Chapitre 1: Le monopole NB: les schémas du cours sont sur l'ENT (www.univ-paris5.fr) Définition: Une entreprise est en monopole si elle est à seule à vendre un certain type de biens. Price maker (faiseur de prix) / price taker (preneur de prix) En monopole, une entreprise est price maker (elle décide du prix). Il y a 4 principales causes: -Monopole naturel: Pour tout niveau de production, le coût des facteurs utilisés est minimum lorsque la production se fait par une seule entreprise. Exemple: il suffit que l'on soit dans un secteur à rendements croissants (CM décroissant) RAPPEL: on peut traduire la production par une fonction de production avec n-uplets facteurs que l'on agence au mieux pour avoir le niveau maximum. La fonction de production a un lien avec la fonction de coût qui doit être minimum pour obtenir un niveau de production. Rendements( d'échelle): permet de comprendre ce qui se passe quand on augmente l'échelle de production (est-ce que si on double les facteurs de production on double la quantité produite?) rendements d'échelle croissants: augmentation de la production plus importante que l'augmentation de facteurs donc le coût moyen ( noté CM) baisse CM=CT/quantité produite rendements d'échelle décroissants: augmentation de la production moins importante que l'augmentation de facteurs donc le coût moyen augmente. Exemple: les industries de réseaux ( Lyonnaise des Eaux, EDF, SNCF...) CT(q)= c.q + CF CF: coût fixe: indépendant de la quantité. c.q: coût marginal: coût supplémentaire dû à la production d'une unité de biens supplémentaire. CM=CT/q=(c.q + CF)/q=c + CF/q Donc CM baisse quand la quantité produite (noté q) augmente: c'est la caractéristique du monopole naturel. -Contrôle d'une ressource rare ou d'un brevet -Monopole institutionnel: exemple:EDF-GDF, SNCF...mais cela évolue... -Mécanisme de la concurrence elle-même: innovation, comportement de prédation... Plan du chapitre Section 1: Comportement du monopole Section 2: Surplus Section 3: Inefficacité du monopole Section 4: Réglementation du monopole Section 5: Monopole discriminant I) LE COMPORTEMENT DU MONOPOLE 1- Rappel sur la concurrence pure et parfaite 2- Etude analytique du comportement du monopole 3- Etude graphique du comportement du monopole 1-Rappel sur la concurrence pure et parfaite Les entreprises considèrent le prix comme une donnée (price taker) car il y a un grand nombre d'entreprises sur le marché (c'est le prix qui permet d'égaliser l'offre et la demande). Les entreprises cherchent à maximiser le profit (Π) Max prod(Π) = p.q – CT (q) par rapport à q. = RT – CT (q) p: paramètre. On aboutit à p = Cm (q) (Coût marginal). NB: il faut toujours dire par rapport à quoi on maximise Maxq p.q – Ct (q) f(q) f ' (q) = p – CT'(q) = p – Cm (q*) = 0 f '' (q) = -CT '' (q) = - Cm' (q) Cm croissant car chaque unité de production supplémentaire coûte de plus en plus chère. Cm croissant donc Cm' est négative donc fonction de profit est concave: elle est au maximum quand sa dérivée est nulle. Il faut donc que Cm(q*) = p. 2-Etude analytique du comportement du monopole 1-Condition de maximisation du profit 2-Analyse de cette condition Entreprise connaît parfaitement la fonction de demande. Elle sait que si elle veut écouler beaucoup elle doit baisser son prix et que si son prix de vente augmente alors elle coulera peu de produits. Elle va donc en tenir compte. Qd = Qd (p) c'est la fonction de demande. P = p(Q) c'est la demande inverse. On a Q'(p) ≤ 0 et p' (Q) ≤ 0 car il y a une relation inverse entre le prix et la quantité demandée: c'est la loi de la demande. La demande du marché est aussi celle qui s'adresse au monopole. Le monopole cherche donc q qui maximise RT(q) – CT(q) = p(Q).q – CT(q) Sachant que q = Q ( ATTENTION) q: quantité produite Q: quantité demandée Il cherche donc Q qui maximise RT(Q) – CT(Q) = p(Q).Q – CT(Q) Remarque RM = RT/Q = [p(Q).Q]/Q = p(Q) comme pour une entreprise en concurrence. Mais pour une entreprise en concurrence la recette moyenne (RM) est une donnée alors que pour un monopole elle depend de sa propre décision de production. Rm = [p(Q).Q]' = p'(Q).Q + p (Q) comme p'(Q) ≤ 0, Rm ≤ RM logique: chaque fois que le monopole veut augmenter ses ventes d'une unité, il doit baisser son prix. RM est donc décroissante ce qui est bien équivalent au fait que la Rm est inférieure à la RM -> lié à la loi de la demande. --> augmentation de la quantité --> baisse du prix --> RM baisse. La RM étant en fait la demande inverse, elle est décroissante. RM' (Q) = [RT (Q)/Q]' = [Rm.Q – RT]/Q² = Rm/Q – RM/Q ≤ 0 ssi Rm ≤ RM Utilisation systématique pour les graphiques cf: schéma sur l'ENT 1- Condition de maximisation du profit Rm (q) = Cm (q) Rappel de la définition de Coût marginal Cette condition est suffisante si le profit est concave par rapport à q. Elle s'écrit: p'(q)q + p(q) = Cm (q) 2- Analyse de cette condition Rappel: élasticité prix directe e = δQ/δP *P/Q Définition:pourcentage de variation de la quantité demandée lorsque le prix augmente de 1% ( loi de la demande: élasticité directe négative) Définition mathématique de l'élasticité: e = limΔp- >0 (ΔQ/Q)/(ΔP/P) = limΔp- >0 (ΔQ/ΔP)(P/Q) p'(q)q + p(q) = Cm(q) p(1 + (δp/δq)(q/p)) = Cm(q) p(1 + 1/e) = Cm p(1 – 1/│e│) = Cm On sait que e < 0 donc 1/e = -1/│e│ p = Cm /(1-1/│e│) Plus la demande est sensible, plus le dénominateur est fort, donc plus le prix est faible pour des conditions de coût identique. 1/│e│: indice de Lerner. Mesure du pouvoir de monopole, plus l'indice est élevé plus le pouvoir est élevé.( Plus 1/e est fort moins e est fort moins les consommateurs sont sensibles au prix). 3-Etude graphique du comportement de monopole Condition de maximisation du profit fait apparaître le Cm et la Rm On a déjà un graphique avec la Rm. Il suffit d'ajouter le Cm. Cf: schéma ENT ATTENTION: il ne faut pas confondre prix et Rm car Rm plus faible que RM donc que p car RM = p(q) exemple: p(Q) = -1/2 Q + 5 (demande inverse) CT (q) = 3Q Quelle est la production du monopole? A quel prix écoule-t-il son produit? Quel est son profit? Remarque: Il n'y a pas de fonction d'offre du monopole c'est-à-dire une relation entre prix et quantité offerte. Le monopole choisit directement la quantité qu'il produit et en même temps le prix. Le monopole cherche q: Maxq p(q)q – CT(q) p'(q)q + p(q) – Cm(q) = 0 Le monopole cherche p: Maxq pq(p) – CT(q(p)) q(p) + pq'(p) – Cm(q)q(p) = 0 q'(p) [(q(p)/q'(p)) + p – Cm(q)] = 0 or 1/q' = p' car ce sont des fonctions inverses q'(p)( q(p)p'(q) + p – Cm(q) ) = 0 Présence de la condition de maximisation du profit comme précédemment) Cela prouve que chercher le prix et la quantité revient au même en monopole. Choisir q qui maximise le profit implique sur le marché un prix qui est celui que le monople aurait choisi pour maximiser le profit par rapport au prix. Généralement on maximise par rapport à q. II) SURPLUS 1. Surplus des consommateurs 2. Surplus des producteurs 3. Surplus global (ou social) 1)Surplus des consommateurs CONSOMMATEURS SOMME MAX( disponibilité à payer) 1 100 2 80 3 70 4 50 Disponibilité: prix de réservation. Si le prix de vente est de 10, le premier a un surplus de 90, le deuxième de 70, le troisième de 60 et le quatrième de 40. Définition:le surplus pour un consommateur c'est la différence entre ce qu'il est prêt à payer et ce qu'il paie effectivement. Relation entre surplus des consommateurs et courbe de demande. PRIX QUI ACHETE? QUANTITE DEMANDEE > 100 0 0 Entre 80 et 100 1 1 Entre 70 et 80 1;2 2 Entre 50 et 70 1;2;3 3 ≤ 50 1;2;3;4 4 Cf: schéma ENT Le surplus des consommateurs est la somme des surplus individuels. C'est un indicateur du bien être des consommateurs. Graphiquement c'est la surface qui se trouve sous la courbe de demande et au dessus de la droite horizontale représentant le prix. 2)Le surplus des producteurs PRODUCTEURS COÛT 1 900 2 800 3 600 4 500 Si le prix est de 1000, le surplus du premier est de 100, celui du deuxième est de 200, celui du troisième de 400 et celui du cinquième de 500. Définition:Le surplus pour un producteur est la différence entre ce qu'il reçoit pour un produit etce que cela lui coûte réellement. Relation entre surplus et courbe de Coût marginal PRIX QUI OFFRE? QUANTITE OFFERTE > 900 1;2;3;4 4 ENTRE 800 ET 900 2;3;4 3 ENTRE 600 ET 800 3;4 2 ENTRE 500 ET 600 4 1 ≤500 0 0 Cf: schéma ENT Surplus total: somme des surplus individuels. C'est l'équivalent au profit calculé sans tenir compte des coûts fixes (CF) Graphiquement c'est la surface qui se trouve au dessus du Cm et en dessous de la droite de prix. Surplus du producteur: profit. 3-Surplus global (ou social) Société: consommateurs et firmes. Surplus social: somme des surplus des membres de la société. ATTENTION: cela revient à donner un même poids à l'importance des consommateurs et à celle des entreprises. Cf: schéma ENT III) INNEFICACITE DU MONOPOLE 1. Comment maximiser le surplus global? 2. Que se passe-t-il en monopole? 1.Comment maximiser le surplus global? Sc= 0∫Q p(y)dy – pQ SP= pQ - 0∫QCm (y) SG= SC + SP = 0∫Q p(y)dy – pQ + pQ – 0∫Q Cm(y) = 0∫Q [p(y) – Cm(y)]dy On cherche Q qui maximise le surplus global. Cela revient à chercher Q tel que: δSG/δQ = p(Q) – Cm(Q) = 0 Quand on dérive par rapport à la borne supérieure on obtient la valeur de la fonction à intégrer en cette borne. Le surplus global est donc max pour Q si p = Cm. 2.Que se passe-t-il en monopole? Le prix tarifié étant plus élevé que le Cm (pour maximiser le profit) en monopole, le surplus global n'est donc pas maximisé. On dit que le monopole produit une quantité plus faible vendue à un prix plus élevé que ce qui est socialement nécessaire. Il existe donc ce qu'on appelle « la perte sèche du monopole » (triangle sur le graphe). Quand le prix baisse la perte sèche baisse. Lorsque p = Cm, la perte sèche n'existe plus, le surplus est maximisé. Cf: schéma ENT Remarque: Tant que la quantité produite est inférieure à Q*, quantité socialement optimale qui correspond à l'intersection du Cm et de la demande (RM), la valeur accordée d'une unité supplémentaire de bien est supérieure à Cm donc au supplément de coût. On a donc intérêt à augmenter la production d'un point de vue social. Pas de perte sèche avec Q*. Cf: schéma ENT Si Q1 = Perte Sèche donc intérêt à augmenter la production. Ce n'est pas le fait que le monopole fasse un profit qui pose problèmemais le fait qu'il ny a pas de transfert d'un groupe d'agents (les consommateurs) à un autre (le monopole). Cette perte sèche correspond à la baisse de la taille du gâteau qui résulte de l'existence du monopole. Si le prix élevé n'avait pas découragé certains acheteurs, le surplus des producteurs aurait augmenté, celui des consommateurs baissé et le surplus global inchangé. Le surplus global est plus faible en monopole et au détriment des consommateurs. Cette perte sèche peut ne représenter qu'une partie du coût social du monopole. Exemple: un monopole peut vouloir maintenir sa position grâce à des dépenses publicitaires, en payant des spécialistes pour convaincre le gouvernement de lui renouveler sa concession ou des pots de vin... dépenses qui viennent s'ajouter à la perte sèche si l'on veut calculer le coût social de l'existence du monopole. Mais le monopole permet de prendre des risques... Il faut donc avoir une politique mixte... IV)REGLEMENTATION DU MONOPOLE 1.Tarification au Cm 2.Tarification de second rang 1.Tarification au Cm Si le gouvernement veut maximiser le surplus global il demande à la firme de tarifier au Cm. OK mais il y a un problème si la firme est un monopole naturel à rendements croissants. Pourquoi? L'Etat demande aux entreprises d'être en déficit. Si le Coût moyen est décroissant CM > Cm en effet, CM' (q) = [CT(q)/q'] = (Cm(q)q -CT(q))/q² = (Cm(q)/q) – ((Ct(q))/q)/q = (Cm (q) – CM(q))/q donc le profit de la firme est négatif (pertes). Π = pq – CT(q) = Cm(q)q – CM(q)q = [Cm(q) – CM(q)]q < 0 Résumé Si le monopole est naturel on maximise le Surplus Global en tarifiant au Cm mais on obtient un profit négatif qu'il faut donc payer. Qui paye? On taxe les consommateurs, or dans le Surplus Global il y a le Surplus des Consommateurs mais on ne tient pas compte de la taxe donc il est préférable de passer à la tarification de second rang. 2.Tarification de second rang Second rang: quand on a une contrainte supplémentaire à vérifier. Ici: ne pas avoir de déficit. A quoi doit être égal le prix? Le plus faible possible compatible avec un profit positif ou nul. Donc p = CM (coût moyen). Cf : schéma ENT V)MONOPOLE DISCRIMINANT Stratégie de discrimination: récupération de tout ou partie du Surplus des Consommateurs par les entreprises. 3 conditions: Pouvoir de marché. Identification des catégories de consommateurs. Empêcher la revente du produit. Première classification par Pigou (1920). 1.Discrimination pure de premier degré 2.Discrimination de second degré 3.Discrimination de troisième degré 1.Discrimination pure de premier degré But de l'entreprise: faire payer à chaque consommateur son prix de réservation. A. Cas théorique Pour simplifier prenons un exemple: p = -Q + 11 CT(Q) = Q² – Q + 4 S'il n'y a pas de discrimination on a le cas habituel avec Rm = Cm Maximisation du profit donne: Maxq Π = RT – CT = [-Q + 11]Q – Q² + Q – 4 δΠ/δQ = -2Q + 11 – 2Q + 1 δΠ/δQ*= 0 <=> -4Q* + 12 = 0 <=> Q* = 3 P* = -3 + 11 = 8 RT = 24 CT = 10 Π = 14 Que se passe-t-il avec discrimination? Entreprise considère que fonction de demande correspond en fait à sa Rm avec discrimination. Rm = -Q + 11 Cm = 2Q – 1 Rm = Cm <=> - Q + 11 = 2Q – 1 <=> 3Q = 12 Q = 4 CT = 16 RT = (-Q²/2) + 11 Q = 36 Π = 20 Plusieurs remarques: Il n'y a plus de Surplus de Consommateurs puisque chaque unité est payée à son prix de réservation. Le niveau de production est efficace puisque c'est l'intersection de la demande et du Cm. Problème: on n'a jamais une info parfaite sur le prix de réservation des consommateurs. B-Cas le plus fréquent Tarification en deux parties. Point commun: confisque le Surplus des Consommateurs au bénéfice de la firme. Paiement dune somme fixe ( droit d'entrée) et d'une somme variable liée à la quantité achetée. Exemple: Parc d'attractions, France Télécom... Exemple: p = - aQ + b CT (Q) = cQ Si entreprise prélève un abonnement A et un prix t à l'unité on aura: Π(t) = tQ + A(t) – cQ Cf: schéma ENT Pour un prix t (donc une quantité Q(t)), abonnement le plus grand possible est égal à la valeur du Surplus des Consommateurs pour ce prix: Π = tQ + A – cQ = (-aQ + b) Q + (b-(-aQ + b))(Q/2) – cQ = -a(Q²/2) + (b-c)Q On cherche Q qui maximise le profit. Annulation de la dérivée première. Π = -a(Q²/2) + (b - c)Q δΠ/δQ = -aQ + b – c Q* = (b – c)/a On a donc une tarification au Cm. Le Surplus Global est maximisé, seul problème: entièrement aux mains de la firme. SC = 0. Seule chose A>CF. Cas général: Firme cherche à maximiser RT + A – CT avec A = SC or RT – CT = SP donc on cherche bien à maximiser le Surplus Global donc il est logique que t = c. 2. Discrimination du second degré ou tarification non linéaire. Prix par unité de la quantité globale achetée. Rabais pour achat en grande quantité. Mais aussi tarif au choix ( 1ere ou 2eme classe) Appropriation imparfaite du Surplus des Consommateurs avec des choix pour faire révéler prix de réservation. 3. Discrimination du troisième degré Prix différents selon les groupes d'acheteurs identifiés par l'entreprise. Exemple:tarif étudiant, chômeurs, carte Vermeil, abonnements à des revues... C'est la firme qui décide des groupes ( et non les consommateurs). Deux types de consommateurs donc entreprise va choisir q1 et q2 Maxq p (Q )q + p (Q )q - CT(Q + Q ) q 1; 2 1 1 1 2 2 2 1 2 p '(Q )Q + p '(Q ) – Cm = 0 1 1 1 2 2 avec e = ( 1/p '(Q ))(p (Q )/Q ) i i i i i i On peut récrire les deux égalités en fonction de e: p '(Q )Q + p (Q ) - Cm = 0 i i i i i p (Q ) ( 1 + (1/e )) = Cm i i i p (Q ) = Cm/( 1 – 1/│e │) i i i Plus un consommateur aura une forte sensibilité au prix moins il paiera cher. Mais il faut être sur que toute revente entre les deux groupes est impossible...