Les taches solaires En astronomie : Zones sombres apparaissant sur la photosphère du soleil, ayant une température moins élevée que les régions alentour, d’où leur moindre luminosité (3700 kelvins au centre d’une tache, contre plus de 6000 ailleurs !). Le nombre de taches solaires observé annuellement croît et décroît de manière périodique, selon un cycle de 10,45 ans, appelé le cycle solaire. Cycles découverts par Johann Goldsmid (1587-1616) en Hollande, Thomas Harriot (1560-1621) en Angleterre, Galilée (1564-1642) en Italie, Scheiner (15751650) en Allemagne. En économie : Elément d’explication des cycles économiques, mis en évidence en 1878 par William Stanley Jevons, professeur d’économie politique à l’Université de Manchester. Jevons propose d’expliquer le cycle des moissons par rapport à l’apparition cyclique des taches solaires, après avoir noté une certaine corrélation entre les durées respectives du cycle des taches solaires (10,45 ans) et du cycle économique (10,44 ans) ! La covariance entre le cycle solaire et le cycle économique souligne l’existence de facteurs exogènes dans l’explication des cycles et fluctuations économiques. Problématique : Quel est l’impact de la théorie des taches solaires dans l’analyse des cycles économiques ? Plan : I Les taches solaires constituent un élément non négligeable dans l’analyse des cycles… II … cependant, cette théorie comporte des limites… III… lesquelles amènent à s’interroger sur la distinction endogène/ exogène et à approfondir l’étude des cycles. 1. Les taches solaires constituent un élément non négligeable dans l’analyse des cycles Repérage des cycles Il existe 5 types de cycles, correspondant aux différentes « durées » observées : - Les tendances séculaires (un siècle), mises en évidence par F. Braudel - Les cycles longs (environ 50 ans), relevés par J.A. Schumpeter - Le cycle des affaires (6 à 10 ans), identifié par C. Juglar - Le cycle court (40 mois), observé par K. Kitchin - Les mouvements saisonniers, comme la production agricole Le cycle des taches solaires s’apparente à la fois au cycle de Juglar, par sa durée (10,45 ans ), et aux mouvements saisonniers, du fait de sa nature (moissons c’est-à-dire production agricole). Par ailleurs, la périodicité constatée permet d’identifier le phénomène des taches solaires comme un cycle. Cycle : période plus ou moins longue, caractérisée par une succession de phases de hausse et de baisse de la production ; son repérage conduit à déceler une certaine périodicité. Explication des cycles Les taches solaires constituent un élément exogène d’explication des cycles ; Exogène : externe, extérieur, qui n’est pas propre au fonctionnement de l’économie ; selon la vision classique (et plus tard néoclassique), en situation de concurrence pure et parfaite, l’équilibre est spontané ; de ce fait, les perturbations, si elles existent, sont d’origine externe et ne relèvent pas du fonctionnement interne de l’économie. Les taches solaires s’inscrivent dans la continuité de l’analyse des cycles économiques en termes d’aléas climatiques : - Cycles de Farmer : les variations de prix des céréales en Angleterre, entre 1208 et 1325, sont liées à des facteurs externes, tels que les aléas climatiques, le réchauffement, mais également les guerres ( dont l’origine peut être climatique : 1848 : révolution suite à hiver rude et mauvaises récoltes…) - Taches solaires : Jevons (Manchester) : de 1750 à 1878, covariance entre cycle des moissons (10,44 ans) et apparition cyclique des taches solaires (10,45 ans) ; l’apparition cyclique des taches solaires provoquerait des cycles climatiques, lesquels entraîneraient des cycles de moissons, à l’origine des cycles économiques. Les chiffres (10,45 et 10,44) sont trop proches pour que l’on puisse y voir une simple coïncidence : les taches solaires seraient à l’origine des cycles…¨ 2. Remise en cause de la théorie des taches solaires dans l’analyse des cycles : Un point de désaccord interne Les bonnes moissons ont-elles des conséquences fâcheuses ou au contraire excellentes sur l’économie ? Certains partisans de la théorie des taches solaires considèrent que les bonnes récoltes provoquent une diminution des cours, néfaste dans la mesure où elle entraîne une baisse du revenu des agriculteurs, ou encore une baisse future de la production, les perspectives de profit s’amenuisant… D’autres sont d’avis que les bonnes moissons provoquent de bonnes récoltes, lesquelles contribuent à nourrir une part croissante de la population ; plusieurs effets positifs : diminution des prix, libération du pouvoir d’achat pour d’autres activités (industrie)… Baisse du poids de l’agriculture dans l’économie Avec l’industrialisation croissante de l’économie, une théorie essentiellement fondée sur les fluctuations de l’activité agricole ne peut être recevable ! Les économistes sont contraints de s’interroger sur le fonctionnement du système industriel, afin de préciser et d’affiner l’étude des causes de l’instabilité économique. Ainsi, l’hypothèse de Jevons, certes séduisante, est peu probable, peu plausible, car trop simpliste : on ne peut ramener l’analyse des variations de l’activité économique à une variable ; c’est un peu plus compliqué, dans la mesure où d’autres éléments entrent en jeu. Importance accordée à la « psychologie » Ceci concerne l’actualisation de la théorie ( années 1980s ) : « sunspots » : les prix seraient corrélés aux taches solaires, non parce que ces taches ont des effets sur la productivité, mais simplement parce que les individus croient qu’il en est ainsi ; même si cette relation n’est pas objectivement vraie, la croyance unanime des acteurs économiques suffit à la réaliser : introduit encore de l’aléatoire, à savoir les sentiments des agents économiques ! « Do Sunspots matter ? », de David Cass et Karl Shell, dans Journal of political economy (1983). 3. Approfondissement de l’étude des cycles : Exogène/endogène Certes, les cycles économiques ont pour origine des perturbations externes, comme l’illustrent les taches solaires - Cycles de Farmer liés à aléas climatiques, guerres… - Révolutions politiques à l’origine de déséquilibres conjoncturels (variations de prix ), structurels (changement de régime => modification des comportements, de consommation, de vie…) - Découvertes de mines d’or ( 19ème siècle ) :1850-1910 « cycle de l’or » ( R. Cassel ) : l’abondance d’or est à l’origine de l’augmentation des réserves des banques, lesquelles accordent plus de crédit, ce qui a un impact sur la consommation, la valeur de la monnaie… : pendant le cycle de l’or, la croissance des liquidités monétaires, de l’ordre de 2,8% par an, permet de financer la croissance économique, sans pression sur les prix ; à l’inverse, la rareté des métaux précieux constitue une contrainte monétaire, qui pèse sur la croissance… Cependant, l’analyse des cycles n’élude pas les causes internes au fonctionnement de l’économie, puisque les systèmes réagissent aux chocs, d’où le phénomène de cycles « autoentretenus » - Analyse marxiste : la crise et le retournement du cycle sont le résultat des contradictions propres au capitalisme, lesquelles sont liées, entre autres, à la suraccumulation du capital et à la substitution du capital au travail, qui conduisent à un décalage entre la sphère de la production et la sphère de la consommation (sousconsommation), d’où la baisse tendancielle du taux de profit à long terme… Cette analyse trouve son actualité dans la monétarisation de marché : décalage entre la décision d’investir et celle de consommer (j’investis quand les prix augmentent, je consomme quand les prix baissent) : schéma simpliste !!! - Analyse libérale : si cause interne, alors liée à défaut d’information des agents (Friedman) : l’inflation engendrée par des politiques monétaires laxistes perturbe l’info des agents économiques, les prix ne jouant plus leur rôle de signal, d’où comportement faussé, pas de retour à l’équilibre… - Analyse keynésienne : cycles liés aux variations du taux de rentabilité anticipé du capital le plus productif ( taux marginal du capital ) : si on anticipe une hausse, alors surinvestissement, surcapitalisation… D’où baisse de la rentabilité, au bout d’un certain temps ; Aftalion : perturbations liées au retard dans l’adaptation de l’Offre à la Demande : métaphore du « poêle à charbon » : la D augmente, donc l’investissement augmente, accélération, surchauffe…Puis on se désengage, les I baissent, la D baisse…C’est comme pour le charbon : on a froid, on met du charbon pour se chauffer, on a trop chaud, on enlève un peu de charbon, ce qui fait que l’on a froid… ; tout comme le « radiateur » a besoin d’un thermostat, l’économie a besoin d’instruments de régulation Difficultés liées à cette distinction exogène/endogène : mise en évidence de la complémentarité des deux approches Démographie : Malthus (1766-1834) : phénomène exogène : croissance de la population selon un rythme géométrique Marx (1818-1883) :phénomène endogène : la croissance de la population légitime la baisse relative des salaires Samuelson, L’Economique La distinction endogène/exogène n’est pas nettement tranchée Exogène : les perturbations à la surface du soleil donnent naissance aux cycles économiques… Endogène : …Le système économique réagit plus ou moins intensément De nombreuses questions sont soulevées Comment repérer les cycles ? - Prix ? - Modification des comportements ? Existe-t-il plusieurs cycles ? - Différence de nature ? - Différence d’intensité ? - Différence de durée ? Comment les expliquer ? - Exogène ? - Endogène ? - Les deux ? Comment les réguler ? Le peut-on ? - Maîtriser les conditions climatiques ? - Maîtriser les mentalités ? - Problèmes liés à mondialisation… Taches solaires : exogène Amène à s’interroger sur l’analyse des cycles Quel facteur privilégier ? Faut-il en privilégier ? Si taches solaires, alors difficulté à maîtriser les cycles : « dame nature » ne se contrôle pas !