LE DROIT MEDICAL DES TEMPS ANCIENS Dans les temps anciens, le médecin est souvent un prêtre, et il est acquis qu'une part de la médecine échappe à la connaissance commune. Les maladies, non explicables, sont divinisées et leur traitement est considéré comme un culte. C'est cette méconnaissance qui légitime la nécessité d'une protection objective par le droit. Le grand malade que fut Voltaire le résume ainsi dans sa correspondance : « J'ai conclu qu'il fallait être son médecin soit même, vivre avec régime, secourir de temps en temps la nature et jamais la forcer ; mais surtout savoir souffrir, vieillir et mourir.» Le Code d'Hammourabi De fait, déjà le Code d'Hammourabi, deux millénaires avant notre ère, prévoit parmi ses 282 lois, certaines peines applicables aux médecins incompétents et maladroits. Huit articles du fameux code concernent la médecine. L'article 215 pose le principe du contrat médical : « Si un médecin pratique une grande incision avec un bistouri guérit, ou s'il ouvre une taie avec un bistouri et sauve l'œil, il doit recevoir dix shekels d'argent ». L'article 218 traite de la responsabilité du médecin : « Si un médecin pratique une grande incision avec un bistouri et tue son malade, ou s'il ouvre une taie avec un bistouri et perd l'œil, on lui coupera la main. » L'Egypte En Egypte, le principe de la responsabilité médicale s'impose comme une règle d'ordre public. Dans l'ancienne Egypte, les malades ont l'obligation de venir, après leur guérison, inscrire le nom ou la formule des remèdes qui les ont soulagés dans le Temple de Canope ou de Vulcain. Ces traitements sont ensuite codifiés et doivent être appliqués sous peine de mort. La science médicale égyptienne est codifiée et le médecin demeure à l'abri de toute sanction s'il respecte ces règles et ces codes. S'il les viole, et quelque soit l'issue de la maladie, il encourt des peines sévères qui peuvent aller jusqu'à la mort. La tradition hébraïque Du droit et du devoir de soigner Un médecin qui refuserait de soigner pourrait être considéré comme un assassin. Dans Exode XXI 19, on apprend que celui qui blesse son prochain doit lui assurer desSoins. Le Commentateur Tseenah Ourheena (Rabbi Yaacov Isaac de Janow. 1622. Hanau. Ed. Verdier, p. 451) explique que "l'offenseur doit louer les services d'un médecin pour soigner la victime blessée...". Et il rapporte Rachi qui dit que le blessé doit louer et payer un médecin, qu'il peut refuser un médecin qui soigne gratuitement estimant "qui soigne sans argent n'ausculte pas convenablement" et qu'il peut refuser également d'être soigné par l'offenseur si celui-ci est médecin, en rétorquant "c'est mon ennemi, je ne souhaite pas avoir affaire à lui". De ce verset d'Exode XX 1 19 qui se termine par "...Verapo Yérapé", c'est à dire "et le médecin soignera", la plupart des commentateurs de la Tradition Hébraïque concluent et enseignent qu'il est autorisé au médecin de soigner. Pour certains, dont Maïmonide, c'est plus qu'une autorisation, c'est un devoir, une obligation. Pour la Tradition Hébraïque, il sera donc non seulement légitime mais appréciable d'étudier la médecine et de l'approfondir pour aider au mieux son prochain. Un médecin qui refuserait de soigner pourrait être considéré comme un assassin. Du lien particulier entre médecin et malade. Pour la Tradition hébraïque, le malade choisit son médecin. Si un malade sérieusement atteint demande à consulter un médecin précis, bien qu'il soit déjà pris en charge par d'autres médecins, celui qu'il a choisi se doit d'accepter de s'occuper de lui. En effet le Tradition Hébraïque estime que pour obtenir la guérison il y a adéquation entre certains patients et certains médecins. De la conscience professionnelle. Aucun médecin ne doit exercer, pour la Tradition Hébraïque, s'il ne s'estime pas suffisamment compétent. La formation continue, très à la mode aujourd'hui est prônée par Maïmonide, depuis le 12ème siècle qui en fait un devoir moral. On peut considérer que les médecins en France avec une des meilleures formation médicale possible et un niveau élevé d'examens passés sont à l'abri (pour ceux qui réussissent à obtenir leur diplôme) d'une réelle incompétence. Du secret professionnel et de la vérité aux patients. Pour la Tradition Hébraïque, le médecin ne doit pas dévoiler au malade la gravité de son état. On ne pourra le révéler que devant l'insistance du malade et seulement si l'on estime que cette révélation peut lui être favorable. Dans le cas contraire on s'abstiendra. A titre d'exemple voici les reproches que le Roi Ezéchias, malade fait au prophète Isaïe venu le visiter et que rapporte Koelet Rabba V, 4 (enseignement allégorique sur l'Ecclésiaste). "Il est habituel car c'est la coutume, que quiconque visitant un malade doit prier le Créateur pour sa guérison. Lorsque le médecin se déplace au chevet de son malade, il lui recommande telle nourriture ou telle boisson et lui interdit telle autre. Même s'il sait que son patient en est à ses ultimes instants, il ne lui dira pas, "mets ta maison en ordre", de peur de l'affaiblir davantage. Or, c'est exactement ce que tu me dis". Ainsi, le médecin pour la Tradition Hébraïque, doit outre soigner, encourager et donner de l'espoir au malade jusqu'aux derniers instants. De la connaissance du vrai thérapeute et de l'humilité du médecin. Exode XV 26 `... Car je suis l'Éternel qui te guéris...". Pour la Tradition Hébraïque, le médecin n'est que l'intermédiaire entre le malade et le Créateur. Tous ses soins n'opèrent que par la volonté du ciel, qui seul décide de la guérison. Aucun médecin ne peut dire avec certitude, celui-là guérira, celui-ci succombera. Chaque être est particulier et en médecine le plus souvent, l'exception est la règle, les plus grands de nos professeurs peuvent en témoigner. Le meilleur des médecins va en "enfer". (Tov chebarofim lagueinam) Le médecin qui ne prie pas pour ses malades et ne veut pas jouer l'intermédiaire entre eux et le créateur devra rendre des comptes. La Tradition Hébraïque donne a cette terrible, mais symbolique sentence, plusieurs explications. Nous en citerons quatre. Le médecin qui se croit le meilleur, qui croit que la guérison vient de lui, qui oublie son simple rôle d'intermédiaire, qui oublie de demander l'avis d'autres confrères parfois plus expérimentés, celui-là est concerné par la sentence. Quel médecin peut jurer n'avoir jamais fait d'erreurs? Or l'erreur d'un médecin est parfois fatale pour son patient et dans ce sens il et considéré comme fautif. Il s'agit aussi du médecin qui ne supporte pas de voir souffrir son patient quitte à le priver de traitement douloureux, chronique ou dégradant. Cet excès de pitié mal placée qui ôte l'espoir de guérison à certains malades à cause de médecins voulant trop leurs "bien" vaudra à ces derniers de rendre des comptes. Enfin chaque jour, dans la Tradition Hébraïque, il existe une prière de 18 bénédictions à réciter. L'une d'elle concerne la maladie et sa guérison que l'on demande au Créateur. Nous jouons là sur la valeur numérique des mots. Le mot "Tov" (le meilleur), vaut 17. Cette sentence voudra donc dire que le médecin (Tov = 17) qui ne fait que 17 bénédictions au lieu de 18, en sautant celle qui correspond aux malades et à leur guérison et donc ne prie pas pour ses malades et ne veut pas jouer l'intermédiaire entre eux et le créateur, celuilà aussi devra rendre des comptes. De la responsabilité médicale. D'après la Tradition Hébraïque, si un médecin considéré comme compétent et qui a prodiguer ses soins de manière consciencieuse, commet une erreur, même si celle-ci provoque des dommages on ne peut le poursuivre. Cependant il sera responsable devant le Créateur. De l'actualité des éléments médicaux du Talmud. Les traitements contenus et proposés dans le Talmud n'ont pour la plupart, plus cours de nos jours. La nature des gens a changé et le plus souvent ces éléments médicaux sont le reflet des connaissances de l'époque. De la rémunération des médecins. La Tradition Hébraïque interdit à tout médecin de refuser ses soins pour raisons pécuniaires. A priori, pour la Tradition Hébraïque, un médecin ne peut percevoir de rémunération. Deux raisons à cela: la première, est que la guérison vient du Créateur et la seconde, est qu'il est interdit de recevoir un salaire pour une bonne action (soigner) car cela annulerait les mérites. Les bonnes actions ne sont conçues que gratuites et désintéressées. Cependant, les médecins à notre époque qui n'ont aucun autre moyen de gagner leur vie puisque tout leur temps est utilisé à exercer leur activité sont autorisés à percevoir un salaire pour le temps utilisé à soigner qui les empêche de faire autre chose. C'est donc ce temps bloqué qui est payé et non pas les soins prodigués en eux-mêmes. D'autre part la Tradition Hébraïque interdit à tout médecin de refuser ses soins pour raisons pécuniaires. Toute personne, quelque soit son niveau social et ses revenus, doit-être soignée. Un médecin qui malgré tout refuserait ses soins, le Tribunal rabbinique pourra l'y obliger. Du rapport aux parents. La Tradition Hébraïque autorise le médecin à soigner son père et sa mère. Il pourra prodiguer tous les soins nécessaires et mêmes des piqûres. Cette autorisation vaut s'il n'y a pas d'autres médecins et que les parents souffrent ou que les parents ne veulent pas d'autres médecins que leurs enfants. Cependant même si les parents insistent il ne pourra leur révéler la gravité éventuelle de leur états, de peur qu'ils ne s'attristent et aggravent leur santé. Enfin, un médecin à qui les parents ordonnent de donner des boissons ou des mets nocifs pour leur santé, doit désobéir, sauf si cette désobéissance peut conduire à un danger pour la vie de ses parents. La Grèce En Grèce, s'ouvre avec Hippocrate (460-382 av JC) dans un climat de grande hostilité, l'approche clinique qui dépasse le stade de l'observation et du raisonnement. Dans la Grèce Antique, la médecine est encore par essence une affaire de mythologie. Apollon chasse tous les maux de l'esprit et du corps. Esculape, fils d'Apollon, guérit les malades, et montre ses capacités à faire ressusciter les morts, remettant en cause les règles qui gouvernaient la destinée humaine. Pluton, Dieu des enfers, s'est plaint à Jupiter, lequel foudroie Esculape. Mais celui-ci a eu deux filles, qui poursuivent son œuvre : Hygie, qui prévient la maladie, et Panacée, qui les guérit. C'est parce qu'il fallait extraire la médecine du champ de la magie, celles des prêtres et des guérisseurs, que l'école hippocratique a élaboré une théorisation de la pratique médicale, consacrée par le célèbre serment. Rome A Rome, les premiers médecins sont des esclaves (Code Justinien, X. 52, De professionibus et medicis.) C'est César qui leur donne droit de cité et créée un brillant corps de santé militaire. Suit la célèbre Lex Aquilia qui pose le principe de la responsabilité médicale, mais laisse libre l'accès à la profession. L'empereur Julien (331-361) impose la nécessité d'être reconnu par une assemblée de médecins pour pratiquer la médecine. Les médecins commencent à se regrouper en « collèges de gens de métiers », les Collegia. Le Code d'Hammourabi (1752 av. J-C) renferme les premières dispositions concernant la responsabilité pénale du médecin. La faute du chirurgien est sanctionnée par la mutilation du bras. SOUS LA REPUBLIQUE ROMAINE Les médecins étaient sous la République, pour la plupart esclaves et/ou d'origine grecque. Ils n'avaient donc pas la citoyenneté romaine. Seuls, ils restaient cependant influents. Le médecin était responsable ou criminel en vertu des lois Cornelia de verse/iciis et Cornelia de sicariis. Est tenu de la loi Cornelia celui qui a tué un homme libre ou esclave; celui qui, dans l'intention de donner la mort, a confectionné et vendu du poison ; celui qui a blessé dans l'intention de tuer; celui qui a vendu au public des médicaments dangereux, ou en a conservé dans des intentions homicides. Est puni des peines portées par cette même loi celui qui hominem libidinis vel promercii causa castraverit. Est puni d'une peine spéciale celui qui s'est rendu complice d'un avortement Les médecins étaient généralement exempts de poursuites judiciaires pour leurs erreurs. Quelques auteurs se plaignent des meurtres légaux. Cette immunité s'est appliquée seulement aux erreurs de traitement faites sur les hommes libres. La Lex Aquilia, passée vers 286 av. J.-C., a permis de poursuivre les propriétaires d'esclaves et d'animaux négligeant la santé de leur "cheptel" ou malveillants. Les juristes avaient l'habitude d'utiliser cette loi poursuivre les médecins qui n'auraient pas, par exemple, eu toute la compétence pour soigner un esclave. La loi admettait également que le maître du médecin esclave était responsable dans la limite de la valeur de l'esclave, qu'il pouvait abandonner au plaignant pour faire lever la poursuite. Les sages-femmes et femmes-médecins étaient soumises aux mêmes responsabilités que les hommes. De nombreux exemples nous sont parvenus ou les médecins devaient effectués des travaux de médecine légale : dire si une mort est naturelle, témoigner qu'un patient ne peu se déplacer dans un tribunal… Et depuis les origines de Rome puisque une loi attribuée est à Numa Pompilius qui prescrivait un examen médical après la mort des femmes enceintes. Cependant la médecine légale n'existe pas officiellement. Pour la déontologie, voir Serment d'Hippocrate Pendant des siècles le médecin ne pouvait être condamné pour les échec d’une science presque inutile, il n’était que bien souvent qu’un témoin compatissant. Tradition musulmane Dans la tradition musulmane, la médecine est un art majeur, aussi important que la théologie au dire même du Prophète, et la médecine est classée parmi les « hautes connaissances » au même titre que la métaphysique et l'astronomie. Référénces J.-Ch. Sournia, Histoire de la médecine, La Découverte, 1997 ; B. Halioua, Histoire de la médecine, Masson, 2001 ; R. Vial, Chronologie de l'histoire de la médecine, J.-P. Gisserot, 1995 ; L. Kornprobst, Responsabilité du médecin devant la loi et la jurisprudence française, Flammarion, 1957. D. Mirande, Le code d'Hammourabi et ses origines, Leroux, 1913 ; C.-W. Ceram, Des dieux, des tombeaux, des savants, Plon, 1953. Houdart, Recherches sur la doctrine d'Hippocrate et sur l'état de la science avant lui, 1865 C. Custon, Histoire de la médecine au temps des Pharaons, Renaissance du livre, 1931 ; N. Riad, La médecine au temps des Pharaons, 1955 ; Ch. Daremberg, Histoire des sciences médicales, Baillière, 1893.