Marketing des services : une construction sur les incertitudes de l’avenir Article paru dans Market Management : CALLOT, Ph. (2002), Marketing des Services : une construction sur les incertitudes de l’avenir, Market Management, Editions Eska, pp. 67-78. Résumé : Cet article a pour objectif de faire le point sur l’évolution du marketing des services qui, sous l’impulsion notamment des nouvelles technologies, semble prendre son autonomie aujourd’hui face au marketing de grande consommation. L’importance de la relation avec le consommateur n’est plus à démontrer. Par contre, devant l’hétérogénéité des domaines des services, il semble bien réducteur d’imposer des concepts ou modèles standard. Au contraire le marketing des services dans un espace de plus en plus concurrentiel doit savoir s’adapter aux contraintes si spécifiques de métiers très différents. Ce papier dans une démarche résolument constructive insiste sur le mode aussi contingent que managérial que représente l’enjeu d’un marketing des services dynamique pour demain. Introduction Caractérisés depuis longtemps (Parasuraman, A. et alii, 1985) autant par leur variabilité, leur intangibilité, leur périssabilité et leur indivisibilité, les services se développent aussi au rythme des avancées technologiques (NTIC) ou des apprentissages des acteurs. Ainsi lors du premier salon Tourism@ 2000, a été lancé le programme m-tourisme , programme qui permettra aux hôteliers et prestataires touristiques, depuis leur ordinateur, « de s’adresser au touriste et lui fournir des informations pertinentes sur toutes les interfaces mobiles… Le groupe Accor est déjà en course ! » (Gros, 2001). La conquête de nouveaux clients passe désormais par le temps gagné, par la capacité à séduire et à étonner en collant le plus rapidement possible aux rêves non exprimés. « L’EDI (Electronic Data Interchange) traditionnel mais aussi l’Extranet permettent d’intensifier les communications fournisseurs/clients. L’entreprise devient ainsi plus réactive… » (Aimetti et al, 1999). Les relations commerciales s’en trouvent modifiées et apportent leurs lots de nouveautés dans les approches qu’il importe de développer. En effet, qu’ils soient clients ou fournisseurs pour des échanges croisés de plus en plus complexes (B to B ou B to C), les compétiteurs dans des processus aussi cognitifs que conatifs (Laroche et al, 1994), voient dans la mise en place d’offres de services (Bouayad, 1997) une source de valeur ajoutée pour certains ou une résolution aux contraintes de démarquage concurrentiel (pour ne pas dire de différenciation) pour d’autres. Philippe CALLOT Page 1 18/04/2017 Ces orientations favorisent l’émergence alors d’une nouvelle génération de produits/services qui sortent enfin de leur cadre, carcan, défini comme trop basique (Levitt, 1980) pour apporter d’autres utilisations et donc d’autres bénéfices (supposés) au consommateur final toujours aussi friand de gravir un échelon supplémentaire de la pyramide si psychologique de Maslow (1943, 1954). La prise en main électronique à l’exemple des systèmes d’autoguidage, la rencontre d’un consommateur devenu planétaire grâce à l’e-business (ou e-biz désormais), et l’ensemble des modes de plus en plus contractés de connections (ISP, WAP, EDI, ECR, pour ne citer que celles-ci)1 expriment cette folie obsessionnelle de la primauté à l’information devenue de plus en plus stratégique. Mais la course à cette information toujours renouvelée, réaffirme, si besoin était et en même temps, la question et le concept de rationalité limitée. « Le cerveau d’un seul homme reste incapable de maîtriser globalement la complexité croissante et l’incertitude qui demeure […] sa rationalité ne peut et ne pourra jamais être que limitée » (Simon, 1983). Ainsi ce n’est pas tant le statut de l’information qui interpelle mais plutôt son traitement (compréhension), sa computation (traitement analytique) et son stockage (archivage, base de données). Plutôt que produit, l’information redevient alors processus (Lesca et al, 1995). On le suppute ici, l’émergence des services pour les particuliers comme pour les entreprises, dans ces domaines aussi différents que vastes, prédominera encore pour les quelques années à venir. L’objet de ce papier est d’une part d’évoquer les concepts majeurs qui gravitent autour du thème du Marketing des Services, d’en souligner, dans une approche résolument épistémologique, les fondements et pertinences, puis, d’autre part de mettre en évidence l’importance de l’élément humain au cœur de la prestation d’échange que constitue pratiquement toujours l’acte de service. Après le rappel, au travers de quelques exemples, des dysfonctionnements potentiels dans les sociétés de services, qui mettent à jour la faiblesse des systèmes pour éviter que les erreurs apparaissent, les concepts fondamentaux qui ont trait au Marketing des Services seront évoqués. A la suite de quoi, il sera discuté de la pertinence des outils, méthodes et processus pour optimiser les prestations de service. ISP : Internet Service Provider ou fournisseur de services Internet qui propose en plus de l’accès à internet un certain nombre de services à valeur ajoutée ; WAP : Wireless Application Protocol ou standard de transmission sur téléphone portable. Il donne accès à des services sous forme de texte : actualités, résultats sportifs, programmes, infos routières, météo… ; in France Télécom, (1998). EDI : Electronic Data Interchange ou Echange de Données Informatisées c’est-à-dire la capacité à échanger des données par des réseaux électroniques, ECR : Efficient Consumer Response ou comment améliorer l’efficacité de la promotion, de la logistique, des lancements de nouveaux produits et l’assortiment des points de vente in KOTLER et al. (2000). 1 Philippe CALLOT Page 2 18/04/2017 Des dysfonctionnements « Le nombre de réclamations reçues par la Direction de l’aviation civile (DGAC) a été multiplié par 3 en sept ans. Les retards continuent à être importants, affectant actuellement 36% des vols en France si l’on mesure la ponctualité à 15 minutes, et il règne par ailleurs une certaine opacité quant au prix ou au contact de transport » (Jouffroy, 2000). Cette évocation du président du Comité des usagers du transport aérien montre bien l’ambiguïté qui réside autour du management des services. En effet, au quotidien, l’entreprise doit (devrait) assurer une performance sans faille. L’entreprise, dans le cadre de sa prestation, devrait décliner une offre proche de l’excellence. Cette prestation alors s’apparenterait de près à celle attendue, ou en tous les cas espérée, par une clientèle sans cesse (parfois) renouvelée. Repartir de zéro chaque jour semble être le challenge permanent et récurrent des sociétés prestataires. Ce défi du quotidien, on le voit bien, constitue le challenge essentiel du marketing des services pour les entreprises prestataires. On retrouve ici la contrainte forte de la variabilité. La représentation mentale que se fait le client avant l’acte de service et le décalage entre cette représentation et le vécu constituent sans aucun doute le cœur de la problématique des métiers de service. Qu’un colis n’arrive pas à temps ou à l’heure prévue, qu’une tache ne disparaisse pas sur un vêtement porté au pressing, que la location de vacances soit bien en deçà de l’idée que la famille s’en faisait ou encore que la réparation d’un appareil électroménager amplifie les erreurs ou les pannes, tels sont quelques exemples qui confirment les travaux antérieurs. Les notions de fiabilité, de compétence, de crédibilité (Zeithaml et alii, 1990) émergent alors et composent déjà un beau lot d’actions possibles à mener pour corriger telle ou telle erreur. Ces notions forment une continuité parfaite avec les principes de la qualité totale où, l’excellence, la conformité, la prévention, la mesure et la responsabilité, sont alors les compléments idéaux aux concepts déclinés. Le marketing des services : un patchwork conceptuel Oui le marketing des services fait tranquillement mais sûrement sa révolution, sa mutation, tout en prenant appui, c’est inéluctable, sur les lois, règles ou préceptes antérieurs. Comme un pays a sa culture son histoire et son patrimoine, le marketing a ses ancrages, modes, outils qui ont modélisé une génération de marketers aujourd’hui agressée. Cette agression s’exprime, selon les cas, sous différentes formes : organisationnelles, technologiques, conceptuelles, spatiales et culturelles. Organisationnelles car la fonction marketing ne doit plus, comme les autres fonctions traditionnelles de l’entreprise, souffrir d’un îlotage (pour ne pas dire silotage !). Philip Kotler le rappelle très bien dans un article résolument agressif sur ce thème. « Penser client est une fonction à l’échelle de l’entreprise et non du seul département marketing », souligne l’auteur Philippe CALLOT Page 3 18/04/2017 (Kotler, 1997), en insistant sur le fait que toute l’entreprise doit s’imprégner de sa mission vers le client. Pour d’autres auteurs (Guilloux, 1995), l’entreprise citoyenne ou l’éthique sont en bonne place et préfigurent une montée en puissance de la sociologie comme outil clé du marketing. Le burrowing, ou le cocooning puissance 10, citant Faith Popcorn, avec l’émergence de la domotique et l’équipement d’une pièce réalité virtuelle, sont quelques exemples des services domestiques qui « couvent ». Le marketing s’ouvre alors de nouveaux horizons, notamment en interne, avec la sociologie, pour innover et innover encore et pour répondre aux valeurs sociétales du consommateur évolutif ou de l’employé au travail. La théorie de la contingence trouve ici toute sa mesure tant les évolutions de ces dernières années nous ont montré que l’organisation peut être tout sauf figée. La transversalité devient enfin l’unique mot d’ordre de la nouvelle organisation apprenante. Tentée au cœur même de ce papier, la transversalité ose réaffirmer l’objectif de tout groupe humain au travail. « Transversaliser, c’est donner à chacun la possibilité de comprendre et de mesurer sa contribution aux efforts collectifs […] c’est la création d’un esprit client » (Tarondeau et al, 1995). Les passerelles, on l’imagine, avec les fonctions du management sont éminemment importantes tant le marketing doit devenir plus une pensée répartie uniformément au sein de l’entreprise qu’une forme exclusive de compétence. Certes ce ne sont pas les quatre piliers du marketing-mix qui sont mises à mal mais plutôt les trois nouveaux principes, issus de la servuction, qui doivent être développés au cœur de l’entreprise. Le Marketing-Mix classique et les 4 « P ». Prix Produit Supports Physiques Promotion Personnel Place Participation du client Physical evidence People Process Et les trois nouveaux éléments issus du marketing des services Philippe CALLOT Page 4 18/04/2017 Une nuance existe d’ailleurs entre la vision anglo-saxonne qui indique « Physical evidence, process et people », ces deux derniers éléments se substituant à la version française de la participation (active ou passive du client) et l'implication du personnel. A ce titre la version anglo-saxonne paraît plus complète, bien que moins précise, que celle issue du modèle de la servuction. La notion de People recouvre tous les acteurs humains qui jouent un rôle dans la fourniture d’un service (du service) et une influence sur la perception de l'acheteur précisément, le personnel de la firme, le client et les autres clients dans l'environnement du service sont regroupés sous cette appellation (Zeithaml et al, 2000). Cet environnement du service apparaît insuffisamment identifié comme une caractéristique majeure (à nos yeux) pour ne pas dire déterminante lors de la production d’un service. La variable Place n’est pas suffisante pour intégrer cette donnée qui renvoie plus à l’atmosphère (saturée, surchauffée, comprimée), l’ambiance (nauséabonde, bruyante, oppressante…) qu’à la localisation (location en anglais) même de la production du service. Sous une forme épistémologique constructiviste, il y a ici deux extensions des modèles et concepts. Cette extension trouve déjà une forme de réponse chez certains auteurs qui annoncent la naissance des 8 P en ajoutant la productivité aux éléments déjà cités (Lovelock, 1999). Technologiques parce que les Nouvelles Technologies de l’Information et des Communications (NTIC), par exemple, favorisent l’émergence de nouvelles formes de vente (e-commerce) ou créent des possibilités d’étendre la rentabilité de l’entreprise par une meilleure gestion des capacités et des rendements. Certains (Viardot, 2000) prévoient même que la valeur des biens et services achetés grâce à internet va s’élever à 30 milliards de dollars (27 Mds d’€) en 2002, contre 8 milliards en 1998 (7,2 Mds d’€). Les transactions électroniques, la multiplication des systèmes d’informations ou tout simplement le commerce électronique sont alors les éléments contingents du marketing. « La diffusion de nouvelles techniques de l’information et des communications a d’importantes conséquences dans les processus d’innovations » (Bancel-Charensol, 1999). Cette diffusion modifie la relation avec le client lors de la production du service ou modifie l’attitude de celui-ci par rapport à l’offre déclinée. Le modèle de la servuction (Eiglier et al, 1987) s’élargit au rythme des innovations conceptuelles. La E-formation, sous la forme d’une servuction à distance, (Bregeard, 1996) et intégrée bien évidemment au domaine des services, devient alors une source nouvelle de compétences à déployer pour être en phase avec les marchés et les nouvelles tendances technologiques. Un autre exemple du marketing des services réside dans le géomarketing. La connaissance précise ou le repérage sociologique du consommateur, jusqu’à l’identification physique de son lieu d’habitation, permettant un ciblage aussi efficace qu’efficient de toutes les formes de marketing direct. Le lieu de vie est alors corrélé aux habitudes de consommation (Boyer et Philippe CALLOT Page 5 18/04/2017 al, 2000), intégré dans des bases de données (datamining ou database) permet une approche très pointue de l’orientation client. La personnalisation de l’offre, sous une forme d’hyper-segmentation, favorise ainsi le retour sur investissement les taux de réponse s’en trouvant largement améliorés. Conceptuelles par l’étendue des méthodes, moyens mis en œuvre pour ouvrir le champ du marketing aux services. Ainsi par exemple, le Yield-management devient l’outil de référence pour optimiser le rendement des capacités fixes (Dubois et al, 1995) dans les entreprises de service telles les chaînes hôtelières et les restaurants, les salles de spectacles, les sociétés de location de véhicules, au-delà des seules compagnies aériennes. La gestion des capacités et des rendements, née de la problématique des compagnies aériennes à gérer cette contrainte récurrente, est devenue désormais un référent dans le domaine du marketing des services. Au titre des typologies de situation du marketing des services, les cadres apparaissent encore figés et n’apportent pas entière satisfaction quant aux situations trop différentes pour pouvoir supporter un cloisonnement. Ainsi, que les services soient destinés aux personnes, c’est-à-dire qu’ils s’adressent au corps ou au mental, qu’ils soient destinés aux biens possédés par cette personne (d’ailleurs qui peut être morale ou physique), la question de la nature de l’acte de service (Lovelock et al, 1999 ; Eiglier et alii, 1997), même si elle suppose une action différente selon le cas, n’est pas fondamentale. Que le client soit présent ou non, que le service concerne ses biens (entretien du véhicule, gestion d’un portefeuille) ou sa personne (santé, concert de musique classique), le service, en tant que prestation, est payé et donc évalué, apprécié, critiqué, répété (s’il le décide) par le client consommateur (B to C) ou par une organisation, une entreprise (relation B to B). La facturation détaillée, autre exemple, pour une fidélisation accrue s’assimile, pour nous à un rapprochement très personnalisé des souhaits ou, tout du moins, de la préoccupation des intérêts du client du point de vue des opérateurs des télécommunications. Les forfaits proposés rapprochent alors les deux interlocuteurs dans une optique claire de fidélisation de la part du fournisseur et dans l’espoir d’une réduction appréciable des coûts chez le client final. Cette gestion de la relation client (CRM en anglais) représente la clé de la fidélisation, thème cruellement d’actualité tant les attitudes d’infidélité, pour ne pas dire de zapping, se multiplient dans telle ou telle activité. Les Call Center (Centres d’appels), qui fleurissent ici ou là, sont alors les moyens mis en place pour activer cette relation ou, enfin, lui donner un sens. La prise en compte des intérêts du client par une approche individualisée, personnalisée consacre l’idée de ce management de la relation clientèle. « Restez mon client car regardez comme je m’occupe de vous et j’ai soin de vos intérêts » semblent dire les acteurs Philippe CALLOT Page 6 18/04/2017 soudainement soucieux du confort de leurs clients. Ce message devient omniprésent chez les opérateurs de la téléphonie, secteur devenu en France très concurrentiel, qui souhaitent intensifier cette relation clientèle. Recruter de nouveaux clients devient de plus en plus ardu (Kotler, 1999). Maintenir une relation de fidélité avec ses clients préserve tout du moins l’essentiel d’un business. Le triangle du marketing des services montre ainsi l’étendue du mix classique aux spécificités du marketing des services avec les marketings interne et interactif (Grönross, 1997). Entreprise « Promettre » Développement continu Marketing Interne Personnel Marketing externe Marketing Interactif Client Tenir ses promesses Processus de Servuction Adapté de Christian GRÖNROSS, (1997). Les termes différenciation, écoute, côtoient alors les concepts d’innovations pour augmenter le degré de fidélisation mais aussi accroître les dépenses, par des solutions sophistiquées dans leur personnalisation, des consommateurs finals. Car en fait, tel est bien là l’enjeu des sociétés de services confrontées à une concurrence de plus en plus agressive. Culturelles eu égard à l’impact de la mondialisation (globalisation apparaît définitivement plus approprié) sur la stratégie des firmes qui partent à l’international parfois un peu trop sures de leur approche (Cantin, 1998). C’est désormais une évidence, la mondialisation n’est plus virtuelle et les échanges se multiplient au rythme des croissances économiques dans tel Philippe CALLOT Page 7 18/04/2017 ou tel NPI2 ou par principe purement concurrentiel d’identité affirmée dans les pays déjà très développés. Internet, tel un booster des flux d’échanges et de données, participe, bien évidemment à l’embrasement commercial mondial3. Le traitement des données à distance permet une activation quasi quotidienne des informations clés, donc stratégiques. Une firme basée à Los Angeles solutionnera de façon efficiente le traitement des enregistrements comptables en sous-traitant les saisies à une société basée en asie du sudest. Les responsables de la firme trouveront sur leur bureau, le lendemain dès la première heure, les résultats prêts à l’analyse. L’instantanéité est ici réelle. Disneyland, en son temps Eurodisney (Fraysse, 1996), ou le géant Suisse Nestlé, toutes deux pourtant de grandes firmes multinationales, ont failli à cette règle (en France et en Chine) de l’internationalisation qui s’apparente à une standardisation adaptée plutôt qu’un diktat d’une marque de services ou de produits, ici réciproquement, qui ont fait leur preuve ailleurs. Alors le marketing one to one (1 to 1), à l’image d’une standardisation adaptée pour l’international, apporte toutes ses promesses dans l’exploration, non plus de niches, mais d’individus, exploités au sens étroit du terme, mais très large au sens de l’étendue des hétérogénéités d’attentes que laisse suggérer toute société d’individus. Le one to one peut se définir comme : « une méthode marketing ayant pour objectif d’améliorer la fidélisation des clients par une bonne connaissance individuelle de chacun d’entre eux et permettant une personnalisation de l’offre » (Boyer et al, 2000). Le stockage de données informatisées (Electronic Data Storage) pour une réponse plus efficiente (ECR) est l’une des solutions pour comprendre et mieux interpréter ces importantes divergences d’un consommateur à l’autre. Selon les métiers de service, une question émerge rapidement de cette faculté de l’individualisation des consommateurs. Quel est le prix supplémentaire, si tel est le cas, est prêt à payer le consommateur, pour une personnalisation de l’offre ? De la qualité par la standardisation Chez l’opérateur américain, grand spécialiste du hamburger, le QSPV4 tient, d’une part, dans 27 kilos de manuels où procédures, méthodologies, modes opératoires, fiches techniques et instructions donnent aux salariés, une dimension standardisée du service à produire. Le personnel, notamment celui qui est en contact (front office, front stage) doit s’appliquer à répéter chaque mot, chaque geste et ce pour faire en sorte que le produit, devenu service, 2 Nouveaux Pays Industrialisés « Les échanges mondiaux ont été multipliés par 100 entre 1947 (date de mise en place du GAT) et 1995 (date de son remplacement par l’OMC) » source OMC. 4 Qualité, Service, Propreté, Valeur 3 Philippe CALLOT Page 8 18/04/2017 soit identique du 1er janvier au 31 décembre, de 8 h 00 à 23 h 00, de Lille à Marseille ou de Pékin à New-York. Oui alors, la standardisation favorise une orientation qualité destinée aux clients finals. Ce qui est difficile, somme toute, ce n’est pas de décider de standardiser, mais bien de savoir quel degré de standardisation l’entreprise doit développer au sein de la firme. Trop ou trop peu de standards tend à diminuer la réactivité de l’employé (notamment celui qui est en contact) face au client par définition atypique. D’autre part, les supports physiques, utilisables tout aussi bien par le « cast member » ou « l’équipier » que par le client lui-même complète, dans une résolution issue de la servuction, la fabrication du service. La valeur apportée par une volonté de différenciation forte, passe alors également par cette régularité affichée des prestations conformes aux souhaits (devenus attentes) du consommateur. Toutefois, réaffirmant ici très clairement qu’il n’y a pas d’homogénéité en ce qui concerne les attentes, l’autonomie (Crozier, 1989) conférée alors aux employés en contact favorisera l’émergence de solutions adaptées. Le marketing des services passe, on le voit, par un management qui sait autant déléguer que responsabiliser. Des supports physiques et des processus (Physical evidence and Process) En Australie, la prolifération des supports physiques apporte un soutien majeur au concept de la Servuction tant la diversité des matériels, éléments tangibles, et toutes les formes de signalétique (logos, couleur, fléchage, sonneries pour les malvoyants) sont des éléments de soutien aux actes de services publics ou privés. Les « parents room » mises à disposition des familles en visite dans les centres commerciaux, les sièges d’attente dans les files du même nom, les accès matérialisés pour les personnes en difficulté de motricité (disabled persons) sont autant d’exemples qui renforcent la nécessité d’intégrer cette variable dans le nouveau mix-marketing. Les barbecues accessibles gratuitement dans des parcs généreusement équipés et où des groupes humains en tribus se rassemblent dès le soir venu, en toutes saisons, sont une réalité d’un service devenu public et pour le plus grand nombre. Alimentés électriquement (une molette suffit à mettre l’appareil en fonction) et couplés avec un point d’eau chaude (pour laver le matériel), ces appareils tournent à plein régime sous la surveillance régulière et programmée d’employés affectés à cette fonction. La participation, ici très active des consommateurs, devenus grilladins, complète le rôle efficace de ce particularisme « so british ». Philippe CALLOT Page 9 18/04/2017 Du management des acteurs Au cœur du Marketing des Services, le management des acteurs (People) apparaît comme l’une des clés probantes du succès, ce qui en même temps en fait une distinction majeure par rapport au marketing de consommation. A titre d’exemple le modèle de la roue de la qualité de service d’Heskett (Multimedia Marketing Consortium, 2000) insiste sur ce point. Les employés qui se sentent impliqués et récompensés, délivrent plus de satisfactions aux clients. Ceci créé une croissance implicite du volume des ventes (ou une revente en terme de fidélisation) entraînant à son tour satisfactions et motivations chez l’employé. Les formes d’intéressement, au titre des récompenses, exemptes de charges (patronales et salariales) pour des primes ajustées, calculées et négociées, sont une piste exemplaire pour activer cette roue. Le principe d’autonomie confère, nous l’avons dit, notamment aux acteurs au devant de la scène, une forme d’implication qui mérite d’être développée. Certains travaux (Heskett et alii, 1997), ont clairement démontré que les entreprises qui misent sur leurs employés, autant que sur leurs clients et actionnaires ont des performances nettement supérieures en termes de ventes ou de taux de fidélisation. La roue de la qualité de service - impliqués - récompensés EMPLOYES - motivés - satisfaits CLIENTS - achètent plus Le management des compétences des Ressources Humaines est alors vital au marketing des services. L’empathie (empathy), la crédibilité ou la capacité à fournir la prestation de service (reliability), la responsabilité exprimée par la capacité des employés à aider les consommateurs (responsiveness), sont par ailleurs, sur l’axe de la qualité des prestations proposées, autant d’éléments qui étayent le marketing des services. Ces éléments ont été soulignés depuis longtemps par Parasuraman et alii (1990). La considération au travail, la formation opérationnelle et enfin relationnelle (avec une orientation résolument marketing) et la rémunération (légitime et dopée par les primes récompenses), vont être les ingrédients, véritable baromètre, de l’enthousiasme du salarié à son poste. Philippe CALLOT Page 10 18/04/2017 La roue roule à plein avec la relation employés/clients contents pour un business répété synonyme de fidélité lucrative. Le recrutement judicieux, suivi d’une formation ad hoc, spécifique aux contraintes de la firme, puis une communication interne sont dans ce cadre, les clés du succès de l’entreprise de service où les motivations résulteront des ventes répétées par un client alors satisfait. Construire l’avenir Alors oui, convenons en une fois pour toute le marketing est bien une fonction essentielle (Vandermerve, 1997). Celui des services, un temps inspiré de son aîné, s’est émancipé pour trouver son rayonnement au sein des entreprises de services mais aussi de celles de la distribution et de la production. Des outils ont vu le jour comme le Yield Management5 entraînant de nouvelles fonctions dans l’entreprise (le yielder ou le revenue manager) et facilités dans leur mise en place par les nouvelles technologies. Consciente que l’enjeu de la vraie compétition réside dans sa capacité à fidéliser une clientèle versatile et au-delà des gains de nouveaux acheteurs, l’entreprise doit désormais intégrer le marketing des services comme un plus par rapport à ses acquis. La disponibilité, la rapidité, la conformité, l’engagement, l’assurance (ou mise en sécurité), la prévenance, la responsabilité, la déclinaison d’une offre plus globale sont aujourd’hui les ingrédients de la voie du succès. D’une relation B to b ou B to C, doit naître l’esprit client en externe et en interne. La relation « client-fournisseur » (CRM)6 est à développer évidemment au sein même de l’entreprise. Le marketing apparaît d’une richesse aussi vaste que le champ hétérogène des métiers et particularismes auquel il s’adresse. Le coiffeur de quartier ou la multinationale aux arches dorées n’ont, a priori, pas grands points communs. Pourtant, l’un et l’autre ont un but principal issu des vertus de l’économie de marché. Celui de servir un client (c), dans un environnement particulier (e) à un instant donné (t). Le marketing des services est alors l’agrégat d’éléments plus ou moins standardisés pour répondre le plus favorablement (notion d’efficacité) et de manière efficiente à la demande formulée, contingente et donc évolutive. L’offre de services qui combine alors toutes les fonctions de l’entreprise, du back-office au front-office, devient le point de concordance essentiel de toute entreprise de service. « La construction ne doit pas être l’application de quelques connaissances objectives établies ailleurs, analytiquement. Apprendre à un ingénieur à appliquer la physique fondamentale, à un médecin à appliquer la biologie fondamentale, à un gestionnaire à appliquer l’économie et la sociologie fondamentale, n’est-ce pas empêcher l’ingénieur de concevoir une machine, un médecin de concevoir un diagnostic, le gestionnaire de concevoir une stratégie commerciale » (Le Moigne, J.L.,1990). 5 En français « la gestion des capacités et des rendements » Philippe CALLOT Page 11 18/04/2017 Tentons de matérialiser cette approche : L’exemple se rapporte à une PME spécialisée dans le domaine de l’hôtellerie et une remise en cause de la politique de l’entreprise suite à une chute vertigineuse de l’activité de 1993 à 1996. 6 CRM : Consumer Relationship Management ou la gestion de la personnalisation du contact avec le consommateur (Management de la Relation Client convient également) ; Philippe CALLOT Page 12 18/04/2017 Un exemple adapté à une PME de service B to C 8P Produit/service Prix Place Caractéristiques basiques Marketing des services 30 chambres, 2 étoiles tourisme rénové, RevPar7 de 30 € en 1996 49,5 € en 2000 Mini bar, restaurant, brasserie, tabacs, veilleur réservations diverses Yield Management Partenariat, centrale de réservation intégrée n.c. Promotion 300 m de la Tour Eiffel 200 m du métro Inexistante ou très faible Process Inexistants Supports Physiques Buffet petit déjeuner sèche cheveux, mini bar Fauteuils hall d’entrée Revues offertes, bonbons Bilingue OFFRE Implication du Personnel Participation du Client Partenariat chaîne, Agences Contingentement agence Informatisation, tableaux de Bord, Enseigne et effet branding (Accor) en concession de marque Physionomiste, avenant, autonome Self service, bagages portés par lui Les éléments soulignés dans le tableau sont ceux qui ont été modifiés au cours de l’année 1996. Cette amplification de la politique du mix marketing insufflé par une chaîne intégrée sous le couvert d’une concession de marque à permis à l’entreprise de doper son Taux d’Occupation qui est passé de 45% fin 1996 à 79% fin 2000 le prix moyen passant de 66 € à 63 €. La voie d’un nouveau marketing des services qui prend appui sur les assurances du passé et qui se construit avec tous les acteurs en même temps sur les incertitudes contingentes de l’avenir semble ouverte aux nouveaux concepts, idées. Comme un courant épistémologique fort, les avancées théoriques émergent et contribuent à leur niveau à la mise en œuvre d’un marketing toujours plus réactif, entreprenant, qui bouscule les idées reçues et images parfois encore trop figées de modèles ancrés mentalement. 7 Revenue Per Available Room qui est la pondération du Prix Moyen des chambres vendues par le taux d’occupation Philippe CALLOT Page 13 18/04/2017 Alors, « ce qui importe est la construction d’énoncés raisonnables, communicables, discutables [disputables ?] par le double jeu de l’expérience (plus que l’expérimentation) et de l’exercice des logiques » (Martinet, 1990). Conclusion. Le marketing des services couvre de vastes champs fonctionnels et opérationnels. L’élargissement du mix marketing par des voies relationnelles très développées (marketing interactif, CRM, autonomie des acteurs dans un cadre standard bien évalué), par un marketing interne vivifiant au sein de la firme pour des échanges de type « ClientFournisseur », ou la mise en route de techniques spécifiques comme le Yield Management, sont les enseignements majeurs pour le Marketing des services. Somme toute, rien n’est figé et il n’est pas suffisant aujourd’hui de se satisfaire d’un modèle trop figé, trop cartésien pour des métiers tellement différents. Voilà bien une caractéristique essentielle de ce nouveau marketing des services où les (nouvelles ?) technologies côtoient au quotidien des problématiques de variabilité, périssabilité, d’hétérogénéité de l’offre et de la demande qui représentent alors des perspectives formidables pour des recherches futures. Bibliographie : AIMETTI, J.P. et WAGNER, Ph. (1999). 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