4_Présentation du Pr. Emmanuel Abord de Châtillon

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Entre exemplarité et construction du sens,
quel rôle pour le manager dans la transmission
des connaissances ?
L’exemple du management de la santé au travail
Emmanuel Abord de Chatillon
[email protected]
Sierre, 8 septembre 2016
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Mon métier : enseignantchercheur
Formation :
initiale,
continue,
apprentissage
Recherche :
enquêtes en entreprise,
congrès, colloques,
publications,
expertise…
Professeur
de management
Direction de
programme :
Master
Management RH
Grenoble IAE
Interventions : Chaire
Management et santé au
travail, conférences,
diagnostics, aide aux
équipes en difficulté etc…
2
L’hypothèse centrale :
• La préservation des compétences passe par :
– Une connaissance fine du travail
– La construction de collectifs de travail
– L’autonomisation des acteurs
– Et la mise en débat du travail dans des espaces de
discussion
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Un point de départ : le management de
la santé au travail
• Est-on capable de progresser durablement ?
• Montée progressive des risques psychosociaux
• Pénibilité croissante
• Sédimentation de nos organisations
• Quelques questions :
– Que nous apprennent les RPS sur nos organisations ?
– D’où viennent ces « nouvelles » pathologies du travail ?
– Peut-on faire quelque chose ?... De durable ?
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Les RPS et nos organisations
• Les violences au travail : quand la société s’invite
dans l’entreprise…
• Le harcèlement : entre perversion et légitimation
institutionnelle…
• L’épuisement professionnel : jusqu’au bout de
l’usure…
• Les stress : quand l’individu ne peut plus affronter…
• Face à ces constats comment construire ? Comment
partager ?
Les facteurs de risques psychosociaux
• Le comité Gollac a identifié des facteurs de risques
psychosociaux :
• Intensité du travail (contraintes de rythme, de
complexité du travail, objectifs irréalistes, normes de
qualité, objectifs flous, polyvalence, responsabilités,
instructions contradictoires, interruptions, sousqualification, nouvelles technologies, ambiance
matérielle…)
• Temps de travail (durée, organisation du travail,
travail de nuit, travail posté, horaires antisociaux,
extension de la disponibilité, présentéisme…)
Les facteurs de risques psychosociaux
• Exigences émotionnelles (relations au public, conflits,
contacts avec la souffrance, devoir cacher ses
émotions, peur, violence externe, peur de l’échec…)
• Autonomie insuffisante (ou trop importante,
prévisibilité, anticipation, développement culturel,
utilisation et accroissement des compétences,
monotonie, ennui, absence de plaisir…
Les facteurs de risques psychosociaux
• Rapport sociaux au travail (intégration, justice,
reconnaissance, soutien social, relation avec les
collègues, coopération, intégration dans un collectif,
autonomie collective, participation…)
• Relation avec la hiérarchie (soutien technique, style de
management, relations humaines, clarté, sincérité,
appréciation du travail…)
• Autres formes de relation avec l’entreprise (carrière,
rémunérations, adéquation à la tâche, évaluation du
travail, attention au bien-être…)
Les facteurs de risques psychosociaux
-
Relation avec l’extérieur (reconnaissance par le public et les
clients, valorisation sociale du métier…)
-
Violence interne (discrimination, harcèlement moral, sexuel,
insultes, brimades, remarques, menaces, isolement …)
-
Conflits de valeur (conflits éthiques, qualité empêchée, travail
inutile…)
-
Insécurité de la situation de travail (emploi, salaire, carrière,
soutenabilité…)
-
Changements (restructuration, modification de l’activité, de
son périmètre, de son sens…)
Les trois niveaux de l’activité : un
échange de savoirs nécessaire
Le niveau stratégique : travail d’organisation
Le niveau managérial : travail managérial
Le niveau de l’exploitation : travail opérationnel
Chacun travaille, mais c’est la compréhension de l’activité
qui fonde la performance globale
Problème : biais de perception : impression que certaines
forme de l’activité ont plus de valeur que d’autres
Revenons à la santé au travail
en Suisse…
•un Suisse sur trois se sent «souvent voire très souvent stressé
au travail» ;
•entre 2000 et 2010, le nombre de personnes souffrant de
stress chronique est passé de 26,6% à 34,4 %;
•41% des personnes disent ressentir de fortes tensions
psychiques au travail.
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Pathologies psychosociales : d’où viennent
elles ?
Intensification du travail +
Nouvelle pénibilité
Travail
physique
Troubles MS
Travail tertiaire ou
d’encadrement
Pathologies Psychosociales
Faut-il passer du mal-être au bien-être ?
• Aujourd’hui, on observe un basculement progressif
des RPS vers le bien-être au travail et la Qualité de Vie
au Travail
• Effet de lassitude ? Besoin d’une nouvelle mode ?
• Comment penser le bien-être au travail ?
• Comment construire des solutions collectives ,
Bien-être et mal-être
40 à 45 % des
salariés
Mal-être :
- Fatigue
- Epuisement
- Stress
- Difficultés VP/VP
Bien-être :
- Satisfaction au
travail
- Envie d’aller
travailler
- Implication et
engagement
Bien-être :
- Satisfaction au travail
- Envie d’aller travailler
- Implication et
engagement
Bien-être et mal-être au travail
• Optique diagnostic : identification des points de mal-être :
accident du travail, maladies professionnelles, stress,
violences au travail, épuisement professionnel etc…
(logique pathogénique).
• Optique proposition : identification également des
ressources qui permettent de limiter ce mal-être, voire
d’identifier les antécédents du bien-être (logique
salutogénique).
Comment définir le bien-être au travail ?
Une première tentative de définition
Issu d’entretiens de groupe avec des salariés
d’organisations publiques et privées
- Sens : pourquoi ?
- Lien : avec qui ?
- Investissement : comment ?
- Plaisir : qu’est-ce que j’en retire ?
Source : Abord de Chatillon E. et Richard D. (2015), « Du Sens, du Lien, de
l’Activité et du Confort : proposition pour une modélisation des conditions du bienêtre au travail par le S.L.A.C. », Revue Française de Gestion.
Au Travail, le bonheur est dans le SLIP !
Et si on vérifiait ?
Deux temps : des entretiens (N=54)
et un questionnaire
Deux corpus :
- une population d’agents d’une collectivité territoriale (N=1100)
- une population de salariés d’une banque en ligne (N=109)
Etude des réponses à la question : « qu’est ce qui va bien et fonctionne
bien dans votre travail ? »
Codage thématique, analyse de contenu et Analyse de données lexicales
Bien-être : un peu de SLAC
• Sens : rendre service, objectif, passion, mission, qualité du service,
conscience professionnelle…
• Lien : relations, soutien social, existence de collectifs de travail,
relation hiérarchique efficace, espaces de discussion…
• Activité : contenu du travail, ce qui est fait, l’exécution, l’organisation
du travail, le travail bien fait, l’autonomie…
• Confort physique et logistique: matériel, espaces de travail, horaires,
rythme de travail, rémunération, compétences des collègues,
avantages…
Source : Abord de Chatillon et Richard, Revue
Française de Gestion, 2015
Comment s’articulent les différents
dimensions du SLAC
• Être bien au travail,
c’est y trouver du sens,
du lien et une activité
qui me convient;
• Si je n’y retrouve pas
cela, alors, je me
réfugie dans le
confort…
• Le confort apparait
comme le parachute
du bien-être au
travail…
Peut-on faire quelque chose ?
• Oui !
• Action à trois niveaux :
– Celui de l’organisation
– Celui du management
– Celui du travail
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Où en est le management dans nos
organisations?
• Remise en cause de l’activité de management
• Cause et/ou victime des Risques psychosociaux
• Incapacité à transformer les organisations
• Quelques questions pour commencer :
– Trop de management ou pas assez ?
– Où sont les managers ?
– Etre manager est-ce possible ?
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Trop ou pas assez de management ?
• Trop de management ! C’est trop !
• Trop d’outils ! Trop de reporting ! Trop d’indicateurs ! Trop de
comptes à rendre !
• Pas assez de management !
• Pas assez de soutien ! Pas assez de conseils ! Pas assez d’attention !
Pas assez de respect ! Pas assez de feed-back ! Pas assez de
reconnaissance !
• Les outils sont envahissants, les cadres sont absents…
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Où sont les cadres ?
Ils sont ailleurs :
- En train de rendre des comptes
- En train de construire et nourrir les
« machines de gestion »
- En réunion…
- Ils ont « disparu de la scène du travail »
- Et donc en incapacité de faire progresser leurs
équipes
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Etre manager est-ce possible ?
• C’est quoi le chef idéal ?
• Le manager un travailleur comme les autres
• Je ne suis pas un héros !
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Peut-on changer l’organisation ? les
managers ? Ou le travail ?
• Oui, on peut tout changer !
• Quelques propositions :
– Libérer le travail…
– Travailler les compétences clés du management…
– Construire des espaces de discussion…
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Et si pour partager… on libérait ?
• La libération du travail : une solution ?
• Développement de l’autonomie
• Deux règles « limites » : l’homme est bon et j’aime le client
• Eliminons les règles inutiles !
• Cf. Zobrist
• Mode ? Changement de paradigme ?
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Et si on libérait ? le cas de Buurtzorg
•Métier : soins à domicile
•Situation initiale : extrême rationalisation du soin à domicile :
– centre d’appels,
– code barre sur les portes,
– définition des temps (2,5 mn pour un bas de contention),
– fonction de planification, d’amélioration continue…
•Conséquences :
– les patients détestent ce système
– les intervenants n’en peuvent plus et ont l’impression
d’être devenus des robots, prisonniers d’un système
oppressant.
Réaction : un infirmier crée
sa structure et prend le contre-pied
Sens : « il ne s’agit pas d’optimiser chaque minute de chaque
piqûre, mais d’aider les personnes à vivre une vie la plus riche et
la plus autonome possible ».
•L’infirmière prend le café avec le patient et définit avec lui
comment optimiser le dispositif d’entraide en prenant en compte
le réseau familial et de proximité en privilégiant l’eco-système
local et la coopération avec les autres acteurs du quartier.
•Les quartiers sont traités par des équipes de 8 à 12 intervenants.
Conséquences :
•Une relation durable s’installe avec le patient.
•Les patients préfèrent Buurtzorg
•… les intervenants aussi.
•En 5 ans Buurzorg est passé de 4 à 10 000 intervenants (2/3 des
infirmières de quartier au Pays Bas).
•Buurtzorg utilise moins de 40% des heures prescrites par les
médecins, en rendant plus autonomes leurs patients.
•Des équipes locales maîtresses de leurs décisions
•Des frais de structure très réduits.
Travailler les compétences clés du
management
• Trois dimensions :
– Participatif
– Exemplaire
– Empathique
• Un ensemble d’outils mal maîtrisés :
–
–
–
–
Entretien individuel
Réunion de service
Evaluation
Engagement et mobilisation des collaborateurs…
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Mobiliser les espaces de
discussion
• « Discuter, ce n’est pas seulement faire du bruit avec la
bouche ! » (Detchessahar)
• L’important, c’est la discussion sur le travail
• L’important, c’est la discussion avec ceux qui ont un rôle
sur la construction du travail
• La discussion doit être la règle, pas l’exception
• Faut-il « instituer » la discussion ?
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Quels liens entre EDD et santé
au travail : le cas d’une
organisation publique
La présence des espaces de discussion est associée à une meilleure
santé
Richard D. (2012) Management des risques psychosociaux : une perspective en termes de bien-être au travail et 33
de
valorisation des espaces de discussion, Thèse de doctorat en Sciences de Gestion, Université de Savoie, 526 p.
Quels liens entre EDD et santé au travail
: le cas d’une organisation publique
Deux dimensions importantes :
1) l’existence d’EDD
2) la manière dont ils sont perçus
* sur les RPS
* sur le bien-être
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Constat : le mécanisme d’une
destruction importante des ressources
La discussion pour reconstruire des
collectifs de travail
Quel rôle pour les cadres ?
1)
2)
3)
4)
5)
Ne pas se contenter d’un vague soutien social
Limiter les débordements du travail
Résister à la normalisation par la traduction
Trouver la bonne distance
Arbitrer entre interne et externe
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1) Repenser le soutien social !
urce : ABORD de CHATILLON E. et DESMARAIS C. (2012), Le nouveau Management public est-il pathogène ?
Management International / International management / Gestión Internacional,
Volume 16, Number 3, pp. 10 à 24.
2) Limiter les débordements du travail !
• Le stress des uns produit du stress dans les équipes
• Nous sommes les premiers responsables de nos
conditions de travail
• Il est indispensable de préserver ses ressources
• Abandonnons la position du martyr !
• Luttons contre les débordements du travail !
• Recentrons-nous collectivement sur le travail lui-même…
en tentant de lui donner du sens
3) Résister à la normalisation par la
traduction
• Les injonctions des dispositifs de production ont amenés
les managers à voir leurs tâches de plus en plus « normés »
• Il ne peut plus jouer son rôle de régulation
• Le traducteur tient compte de l’ensemble du système de
prescription pour construire son action
• Problème : pour traduire, il faut disposer d’un minimum de
libertés… ou s’en créer
Desmarais 2003, Desmarais et Abord de Chatillon 2010
4) Trouver la bonne distance !
• On a longtemps pensé que pour être performant la
salarié devait :
– Donner de son temps
– Être impliqué
– Être engagé, dévoué….
• Mais… on observe que parfois ces éléments sont à la fois
associés à des souffrances et des « non-performances »
• Se pose donc la question de « la bonne distance » : celle
qui permet à la fois d’être concerné par l’organisation,
mais aussi de ne pas en être dépendant.
Source : Abord de Chatillon et Carrier-Vernhet, 2012
Distance / Bien-être : hypothèse - résultat
Bien-être
Distance
42
Distance / souffrance : hypothèse résultat
Souffrance
Distance
43
Distance / Performance : résultat
Performance
Distance
5) Arbitrer entre interne et externe
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
Pour augmenter la qualité : « le client est roi »
Il a (toujours !) raison
Il en profite et parfois…
Il exagère : émergence de conflits et d’incivilités
Augmentation des contraintes + atteinte aux ressources
Souffrance psychosociale et moindre QVT
Conflits Vie pro / vie perso
Diminution de la qualité de service
•
Importance d’un équilibre de l’interaction interne /
externe au nom de la qualité.
Source : Mansour S. (2015). Conditions de travail, stress professionnel et qualité de
service perçue : une étude dans le secteur hotelier, Thèse de doctorat de sciences de
gestion, Université de Montpellier, 8 juin 2015.
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