ISTITUTO FIGLIE DI MARIA AUSILIATRICE fondato da san Giovanni Bosco e da santa Maria Domenica Mazzarello N. 885 Ensemble….signe d’espérance Le titre de cette circulaire reprend la proposition préparée par nos soeurs de Sicile pour commémorer le centenaire de la mort de Madeleine Morano (26 mars 1908). Mère Marinella, dans la circulaire du 24 novembre 1994 n. 765, traçait d’elle un portrait essentiel et incisif, évoquant en conclusion, l’homélie prononcée par Jean Paul II à l’occasion de sa béatification. Je vous renvoie à cette lettre, chères sœurs, pour revivre les sentiments d’éternelle reconnaissance éprouvés en cette circonstance. Le Pape a cité la bienheureuse Madeleine Morano comme un remarquable exemple de témoignage d’une femme, consacrée, qui a atteint des sommets d’émouvante beauté. Sur le site de la Province sicilienne – http://www.fmasicilia.pcn.net – vous pourrez trouver des études et des documents illustrant sa mission. La proposition du centenaire se relie à celle de 1994 qui reprenait une expression bien connue de Madeleine : Ouvre largement ton cœur à l’espérance. Elle se situe en continuité avec la circulaire n.883, qui nous a vu converger pour la vie et l’espérance vers Haiti, lieu de la fête de la reconnaissance. Ensemble, nous voulons continuer à être signe d’espérance pour les nouvelles générations, comme l’a été, en Sicile, Madeleine Morano. Rien sans amour L’expérience d’amour et de croix, de courage et de joie, de travail et de dignité que Madeleine avait vécue dans sa famille et au cours de son enseignement à Montaldo Torinese, revit avec une plus grande intensité dans son choix de la vie religieuse dans l’Institut des FMA, vers lequel don Bosco lui même l’avait orientée. Madeleine avait déjà 31 ans. Elle emportait avec elle un solide bagage dû à une formation humaine et chrétienne, à une expérience pédagogique et catéchétique, à une attention à la femme, aux plus faibles et aux plus démunis. De tout cela elle en fera un trésor pour toute sa vie. Les plus beaux fruits de son don évangélique mûriront sur la terre de Sicile, où elle portera la responsabilité de l’animation jusqu’à la fin de sa vie terrestre. Sur cette même terre, Madeleine sera proclamée bienheureuse. Pour caractériser son témoignage, Jean Paul II s’est servi de l’image de la vigne et des sarments.(cf. Jean 15,1). La vitalité des sarments et la saveur des fruits portés par Madeleine proviennent des racines invisibles de la vigne qu’est Jésus et de sa relation avec Lui. “Tout pour l’amour de Jésus ; rien sans amour” : ces recommandations de Madeleine à ses soeurs définissent aussi son profil de femme allant à l’essentiel, centrée sur Jésus, qui est la vigne. Il donne l’espérance de la ranimer ou de la renforcer, à tous ceux qui laissent la sève de son amour envahir leur propre existence. “En entreprenant n’importe quelle action – recommandait -t-elle - souvenons – nous de la faire comme Jésus l’aurait faite, c’est à dire pour la gloire de Dieu, pour le bien des âmes ; non à des fins secondaires, par amour de soi, pour notre propre satisfaction...Pensez comme Jésus aurait pensé, priez comme Jésus aurait prié, agissez comme Jésus aurait agi ”. La sainteté consiste en cette conformité simple de notre vie, qui unifie nos ressources intérieures et les polarise autour de la personne du Maître, de son projet pour le Royaume. 1 Le oui de l’amour prononcé chaque jour avec émerveillement, multipliait les énergies de Madeleine à tel point qu’il lui fut possible de réaliser une prodigieuse activité éducative et évangélisatrice. Unie à Jésus, elle pouvait s’ouvrir à la grâce de l’Esprit, croire que le Père fait toujours se lever le soleil du lendemain, qu’Il soutient dans les épreuves, parce qu’il n’abandonne jamais ses fils et filles. Madeleine était une personne lumineuse, elle savait repérer les aspects positifs, elle orientait vers le bien, elle montrait le chemin de la beauté comme chemin d’amour. Tout lui était prétexte pour élever le regard : ainsi elle montrait à d’autres ce que la réalité offrait de bon et de grand et quelle en était la source. "Vois-tu – faisait-t-elle observer – comme la mer est grande et immense? La bonté et la miséricorde de Dieu sont encore plus grandes et plus immenses ". Elle faisait quotidiennement l’expérience de l’amour miséricordieux du Père. Ses fragilités comme celles des autres ne l’effrayaient pas. L’important était de reprendre chaque fois le chemin dans la juste direction. “Nous devons devenir saintes à tout prix”. La sainteté, selon elle, avait toutes les caractéristiques de l’amour sponsal : “ De même qu’une épouse abandonne sa maison, de même - disait-t-elle, nous devons nous concentrer sur les intérêts de Jésus seul”. L’amour donne la force pour vivre les sacrifices, il nourrit l’espérance, il ouvre à la confiance. ”Jésus est ton époux, aime-le simplement. Comporte-toi avec Lui, du matin jusqu’au soir, comme s’Il était un membre de la famille....sois spertuna”, exhortait-elle en utilisant une expression dialectale c’està-dire : soyez perspicaces, expérimentez-Le, faites croître chaque jour votre amour pour Jésus dans la fidélité au devoir quotidien, dans votre disponibilité pour aller vers les autres. “Se faire saintes – répétait-t-elle- c’est l’unique chose pour laquelle il vaut la peine de s’appliquer. Faire tout pour Jésus, sans regarder ni à droite ni à gauche”. Madeleine était convaincue que dérivait de cette radicalité évangélique le courage d’oser de grandes entreprises : la première de toute étant d’aimer et de faire aimer le Seigneur. La merveilleuse fécondité apostolique se déploie au coeur d’un dialogue d’amour avec Jésus. Benoît XVI a dit de Saint Augustin qu’il était un amoureux de l’amour de Dieu (Pavie, 22 avril 2007). J’aime imaginer à cette lumière la figure de Madeleine Morano. Elle vivait en réalité dans la certitude que Dieu l’aimait et son existence se déroulait dans la dynamique de cet amour. Seul l’amour ouvre des perspectives d’avenir, seul, il élargit le coeur à la dimension de l’espérance. Les frontières de l’espérance “Je pense être ici pour le Seigneur et avec le Seigneur...quand enfin je sentirai que je l’aime vraiment, je le ferai aimer de ces filles siciliennes bien pauvres”. Madeleine écrivait ces mots de sa patrie d’adoption, la Sicile, où elle fut envoyée en 1881 pour y ouvrir la maison de Trecastagni. Elle se consacra dès lors à une originale inculturation de la méthode salésienne, qui exigeait un réel discernement pour faire revivre les intuitions pédagogiques de Don Bosco en les adaptant au contexte de l’île. Elle s’est immédiatement occupée des filles pauvres, démunies de culture, de liberté d’expression et de décision. Sur elles pesaient d’’antiques traditions qu’il fallait respecter. Là, Madeleine ouvrit pour elles les frontières de l’espérance. Elle sut interpréter leurs besoins en éducation et elle réalisa son apostolat dans le cadre de l’école, de l’oratoire, de la paroisse. Les difficultés à surmonter n’étaient pas des moindres : la défiance initiale des gens du pays confrontés à une personne issue d’un contexte culturel et géographique différent, le laïcisme qui dominait, les tendances réactionnaires des propriétaires terriens. Ceux-ci s’opposaient à l’instruction, craignant que les gens du peuple ne deviennent capables de s’imprégner d’idées nouvelles, de se rebeller contre leur pouvoir et de saper leurs privilèges. Madeleine avait cependant son propre projet d’éducation intégrale, que rien ni personne ne pouvait empêcher de réaliser. Elle est allée de l’avant en suivant la ligne de l’Evangile et du charisme du Fondateur. Elle retourna à l’expérience de Mornèse et de Nizza, en la faisant revivre 2 avec le charme des origines. Elle chercha à agir en harmonie avec les orientations de l’Eglise locale. Elle s’inséra facilement dans le projet pastoral de l’archevêque de Catane, Benedetto Dusmet, entièrement centré sur la charité, puis dans celui de son successeur Giuseppe Francisca Nava, particulièrement attentif aux besoins de la société de son temps. Elle croyait que la charité était le lieu idéal pour la création d’un climat humain positif qui rend efficaces les relations, l’éducation en général. L’oratoire, où elle accueillait les jeunes filles, et, à un autre moment, aussi les jeunes gens, fut aussi le lieu d’engagement dans la vie de l’Eglise locale, une chance pour faire revivre les valeurs familiales. Dans le cadre pastoral de Mgr Dusmet s’insérait le projet de donner un nouvel élan à l’éducation des jeunes filles. Madeleine Morano, avec ses collaboratrices, fut la première dans le diocèse de Catane à s’occuper de leur éducation dans une optique d’évangélisation. Aux défis lancés par la société, elle répondit, sans peur ni timidité, en proposant une éducation attentive à développer toutes les potentialités de la personne. Elle était convaincue qu’il n’est pas d’éducation intégrale sans la dimension religieuse. D’où son entreprise courageuse pour fonder seize nouveaux centres éducatifs pour les fillettes et les jeunes filles du peuple, centres qui se sont révélés tout de suite riches en qualité et en nombre. Elle-même, maîtresse née, elle manifesta dans ce domaine des aptitudes particulières . Dans les oratoires féminins, Madeleine fit un essai très clair de synthèse des valeurs humaines et chrétiennes par le biais d’activités culturelles, professionnelles, récréatives. Le tout effectué dans la sympathie, la joie, le bon sens, une humaine affection. Une place indiscutable revenait à la catéchèse, coeur non seulement de l’oratoire mais de toute son oeuvre. Ses qualités de femme ouverte aux signes des temps, prête et courageuse dans sa réponse exigée par ces signes, n’échappèrent pas au cardinal Francica Nava, qui lui confia la coordination de la catéchèse paroissiale feminine de la ville. Madeleine était consciente que l’éducation à la foi joue un rôle décisif pour renouveler la société et elle organisa la catéchèse paroissiale avec précision et hauteur de vue. Cette disponibilité, qui allait de pair avec son courage et sa compétence, la mit au premier rang de l’engagement dans la ré-évangélisation du territoire, avec une attention particulière portée aux jeunes filles. Souvent on lui demandait de contribuer à la sensibilisation des prêtres catéchistes pour revitaliser la foi du peuple. Elle le fit avec simplicité et largeur de vue. Se sentir sicilienne parmi les Siciliens la rendait accueillante, attentive, ouverte aussi à utiliser des expressions dialectales. Pour que le message de foi parvienne vraiment à tous, elle invitait à transmettre en sicilien les vérités fondamentales du christinianisme et, surtout, à traduire les valeurs évangéliques en expériences de vie. Seule la vie, en réalité, engendre la vie. Seul le témoignage des valeurs ouvre les nouvelles générations à l’espérance de pouvoir les vivre à leur tour. Former le coeur Madeleine Morano s’est employée à réécrire le charisme avec les couleurs typiques du peuple sicilien. Elle continua ainsi l’expérience du système préventif que don Bosco avait entreprise dans son oratoire et que Marie Dominique, avec les premières soeurs, avait traduit au féminin dans le milieu de Mornèse. La passion qui l’animait était celle du “da mihi animas”, et comme nos Fondateurs, elle veillait à former le coeur. “Il ne suffit pas d’instruire les enfants et les jeunes filles – recommandait-t-elle – il faut former leur coeur”. La formation du coeur était l’expression d’amour concret que les jeunes filles pouvaient percevoir, une bienveillance qui touchait les fibres les plus intimes de leur personnalité où s’élaboraient les raisons de vivre et d’agir. La raison fondamentale pour Madeleine, comme pour don Bosco et Marie Dominique, était l’amour surnaturel. Jésus Eucharistie était son pôle magnétique irrésistible. On entendait souvent de ses lèvres des paroles comme celles ci : “Je vous recommande Jésus : il est dans la maison pour vous”. Elle jugeait indispensable d’éduquer les jeunes filles à accueillir la grâce de Dieu, la seule qui rend heureux, si on l’a en nous. La catéchèse, selon les usages du temps, était transmise avec des formules, mais elle trouvait le moyen de dépasser cette habitude en donnant des témoignages concrets de vie. 3 Le système préventif est le système de l’amour, de la persuasion et de la bonté. Madeleine souhaitait vivement qu’on ne refusât rien aux jeunes de ce qui pouvait leur être accordé : qu’il fallait déborder de confiance, pour susciter ainsi une confiance amicale. Il lui arrivait de dire qu’elle avait besoin de vivre pour la fille et elle seule, en quête de son bien personnel et communautaire, religieux, moral, intellectuel et physique. Elle voulait que les jeunes filles soient capables d’un jugement autonome et droit, orientées vers une action avec des motivations solides. Par conséquent, l’action éducative devait être contresignée par la capacité à adhérer au réel, par le bon sens, par l’équilibre. Madeleine portait aussi le souci d’une bonne éducation qui donne une touche de grâce à l’éducation morale. Elle s’est rendu compte dès le début que la femme est le chaînon le plus faible de la société. C’est pourquoi, être du côté de la femme, spécialement de la jeune femme, signifiait se mettre au service de la vie et de l’espérance pour un avenir moins discriminatoire, plus équitable et riche en sensibilité humaine et affective. Et elle s’engagea à libérer la femme par la femme. Pour réussir dans cette expérience, elle créa une vaste communauté de personnes, consacrées et laïques : la directrice, les enseignantes, les assistantes, chacune des FMA, les anciennes élèves, les paroissiens, les familles, les ouvriers mêmes. Elle obtenait une synergie quand chaque membre de la communauté éducative réussissait à tisser son propre fil, c’est à dire à vivre joyeusement sa propre vocation, tous convergeant vers les mêmes objectifs. Qu’il y ait de la cordialité dans les relations entre les enseignants, n’est pas secondaire car cela contribue au bon succès de l’éducation. Parler en bons termes les unes des autres, se soutenir mutuellement et mettre en valeur les qualités de chacune, c’est offrir un témoignage de communion qui a plus de poids que toute autre forme de méthodologie. Former le coeur est une oeuvre commune et laborieuse de la part de tous. C’est seulement ainsi que l’on peut éduquer des générations ouvertes et solidaires, capables de vivre la diversité comme un don qui enrichit la communauté et la dynamise dans l’amour évangélique. Madeleine Morano avait une riche personnalité intérieure, ouverte au social, attentive au présent, bâtisseur d’avenir, engagée dans son époque, mais projetée vers l’éternel, là où le présent acquiert sens et plénitude. Son message, tourné vers l’essentiel pour être prophétie d’espérance et d’amour entre les jeunes générations nous rejoint encore aujourd’hui et nous incite à trouver les voies toujours nouvelles de l’éducation évangélique. Que Marie Auxiliatrice, qu’elle a tant aimée et fait aimer, nous aide à être des femmes fortes et aimantes, qui sachent conjuguer prudence et simplicité, force et discrétion, austérité et tendresse. Rome, ce 24 mai 2007 Avec toute mon affection : Sr A. Colombo Nomination de provinciales Afrique Province Africaine “Notre Dame de l’Espérance” Sr Teresa Fernandes AFE Europe Province Emilie Ligure Toscane “Madonne du Cénacle” Sr Chiara Cazzuola Province espagnole “Nostra Signora del Pilar” Sr María Lourdes Ruiz de Gauna ILS SBA 4