Fiches de phytosociologie théorique 1 - L’association Version 1, rédigée en décembre 2009. Cette fiche a été élaborée lors des réunions du Cercle de réflexion phytosociologique les 24 mars, 22 mai et 16 décembre 2009 en présence de Emmanuel CATTEAU, Bruno DE FOUCAULT, Philippe JULVE, Cécile LEMONNIER, Claire NICOLAZO, (ordre alphabétique). Citation : Cercle de réflexion phytosociologique, décembre 2009. L’association. Fiches de phytosociologie théorique, 1 : 4 p. Lille. I. Propositions 1) L’association possède une composition floristique homogène. Elle est définie statistiquement par un tableau de relevés (pouvant par structuralisme être réduit à 1 relevé, dans le cas des végétations rares par exemple). Tous ces relevés ne sont pas forcément identiques d’où une certaine variabilité de l’association. 2) Son degré d’homogénéité floristique est intermédiaire entre celui du syntaxon élémentaire et celui de l’alliance (ou de la sous-alliance, du groupe d’association), tout en demeurant très élevé. L’association est un ensemble de un à plusieurs syntaxons élémentaires. 3) Comme le syntaxon élémentaire, l’association doit posséder une combinaison d’espèces de haute constance (fréquence dans le tableau servant à la définir), appartenant aux classes de constance V et IV. Ces espèces servent à la reconnaître sur le terrain mais pas forcément à la définir, car l’association est basée sur la fidélité et non uniquement sur la constance. 4) L’association est un concept typologique abstrait, qui résulte de la comparaison de relevés de synusies, lesquelles sont des réalités de terrain. Elle n’est donc pas l’ensemble concret des synusies qui correspondent à sa description, comme a pu le proposer DU RIETZ (GILLET, comm. pers.). 5) L’association est définie exclusivement de manière floristique, à l’aide d’une combinaison comprenant des espèces caractéristiques (des différents niveaux, de l’association à la classe) et des compagnes (espèces en provenance d’autres classes, dont certaines peuvent être des différentielles). 6) L’association possède des propriétés écologiques : valence écologique de l’association pour les caractères du sol, du climat, de l’histoire phylogénétique et de la dynamique historique, pour la productivité, la biomasse et les réponses adaptatives aux actions anthropozoogènes. Ses espèces partagent un certain nombre de propriétés adaptatives (par exemple modes de pollinisation, de dispersion, de défense ; types biologiques, morphologiques végétatifs, anatomiques ; stratégies de vie). L’ensemble des valeurs de ces propriétés est spécifique à une association, au moins localement. Ainsi, une association peut acquérir une valeur bioindicatrice, dans son aire géographique de répartition. 7) La répartition géographique de l’association peut être continue ou le plus souvent discontinue. En fonction des types de végétation l’aire est restreinte (terroirs) ou large, voire très large (empire holarctique). 8) Dans certains groupes d’associations une vicariance se met en place. On considère que plusieurs associations sont vicariantes quand elles partagent une combinaison floristique à signification édaphique et dynamique précise et qu’elles se distinguent par des taxons différentiels géographiques. 9) Les associations proches (vicariantes ou appartenant aux mêmes unités supérieures : groupe d’associations, sous-alliance, alliance) sont distinguées par des espèces caractéristiques d’association, éventuellement à valeur locale, lesquelles sont généralement constantes. 10) L’association peut admettre des variations. Ces variations peuvent prendre la forme de sousassociations, de variantes ou de races. Parmi ces variations l’une constitue le cœur de l’association. 11) Les autres sous-associations et variantes sont très généralement des syntaxons élémentaires de transition vers d’autres associations (transition dynamique, écologique ou topographique). Elles sont donc différenciées par des groupes généralement restreints d’espèces différentielles, qui peuvent être caractéristiques d’autres associations de la classe considérée ou compagnes en provenance d’autres classes. Des variations mineures des variantes sont appelées formes. 12) Les associations peuvent présenter des faciès. Ce ne sont pas des variations au même titre que les sous-associations, variantes et races, dans la mesure où la différence est d’ordre quantitatif (abondance particulière d’une ou de quelques espèces) et non qualitatif. Les faciès peuvent résulter de la biologie naturelle des populations d’espèces ou de sélection d’espèce d’origine anthropique, par exemple en forêt (sylvofaciès). 13) Les races d’association sont des syntaxons allopatriques faiblement différenciés. 14) On considère que des syntaxons élémentaires proches appartiennent à des associations différentes si : le calcul d’un indice de similitude tel celui de Sörensen, montre des différences floristiques significatives ; ils présentent des caractéristiques d’associations différentes (cf. 9) ; II. Quelques définitions historiques NB : Le lecteur trouvera dans DAGET & GODRON (1974), 45 définitions de l’association répertoriées dans la bibliographie étudiée à la date citée. Ce chiffre serait singulièrement augmenté par la prise en compte d’ouvrages étrangers (russes en particulier) et de données plus récentes. Nous avons donc choisi de ne présenter ici que quelques exemples qui nous paraissent intéressants d’un point de vue historique ou conceptuel. Association : terme créé par Alexander géographie des plantes, p. 17 et 19. VON HUMBOLDT & Aimé BONPLAND en 1805, Essai sur la LECOCQ, 1835, p. 623, 1854 : « …des plantes caractéristiques et souvent dominantes, qui forment la base des associations et au milieu desquelles certaines espèces apparaissent comme subordonnées… » JACCARD, 1902, P. 71 : « Notion essentiellement floristique, est un groupement localisé d’espèces qui varie, dans l’intérieur d’une même formation, sous l’influence de certains facteurs secondaires. » FLAHAULT & SCHRÖTER, 3e Congrès International de Botanique, Bruxelles 1910, p.25 : « Une association est un groupement végétal de composition floristique déterminée présentant une physionomie uniforme et croissant dans des conditions stationnelles uniformes. » BRAUN-BLANQUET, 1915, p. 251 : « L’association définie est un groupement végétal plus ou moins stable et en équilibre avec le milieu ambiant, caractérisé par une composition floristique déterminée dans laquelle certains éléments exclusifs ou à peu près (espèces caractéristiques) révèlent par leur présence une écologie particulière et autonome. » DU RIETZ, FRIES & TENGWALL, 1918, p.13 : « Une association est un groupement de plantes de composition floristique et de physionomie déterminée. » BRAUN-BLANQUET & PAVILLARD, 1922 : « L’association est une communauté végétale reconnue et caractérisée par son assemblage spécifique et principalement par ses espèces caractéristiques. » ALLORGE, 1922, P. 91 : « L’association est un groupement végétal caractérisé essentiellement par une composition floristique déterminée et relativement constante dans les limites d’une aire donnée. » BRAUN-BLANQUET, 1928 : « L’association végétale est un groupement végétal plus ou moins stable et en équilibre avec le milieu ambiant, caractérisé par une composition floristique déterminée dans laquelle certains éléments exclusifs ou à peu près, les espèces caractéristiques, révèlent par leur présence une écologie particulière et autonome. » GUINOCHET, 1938, p. 9 : « L’association végétale est un groupement de plantes réalisé sous l’influence des réactions des différentes espèces avec les conditions du milieu. » DUVIGNEAUD, 1946. p. 41 : « L’association apparaît comme la somme d’un certain nombre de groupes écologiques intriqués les uns dans les autres dans des conditions de milieu déterminées. » GUINOCHET, 1955, p. 83 : « L’association végétale est un groupement floristique statistiquement homogène – l’homogénéité étant déterminée par l’accord des données relatives aux nombres d’espèces de chaque catégorie de présence avec la forme I de l’équation généralisée des probabilités de K. PEARSON - de relevés eux-mêmes pris sur des surfaces floristiquement homogènes et qui possède au moins une espèce caractéristique. » EMBERGER, 1961, p. 211 : « Groupement végétal naturel floristiquement et statistiquement défini, solidaire de conditions écologiques précises et ordonné par la concurrence vitale. » EMBERGER & GODRON, 1962 : « Les associations sont caractérisées par un ensemble de groupes écologiques d’espèces. » SHIMWELL, 1971, p.62 : A. Floristic composition, character and differential species and constancy – The ZürichMontpellier system. B. Stratal structure and constancy (sociation = microassociation) – The northern tradition including modern British sociology. C. By one or more dominant species where the species dominants are those in the upper vegetation layer – consociation being used for single species dominance, prevalent in British ecology up to 1955. D. As a climax regional vegetation unit geared to stability and absence of further development – in the sense of CLEMENTS. E. As a stratal unit – the unistratal association used by Lippmaa and other members of the Estonian school. GUINOCHET, 1973, p. 19 : « L’association est une combinaison originale d’espèces dont certaines, dites caractéristiques, lui sont plus particulièrement liées, les autres étant qualifiées compagnes. » GILLET, DE FOUCAULT & JULVE 1991, Candollea 46, p. 329 : « L’association est une unité abstraite fondamentale de la classification hiérarchique des synusies végétales, constituée d’un ou de plusieurs syntaxons élémentaires partageant significativement plus de caractères communs que de caractères différentiels ; les caractères taxinomiques sont prioritaires sur les propriétés structurelles, chorologiques, historiques et écologiques. » DELPECH 1996, Vocabulaire de phytosociologie et de synécologie végétale : « L’association est une unité conceptuelle de base de la classification phytosociologique, définie statistiquement, exprimant la composition floristique globale d’un ensemble de communautés végétales homogènes étroitement apparentées d’une région donnée. » III. Bibliographie citée ALLORGE, P., 1921-1922. Les associations végétales du Vexin français. Rev. Gén. Bot., 33/34 : 481544, 589-652, 708-751, 792-810. (= 1922. Les associations végétales du Vexin français. Thèse, Univ. Paris. 342 p., 1 carte. Lesot, Nemours). BRAUN, J., 1915. Les Cévennes méridionales (massif de l'Aigoual). Etude phytogéographique. Arch. Sci. Phys. Nat. Genève, 39 : 72-81, 167-186, 247-269, 339-358, 415-434, 508-538; 40 : 39-63, 112-137, 221-232, 313-328. BRAUN-BLANQUET, J., 1928. Pflanzensoziologie. Grundzüge der Vegetationskunde. Biol. Studienbücher, 7. 330 p. Berlin. BRAUN-BLANQUET, J., & J. PAVILLARD, 1922. Vocabulaire de sociologie végétale. 23 p. Romégou et Dehan. Montpellier. [= Comm. SIGMA 217], 2e Ed. (1925), 3e Ed. (1928). DAGET, P. & M. GODRON, 1974. Vocabulaire d’écologie (2e édition 1979). 273 p. Hachette, Paris. DELPECH, R., 1996. Vocabulaire de phytosociologie et de synécologie végétale. DU RIETZ, G.E., TH.C.E FRIES & T.A. TENGWALL;1918. Vorschlag zur Nomenklatur der soziologischen Pflanzengeographie. Svensk Bot. Tidsk., 12. DUVIGNEAUD, P., 1946. La variabilité des associations végétales. Bull. Soc. Roy. Bot. Belg. Série 2, 78 (1-2) : 107-134. EMBERGER, L., 1961. (non vu, cité d’après Daget et Godron 1974). EMBERGER, L., & M. GODRON (EDS). 1962. Code écologique, CEPE, Montpellier, 200 p. FLAHAULT, CH. & C. SCHRÖTER, 1910. 3e Congrès International de Botanique, Bruxelles 1910. GILLET, F., B. DE FOUCAULT & PH. JULVE, 1991. La phytosociologie synusiale intégrée : objets et concepts. Candollea, 46 : 315-340. GUINOCHET, M., 1938. Etude sur la végétation de l'étage alpin dans le bassin supérieur de la Tinée (Alpes maritimes). Comm. SIGMA, 59, 458 p. GUINOCHET, M., 1955. Logique et dynamique du peuplement végétal. 143 p. Collection Evolution des Sciences. Masson, Paris. GUINOCHET, M., 1973. Phytosociologie. 227 p. Masson. Paris. HUMBOLDT, A. VON & A. BONPLAND, 1805. Essai sur la géographie des plantes ; accompagné d’un tableau physique des régions équinoxiales. 155 p. JACCARD, P., 1902, Lois de distribution florale dans la région alpine. Bulletin de la Socíeté Vaudoise des Sciences Naturelles, 38 : 67-130. LECOCQ, H., 1835. Le Mont-Dore et ses environs, ou remarques sur la structure et la végétation de ce groupe de montagnes ; observations sur les eaux, le climat, l'agriculture, etc. ; avec itinéraires de Clermont au Mont-Dore par deux routes différentes; et description de tous les sites pittoresques de cette localité; ouvrage orné de 16 lithographies. Paris, Baillière, 1835. In-8, [dimension: 222 x 136 mm] de XII, 437, (3) pp., 22 planches h.-t., 1plan. LECOCQ, H., 1854-1858. Etudes sur la géographie botanique de l’Europe et en particulier sur la végétation du plateau central de la France. 9 volumes. SHIMWELL, D.W., 1971. The description and classification of vegetation, (Biology series). 322 p. Sidgwick & Jackson. (2e impression 1972, Univ. of Washington Press, Seattle).