est viable, toute stratégie φ autofinancée de valeur
finale positive ou nulle est admissible.
Démonstration : Soit φ une stratégie autofinancée. Comme le marché est viable,
il existe une probabilité P∗ équivalente à P sous laquelle les prix actualisés des
actifs sont des martingales et donc sous laquelle la suite des valeurs actualisées
des portefeuilles définis par φ est une martingale. On en déduit que, pour tout
n ∈ {0, ..., N },
h
i
Ṽn (φ) = E∗ ṼN (φ)|Fn .
Mais puisque ṼN (φ) est une variable aléatoire positive, on a bien Ṽn (φ) ≥ 0 pour
tout n et donc φ est admissible.
¤
6
Le modèle de Cox, Ross et Rubinstein II
(3) Pour tout n ∈ {1, . . . , N }, on définit la variable aléatoire Tn = Sn /Sn−1 .
Soit Q une probabilité équivalente à P. Montrer que (Tn )n=1..N est une
suite adaptée à la filtration.
On note EQ l’espérance relative à cette probabilité. Montrer que le prix
actualisé (S̃n )n=0..N est une martingale sous Q si et seulement si, pour tout
n ∈ {0, . . . , N − 1}
EQ [Tn+1 |Fn ] = 1 + r.
(4) En déduire que, pour que le marché soit viable, il faut que r ∈]a, b[ de deux
façons possibles : (a) avec une preuve directe, (b) en donnant des exemples
d’arbitrage si r ≤ a et si r ≥ b.
(5) On suppose dorénavant que r ∈]a, b[. Montrer que (S̃n )n=0..N est une Qmartingale si et seulement si (Tn )n=1..N est, sous Q, une suite iid dont on
déterminera la loi.
(6) En déduire que, si r ∈]a, b[, le marché est viable
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