a) Vincenzo Camuccini (1771 – 1844) : c`est un peintre italien

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La mort de César, 1798, Vincenzo CAMUCCINI,
huile sur toile (400 x 707 cm) - Musée Capodimonte, à Naples.
I Le contexte
a) Vincenzo Camuccini (1771 – 1844) : c'est un peintre italien néoclassique du
début du XIXe siècle, né et mort à Rome
b) Le néo-classicisme : mouvement artistique qu’on situe entre 1750 et 1830. Il s’oppose au romantisme en voulant remettre à
l'honneur l’esthétique classique héritée de l'Antiquité.
Il se nourrit des découvertes archéologiques faites à Herculanum et Pompéi au XVIII°s. Les néo-classiques, en effet, voient dans
l’Antiquité l'idéal d’une époque de grandeur, qu’ils espèrent retrouver en France avec l’instauration du Ier Empire.
Ses principales caractéristiques sont :
 Admiration pour l'Antiquité, thèmes inspirés par l’antiquité grecque et romaine
 Le soin parfait des aspects formels et un style simple, précis
 Désir de communiquer des messages politiques et moraux, réinterprétation des événements antiques en faisant échos aux
événements de leur propre époque.
c)) Les sources d’inspiration : Camuccini, lui, attache une grande importance à la véracité historique et scientifique, et semble refuser
les réinterprétations. Il travaille donc souvent avec des archéologues. Ici, pour peindre La mort de César, il s’inspire des écrits
antiques des historiens Suétone (Vie des douze Césars, Jules César, I, LXXXII) et Plutarque (Vie de César, LXVI – LXVII).
Lien avec la problématique « Art, Etat et Pouvoir » : au lendemain de la Révolution Française, ce tableau (peint entre 1798 et 1806) n'at-il pas malgré tout une résonance historique à l'époque du peintre ?
II Etude de l’œuvre
a) Description : Ce tableau est un tableau historique qui représente l’assassinat de César par vingt-trois Sénateurs, le 15 Mars 44
avant J.C (Jour des Ides de mars) en pleine séance de Sénat, dans la Curie.
Le choix du moment est intéressant : c'est l'instant où César va être poignardé. (D'autres peintres ont choisi un autre moment cf doc cijoint). Cela ajoute une forte charge dramatique : le spectateur assiste à la seconde précédent les coups et il est donc amené à les
imaginer.
Il situe l'action juste avant l'assassinat, quand les conjurés encerclent César assis. « Assidentem conspirati specie officii
circumsteterunt » que l'on traduit par « C'est un homme assis que les conjurés entourèrent sous un prétexte administratif ». Or le peintre
représente César posant un genou à terre, dans une position presque assise, mais loin de son siège curule, dont il s'est visiblement levé,
pour descendre les marches, reculant devant les armes. Ce siège ressemble à un trône car il est couvert de velours rouge pourpre et
placé sur une estrade de deux marches, mais il est vide. Couleurs de la toge et safran de la tunique de César à gauche rappellent les
couleurs du siège à droite. Le peintre a donc modifié la scène racontée par Suétone de manière à montrer César mourant aux pieds de
la statue du général Pompée, son grand rival (voir guerre civile César/Pompée après Guerre des Gaules) qui a été éliminé 5 ans
plus tôt.
Bien que scrupuleux avec la réalité historique, on le voit, Camuccini ne respecte pas ici le texte de Suétone. On peut se demander
pourquoi il prend cette liberté. Pour rappeler qu'il s'agit de la vengeance posthume d'un rival ? Pour montrer que le trône est vide et va
forcément être récupéré et occupé par un autre homme omnipotent ?
b) Analyse technique
Elle consiste à repérer les lignes de force du tableau, ainsi que les effets de la lumière et des couleurs pour déterminer ce que
l'artiste a voulu mettre en valeur et ce qu'il a voulu exprimer.
L'analyse technique de ce tableau nous permet-elle de répondre à la problématique et donne -t-elle accès à un écho de l'oeuvre
au début du XIX°s?
Tous les regards des personnages (assassins ou témoins) convergent vers César, ce qui le met en valeur.
 Les conjurés (assassins) se situent dans une pyramide dominée par la statue de Pompée, l’adversaire politique de César, le
défenseur de la République, comme s’il prenait sa revanche posthume. Il surplombe et domine la scène. Cela permet de
rappeler que c'est la raison de l'assassinat : César (qui s'était fait nommer dictateur et consul à vie) menaçait la République et
son institution principale, le Sénat. De cette statue semble venir la lumière (qui vient en réalité d'une fenêtre à gauche derrière
lui). Il est représenté pieds nus comme on représentait les dieux en art grec et romain.
 Une ligne diagonale sépare les conjurés des témoins. Elle suit la lumière (du soleil) qui semble venir d’une fenêtre située dans
le hors-champ. Cette lumière met en avant les conjurés. Mais la gravité du moment historique est soulignée par la réaction de
surprise, d'effroi et d'horreur des témoins impuissants (bras levés) : c'est un instant historique sans précédent.
 Une ligne horizontale sépare le premier et le second plan, et relie les poignards des conjurés pour souligner leur
acharnement et la multitude des coups : violence inouie de cet acte concerté (unité de geste impressionnante : même main
brandie au même instant sur une même ligne), en plein Sénat, par des hommes politiques honorables (toges*), dignes,
responsables. Cet acte est prémédité et fomenté par vingt-trois hommes à la fois engagés et solidaires les uns des autres
(chacun doit enfoncer son poignard pour prendre sa part de responsabilité dans le meurtre). C'est bien un acte politique et non
le fait d'une inimitié personnelle.
*Certains d’entre eux sont habillés de toges blanches, d’autres avec des toges rouges. Rappel : la toga picta ou palmata : toge pourpre brodée
d'or portée lors de cérémonies est l'apanage des généraux victorieux qui ont obtenu les honneurs du triomphe.
 L'arrière-plan aussi rappelle les enjeux politiques : dans cette salle éminemment symbolique qu'est la Curie, on peut voir les
statues de deux divinités dans les niches du mur du fond (Minerve, reconnaissable à son égide et à son casque et peut-être
Jupiter), les marches, les grands murs gris. Le but est de montrer la grandeur de Rome et de rajouter à la majesté et à la
solennité à la scène en cet instant historique.
 Grande majesté de César dans cette posture, fidèle aux précisions de Suétone (souci de sa dignitas) : César attrape un pan de
sa toge pour s'en couvrir la tête comme le dit Suétone (et il va prendre garde que le bas des jambes soit couvert quand il
tombera ut caderet honestius: pour tomber avec plus de décence)
Mais César semble s’adresser à un sénateur en particulier (lui-même mis en valeur car il tient une épée) qu’on devine être
Brutus, son fils adoptif. On remarque d'ailleurs que les diagonales du tableau ne se coupent pas sur César, mais sur le bras
levé et la tête de cet homme que César regarde, vers lequel il semble tendre le bras et dire une parole, peut-être le célèbre Tu
quoque mi fili ! Toi aussi mon fils, toi aussi tu me trahis ! (paroles en fait prononcées en grec selon Suétone, langue dans
laquelle ils communiquaient souvent tous deux dans leurs échanges intellectuels)
Le peintre a ainsi voulu mettre au centre de son tableau, non César, le chef déchu, mais le père face au fils aimé et adopté,
ce fils parricide dont le visage blême exprime la souffrance intérieure, le déchirement moral de celui qui se résout à renier son
attachement et son affection par idéal politique, pour sauver Rome et la République ( dans la plus pure tradition de l'histoire romaine
où l'intérêt de Rome a toulours prévalu sur les liens du sang et les affections privées (rappes historiques : fratricide de Romulus, puis
d'Horace, ou condamnation de ses fils à mort par un autre Brutus, 1er consul de Rome au début de la République)
C) Interprétation et conclusion
Camuccini peint ici un événement majeur de l’histoire romaine : César a été assassiné car il menaçait la République Romaine et le
pouvoir des sénateurs (représentant le peuple). On le soupçonnait de vouloir rétablir la monarchie.
Dans une période de révolutions, la mort d’un tel personnage est synonyme d’une liberté retrouvée pour le peuple. Cependant,
Camuccini qui s’attache toujours à rendre le plus exactement la véracité des faits a-t-il voulu mettre en garde ses contemporains? Le
siège vide va-t-il être occupé ?
Nous connaissons la suite : Marc Antoine et Octave (le neveu de César) se battront pour tirer parti de la popularité de César et récupérer
son héritage. La République n'aura pas été sauvée par l'assassinat du dictateur : Octave deviendra Auguste, premier empereur
romain, et concentrera tous les pouvoirs. Sans doute est-ce pourquoi Vincenzo Camuccini s'inspire de ce sujet d'histoire romaine qu'il
commence à peindre en 1798, juste un an après les conquêtes fulgurantes en Italie d'un jeune général en chef de la jeune République
française, Bonaparte. Camuccini voit-il déjà dans ce jeune Consul français le futur Empereur qui cherchera à conquérir l'Europe et le
monde, comme au temps de l'Empire romain ? En peignant la mort de César, Camuccini interroge le spectateur sur la lutte pour
la République issue de la Révolution française de 1789 et sur le danger du retour de la Royauté.
REFERENCES COMPLEMENTAIRES
Oeuvres littéraires :
-SUETONE, Vie des douze Césars, Jules César, I, LXXXII
- PLUTARQUE (45-125), Vie de César, LXVI
- PSEUDO-AURELIUS VICTOR (IV°s), Les hommes illustres de Rome, 78
- SHAKESPEARE (1564-1616), Jules César, III,1
- MANFREDI, Les derniers jours de Jules César (roman, 2011)
- ROBA, BD Jules et Bill (1990)
Peintures :
- J.L GEROME, La mort de César (1859)
- K. VON PILOTY, La mort de César (1865)
Films :
- J.L MANCIEWITZ, César
- U. EDEL, Veni,vidi,vici ( (2002)
- Série ROME, I, épisode 12 (Série TV2005)
- Frères TAVIANI, César doit mourir (2012)
J.L GEROME, Mort de César ( 1859)
K Von PILOTY, Mort de César (1865)
CAMUCCINI (avec médianes)
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