Thème 3 : Histoire Histoire du quotidien Chapitre 2 : Vivre et mourir en temps de guerre : L’exemple de la Première Guerre mondiale : 1914-1918 (Baccalauréat : sujet d’étude : Etude de document) Introduction : Quelles sont les causes du déclenchement de la Première Guerre mondiale ? Quelles en sont les grandes phases ? A partir du début du XXe siècle, deux blocs antagonistes se forment : La Triple Entente : France, Royaume-Uni, Russie et leurs colonies La Triple Alliance : Allemagne, Autriche-Hongrie et Italie Les rivalités entre ces deux blocs sont dues à des intérêts économiques, financiers mais aussi nationalistes. Le Royaume-Uni chassé par l’Allemagne de l’Empire Ottoman s’inquiète pour ses possessions dans la péninsule arabique (pétrole) et en Egypte (canal de Suez). La France veut récupérer l’Alsace/Lorraine qu’elle a perdu lors de la guerre de 1870-1871. L’Allemagne veut annexer l’Autriche. Les Serbes veulent libérer leurs frères slaves maintenus dans l'Empire Austro-Hongrois : depuis 1905, des guerres locales éclatent souvent dans les Balkans. L’évènement déclencheur de cette guerre est l’assassinat par les Serbes à Sarajevo de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’empire austro-hongrois, le 28 juin 1914. Un mois plus tard, l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie le 28 juillet 1914. En une semaine, tous les Etats (sauf l'Italie) vont être forcés d'entrer en guerre : le 3 août, l'Allemagne déclare la guerre à la France et le 4 août 1914, elle envahit la Belgique, pays neutre, ce qui décide le Royaume-Uni à déclarer la guerre à l'Allemagne. Les grandes phases de la guerre : 1914 - Guerre de mouvement : Meurtrière Août : attaque des Français par les Allemands. Entrée du Japon dans la guerre : le conflit devient mondial. Septembre : Allemands repoussés (Bataille de la Marne : des taxis parisiens amènent des soldats en renfort) et début des attaques aériennes. Octobre-Décembre : Bataille des Flandres : Allemagne essaie de prendre les ports de la Manche pour couper le Royaume-Uni de son ravitaillement : affrontements sanglants contre troupes Britanniques, Belges et Françaises. Echec : début de la guerre de position (mais trêve de Noël : film de 2005 de Christian Carion). 1915-1917 - Guerre de position : Tranchées : de la mer du Nord à la Suisse Janvier 1915: C’est aussi le début des attaques aériennes contre les civils qui se poursuivent pendant toute la guerre et terrorisent les populations du Royaume-Uni et de la France. Avril 1915 : Début des attaques des troupes dans les tranchées avec des « gaz asphyxiants ». Utilisés d’abord par les Allemands, puis par les Alliés : effets mortels. Mai 1915 : Début de la guerre totale : les pays en guerre vont mobiliser toutes leurs ressources : humaines, économiques et financières. 1916 : Guerre d’usure : Bataille de Verdun sous le commandement de Pétain, puis en novembre, Bataille de la Somme : échec pour les Alliés (650 000 morts). 1917 - « L’année trouble » : Mutineries Général Nivelle tente une nouvelle offensive : Bataille du « Chemin des Dames » : nouvel échec : 134 000 soldats français tués : début des mutineries : le général Pétain, qui remplace le général Nivelle destitué, prononce plus 500 de condamnations à mort. 49 soldats sont réellement exécutés. 2 avril : entrée en guerre des États-Unis dans la Triple Entente : apportent des chars et des avions qui donnent progressivement l’avantage aux Alliés. 1918 - La fin de la guerre : Mars : reprise de l’offensive allemande Mai : Allemands menacent Paris Automne : les pays en guerre signent l’armistice les uns après les autres. 9 novembre : Guillaume II, empereur Allemand abdique 11 Novembre : L’Allemagne est le dernier pays à signer l’armistice avec la France dans le wagon du maréchal Foch à Rethondes (forêt de Compiègne). Problématique : Quels sont les conséquences de cette guerre totale sur les populations civiles et militaires européennes ? Méthode d’analyse d’un texte : (Manuel p. 53) 1. Situer le texte : Présenter son auteur, sa fonction. Rappeler le contexte. Identifier le(s) destinataire(s). Mettre en évidence l’objectif des propos. 2. Expliquer le texte : Relever les arguments utilisés par l’auteur. Préciser les évènements auquel il fait allusion et expliquer le vocabulaire employé. Résumer le message délivré par l’auteur. 3. Dégager la portée du texte I – Quelles sont les conditions de vie des soldats et des civils ? A- Au front, comment vivent les soldats mobilisés ? Dès 1914, 12 millions d'hommes sont mobilisés. De 1914 à 1918, en France, huit millions d’hommes sont mobilisés, soit un Français sur cinq. On relève en tout environ 70 millions d'Européens mobilisés pendant toute la guerre. Les ressortissants des colonies sont également appelés à combattre. A partir de 1915, après l’échec de la guerre de mouvement, la guerre d’usure commence. Les tranchées, symbole de la Grande Guerre sont progressivement creusées par les combattants pour se protéger des tirs de l’ennemi. Elles s’étendent sur 800 kilomètres de long de mer du Nord à la Suisse. Elles sont reliées entre elles par tout un système de boyaux sinueux qui permettent aux combattants de monter en première ligne ou de redescendre vers l’arrière pour se reposer. Les abords des tranchées sont protégés par des fils de fer barbelés. Les adversaires sont séparés par un no man’s land dont la largeur peut varier de quelques dizaines de mètres (en montagne et en forêt) à quelques centaines de mètres (en plaine). Document 1 : Extrait d’une lettre d’un soldat adressée à sa femme le 30 mai 1917 et saisie par les services de l’armée : 2 premiers §. Document 2 : Extrait d’une lettre d’un soldat adressée à ses parents, Laplume Yves, Paroles de Poilus. Lettres et carnets du front, 1914-1918, Librio-Radio France : Lettre de Georges : Verdun, 15 juillet 1916. Les soldats, dans les lettres qu’ils adressent à leurs proches disent ce qu’ils pensent de la guerre, de la façon dont elle est menée. Ils racontent leurs malheurs, leurs espoirs, leurs colères. Ces témoignages sont donc de précieuses sources d’informations aujourd’hui, pour connaître les conditions de vie des soldats pendant la Première Guerre mondiale. On constate que la vie dans les tranchées est difficile. Les combattants restent sur place de jour comme de nuit. Ils restent 3 semaines en première ligne sans pouvoir se raser, c’est pourquoi on les surnomme les « poilus ». La promiscuité avec les cadavres et le manque d’hygiène sont propices au développement des rongeurs et des insectes : rats, poux. Les soldats conservent une odeur désagréable. Ils sont en plein air et subissent directement les intempéries : froid, humidité, pluie, boue. Quand il pleut, les soldats qui ne se déchaussent que rarement gardent les pieds mouillés pendant plusieurs jours, voire même davantage. Ils sont alors victimes de la maladie dite des « pieds de tranchées » qui occasionne de grandes souffrances et peut même conduire jusqu’à la gangrène. Les permissions sont rares et les rations de nourriture sont insuffisantes et de mauvaise qualité. Après l’attaque, le sol est retourné, bouleversé par les obus. Les soldats se terrent dans ce qui reste de la tranchée. Le champ de bataille prend cet aspect lunaire qui le caractérise désormais (absence d’arbres et de végétation, trous d’obus). B- A l’arrière, quel est le rôle des civils ? La Première Guerre mondiale est une guerre totale, car les soldats, mais aussi les civils (femmes, enfants, vieillards), l’économie, la production et les médias sont mobilisés. C’est la première guerre industrielle. 1- Les femmes remplacent les hommes partis au front : Document 4 : Appel du président du Conseil adressé aux femmes et aux enfants le 6 août 1914 Déclaration du général Joffre au sujet du travail des femmes Les femmes dans les usines d’armement Trois jours après l’entrée en guerre de la France, le premier ministre, René Viviani appelle tous les civils à remplacer les hommes partis au front. Les femmes deviennent la force de l’arrière. Elles exercent différents emplois : certaines deviennent ouvrières, d’autres travaillent la terre. À Paris, on voit des femmes conduire des tramways, distribuer le courrier. On voit même des femmes «garçons» de café ou propulsées chefs d’entreprise ! Dans les municipalités, elles sont mêmes nommées aux affaires sociales alors qu’elles n’ont pas encore le droit de vote. L’administration et l’industrie font appel à la main-d’œuvre féminine. Dans les usines, les « munitionnettes » fabriquent des obus et des grenades. Elles deviennent vite indispensables. Elles travaillent souvent très dur : de 10 à 11 heures par jour. Les femmes sont aussi un soutien pour les combattants : Les « dames blanches » sont les infirmières. Dès les premières semaines de la guerre, des milliers d’hommes sont blessés. Les infirmières soignent et réconfortent les blessés. Marie Curie (1864-1937), prix Nobel de physique et de chimie, devient directrice des services de radiologie de l’armée et forme des radiologues. Elle fait équiper des voitures en radiologie (les « petites Curie »). Ces voitures permettent de localiser les projectiles, mais aussi de faire passer des radios aux soldats blessés. Les marraines de guerre adoptent un soldat sans famille, un prisonnier ou un mutilé auquel elles écrivent et envoient des colis, leur apportant le réconfort moral dont ils ont tant besoin. À plus de soixante-dix ans, la grande tragédienne Sarah Bernhardt (1844-1923), apporte son secours aux combattants. Amputée de la jambe droite, elle choisit pourtant de se consacrer au théâtre pour divertir les armées. Après avoir remplacé les hommes partis au front, les femmes ont assumé des responsabilités qu’elles n’ont pas voulu abandonner, une fois la paix revenue… un état de fait que les combattants, revenus à la vie civile, n’ont pas toujours accepté. Pour plus de commodité dans le travail, elles s’étaient raccourcis les cheveux et portaient des pantalons. D’autre part, le métier d’infirmier va s’officialiser. En 1922, l’Etat créé une certification pour ce métier, puis en 1938, il institue un diplôme d’Etat. 2- Une économie au service de la guerre : Au départ, les Etats pensent à une guerre de courte durée, mais après la Bataille de la Marne, cet espoir s’évanouit. La France s’endette. A partir du mois de novembre 1915, l’Etat est obligé d’emprunter de l’argent aux particuliers pour pouvoir continuer la guerre. En plus des emprunts, ils ont recours à la création de monnaie (billets, pièces), ce qui favorise l’inflation. Document 3 : Affiche pour le 2ème emprunt pour la Défense Nationale d’octobre 1916 Le deuxième emprunt a lieu en octobre 1916, le troisième en novembre 1917 et le quatrième de novembre 1918. Au total, ces emprunts apportent à l’État français environ 524 milliards de francs. Les affiches des emprunts, publiées par l’Etat sont conçues pour motiver la population à soutenir l’effort de guerre pour obtenir la victoire. Le patriotisme est donc mis en avant : emblèmes nationaux (Marianne, drapeau…) et soldats combattants pour la victoire (« On les aura ! »). Toute l'économie est au service de la guerre (production, consommation). La production industrielle est tournée vers l’armement. La firme automobile Renault ne fabrique plus des voitures, mais des obus, des chars et des moteurs d'avion. 3- Une mobilisation des esprits : Pour maintenir le moral de la population, les Etats utilisent la propagande et la censure dès les premiers jours du conflit. La censure supprime tout ce qui peut informer l’ennemi sur la position des armées, les effectifs des tués, des blessés et des prisonniers… Avec le temps, elle supprime aussi tout ce qui peut démoraliser les populations. Document 7 : La censure : Circulaire du 6 août 1914 (Service Historique de l’Armée de Terre) La presse est censurée : Le souvenir de la guerre de 1870, où la presse avait trop parlé, a conduit à l’instauration d’un contrôle de la presse dès le début des hostilités. La propagande à travers les médias et l’école doit convaincre et donner des nouvelles rassurantes du front. (Les soldats qui connaissent la réalité et l'horreur des combats parlent alors de « bourrage de crâne »). Confrontés à la censure, les journaux doivent aussi faire face à la crise du papier : ainsi, dès les premiers jours d’août 1914, ceux qui ont survécu à la mobilisation sont contraints de réduire leur nombre de pages. La pénurie de papier s’aggrave à tel point que le 1er septembre 1917, les journaux doivent se résoudre à augmenter leur prix de vente de 100%. L’objectif recherché est atteint : les tirages chutent. Après la guerre, la presse, accusée de s’être mise au service de la propagande, d’avoir caché aux Français des faits majeurs, perd de nombreux lecteurs. Le courrier du front est contrôlé. Chaque régiment et chaque unité est sondé au moins une fois par mois (500 lettres au minimum par régiment). Des sondages spéciaux sont envisagés si nécessaire. Si le contenu de la lettre ne répond pas aux normes fixées par la censure, elle est saisie par les services de l’armée et ne parvient pas au destinataire. A partir de 1915, ces lettres sont archivées par le Service Historique de l’Armée de Terre (SHAT) et elles sont aujourd’hui de précieuses sources d’informations pour l’historien (Documents 1 et 5). Mais ces contrôles n’ont pas permis d’éviter le mécontentement et les mutineries. II – Comment les combattants et les civils subissent la violence de guerre ? A- Au front, quelles sont les diverses formes de la violence? Pendant plus de quatre ans, les combattants connaissent l’enfer des batailles de la Marne, de Verdun (en 1916 : 695 000 morts pour 10 mois d’affrontement : plus d’un obus au mètre carré), la bataille de la Somme. Les périodes d’attente dans les tranchées rendent la vie des soldats difficile. La guerre des tranchées est encore plus dure par la guerre des mines. Joffre, Pétain, et Foch sont les principaux généraux français. Dans l’infanterie (soldats combattants à pied), la place des mitrailleuses et des grenades devient essentielle. Les canons (artillerie lourde) sont de plus en plus utilisés, ainsi que l’avion dont les missions se diversifient. Par contre, les blindés naissent des nécessités de la guerre. L’utilisation de l’arme chimique est un des faits militaires les plus marquants du conflit. Document 8 : Les attaques avec les « gaz asphyxiants » A partir d’avril 1915 : la guerre se brutalise. C’est le début des attaques des troupes dans les tranchées avec des « gaz asphyxiants ». Les effets des gaz sont foudroyants : les yeux piquent, les poumons sont en feu, les hommes toussent, vomissent du sang, titubent et tombent. Les rescapés sont aveugles, amputés d’un poumon ou frappés d’insuffisance respiratoire à vie. Pour se protéger des gaz, les combattants s’appliquent des compresses, imprégnées de substance absorbante et des cagoules en éponge. En 1916, les premiers masques à gaz avec lunettes intégrées apparaissent, mais les premiers masques réellement étanches n’arrivent qu’en 1917. Ils disposent d’un tube à l’avant, à l’endroit où se situe la bouche pour respirer. Les yeux sont également protégés par des lunettes de verre. La peau est cachée par une sorte de tissu recouvert de caoutchouc. Pour prévenir l’attaque au gaz, des clochettes (parfois des cloches d’église) donnent l’alarme. La protection des soldats permet de diminuer la mortalité des premières attaques aux gaz : ainsi, le taux de mortalité des victimes de gaz qui est de 17% en 1916 tombe à 2,4% en 1918, et ce malgré l’apparition de l’ypérite (ou « gaz moutarde »). En raison de la dureté de cette guerre, les mutineries sont fréquentes. (Une mutinerie est la rébellion des soldats contre leur hiérarchie qui se traduit par le refus d’obéir aux ordres). Les trois motifs de mécontentement qui figurent dans les lettres des combattants sont : l’absence de permissions, la nourriture mauvaise et la mort vaine dans des attaques inutiles. Entre 1914 et 1918, les conseils de guerre prononcent 2400 condamnations à mort débouchant sur près de 600 exécutions capitales. Les motifs pour les combattants fusillés sont : «abandon de poste en présence de l’ennemi » ou « refus d’obéissance ». Document 1 : Extrait d’une lettre d’un soldat adressée à sa femme le 30 mai 1917 et saisie par les services de l’armée. En 1917, les mutineries deviennent collectives, après l’échec de l’offensive du général Nivelle sur le Chemin des Dames, qui a fait près de 40 000 morts et 90 000 blessés en 3 jours, côté Français. Suite à cette défaite sanglante, 30 000 à 40 000 hommes refusent de monter en première ligne ou se mutilent volontairement. L’annonce de la Révolution russe et le manque de soutien de l’arrière (période de grève) sont également des facteurs de cette mutinerie. Le général Nivelle est destitué et remplacé par un nouveau général en chef, Pétain. Pétain réprime ces mutineries (49 exécutions sur plus de 500 condamnations à mort prononcées), mais il augmente les permissions, améliore le confort des cantonnements, fait distribuer aux soldats une nourriture plus abondante et décide d’arrêter les inutiles et sanglantes attaques. Suite à cet évènement, la surveillance de la presse au front s’accentue. B- A l’arrière, les civils victimes de la guerre ? Pendant la Grande Guerre, même les civils connaissent les épreuves et les privations. 1- Les civils victimes de la pénurie et des profiteurs de guerre : Document 5 : Lettre adressée le 23 novembre 1916 par sa femme à un prisonnier de guerre allemand interné dans le Puy de Dôme (France) et saisie par les services de l’armée. Document 6 : Affiche de campagne du Parlement intitulée « Journée du Poilu » pour la permission des soldats à Noël 1915 Même les civils connaissent l’exode et les privations. L’inflation est importante : les prix des produits triplent. Depuis 1917, on vit avec des tickets de rationnement pour acheter de la nourriture, car les matières premières sont rares. Le pain est taxé. Le chauffage manque. Des emprunts sont lancés auprès de la population pour soutenir l’effort de guerre. Des affiches montrent aux civils combien les soldats ont besoin de cette aide financière. Document 9 : La Baïonnette, hebdomadaire satirique dénonce les profiteurs de guerre en 1916 En même temps, des personnes profitent de la guerre pour s’enrichir. La pénurie leur permet de vendre les produits plus chers. La Baïonnette, patriotique, est l’un des meilleurs hebdomadaires satiriques illustrés publiés pendant la guerre. Le rédacteur en chef est Henriot. Le dessinateur Paul Iribe dénonce le profiteur de guerre. Il le représente obèse avec un double menton. Il ne connaît ni la vie chère ni le rationnement. Il boit (quatre bouteilles sont disposées devant lui), il mange, et fume un cigare. La guerre l’enrichit comme l’indique la légende « Et tout cela me semblait si cher… avant la guerre!». Tous ces facteurs entraînent la lassitude des civils en 1917. La hausse des prix, la baisse du pouvoir d’achat rend la vie plus difficile. Moins bien payées que les hommes, épuisées par les longues journées de travail, les femmes décident de descendre dans la rue pour réclamer une augmentation de salaire. Dès janvier, les arrêts de travail touchent les maisons de couture parisienne, puis les usines d’armement. Courant mai, les grèves se développent dans le bâtiment, l’habillement et les usines de guerre. Ces grèves conduisent le ministre de l’Armement, le socialiste Albert Thomas, à intervenir pour qu’un minimum dans les salaires soit institué. 2- Les civils victimes des combats : Les civils connaissent la pénurie, mais aussi la souffrance de la perte de leurs proches et des bombardements (ex : les Grosses Bertha de l'usine Krupp qui atteignent Paris en 1918 faisant 256 morts)... En 1918, la guerre piétine. La ligne de front n’a pratiquement pas bougé depuis décembre 1914. Enterrés dans les tranchées, les soldats attendent la grande offensive, celle qui permettra de percer le front ennemi. Car depuis décembre 1917, l’Allemagne n’est plus obligée de se battre sur les deux fronts (russe et français) Les partisans de Lénine ont choisi de se retirer du conflit, et le nouvel allié de la France, les États-Unis, n’est pas opérationnel. L’Allemagne doit donc aller au plus vite si elle veut emporter la victoire. Pour cela, elle prépare le terrain, et cherche à terroriser la population française. Document 10 : Photo prise dans une cave : Les gothas bombardent Paris en janvier 1918 À partir de janvier 1918, Guillaume II soumet Paris à un bombardement intense. Les Parisiens, qui jusque-là ont été épargnés par la violence directe de la guerre, sont brutalement atteints. Le 30 janvier, les gothas (les bombardiers allemands) lâchent plusieurs bombes sur la capitale. On retire des décombres des immeubles 45 corps de femmes, d’enfants et de vieillards. Cette photographie a été prise en 1918 dans une cave parisienne. Craignant les bombes asphyxiantes et incendiaires, certaines personnes sont équipées de masques. Le 11 mars, Paris connaît une nuit tragique. Suite à une alerte, les voyageurs, réfugiés dans la station de métro Simon Bolivar, sont pris de panique. 60 personnes meurent étouffées, 31 sont gravement blessées. Le moral de Paris est ébranlé. Le 23 mars, débute le bombardement de Paris par la Grosse Bertha. Tout le monde croit d’abord qu’il s’agit de bombes, jetées par des avions qui survolent Paris à haute altitude. Mais on se rend vite compte que ce sont des obus tirés par un gigantesque canon, posté à 120 kilomètres de là. Les Allemands se rapprochent de Paris. La population est nerveuse. Le but recherché par les Allemands est atteint. Mais de septembre à novembre 1918, plusieurs pays alliés de l’Allemagne demandent l’armistice (Bulgarie, Autriche, Turquie, Hongrie). Le 9 novembre, l’empereur Guillaume II abdique et se réfugie en Hollande. La République de Weimar est proclamée et elle signe, le 11 novembre à 11 heures, l’armistice. En janvier 1919 débute la conférence de la paix avec la France, l’Italie, le Royaume-Uni, et les États-Unis. La Société Des Nations est créée pour maintenir la paix. Le 28 juin 1919, le traité de Versailles désigne l’Allemagne comme responsable de la guerre. Elle doit payer des dommages de guerre et perd des territoires. Les grands empires sont démantelés : Empires Allemand, Austro-Hongrois et Ottoman. Pendant quatre ans, les combattants et les civils ont dû accepter des sacrifices et des souffrances inimaginables. C’est pourquoi, lorsque la paix revient, les sociétés européennes sont profondément marquées par cette guerre qu’ils espéraient être la « Der des Ders » (la « Dernière des Dernières »). III – Quelle empreinte a laissé la Grande Guerre ? A- Quelles en sont les répercussions sur la société ? L’armistice du 11 novembre 1918 met fin à la guerre la plus meurtrière et destructrice que la France ait jamais connu. Le pays sort épuisé d’une guerre qu’on a appelé la Grande Guerre. 1- Le bilan humain : Document 11 : Le bilan des morts pendant la guerre 1914-1918. Le bilan humain de la guerre est très lourd. La Grande Guerre a mobilisé 74 millions d’hommes et a fait 9,4 millions de morts et de disparus. De nombreux soldats sont prisonniers. Les trois pays européens qui ont payé le plus lourd tribut sont : l’Autriche-Hongrie, la France et l’Allemagne. La France et l’Allemagne ont perdu un homme sur six par rapport aux forces mobilisées, mais le théâtre des opérations le plus meurtrier est le front oriental. La France a perdu 1 400 000 soldats sur le front. Ces pertes représentent 27% des hommes entre 18 et 27 ans et 10% de la population active. Le retour de l’Alsace-Moselle ne compense pas ces lourdes pertes. La population française atteignait en effet 39 600 000 habitants en 1913 et 39 210 000 habitants après la guerre avec le retour de l’Alsace-Lorraine. Ce bilan est encore alourdi par la grippe espagnole qui a fait des millions de victimes à travers le monde. C’est donc toute une génération qui a disparu sans descendance, ce qui entraîne une chute et un vieillissement de la population européenne. Document 12 : Photo d’un blessé au visage À ce lourd bilan, s’ajoutent les nombreux blessés : 6,5 millions, dont 2,8 millions pour la France. Les foyers voient revenir des blessés, des invalides et des gueules cassées en grand nombre. Les projectiles (les obus) broient les membres et détruisent les visages : 70 à 80% des blessures sont infligées par les obus. 11 % à 14 % des blessés français l’ont été au visage. Les soldats ont bénéficié d’une chirurgie réparatrice de la face mais les résultats ne sont pas toujours esthétiques. En 1921, des mutilés créent l’Union des Blessés de la Face qu’ils surnomment les «Gueules cassées ». 2- Des soldats traumatisés : Les soldats qui reviennent sont traumatisés par ce qu’ils ont vécu. Certains ne s’en remettront jamais, hantés par l’horreur des combats, ils basculent dans la démence. Des cas de folie sont constatés dès 1915. L’effondrement psychique déclenche de nombreux troubles : incapacité de marcher, cécité, surdité, confusion mentale, tremblements, bégaiements. Les réponses thérapeutiques pour soigner ces névroses de guerre sont : le recours à la douche froide, le sommeil et le repos, la rééducation par la gymnastique pour que le combattant apprenne à se réapproprier son corps... [Les fragments d’Antonin, un film réalisé par Gabriel Le Bomin et sorti en France en 2006, traite des traumatismes psychiques provoqués par la guerre. Antonin est incapable de s’exprimer. Il n’a que des gestes obsessionnels. En 1919, le professeur Labrousse s’intéresse à son cas. Sa méthode consiste à lui faire revivre les moments les plus durs de la guerre]. 3- Une société marquée par la guerre : Pendant la Première Guerre mondiale, l’enfant est au centre des cultures de guerre. Il est une figure centrale. Le thème de l’enfant héroïque, résistant à l’invasion ou à l’occupation, est fréquent. L’enfant symbolise aussi l’innocence martyrisée. Même loin du front, les enfants restent au cœur de la guerre. Les plus jeunes ont des poupées alsaciennes ou lorraines. Les soldats de plomb sont très populaires. Des canons et des chars sont reproduits sous la forme de jouets. Les plus âgés ont des jeux de l’oie, des planches à découper («J’habille mes soldats », « Je construits une tranchée », ou « Une attaque à la baïonnette ») fabriquées par l’Imagerie d’Épinal). Bécassine entre en guerre en 1916 dans « Bécassine pendant la guerre » (La Semaine de Suzette). En 1930, Victor Méric fonde la Ligue internationale des Combattants de la paix (LICP). Il fait éditer des affiches pour aider les parents à « désarmer moralement » leurs enfants, pour éviter qu’ils ne jouent encore à la guerre. 4- Les destructions : Des régions entières sont dévastées. Les zones ravagées couvrent 7 % du territoire. Les destructions dans la France du Nord et du Nord-Est sont considérables. Des forêts, il ne reste que des souches noircies et des troncs tordus. L’agriculture n’est plus possible dans certains secteurs, car des obus sont enfuis dans le sol et risquent d’exploser au passage des charrues. Aujourd’hui encore, tout autour de Verdun, les sols bouleversés et meurtris témoignent des terribles combats qui s’y sont déroulés. La végétation ne pousse plus. Les destructions entraînent l’effondrement des productions agricoles et industrielles. La production de blé chute (de 9 millions de tonnes à 5,2 millions de tonnes), de même que celle de pommes de terre (13 millions de tonnes à 6 millions de tonnes). Dans les régions occupées (Moselle et Alsace), les 9/10 du cheptel bovin et les 4/5 des chevaux ont disparu. Les destructions matérielles sont importantes. De nombreux villages sont détruits (en Meuse, plusieurs villages sont rayés de la carte). De nombreux bâtiments ont été touchés partiellement ou totalement : des écoles, des mairies, des usines, des édifices publics. Des maisons ont été détruites, privant les habitants de logement. À cela, s’ajoute la dégradation des réseaux routiers et ferroviaires (5 000 kilomètres de voies ferrées et 5 000 ponts sont hors d’usage). B- Quelles sont les traces de la guerre aujourd’hui ? La Première Guerre mondiale a laissé des traces aussi bien dans la mémoire des hommes que dans les paysages. En France, le devoir de mémoire, de commémoration subsiste (cérémonie officielle organisée pour conserver la conscience nationale d'un évènement de l'histoire collective et servir d'exemple et de modèle). Le 11 novembre commémore l’armistice de 1918. Cette cérémonie du 11 novembre est l’occasion de rendre hommage aux combattants de la Grande Guerre. Document 13 : Photo des monuments aux morts de Péronne (Somme) et de Cambrai (Nord) Partout, à partir de 1919, dans les petits villages comme dans les grandes villes, on a élevé des Monuments aux morts où sont inscrits les noms de ceux qui sont morts pendant la guerre. Le monument de Péronne (Somme) de Paul Auban représente une femme qui tend un poing vengeur à celui qui vient de tuer l’homme auprès duquel elle est agenouillée. Le monument de la Victoire à Cambrai a été érigé par souscription publique et avec l’aide de la ville d’Alger. Il a été inauguré en 1926. Il représente une victoire de Samothrace (symbole de la Victoire placée à l’avant des bateaux dans la Grèce antique) qui protège des soldats évoluant autour d’un char. La tombe du soldat inconnu symbolise l’ensemble des combattants morts pour leur patrie. Huit corps de soldats non identifiés morts au champ d’honneur sont transportés dans la citadelle de Verdun. Le 10 novembre 1920, Auguste Thin (fils d’un combattant mort pendant la guerre) désigne par un bouquet de fleurs le cercueil qui partira pour Paris. Le 28 janvier 1921, le cercueil du soldat inconnu est inhumé au centre de l’Arche principale sous l’Arc de Triomphe. Sur le caveau on peut lire « Ici, repose un soldat français mort pour la patrie 1914-1918 ». Le 11 novembre 1923, André Maginot (ministre de la Guerre) allume la flamme du souvenir. Depuis cette date, elle ne s’est jamais éteinte. Chaque soir, à 18h30, une cérémonie du ravivage est organisée. En France, les soldats qui ont échappé à la mort se regroupent dans des associations d’anciens combattants, mais ce statut n’a jamais été accordé aux combattants venus des colonies françaises. Dans les départements du nord et du nord-est de la France, la Grande Guerre est partout présente avec ses immenses cimetières militaires (et ses milliers de croix), ses ossuaires (ossuaire de Douaumont de 1923 dans la Meuse regroupant 130 000 corps de soldats inconnus français et allemands), ses stèles et ses monuments. De nombreuses rues et places portent encore des noms qui évoquent la guerre de 1914-1918 : la rue Clemenceau, la rue de Verdun, la place du 11 novembre, boulevard du maréchal Foch ou du maréchal Joffre. D’autres pays élèvent des monuments aux morts. En Belgique, à Steenstraat (près d’Ypres), on a érigé un monument aux victimes de la première attaque par les gaz (22 avril 1915). Sur ce monument est écrit : «Depuis, il meurt encore chaque jour, dans la paix, des victimes de ces procédés abominables ». Conclusion : Cette guerre marque donc encore aujourd’hui les populations européennes. De nombreux Français et Allemands viennent à Verdun pour se recueillir sur le champ de bataille et les tombes des soldats. Certaines années, a lieu à Verdun un spectacle reconstituant ces terribles combats.