Le lézard C’est presque l’été, le soleil tape sur nos têtes, éclaire le béton des routes, le tronc des arbres, la végétation encore printanière. Sur un mur, un escalier, quelques pierres, le rebord d’une fenêtre, soudain, on a la chance de croiser un lézard. L’observer de près n’est pas facile, le reptile ira bien vite se cacher. Le lézard fait partie de l’été, même si on ne l’aperçoit que rarement… Il se fond presque dans la pierre. Allons faire un tour alors que Phébus nous fait profiter de ses rayons, et laissez-vous guider jusqu’au bout du monde ! Espèce de lézard ! Le lézard ne se réduit pas à la petite bestiole que vous venez d’apercevoir et qui mesure quelques centimètres. Non, le lézard, c’est bien, bien, bien plus que ça… Plus de 4000 ! Les lézards sont les reptiles les plus répandus. Ils constituent le groupe qui est à la fois le plus varié et le plus important, mais aussi celui qui est le plus difficile à définir de manière concise. Un iguane est-il un lézard ? Et un gecko ? En général, on définit le lézard par les caractéristiques suivantes : il faut que l’animal ait une tête distincte, quatre membres bien formés et une longue queue. Mais ensuite ? Tout devient soudain plus flou. Il est vrai qu’il existe, estime-t-on, bien plus de 4000 espèces de lézards… Essayons d’y voir plus clair… Du reptile à l’héloderme rose Le lézard est un reptile qui fait partie de l’ordre des squamates – cet ordre regroupe également les serpents, par exemple. Tous les lézards sont ensuite regroupés dans un sous-ordre, celui des lacertiliens, dont le nom est directement dérivé du mot « lézard ». On y trouve alors dix-neuf familles, et 4500 espèces. Par exemple, l’héloderme fait partie de la famille des hélodermatidés, sous-divisée en plusieurs espèces, dont l’héloderme rose, l’héloderme pelé… Les plus petits lézards sont les geckos, ils pèsent moins d’un gramme ! Le gecko de Gorda a une longueur de 34 mm (17 mm sans la queue) et pèse 0,12 g. Mais n’en déduisez pas qu’un lézard est forcément minuscule : ce serait oublier le varan, ou dragon de Komodo, dont la longueur peut dépasser trois mètres et qui peut peser plus de 150 kg. Il est capable de maîtriser un sanglier ou un cerf ! Descendants des dinosaures Comme tous les reptiles, le lézard est un descendant direct des dinosaures. Mais à l’ère secondaire, tandis que ces derniers prospéraient, les lézards étaient déjà engagés dans une nouvelle voie évolutive. Les premiers lézards ont été situés au trias inférieur, soit il y a deux cents millions d’années. Mais certains savants pensent que leur origine est plus ancienne encore et que des vestiges restent à découvrir. Les premiers fossiles connus et attribuables avec certitude aux familles actuelles ne sont que du Crétacé moyen à supérieur (il y a 120 à 100 millions d’années). Les lézards ont des ancêtres très divers. Une espèce, par exemple, aujourd’hui éteinte, était exclusivement marine. Ils pouvaient atteindre six mètres de long – soit bien plus que les varans géants actuels. Il faut savoir qu’actuellement, aucun lézard ne vit en pleine mer. L’espèce la plus aquatique est maintenant l’iguane marin des Galápagos, qui ne se nourrit que des algues marines proches du rivage. A l’oligocène (26 à 30 millions d’années avant notre ère) apparaissent enfin les nombreuses lignées de lézards, guère différentes des formes actuelles. Aujourd’hui, on peut dire que 90% des reptiles vivants descendent des lézards primitifs. Les colonisateurs Le lézard a réussi, en s’adaptant, sous des formes très diverses, à coloniser la terre entière. Seul l’Antarctique lui a résisté. Mais le cercle polaire, lui, l’a accueilli, l’Europe a fait de même. Le désert est devenu un lieu particulièrement idéal pour les lézards. Le crapaud cornu des Etats-Unis et le moloch d’Australie vivent dans des régions arides et rocailleuses. L’un et l’autre ont un tronc court et aplati garni d’épines ; leur drôle de forme et leur coloration font un excellent camouflage. Les épines qui le recouvrent favorisent leur régulation thermique. L’augmentation de la surface de leur corps favorise l’évacuation de la chaleur et la condensation de l’humidité. Mais d’autres adaptations sont encore plus spectaculaires : certains « lézards-taupes » sont devenus aveugles, puisque leur vue ne leur servait à rien dans la terre. Les acanthodactyles ont des grandes écailleuses le long des doigts qui leur permettent de se déplacer sur un sol meuble. Les « poissons des sables » d’Afrique du Nord ont un corps profilé : lorsqu’ils sont menacés, ils sont capables de plonger dans le sable et de se déplacer, comme s’ils nageaient, sous la surface du sol. Où que vous alliez, vous pourrez trouver des lézards, mais ce n’est pas sûr que vous sachiez les reconnaître… Débats autour des familles Même les scientifiques ne sont pas toujours d’accord sur la façon dont on doit classer les familles de lézard. La classification la plus courante est cependant la suivante : Iguanes et alliés : il s’agit d’une super famille regroupant trois familles et 1412 espèces. On y trouve bien sûr les iguanes, mais aussi certains lézards particuliers – comme le lézard à collerette – ou les caméléons. Les geckos et pygopodes : leur superfamille se nomme gekkota et comprend quatre familles et plus de mille espèces. On ne trouve pas de gecko dans nos régions, ni de pygopodes – un animal aux pattes peu développées. Les scinques et alliés : c’est dans cette superfamille, nommée scincomorphes (sept familles) que sont placés « nos » lézards. C’est aussi la plus grande des superfamilles, puisqu’elle contient 1890 espèces. Lézards anguimorphes : leur nom – anguimorphes – annonce déjà leur forme particulière : les 173 espèces, réparties en six ou sept familles, ressemblent parfois plus à une anguille ou à un serpent qu’à un lézard. Beaucoup ne vivent pas près de chez nous, et préfèrent l’Amérique ou l’Asie. Mais on aura la surprise d’y rencontrer l’orvet, qui vit en Suisse, et que chacun prendrait pour un serpent. Les Lacerta Vous l’avez compris : parler en un seul document de tous ces lézards serait une mission impossible pour notre petit journal. Nous nous concentrons donc ce mois-ci sur les lézards que vous avez l’occasion de croiser, soit les membres du genre Lacerta, dont la plupart vivent en Europe, et qui font partie des lacertidés, qui comptent cent cinquante espèces, réparties en plusieurs genres. Mais ne croyez pas que nous nous enfermons trop : savez-vous que plus de vingt sous-espèces du lézard des murailles, Lacerta muralis, ont été décrites, chacune ayant une caractéristique propre à un lieu particulier – elles se différencient surtout par leurs teintes, leurs taches ou leurs dessins. Il existe cinq espèces de Lacerta : Lacerta agilis : le lézard agile, qui vit en Europe et jusqu’en Asie centrale. Lacerta muralis : lézard des murailles, qui habite en Europe centrale et méridionale. Lacerta viridis : lézard vert, qui occupe toute l’Europe méridionale, depuis le nord de l’Espagne jusqu’au sud-ouest de la Russie. Lacerta lepida : lézard ocellé, dont l’aire de répartition couvre les régions méditerranéennes occidentales. Lacerta vivipara : lézard vivipare, qui supporte les climats les plus variés : on le trouve à travers toute l’Europe et l’Asie centrale, jusqu’au polaire arctique, en Laponie. Au sud, il fréquente les massifs montagneux, jusqu’à 2500 m d’altitude. Nous ferons parfois allusion à l’héloderme, l’un des deux seuls lézards venimeux, que nous avons trouvé intéressant, mais qui n’est pas un Lacerta. Nous vous promettons tout de même que vous aurez le droit à d’autres séries, prochainement, qui vous parleront de geckos, d’iguanes, caméléons. Nous nous permettrons tout de même de glisser quelques anecdotes sur quelques autres espèces impressionnantes. Pour les autres, un peu de patience… Se lézarder au soleil Mmmm… Comme il est bon de se lézarder au soleil… Même si le soleil n’est pas toujours au rendez-vous… Découvrez le lézard sous la pluie et le soleil ! La petite bête qui court Les lézards ont une tête bien distincte de leurs corps, quatre pattes et une queue qui occupe souvent les deux tiers de la longueur totale de l’animale, des orifices auditifs externes que l’on aperçoit en arrière de la tête et des paupières qui s’ouvrent et se ferment. Leur corps est long et mince. Leur taille est variable de quelques centimètres à presque un mètre. Pour exemple, le lézard des murailles mesure vingt centimètres (queue de treize centimètres comprise), le lézard vert trente-huit (queue comprise longue de vingt-cinq centimètres), quant au lézard vivipare, il est bien plus petit : tête et queue mesurent 65 mm. La tête du lacerta est couverte de plaques symétriques plus ou moins grosses. La « main » du lézard est pourvu de cinq doigts, chacun muni de griffes acérées, qui servent à courir, creuser ou grimper. Les doigts ne sont pas soudés ensemble. Les pattes du lézard sont généralement bien musclées, voilà pourquoi ils se déplacent aisément. Un tableau terne Le lézard de nos régions a souvent une teinte plutôt terne, qui varie du brun au noir, tirant parfois sur le vert. Le lézard des murailles possède de petites taches jaunes, le lézard agile des taches blanches. Les motifs peints sur son corps diffèrent selon les espèces. On trouve essentiellement des lignes ou des séries de taches qui ornent les flancs. Le dessous du corps est souvent uni ; il est blanc laiteux ou rouge cuivré chez le lézard des murailles, mais tire au rouge ou au orange, moucheté de noir chez le lézard vivipare. Il naît parfois des individus mélaniques, entièrement noirs. Le dos est parfois le lieu d’une décoration spéciale. La colonne vertébrale du lézard vivipare est marquée d’une bande sombre qui s’arrête à la hauteur des hanches. Une même bande, bordée de marques de jaune clair, se retrouve sur chaque flanc. Des ocelles pour le lézard Le plus grand représentant de la famille des Lacerta est le lézard ocellé qui mesure soixante centimètres, dont quarante centimètres de queue. Mais des individus qui atteignaient nonante centimètres ont été trouvés ! Il doit son nom à la présence, sur les flancs, de larges ocelles d’un beau bleu serti de noir, noir qui s’intensifie chez le mâle à la période de reproduction. Mais que sont donc ces ocelles ? Un ocelle est une tache ronde et de deux couleurs. Une décoration que l’on retrouve aussi sur les ailes des papillons. Changer de queue comme de chemise Le lézard possède un extraordinaire pouvoir de régénération : il peut perdre une partie de sa queue, et cela plusieurs fois dans sa vie ! Ce moyen est particulièrement pratique pour faire face aux prédateurs qui le guettent – des serpents venimeux aux aigles aux griffes acérées. Si l’un d’entre eux à le malheur de l’attraper par le queue, il se retrouvera avec un ridicule bout d’écailles entre les pattes… qui continuera à bouger pendant quelques minutes, afin de faire diversion. Tel est pris qui croyait prendre et lorsque le prédateur s’en apercevra, notre ami aura filé depuis belle lurette ! La queue de certaines espèces est de couleur très vive, afin d’y attirer l’attention du gourmand chasseur – sa tête et son corps, parties bien plus fragiles que la queue, seront ainsi protégées. Tous les lézards n’utilisent pas la même méthode pour briser leur queue. Il existe en effet deux techniques différentes : La majorité ont un plan de clivage dans chaque vertèbre de la queue et dans les tissus conjonctifs et les muscles correspondants. Lorsqu’elle est attrapée par la queue, la petite bête contracte les muscles qui se trouvent en amont du plan de clivage afin de couper la vertèbre – on nomme cela autonomie intravertébrale. Il existe plusieurs points faibles, appelés plans de fractures. Les muscles sont disposés de façon à pouvoir être sectionnés nettement. L’autre méthode consiste à casser la queue entre deux vertèbres (autonomie intervertébrale). Plus rare, on trouve cette technique chez le lézard qui a perdu au cours de son évolution la capacité de casser sa queue au milieu d’une vertèbre. On a remarqué que le lézard qui se débrouille de cette manière aura plus de mal à la régénérer. Car la queue se régénère ! Celle qui repoussera – au bout d’un mois chez les plus petits, tandis que les gros doivent parfois attendre un an – peut avoir une couleur différente que celle d’origine, mais la plupart du temps, elle ressemble beaucoup à la précédente. Le joint reste tout de même visible. La nouvelle queue n’est renforcée que par un simple cartilage, et non plus par un os. Ce qui explique que si le lézard veut à nouveau perdre sa queue, il ne pourra l’abandonner qu’au-dessus de ce joint. On a fait une expérience intéressante avec le lézard et on a remarqué qu’un reptile en fuite abandonne plus facilement sa queue que celui dont on maintient le corps tout en tirant sur la queue. On suppose alors que cette réaction n’est pas automatique, ni purement physique, mais qu’elle est contrôlée par le cerveau et donc adaptée aux circonstances. De plus, la queue du lézard ne se casse pas toujours au même endroit, ni encore au même moment si on tire dessus avec la même force. La précieuse queue S’il arrive parfois que le lézard mange sa propre queue afin de limiter la perte d’énergie ou qu’il l’abandonne à un prédateur, cela ne suffit à déduire que la queue est un instrument secondaire. Bien au contraire, elle est d’une importance capitale. Par exemple, certaines espèces emmagasinent jusqu’à 60% de leur graisse dans leur queue. Les scinques, qui peuvent vivre trente-cinq jours sans manger, meurent au bout de vingt-quatre s’ils ont perdu leur queue. La situation est pareille pour les geckos : ils peuvent survivre nonante jours sans nourriture, mais ne peuvent survivre plus de cinquante sans queue ! Un autre désavantage : la femelle qui a perdu sa queue pondra moins d’œufs, une partie de son énergie étant dépensée pour faire repousser la queue. Le lézard doit donc peser le pour et le contre de l’opération avant de s’abandonner à son impulsion. Lorsque la prédation est rare, cette méthode radicale a peu de chance d’être utilisée. Elle est moins fréquente chez le lézard qui possède d’autres moyens de défense, comme une épaisse armure ou des dents et des griffes puissantes. De plus, après le détachement de la queue, la fuite doit être garantie : pourquoi laisser sa queue si on sait que le prédateur va nous rattraper d’un coup de patte ? Il vaut dans ce cas mieux tenter un « combat ». De plus, si l’animal sait que par la suite, il ne pourra plus pêcher, attraper ses proies ou se reproduire, le sacrifice aura été vain. N’oubliez pas que la queue sert de balancier pour tous ses déplacements. Sans sa queue, le lézard courra moins vite, sans sa queue, le lézard n’aura plus son cinquième membre pour la grimpe (certains se suspendent même par la queue !), quant au lézard à tendance aquatique, sans sa « nageoire » (sa queue), il ne pourra plus nager. Dans tous ces cas, le lézard devra donc prendre en compte ce handicap et s’adapter à un nouveau style de vie. Certains y succomberont… Enfin, socialement, sa queue marque son statut. Communiquer avec les autres sera un problème, occuper un territoire deviendra une mission difficile, quant à trouver un partenaire… notre ami aura parfois l’obligation d’y renoncer. Ecailles personnelles La forme des écailles varie beaucoup selon les espèces. Mais elles ont tout de même un point commun : toutes sont faites de kératine, la substance qui compose les ongles humains. Ainsi, comme nos propres ongles, de nouvelles écailles se forment continuellement et les anciennes se détachent par lambeaux. L’héloderme du sud-ouest des Etats-Unis est revêtu d’écailles perlées épaisses qui le protègent des prédateurs, du sable et de la chaleur. Mais il faut savoir que les épines du crapaud cornu, la crête des iguanes, les cornes de certains caméléons ne sont que des écailles ayant pris une forme particulière. Chez les Lacerta, on remarque une grande unification des L’héloderme est propre aux régions arides et écailles. Les écailles de la tête sont grandes. Celles du corps subarides du sud-ouest des Etats-Unis. Sa queue est sont petites et granuleuses sur le courte et épaisse. Elle emmagasine des réserves de dos, mais grandes et graisse pour les périodes de jeûne. Sa peau est rectangulaires sur le ventre. granuleuse et sa coloration contrastée - jaune et L’héloderme rose noire – constitue un excellent camouflage pour le désert. Il passe de longs moments inactif, caché sous des rochers ou dans un terrier qu’il a creusé ou dérobé à un rongeur. En hiver, il hiberne. L’héloderme fuit la chaleur estivale et ne sort qu’aux heures fraîches, au crépuscule. Si un danger le menace, il se gonfle et dresse la tête, ouvre la bouche et souffle. Si l’ennemi ne fuit pas, il peut se précipiter et mordre son ennemi. Cependant, il n’agit pas comme le serpent, qui injecte son venin dans la chair de sa victime. L’héloderme, lui, laisse simplement le sien baigner dans la blessure qu’il a créée en mordant. Ses glandes à venin sont des glandes salivaires modifiées, longues parfois de quatre centimètres, situées dans la mâchoire inférieure près de l’extrémité du museau. Lorsque le lézard mord, les glandes déversent leur contenu dans la fente séparant la lèvre inférieure de la gencive : le venin glisse le long des dents sillonnées, puis se répand dans la plaie. Les mâchoires de l’héloderme sont si puissantes qu’elles peuvent laisser une morsure d’un centimètre de profondeur dans la chair de la proie. Les personnes mordues témoignent de violentes douleurs, mais l’issue est rarement fatale – très peu de personnes sont mortes. Le plus difficile est de forcer le lézard à ouvrir sa gueule pour lâcher prise. Il faut savoir que l’héloderme est capable de se retourner tout en mordant, ce qui favorise ainsi l’écoulement de son venin. Plus vite que l’éclair Mais comment donc un si petit animal peut-il se déplacer si vite ? Eh bien il faut croire qu’ils ont une technique qui leur réussit parfaitement. Lorsqu’ils marchent, ils utilisent leurs quatre membres (voir photo). Leurs membres sont perpendiculaires à leur corps et leur poids passe d’un côté, puis de l’autre et ainsi de suite, ce qui provoque un mouvement ondulant, tandis que leur queue fait office de balancier. Au soleil Les lézards aiment se chauffer au soleil. Mais l’endroit est une affaire de goût. Un talus ensoleillé fera l’affaire du lézard vert ou du lézard vivipare, qui aplatit son corps et s’étend au soleil. Le lézard de Schreiber aime particulièrement les champs, les landes ou les coteaux, souvent près des cours d’eau, mais à des endroits où la vue est bien dégagée. Le lézard agile adore les clairières, les haies, les lisières des champs, les landes et les dunes. Le lézard des murailles, comme indique son nom, préfère les régions sèches où il s’installe sur les rochers, les rocailles, les murets et les vieilles murailles. Il est vif et agile, ce ne sont pas les murs verticaux qui l’impressionnent. Quant aux vieux troncs tordus et murets de pierres sèches, ils sont squattés par le lézard ocellé. Enfin, le lézard vivipare se trouvera dans divers lieux, dont on peut citer les haies, les marécages, les tourbières, ou, en altitude, dans les éboulis. Le lézard des murailles se révèle être un bon nageur sur de courtes distances (il n’hésite pas à se jeter à l’eau en cas de danger), mais son manque d’endurance lui coûte parfois la vie. Le bord d’une rivière peut être parfait pour le lézard vert, qui sait aussi se débrouiller dans l’eau, autant qu’il est capable de grimpes incroyables. Température variable N’oubliez cependant pas que le lézard est un animal à sang froid : par des journées de canicule, aucun d’entre eux ne prendra le risque de s’attarder trop longtemps sous le soleil brûlant et beaucoup préfèreront trouver un endroit au frais. L’eau est également vitale : le lézard ocellé ne vit que dans les lieux arides, mais il exige un point d’eau à proximité. Un lézard dont la température reste à 42° pendant des périodes prolongées peut mourir de chaud. Il essaie de limiter son activité aux heures estivales où le soleil tape trop fort. Il peut aussi s’enterrer dans le sol où il fait bien plus frais – à trente centimètres de profondeur, la différence peut atteindre 35°C. La chaleur métabolique que produit notre reptile est très faible et passe rapidement à l’extérieur par la peau. Ainsi, la température du corps se règle sur celle du milieu ambiant. Si cette dernière convient, tout est parfait pour notre lézard. Mais lorsqu’elle devient imparfaite, toute se complique. A basse température, le lézard se trouve confronté à un dilemme : il doit se réchauffer sous les rayons du soleil pour se chauffer. Or, tant que sa température ne s‘est pas élevée, sa mobilité est réduite et il devient vulnérable à la prédation des mammifères et des oiseaux. Mais s’exposer représente un risque considérable ! Son espoir est d’atteindre rapidement une température acceptable. Il devient alors agressif, comptant sur le bluff ou les morsures – qui sont moins coûteuses en énergie que la fuite. Ce n’est qu’une fois réchauffé que le lézard va pouvoir débuter ses activités. Il fait alors des allers et retours entre ombre et soleil – sa température varie de un à deux degrés. Plutôt solitaire Certains lézards vivent en colonies, d’autres préfèrent la solitude. Le lézard agile vit souvent avec des compagnons dans des trous qu’il creuse – il lui arrive aussi d’occuper des terriers abandonnés de souris ou de campagnols. Mais beaucoup de lézards passent leur vie en solitaire, même si, le moment venu, ils peuvent communiquer entre eux par une série de comportement très stéréotypés – par exemple les parades nuptiales. En général, les lézards ne se « parlent » qu’avec des signes visuels ou chimiques (odeurs), mais quelques lézards savent émettre des sons. Les lacertidés ne possèdent pas la voix remarquables des geckos, mais peuvent appeler doucement un compagnon de leur propre espèces – sifflement inaudible pour l’homme – car les lézards de groupes différents ne communiquent pas entre eux. Le lézard mâle porte des structures glandulaires sur les écailles des cuisses et autour du cloaque. On ne connaît pas grand chose sur leur fonction mais on pense qu’elles jouent un rôle important dans la communication lors de la parade nuptiale. Les lacertidés sont exclusivement diurnes et terrestres. Cependant, si le temps est défavorable, le lézard ne sortira pas. Sommeil d’hiver La plupart des lézards vivant dans des régions où l’hiver est une période très froide hibernent. Dès octobre, le lézard creuse un trou dans lequel il va passer son hiver, plongé dans un profond sommeil. Le lézard des murailles préconise le dessous des pierres, les fentes de rochers ou les fissures dans le sol pour passer la saison froide. Si vous cherchez bien, vous pourrez trouver un lézard vert enfoui dans la végétation ou sous de grosses racines au moins de décembre. La période d’hibernation se termine vers le mois de mars en Europe, parfois en février – lézard vivipare, lézard ocellé. Au sud (Afrique du Nord, sud de l’Europe), certaines espèces hibernent aussi, mais la période est alors bien plus restreinte. En chasse La vue n’est pas très développée chez le lézard. Ce sont les sens du goût et du l’odorat qui sont essentiellement utilisés pour la chasse. Le lézard se nourrit d’insectes, d’araignées, de lombrics, de limaces, de mille-pattes, de petits invertébrés et de cloportes. Le lézard des murailles a une alimentation qui est axée sur les mouches et leurs larves. Le lézard vert, lui, peut même s’attaquer à des rongeurs ou à des lézards de petite taille. Mais notre Lacerta a aussi des tendances végétariennes. Il adore les fruits ou les plantes très tendres. Vous aurez peut-être l’occasion de voir un lézard en quête d’un morceau de choix, s’approcher discrètement de vous lorsque vous pique-niquez Lorsque l’héloderme suit la trace d’une proie, il laisse traîner se langue sur le sol pour recueillir des particules odorantes sur le sol, grâce à l’organe dit de Jacobson, situé dans la bouche. Cette langue, charnue et bifide (c’est-à-dire qu’elle est séparée en deux jusque vers le milieu de sa longueur), est ainsi utilisée comme chez les serpents. Le lézard vivipare a un goût particulier pour les fourmis et leurs larves. Il est très friand des petites chenilles – qu’il avale en entier – autant que des grandes – qu’il mâche, absorbant l’intérieur et rejetant la peau. Les œufs des oiseaux peuvent aussi être attaqués par un lézard, parce que les coquilles sont très vulnérables et qu’elles ne peuvent pas résister aux solides mâchoires du lézard vert. L’héloderme se nourrit aussi de chair, prélevée sur des cadavres d’animaux. L’héloderme peut s’attaquer, grâce à son venin, à des proies plus grosses. En effet, le venin attaque le système nerveux et provoque l’arrête du cœur ou de la respiration. La proie est généralement avalée entière. Les œufs sont brisés et leur contenu est alors ingurgité. Le lézard qui est insectivore possède des dents pointues qui maintiennent sa proie. Le lézard herbivore, lui, a des dents au bord coupant et dentelé, capable de trancher des fibres végétales résistantes. Une morsure de lézard n’est pas dangereuse, mais peut être douloureuse. Batailles et course-poursuites L’accouplement commence fin avril, après la période d’hibernation. Le point culminant se situe en mai. La rivalité entre les mâles est très importante, chacun tentant de défendre son territoire contre l’intrusion des autres. Le lézard des murailles est sans doute le plus violent : de véritables combats ont lieu et on peut même assister à des poursuites effrénées dans les rocailles et les ronciers. La femelle prend l’initiative de rendre visite au mâle sur son territoire. C’est là qu’ils s’accouplent. Le mâle du lézard de Schreiber, qui vit au sud-ouest de l’Europe, est vert avec des petites taches noires. Pendant la saison de reproduction, sa gorge ou sa tête – parfois les deux – se colorent de bleu. La femelle est brune ou vert vif avec de gros motifs noirs et une tête brune. Les couleurs du mâle aident à attirer la femelle. Le mâle lézard vert fait pareil et se pare d’une belle teinte bleu cobalt sous le corps et les côtés du cou. Le lézard possède une fente horizontale, nommée cloaque, où l’on trouve les appareils digestif et urogénital. Le mâle, lui, arbore une paire d’organes d’intromission, les hémipénis. Au repos, ceux-ci sont adjacents au cloaque, à la base de la queue. Lors de l’accouplement, un hémipénis est érigé par l’action des muscles et est gorgé de sang. La fécondation est donc interne. Vivipares… Il existe des espèces de lézards vivipares et d’autres qui sont ovipares. Le lézard vivipare, comme son nom l’indique, est vivipare. De tous les reptiles terrestres, c’est celui qui possède la plus vaste aire de répartition continue. Il est le seul de son genre (Lacerta) à être vivipare – une adaptation qui facilite la survie dans les régions trop froides pour que les œufs puissent se développer : hors du corps de la mère, les œufs ne pourraient pas incuber. Mais il existe aussi des inconvénients à ce mode de reproduction : la femelle doit supporter le poids de ses jeunes. Sa reproduction n’est pas unifiée. Au nord de son aire de répartition, il hiberne jusqu’à huit mois d’affilée et ne se reproduit que tous les deux ou trois ans. En compensation, celui qui habite le nord vit plus longtemps que son confrère du sud. Les petits lézards vivipares, après avoir passé trois mois dans le ventre de leur mère, naissent enveloppés d’une membrane vitelline dont ils se débarrassent très vite. Il arrive qu’elle soit rompue lors de l’accouchement – le petit vient donc au monde sans cette membrane. La portée compte cinq à huit petits (jusqu’à dix), qui sont bronzes ou noirs et mesurent environ quatre à cinq centimètres. Quelques heures après sa naissance, le jeune lézard, agile et adroit, peut déjà chasser de petits insectes. A vingt et un mois, il aura atteint sa maturité sexuelle. Le scinque brésilien a même un placenta de type mammalien ; l’œuf fécondé est petit et son poids est multiplié par 38'000 pendant la gestation, uniquement grâce à l’apport alimentaire de la mère. … ou ovipares Cependant, la plupart des lézards sont ovipares et déposent leurs œufs dans le sol ou sous les feuilles mortes. La ponte varie de six à treize œufs – cela dépend beaucoup de la taille de la femelle – qui mesurent environ deux centimètres. Au bout d’un mois ou deux, les œufs, qui ont été pondus en juin ou en juillet, éclosent. Sortent alors de petits lézards de couleur brune. Ils ne mesurent que quelques millimètres chez le lézard agile, alors qu’ils font de trois à cinq centimètres chez le lézard des murailles. La femelle de ce dernier peut d’ailleurs pondre trois fois en une seule saison. La femelle lézard vert ne quitte pas son lieu de ponte pendant les trois mois que durent l’incubation. Ses petits mesurent de cinq à neuf centimètres et ont une teinte brunâtre. Au fur et à mesure de leur croissance, ils vont devenir verts. L’héloderme est un ovipare. La femelle dépose de gros œufs ovales (de trois à treize) à la coquille parcheminée (l’œuf peut ainsi croître au fur et à mesure que l’embryon se développe), qu’elle recouvre de sable. Ils sont enterrés à douze centimètres et sont ainsi chauffés par le soleil qui brûle le sable. L’incubation peut durer plus de quatre mois, jusqu’à ce que de petits lézards nouveaux-nés brisent leur coquille et grimpent vers la surface. Chez le Lacerta, le petit a atteint la taille de cinquante à septante-cinq millimètres en octobre, le moment de l’hibernation. Mais ils n’atteindront leur maturité sexuelle qu’à deux ans et leur véritable corps d’adulte à quatre. Dernière précision : il existe des espèces de lézards qui se reproduisent sans fécondation. Il s’agit des cnémidophores (de la superfamille des scinques), dont fait partie le cnémidophore rayé, qui vivent en Amérique du Nord. Les adultes et les jeunes ne sont que des femelles et tous les petits sont génétiquement identiques à leur mère. D’après les chercheurs, cette espèce et d’autres qui présentent la même particularité ont évolué à partir d’individus solitaires. Chaque espèce forme ainsi un groupe d’animaux génétiquement identiques (clones). Jusqu’à quand… Jusqu’à quand vivras-tu, lézard ? La longévité est variable selon les espèces. L’héloderme rose peut vivre jusqu’à vingt ans en captivité. Dans la nature, les petits lézards ne vivent guère plus de dix ans. Le lézard des murailles, lui, a une longévité qui ne dépasse pas trois ans et certains autres petits lézards n’atteignent que difficilement leurs deux ans. Le record enregistré pour un lézard est 54 ans : il s’agissait d’un orvet qui avait vécu en captivité. Prends garde à toi, petit lézard ! Pas facile de se protéger quand on est aussi petit que le lézard… Mille et un tours dans son sac Le lézard a recours à divers moyens pour se protéger. Le première est bien sûr la fuite, le deuxième la technique de la perte de la queue. Mais tout cela ne suffit pas, il faut aussi prendre ses précautions afin de ne pas être repéré. Le camouflage et l’imitation d’objets inanimés sont deux idées qui conviennent parfaitement bien à notre squamate. Certaines espèces parviennent à changer de couleur – on pense au caméléon –, d’autres pressent leur corps contre les rochers ou les troncs d’arbres pour ne pas projeter d’ombre. Le scinque à langue bleue a réussi à se colorer la langue pour prévenir ceux qui auraient eu l’audace de l’attraper qu’il est dangereusement venimeux. Il n’en est bien sûr rien, mais aucun n’osera s’approcher, de peur de voir la menace s’appliquer. Lorsque le scinque à langue bleue, qui vit en Australie, voit un danger, il sort sa langue bleue et produit un sifflement. Il peut aussi mordre, même s’il n’a pas de dents. Mais sa parade suffit bien souvent à éloigner l’ennemi. Le cordyle d’Afrique peut prendre une posture surprenante : il saisit sa queue dans sa bouche et forme alors une boule ou un anneau, couvert d’épines qui découragera la patte la plus dure. Le dernier recours est la « bataille » : le lézard griffe, mord, donne des coups de queue. Mais à cet instantlà, il est déjà trop tard, sauf pour les deux lézards au monde qui sont réellement venimeux : le monstre de Gila et l’héloderme perlé du Mexique. Le crapaud cornu, également appelé phrynosome du désert, peut effrayer un ennemi en envoyant dans son œil une goutte de sang. … sauf pour l’homme On a vu que le lézard a moult ennemis, mais contre lesquels il est parvenu à trouver une défense particulièrement appropriée. Mais un seul lui résiste encore : l’homme. Chaque année, des milliers de lézards verts sont capturés et distribués aux amateurs, aux laboratoires, ou vont enrichir les vivariums. Aujourd’hui, quarante-deux espèces de lézards sont inscrites sur la liste rouge de UICN, mais ce sont pour la plupart des geckos ou des lézards exotiques. Ceux qui vivent chez nous ne sont pour la plupart pas menacés. Attention aux chats… Ne parlons tout de même pas trop vite ! Un récent article dans le journal du Matin a alerté les propriétaires de chats. En effet, il semblerait que nos matous (on en dénombre 1'300'000 en Suisse) représentent un grave danger pour les lézards. En Suisse, on estime que 1,2 million de grenouilles, 200 000 orvets, 90 000 lézards et 20 000 couleuvres finissent chaque année entre une paire de griffes, et cela au moment du printemps, alors que nos reptiles, après leurs mois d’hibernation, se montrent moins attentifs lors de leurs premières sorties. De plus, la végétation est moins abondante, ce qui offre moins de cachette. Résultats : les redoutables prédateurs – nos chats – en profitent pour exercer leurs talents. « Un seul chat domestique peut exterminer une colonie entière de lézards », remarque Jean-Claude Monney, responsable pour les reptiles et coordinateur du KARCH pour la Suisse romande, avant d’ajouter que le lézard des murailles a carrément disparu de certaines de nos régions à cause des minets aux instincts de chasseur trop développés. « Une fois qu’une colonie est exterminée, elle l’est pour de bon » s’est-il exclamé. Que faire, alors ? « Il faut que les gens se responsabilisent et assument leurs animaux de compagnie jusqu'au bout en les empêchant d'aller chasser ailleurs que dans leur jardin ». Cette dernière phrase a suscité des réactions chez les propriétaires de chats. « Mais où va-t-on ? » s’exclame un lectrice dans sa lettre au journal. Elle s’explique ensuite : « Depuis toujours, le chat a existé et chassé. Leur accrocher une clochette, les garder à l’intérieue la nuit, leur offrir des jouets et surtout, quand vous déménagez, bien regarder s’il n’y a pas d’oiseaux et d’autres petites bébêtes, c’est n’importe quoi ». Elle termine sa lettre par une ironie : « On a déjà inventé l’aboie-stop, quand va-t-on bâillonner les enfants pour leur interdire de crier ? ». Une autre lectrice parle de blague : « Deux pages pour nous informer que nos chats mangent trop de lézards… quelle plaisanterie de la part des protecteurs de la nature ! ». Elle rappelle : « Que deviennent ces millions de bêtes mortes qui remplissent les étalages des grandes surfaces et qui ne terminent pas dans nos assiettes, des mammifères en voie de disparition qui terminent dans des filets de pêcheurs, des animaux braconnés pour leurs défenses ou leur peau « de valeur », le lynx exterminé sans pitié, les expériences de vivisections inutiles, des pages souillées par la bêtise humaine, et pis quoi encore ? Deux pages pour nous montrer que la nature est la nature, depuis la nuit des temps… ». L’alerte est également reprise par Lionel Maumary, président du Cercle ornithologique de Lausanne. « Les chats s'attaquent surtout aux passereaux, comme les rouges-gorges, les merles et les moineaux, indique le spécialiste. Ils en tuent en tout cas plusieurs millions par année en Suisse. Il ne faut pas oublier que le chat domestique est la cause de mortalité engendrée par l'homme la plus importante chez les oiseaux ». Une menace donc présente, mais peut-être moins importante que d’autres… Car dans les pays lointains, certaines espèces spectaculaires sont en train de disparaître. Pensez-y lorsque vous voyez un petit lézard courir sur le mur. L’héritage du lézard… Le lézard nous laisse un petit patrimoine dans le dictionnaire… Lézard : ce mot vient de l’ancien français « laiserde », qui lui met descend du latin lacertus. Le lézard désigne à la fois l’animal et la peau tannée de l’animal. On en a tiré l’expression « faire le lézard », qui veut dire se prélasser au soleil. Lézarde : il s’agit d’une fente affectant toute l’épaisseur d’un ouvrage de maçonnerie. Dans la littérature, le terme est utilisé pour désigner une fissure, qui compromet la solidité de quelque chose. Le terme de « lézarde » est utilisé en comparaison avec la peau du lézard. Lézarder : lézarder une surface signifie y produire des lézardes, crevasser. On peut aussi trouver l’expression dans un contexte figuré : être lézardé veut dire « être ébranlé, être atteint dans sa solidité ». Lézarder : ce verbe est familièrement utilisé pour synonyme de « paresser »… Et vous, n’adorez-vous pas être un lézard qui se lézarde au soleil, sans lézarde qui pourrait vous lézarder ? Nous espérons que ce document vous a plu et vous a appris quelque chose…