La réflexion des hommes de sciences, des économistes ou la réflexion citoyenne peut être source d’enrichissement. §1 : L’approche philosophique Dans les années 1990, il y a plusieurs ouvrages qui sont parus sur le thème explicite de la responsabilité. A) Le redéploiement du concept de responsabilité Paul Ricœur a écrit un livre : le juste publié en 1995, il y a un chapitre sur le concept de responsabilité. Il évoque page 61, il évoque le rétrécissement du champ juridique de la responsabilité (pour faute), qui est composé par une extension du champ moral de la responsabilité. Pour lui, « notre responsabilité s’étend aussi loin que nos pouvoirs le font, dans l’espace et dans le temps ». ce qui engendre « une extension illimité de la portée de la responsabilité, axé désormais sur la vulnérabilité future de l’homme et son environnement parce que ce n’est pas seulement du dommage dont nous sommes responsable, mais aussi de l’autrui vulnérable. B) Nous sommes au seuil d’un élargissement de la responsabilité sans précédent Jean-Marie Domenach. Il parle de l’extension de l’objet de notre responsabilité en ces termes : « ce que nous pouvons manipuler, exploiter, détruire mais aussi améliorer relève de notre responsabilité : or il s’agit maintenant de la terre et de l’humanité ». il met l’accent sur un double mouvement paradoxal selon lequel la responsabilité grossit et rétréci en même temps. D’un côté elle s’étend par la multiplication des textes sur la responsabilité, et de l’autre côté il y a un effort pour essayer de la contenir avec des systèmes de couverture contre les risque. C) La responsabilité, un nouveau repère Alain Etchegoyen : le temps des responsables. Il souligne que le même terme responsabilité peut à la fois servir à désigner un pouvoir ou bien attribuer une faute. Il décrit un spectre de la responsabilité : au pire du spectre on est dans la question qui est responsable (domaine du droit). Au centre du spectre, le sens de responsabilité est plus neutre : c’est la capacité de répondre de ses actes. Au meilleur du spectre, la responsabilité devient une valeur, sa dimension morale nous parle d’espoir pour l’avenir. Elle nous parle de ce que nous devons faire. D) Le principe responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique Hans Jonas. Il situe sa réflexion sur le plan de l’éthique et non directement du droit. 1) Le point de départ Jusqu’à présent, les théories éthiques se préoccupaient des actions humaines qui avaient une portée limité ç une sphère de responsabilité. Toutes les maximes de l’éthique sont cantonnées à l’environnement immédiat de l’action humaine. L’éthique traditionnelle est une éthique de la simultanéité et de l’immédiateté. Or aujourd’hui, l’éthique a affaires à des actes d’une portée causale incomparable en direction de l’avenir. En effet, avec les technologies actuelles, l’homme tient la nature et sa propre nature en sou pouvoir et son action peut avoir une portée à très long terme, possiblement irréversible. Par conséquent la responsabilité prend de nouvelles dimensions car le cadre de l’éthique antérieur n’est plus suffisant car l’agir humain a acquit une toute autre portée. 2) L’impératif « Agit de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre ». « Ne compromet pas les conditions pour la survie indéfinie de l’humanité sur terre ». L’éthique nouvelle proposée est une éthique de la prévision, de l’anticipation et de la responsabilité. 3) Distinction effectuée quant à la responsabilité Jonas distingue la responsabilité comme imputation causale des actes commis de la responsabilité pour ce qui est à faire (l’obligation de pouvoir). on pourrait traduire ça comme la responsabilité source de l’obligation de réparer (passé) et la responsabilité source du devoir d’anticiper et/ou d’agir. 4) La méthode Pour parvenir à cette responsabilité qui nous permet d’anticiper et de prévenir les dangers qui menacent la terre et l’humanité, Jonas préconise : une heuristique de la peur. Il précise bien que ce n’est pas la peur qui déconseille d’agir, mais au contraire une peur qui invite à l’action. 2§ : d’autres approches de la responsabilité A la suite de la réflexion de ces philosophes, il y a des voix qui se sont élevés pour appeler une responsabilité repensé en direction de l’avenir. Notamment Jérôme Bindé : une éthique du futur est nécessaire et qu’elle suppose : « une mutation temporelle de la responsabilité non plus seulement tournée vers le passé, mais aussi vers le futur, y compris le futur lointain ». Zaki Laïdi plaide pour une responsabilité envers les générations futures, dont l’intérêt est qu’elle commence aujourd’hui. F. Ost : les conséquences de notre action appelle désormais une responsabilité élargie à l’échelle universelle et résolument tournée vers l’avenir. Il parle aussi de la nécessité de donner consistance juridique au futur, car aujourd’hui, nous sommes en train de réaliser que nous pouvons compromettre la survie de l’humanité. Si on admet cette équation simple selon laquelle on a autant de responsabilité que de pouvoir, il me semble juste de dire que nous avons une responsabilité envers les générations futures. Cette mutation temporelle de la responsabilité en direction de l’avenir, implique de repenser l’idée de progrès. Responsabilité écologique personnelle dont le père est un professeur d’économie : William Rees : concept d’empreinte écologique : notre empreinte écologique. L’empreinte écologique est la surface nécessaire pour subvenir aux besoins, d’un pays, d’une ville, d’une population, d’un individu. Section 3 : l’approche juridique de la responsabilité Pendant longtemps, la responsabilité juridique était une, en ce sens, les responsabilités pénales et civiles étaient fondues. Aujourd’hui, la distinction entre responsabilité civile et pénale est universellement admise. Avec cette idée que la ligne de partage entre les deux repose sur la distinction entre répression et réparation. 1§ : l’évolution historique des rapports entre responsabilité pénale et responsabilité civile 1) Dans les droits dits primitifs La distinction n’existe pas. Plus précisément, la peine et la réparation sont confondues dans la vengeance privée. Par la suite, s’est institué un système de composition dans lequel la victime va obtenir du coupable une somme fixée d’abord au grès des circonstances, puis qui va être tarifée par l’autorité publique. La victime a d’abord été vengée, puis indemnisée, sans qu’on examine la conduite de l’auteur, c’est-à-dire que l’on considère que l’auteur comme coupable du seul fait que sa conduite a été préjudiciable à autrui. 2) En droit romain La séparation commence, mais n’a jamais été complète. Peu à peu va s’affirmer la distinction entre les peines affligées par l’état, et d’autre part la réparation due à la victime. 3) Dans l’ancien droit A partir du 16e siècle et sous l’influence du canonisme, les anciens auteurs ont nettement séparé d’une part la responsabilité pénale mise en œuvre par l’action publique, et d’autre part par la responsabilité civile dominée par un nouveau principe général : la victime du dommage a le droit à réparation de toutes les pertes et de tous les dommages, sans qu’il soit besoin d’un texte spécial. Toute faute oblige à réparation. Au 17e siècle, le juriste Jean Domat systématise la distinction en séparant bien la réparation du dommage et la punition du coupable. 4) Dans le droit intermédiaire La distinction était un fait acquis, dans le code des délits et des peines de novembre 1795, il y avait « Tout délits donne= essentiellement lieu à une action publique ; il peut aussi en résulter une action privée civile. 5) La codification Napoléonienne Celle-ci parachève cette évolution. En effet, elle régit les deux types de responsabilité dans deux codes différents. A partir de maintenant, la dualité des systèmes s’est solidement implanté dans notre système juridique. 2§ : les rapports actuels entre responsabilité pénal et responsabilité civile A) Les différences 1) Il y a une différence textuelle La responsabilité pénale ne peut être engagée que pour des infractions limitativement énumérées par la loi. Les infractions pénales sont donc en nombre limité en vertu du principe de la légalité des peines et de la maxime « nullum crimen, nulla poena, sine lege ». La responsabilité civile peut être engagée pour des faits générateurs ayant causé à autrui un dommage. Or ces faits générateurs ne font pas l’objet d’une liste limitative, mais ils sont régis par des textes généraux qui embrassent une série illimitée de cas possible. Ces textes ne visent pas des comportements précis. 2) Une différence de fonction La responsabilité pénale a pour but de sanctionner une atteinte portée à la société, c’est-à-dire qu’elle a une fonction répressive auquel s’ajoute une fonction d’intimidation et parfois une fonction de réadaptation. La responsabilité civile a essentiellement pour but de réparer le préjudice subit par une personne privée, c’est-à-dire qu’elle a une fonction réparatrice. 3) Une différence de conséquence a) Au plan de l’action Les auteurs d’infractions pénales sont sanctionnés au moyen de l’action publique intenté devant les juridictions répressives. Alors que la victime d’un délit civil ou d’un quasi délit civil, obtiendra réparation en introduisant une action en responsabilité civile devant les juridictions civiles. b) Au plan de la sanction La sanction pénale varie en fonction de la gravité de l’infraction, selon qu’il s’agit d’une contravention, d’un délit ou d’un crime. Alors que la sanction de la responsabilité civile est indépendante de la gravité de la faute commise. En vertu du principe de réparation intégral du préjudice, le montant de la réparation va être proportionnel au préjudice subit par la victime et non pas en fonction de la gravité de la faute. B) Les interférences Malgré la différence des objectifs suivis, les deux ordres de responsabilités contribuent l’un et l’autre à prévenir les comportements illicites et dommageables, car tous les deux font peser une menace sur les auteurs des comportements. Un même acte illicite peut être source des deux responsabilités comme par exemple le vol d’un véhicule. Dans tous ces cas, la victime de l’infraction et du dommage va pouvoir agir à la fois devant le juge pénal saisi de l’action publique en se constituant partie civile, mais elle peut aussi choisir d’agir devant le juge civil pour obtenir une indemnisation. A l’issu du procès, l’auteur de l’infraction et du dommage pourra, sur le plan pénal, être sanctionné par une peine et/ou d’une amende, et d’un point de vue civil, verser une indemnisation. Conclusion : Les notions fondatrices de la responsabilité pénale et de la responsabilité civile étaient traditionnellement fondées sur l’idée d’un devoir être s’adressant à l’individu, façonné par les notions de culpabilité et de faut qui étaient au cœur de la responsabilité pénale et de la responsabilité civile. Ces notions sont en reculs. Le droit pénal à élargi son champ de notion fondatrice de la culpabilité à l’idée de dangerosité. Quant à la responsabilité civile, elle s’est élargie de la faute et de la solidarité. Chapitre 2 : les fondements de la responsabilité Le mot fondement est très souvent utilisé par les juristes. Il y a plusieurs sens : - Un sens technique : fondement d’une décision de justice Un sens théorique : fondement du droit Pendant longtemps, la quête du fondement de la responsabilité consistait à rechercher et à déterminer le fondement commun à tous les régimes de responsabilité civile, celui qui les inspirait tous : responsabilité du fait personnel, responsabilité du fait d’autrui et responsabilité du fait des choses. On peut dire que le 19e siècle a été dominé par le fondement de la faute, le 20e siècle a été dominé par le fondement du risque et de la garantie. Section 1 : la responsabilité fondée sur la faute 1§ : Le fondement traditionnel et subjectif : la faute Traditionnellement, on enseignant que la responsabilité civile délictuelle supposait une faute de la part de celui sur qui on voulait la faire peser. La responsabilité pour faute, c’était le droit commun. Les quelques cas de responsabilité sans faute étaient présentés comme des exceptions. A) L’apparition récente de la faute Bien longtemps, le droit s’est passé de la notion de faute. Ainsi, le droit romain ne connaissait pas la faute comme fondement général. En droit romain, celui qui apparaissait comme matériellement à l’origine du dommage était tenu de le compenser, abstraction faite de tout jugement de valeur sur le comportement. C’est sous l’influence de la morale chrétienne, exprimée notamment par Domat, que peu à peu on va établir un lien entre la faute et l’obligation de répondre. On va recourir à la notion de faute morale et ainsi conférer un fondement moral à la responsabilité. B) L’adoption du fondement de la faute par le code civil Cette adoption du fondement subjectif de faute n’est pas aussi visible dans tous les régimes de responsabilité. 1) La faute, fondement de la responsabilité du fait personnel Dans les articles 1382 et 1383, le code civil consacre une responsabilité fondée sur la faute. En raison de la tradition historique canoniste de ces deux textes, il a longtemps paru complètement indiscutable que la responsabilité civile ne pouvait être fondée que sur la faute. Aujourd’hui encore, la faut parait être le fondement « naturel » de la responsabilité à quelques auteurs. D’une manière très générale, la faute peut être définie comme une erreur de conduite, au sens où on n’a pas agit comme on aurait dû le faire. Cette conception conduit à une responsabilité subjective parce qu’elle suppose de juger la conduite de l’auteur. Il ne sera condamné à réparer le dommage que si on peut le lui reprocher. L’exigence d’une faute comporte une triple justification : - - - Une justification morale : au sens où les règles du droit de la responsabilité sanctionnent le devoir moral de ne pas nuire à autrui (articles 1382 et 1383), ou plus exactement le devoir de ne pas lui nuire injustement. Une justification sociale : instrument de prévention des comportements dommageables, parce que si une personne sait qu’elle doit répondre de ses fautes, cette personne est conduite à agir avec prudence. Une justification philosophique : dans la théorie classique de la responsabilité, l’idée qui domine c’est que chacun doit supporter son destin. Sauf si le dommage est le fruit de la faute d’un autre. La faute apparaît au centre de la responsabilité personnelle. 2) La préemption de faute, fondement de la responsabilité du fait d’autrui et de la responsabilité du fait des choses. Dans ces régimes là, le code de 1804 admet qu’on est obligé être obligé à réparation sans qu’il soit nécessaire de prouver une faute à la charge du responsable. Ce mécanisme s’expliquait par le mécanisme de la présomption de faute. La présomption de faute renversait la charge de la preuve au bénéfice de la victime. Sur le fond du droit, la responsabilité demeurait fondée sur la faute. L’évolution postérieure du code civil a démontré l’insuffisance et l’étroitesse du fondement de la faute. 2§ : la fonction normative et moralisatrice d’une responsabilité fondée sur la faute Cette responsabilité subjective traditionnelle a pour rôle de fixer des limites, des interdits, et donc de fixer des normes. Elle permet au juge d’édicter des normes de conduite sociales toutes axées autour de l’idée de ne pas causer injustement un dommage. La responsabilité civile fixe une sorte de frontière entre une zone d’impunité où la liberté humaine va s’exercer et une zone de responsabilité où la liberté reflue. La responsabilité apparaît comme un contre poids à la liberté d’action et aux excès individuels. Cette responsabilité fondée sur la faut a donc un rôle à la fois normateur, sanctionnateur et dissuasif. Elle est centrée sur l’auteur du dommage et comme il s’agit de le sanctionner, il est logique de le sanctionner. On peut observer un double mouvement : actuellement il y a un reflue de ce rôle moralisateur du à la transformation de la faute et à l’admission de la faute objective, c’est-à-dire une faute sans culpabilité ni imputabilité. D’un autre côté, on assiste à une résurgence de la fonction moralisatrice avec la place grandissante de la faute lucrative qui repose sur un calcul, c’est-à-dire que cela rapporte plus de la commettre en acceptant de payer les dommages intérêts. La réponse des juristes à ça, c’est le développement des dommages intérêts punitifs qui majore les montants.