Conférence de presse du 4 août 2005 La politique des salaires doit émettre des signaux clairs Le premier semestre de 2005 a confirmé la grande importance que joue la consommation privée la consommation privée pour la croissance économique suisse. Les hausses des salaires réels, qui sont le fondement d’une forte demande de consommation, sont d’autant plus nécessaires que les résultats des négociations salariales de 2004 et 2005 n’ont pas ou moyennement donné satisfaction. Au cours des prochaines négociations salariales, il faudra affronter avec détermination la question du fossé qui ne cesse de se creuser entre les salaires les plus élevés et les plus bas au sein des entreprises. Des relations stables avec l’UE et des conditions de travail plus sûres grâce à de bonnes conventions collectives représentent l’exigence préalable à une solide croissance économique. Susanne Blank, responsable de la politique économique, Travail.Suisse Si, dans l’ensemble, la croissance de l’économie mondiale se poursuit, le rythme de son expansion ralentit néanmoins. On peut supposer que la conjoncture internationale sera solide en 2005, tout en évoluant à des rythmes divers selon les régions. Alors que la Chine continue de connaître un fort essor conjoncturel, les Etats-Unis enregistrent une croissance en léger ralentissement. Quant à l’UE, elle continue d’être la lanterne rouge de l’économie mondiale. La consommation privée en tant que moteur de la croissance économique En Suisse aussi, la croissance de l’économie a ralenti vers la fin de l’année dernière. Au printemps, les instituts d’études conjoncturelles ont corrigé à la baisse, à entre 1 et l,5 pour cent pour l’année en cours, leurs pronostics concernant l’évolution du PIB. Pour autant que le prix du pétrole ne poursuive pas sa progression, le renchérissement annuel reste estimé à environ un pour cent. En raison de cette faible poussée inflationniste, la Banque nationale suisse (BNS) n’a guère besoin actuellement d’agir en matière de politique monétaire, et le niveau des intérêts devrait continuer de rester bas. Alors que les exportations et les investissements reculaient, la consommation privée a été, une fois de plus, le soutien de la conjoncture au cours du dernier semestre. Le ralentissement de la croissance a pu être maîtrisé en milieu d’année. La consommation privée, qui, à hauteur de 60 pour cent, représente l’élément le plus important du PIB, reste la donnée essentielle de la croissance de notre économie nationale, également pour le second semestre. Les hausses des salaires réels constituent la base d’une consommation privée robuste et croissante, et par conséquent d’une solide croissance économique. Les piètres résultats des négociations salariales de 2004 et 2005 Au cours des deux dernières années, le porte-monnaie des travailleurs ne s’est pas garni davantage. Selon l’indice des salaires, qui offre en la matière une vue d’ensemble de leur évolution globale en Suisse, les salaires réels ont stagné à +0,1 pour cent en 2004. Répartis en fonction des branches économiques, les travailleurs du secteur secondaire ont dû accepter une perte de 0,2 pour cent de leur salaire réel, alors que ceux du secteur tertiaire obtenaient une modeste hausse de 0,4 pour cent de leur salaire réel. Dans les branches ayant des conventions collectives, les salaires nominaux ont augmenté de 1,1 pour cent, mais le renchérissement annuel de 0,8 pour cent en 2004 a largement englouti ces hausses salariales. De plus, la plupart des augmentations de salaire ont été versées, pour la première fois depuis 1999, sur une base individuelle et non pas collective. Pour l’année en cours également, les négociations salariales n’ont pas donné de résultats satisfaisants. Compte tenu de la bonne situation économique de l’an passé, d’une croissance de 1,8 pour cent du PIB et des bénéfices records enregistrés par de nombreuses entreprises grandes et moyennes, les travailleurs s’étaient attendus à une hausse confortable de leurs salaires réels en 2005. Or, leur attente a été déçue: La plupart d’entre eux ont dû se contenter d’une simple compensation du renchérissement. Les charges obligatoires, telles que les cotisations aux caisses maladie et aux caisses de pension, qui ont considérablement augmenté au cours des dernières années, contribuant ainsi à réduire encore le revenu disponible des ménages, ne sont pas prises en considération dans cette présentation. Les années 2004 et 2005 n’ont donc pas été des années satisfaisantes. Lors des prochaines négociations salariales, il conviendra de tenir compte de la progression de la productivité au cours des deux dernières années, et d’en transmettre les résultats aux travailleurs. Le fossé entre les salaires au sein des entreprises doit cesser de se creuser La stagnation des salaires au cours des deux dernières années est d’autant plus fâcheuse que la réserve – prônée sans cesse par les employeurs – n’est pas appliquée dans la même mesure pour tous les travailleurs. Une étude menée par Travail.Suisse, portant sur 25 entreprises, a révélé que la modicité tant préconisée en la matière par les managers s’arrêtait au seuil de leur propre bureau. Ainsi, l’écart entre les salaires, c’est-à-dire le rapport entre le salaire le plus élevé et le plus bas au sein des entreprises, s’est creusé, en 2004, dans 21 des 25 cas pris en considération. Dans dix cas, les salaires des membres de la direction ont augmenté de plus de 20 pour cent, et dans six cas de plus de 10 pour cent1. Dans l’ensemble, les 25 entreprises examinées ont réalisé des bénéfices, et quatre cinquièmes d’entre elles ont même encore accru leurs résultats par rapport à l’année précédente. Si les résultats de notre étude relative à l’évolution des salaires au niveau des directions étaient appliqués au reste du personnel, il en découlerait un relèvement des salaires de l’ordre de 20 pour cent pour l’année prochaine dans les secteurs de la banque, des assurances et de la chimie. Les employés de l’industrie des machines pourraient tabler sur une augmen1 Voir dossiers concernant les « Salaires des managers » du 20 juin 05, destinés aux médias 2 tation salariale de plus de 10 pour cent et les travailleurs des autres grandes entreprises de 5 à 10 pour cent. L’évolution au niveau des directeurs fournit suffisamment d’arguments en faveur de hausses des salaires réels du reste du personnel. Une croissance économique étayée par de bonnes conventions collectives La croissance à moyen et à long terme de notre économie nationale dépend dans une large mesure des conditions cadres. Une relation stable avec l’UE et des conditions de travail plus sûres sur le marché intérieur de l’emploi sont essentielles. La votation du 25 septembre 2005 sur l’extension de la libre circulation des personnes aux nouveaux Etats membres de l’UE montrera la voie pour la croissance économique de la Suisse. L’adoption du projet de loi confirmera les Bilatérales I et, partant, la place de la Suisse en tant que créatrice de valeur ajoutée. L’économie suisse aura accès à de nouveaux débouchés, ce qui entraînera, par voie de conséquence, des incitations à la croissance et pourra en fin de compte créer des emplois sur le marché interne. Les mesures d’accompagnement, qui constituent la condition préalable au bon fonctionnement de la libre circulation des personnes sur le marché de l’emploi, devront être appliquées de manière systématique. Si des lacunes apparaissent dans les dispositions de sauvegarde ou dans leur mise en œuvre, elles devront être comblées aussitôt, afin que la libre circulation des personnes n’ait pas de conséquences négatives pour les travailleurs. De bonnes conventions collectives constituent l’exigence fondamentale à l’établissement de conditions de travail plus sûres. Les conventions collectives permettent à tous les acteurs de se battre à armes égales et empêchent une dégradation des conditions de travail sur le marché suisse de l’emploi. Elles constituent l’instrument adéquat et offrent suffisamment de souplesse pour que les particularités des différentes branches soient prises en compte. Il ne faut donc pas vider de leur substance les conventions de travail existantes, mais plutôt les renforcer, et il convient d’en conclure de nouvelles dans les branches qui en sont dépourvues. C’est uniquement si ces conditions cadres sont réglementées d’une manière satisfaisante que le contexte fondamental d’une croissance économique solide sera créé. La politique des salaires doit émettre des signaux clairs Travail.Suisse, l’organisation faîtière des travailleurs, fait le point sur la nécessité d’agir à différents niveaux en matière de politique des salaires: La consommation privée a constitué, au cours du dernier semestre également, le moteur de la croissance économique suisse. Les hausses des salaires réels représentent la base de la consommation privée. Ces deux dernières années ont été décevantes et n’ont connu que le maintien du pouvoir d’achat de la majorité des travailleurs. L’an prochain, il conviendra de faire profiter les travailleurs, sous la forme de substantielles hausses salariales, des progrès accomplis en matière de productivité. 3 Dans de nombreuses entreprises, le système des indemnités ne fonctionne plus comme il le devrait. Des augmentations de rémunération de l’ordre de pourcentages à deux chiffres vont de soi pour les cadres dirigeants, alors que le reste du personnel doit marchander des majorations de salaires réels qui se chiffrent en millièmes de pour cent. Il est nécessaire de modifier les structures salariales au sein des entreprises, et de relever les salaires du personnel. De bonnes conventions collectives offrent des conditions de travail appropriées et permettent à tous les acteurs du marché de se battre à armes égales. Elles sont d’autant plus importantes qu’elles représentent aussi un instrument de protection essentiel contre le dumping salarial dans le cadre de la libre circulation des personnes. Il convient donc de renforcer les conventions collectives existantes et d’en négocier de nouvelles. 4