Antoine Marcel ÉVEIL BOUDDHIQUE ET CORPORÉITÉ OUVERTURE PHILOSOPHIQUE ÉVEIL BOUDDHIQUE ET CORPORÉITÉ Ouverture philosophique Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques. Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions, qu’elles soient le fait de philosophes « professionnels » ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. Dernières parutions GUIGUES Gilles, Recueillement de Socrate. Sur l’âme, source et principe d’existence, 2014. Mylène DUFOUR, Aristote, La Physique, Livre VI. Tome 2 : Commentaire, 2014. Mylène DUFOUR, Aristote, La Physique, Livre VI. Tome 1 : Introduction et traduction, 2014. Donald Geoffrey CHARLTON, La pensée positiviste sous le Second empire, 2014. Jean-Serge MASSAMBA-MAKOUMBOU, Philosophie et spécificité africaine dans la Revue philosophique de Kinshasa, 2014. Hélène de GUNZBOURG, Naître mère, Essai philosophique d’une sage-femme, 2014. Jacques STEIWER, Une brève Histoire de l’Esprit, 2014. Jean-Marc LACHAUD, Walter Benjamin. Esthétique et politique de l’émancipation, 2014. John DEWEY (traduit par Michel Guy GOUVERNEUR), L’expérience et la nature suivi de L’expérience et la méthode philosophique, 2014. Xavier VERLEY, Le symbolique et transcendantal, 2014. Grégori JEAN et Adam TAKACS (eds.), Traces de l’être Heidegger en France et en Hongrie, 2014. Antoine MARCEL ÉVEIL BOUDDHIQUE ET CORPORÉITÉ Du même auteur L'Esprit du Bonsaï, Nathan, Paris 1993. Nouvelle édition, revue et corrigée, Les Deux Océans, Paris 2004. Nan Shan, Recueil de la Colline du Sud, Les Deux Océans, Paris 1997. Nan Shan, Au Sud des Nuages, Les Deux Océans, Paris 2001. Nan Shan, Dresser des pierres, planter des bambous – l’art du jardin selon Nan Shan maître jardinier du Zen, Les Deux Océans, Paris 2002. Carnet Chinois, Arléa, Paris 2002 (épuisé). L’Inscription chinoise du Zen, Les Deux Océans, Paris 2004. Le Jardin du lettré, Alternatives, Paris 2004. Ce livre a reçu le concours du CNL. L’Appel des grues dans le ciel clair – Éveil, vagabondages et poésie dans la tradition excentrique du taoïsme et du chan, essai, Les Deux Océans, Paris 2006. Traité de la cabane solitaire, Arléa, Paris 2006. Réédition en poche 2011. Zen & Connaissance – vers une écologie spirituelle, Oxus, Paris 2009. Un monde se lève – le court poème d'éveil, son art et sa philosophie, Accarias-L'Originel, Paris 2010. Le Taoïsme Fengliu – une voie de liberté spirituelle en Extrême-Orient, l'Harmattan collection Ouverture Philosophique, Paris 2011. Le Sourire du Bouddha – Essai sur la Perfection de Sapience, Les Deux Océans, Paris 2011. Voyageant parmi les nuages - l’esprit des maîtres Tang, poètes, hommes de Tch'an et de Tao, Sully, Vannes 2013. Ce livre a reçu le concours du CNL. Le Son du vent dans les pins – sagesse infuse de paroles dites, Deux Océans, Paris 2014. Rejoindre l'âge du Ciel et de la Terre – La grande question de vie et mort, Accarias-L'Originel, Paris 2015. © L’HARMATTAN, 2015 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.harmattan.fr [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-05191-8 EAN : 9782343051918 6RPPDLUH ____ ,QWURGXFWLRQ 9 ,5pDOLVHUVDQDWXUHSURSUHHWGHYHQLUERXGGKD Notion de xing, ou nature-propre 11 Les méthodes de réaliser l'esprit 17 Voir dans sa nature-propre et se changer en bouddha – L'exercice du kôan – Épistémologie de l'éveil – L'exercice de l'illumination silencieuse – La nature-propre et la nature 25 ,,1DWXUHSURSUHHWSKpQRPpQRORJLH Le corps, l'âme, l'esprit – De la philosophie antique à la science et la philosophie conceptuelle 33 De la philosophie conceptuelle à la phénoménologie de Maurice Merleau-Ponty 41 Gaston Bachelard et la poésie de la nature – L'imaginaire poétique du grand et du petit & le corps propre 49 Sami-Ali – Corps propre et psychanalyse – Ontogenèse du corps propre et formation de l'ego – Jean-François Billeter, le corps propre dans L'Art de l'écriture chinoise – De la calligraphie à l'exercice du cercle zen 57 Le corps propre dans la culture d'Extrême-Orient – Le souffle, plus que la pensée – Le corps propre, la nature-propre & la mystique sauvage 65 7 ,,,$XGHOjGHODQDWXUHSURSUH Francisco Varela : l'inscription corporelle de l'esprit – De la distorsion cognitive selon bouddhisme et psychanalyse 73 Abandonner le corps et l'esprit – L'interpénétration de l'éveil et de l'ordinaire 81 Nature, nature-propre et pensée – Abandonner la pensée, c'est relâcher la saisie de l'être – Voir dans sa nature-propre et devenir bouddha – La nature-propre est sans demeure – Le monde de l'éveil 87 (SLORJXH 93 *ORVVDLUHV Sino-Japonais Sanscrit Grec 95 %LEOLRJUDSKLH 99 ____ 8 ,QWURGXFWLRQ ____ ⾻ le zen – tch'an selon la prononciation originelle chinoise – se définit comme une transmission spéciale de maître à élève ne s'appuyant pas sur les écritures, et souvent de nature silencieuse1. De cœur à cœur, dira-t-on plus tard. Le caractère chinois ⾻ traduit le sanscrit dhyâna, qui désigne la méditation assise. Cette transmission, dans l'école Sôtô du zen, passe effectivement par une pratique assidue de la posture assise, et s'adresse donc directement à la corporéité. Au pratiquant, il est spécifié de se concentrer sur le maintien d'une bonne posture, sur une respiration lente, l'observation sans jugement des pensées qui passent. L'option d'une telle école, qui fait fi des savoirs antérieurs et reprend l'investigation de l'expérience humaine là où elle commence, dans le corps et la perception, n'est pas sans faire penser au parti pris par Maurice Merleau-Ponty dans la Phénoménologie de la perception. Il semblait donc nécessaire, pour comprendre tant soit peu, selon nos propres termes, ce que 1 Le paradigme de la transmission silencieuse est la scène du Pic des Vautours, dans laquelle Shakyamuni remet en souriant la fleur qu'il fait tourner entre ses doigts à son disciple Kashyapa, qui ainsi devient le premier patriarche indien du tch'an/zen. L'histoire est trop connue pour que je la reprenne entièrement ici. Pour un bref résumé et des références aux textes originaux, voir par exemple le Dictionnaire de la Sagesse Orientale, Paris, Robert Laffont Bouquins, 1986, à l'entrée Nenge-mishô : « faire tourner la fleur ». La transmission silencieuse, cependant, comme l'expose Jean Levi (dans Réflexions chinoises- Lettrés, stratèges et excentriques de Chine, Paris Albin Michel, 2011) est, de façon plus générale, le mode pratiqué par les sages de l'antiquité chinoise. 9 peut bien être l'éveil bouddhique, de faire référence aux acquis de la phénoménologie tant en philosophie qu'en psychanalyse, et en cognitivisme. Le bouddhisme se caractérise par une longue transmission d'un langage à l'autre, depuis l'Inde vers l'Asie Centrale, le Tibet, l'Asie du sud-est, l'Indonésie, et en ce qui nous concerne ici, la Chine, la Corée, le Japon et en, dernier ressort l'Europe et l'Amérique. Partout où il est passé, l'enseignement du Bouddha a été assimilé selon les traditions et la pensée locale. Le lamaïsme du Tibet, par exemple, à n'en pas douter est un syncrétisme, incluant des croyances et des pratiques chamanistes antérieures à l'introduction de la doctrine du Bouddha depuis l'Inde. Le premier bouddhisme tch'an, en Chine, était très largement un taoïsme aussi. L'ouvrage qui suit entend contribuer à la même démarche d'acculturation, tout en restant conforme à l'esprit des origines ; il s'adresse tant à des néophytes ou sympathisants de la voie bouddhique qu'à des philosophes curieux d'une phénoménologie de la pratique corporelle bouddhiste, de ses incidences sur la pensée, du physique au métaphysique. De par ses origines taoïstes, le tch'an véhicule une représentation de la nature spécifiquement chinoise que l'étude qui suit confronte à l'occidentale, chrétienne et humaniste. Disons d'ores et déjà que la culture, en Chine, s'inscrit dans le naturel, dont elle est l'aboutissement humain. Depuis cette autre perception de la condition humaine que nous découvrirons tant dans l'introspection zen que dans la pensée chinoise d'influence taoïste, émergera une mise en évidence et une critique de certains impensés occidentaux2. Ainsi, d'un renversement de la perspective se produira une remise en question de notre mode d'être au monde. ____ 2 Adoptant ainsi la posture de questionnement réciproque du sinologue et philosophe François Jullien, qui nous semble très féconde ; encore que très cérébrale et précisément parce que non ancrée dans le corporel, manquant nombre de dimensions de la sinitude – taoïste et tch'an – qui seront explorées dans cet ouvrage. 10