Dom Juan, Molière Acte V, scènes 5 et 6 En 1665, son dernier

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Dom Juan, Molière
Acte V, scènes 5 et 6
En 1665, son dernier ouvrage Tartuffe ayant été censuré , Molière décide d’écrire Dom
Juan. Cette pièce de théâtre relate les aventures d’un libertin. En effet, le héros de cette pièce
de théâtre, Dom Juan, n’accepte aucune règle exceptée les siennes. Les scènes auxquelles
nous allons nous intéresser sont les scènes finales (Acte V, scènes 5 et 6) : Dom Juan qui
agissait sans contrainte ni pitié, que ce soit avec les femmes (abandon de Done Elvire au
premier acte), avec la religion (tentation au blasphème dans la scène 4 de l’acte III), avec la
société (non paiement des dettes) ou même avec sa famille, va être puni.
Nous pouvons alors nous demander quelles vont être les conditions de la punition de ce
héros libertin.
Nous allons tout d’abord nous intéresser à la représentation du surnaturel, puis à la réaction
de Dom Juan devant ces faits, et pour finir à la réaction ambiguë de Sganarelle.
Dans ces scènes, le surnaturel est symbolisé par le spectre ainsi que par la statue.
Dans la scène 5, le spectre fait son apparition sous la forme d’une femme voilée. Il représente
ainsi toutes les femmes trompées au cours de sa vie. Le spectateur pourrait ainsi associer ce
spectre à Done Elvire, son ancienne épouse qu’il avait sortie d’un couvent pour l’épouser et
ensuite l’abandonner. Elle l’avait déjà menacé du courroux céleste. Cette apparition est la
dernière occasion donnée à Dom Juan de se repentir : « s’il ne se repent ici, sa perte est
résolue » Mais évidemment, Dom Juan est un grand libertin d’idées, il va donc refuser cette
opportunité. Le spectre se transforme ensuite pour représenter le Temps avec sa faux à la
main. Ainsi, la présence de cette faux signifie que le spectre est également représentatif de la
Mort, qui guette Dom Juan : il annonce donc la venue de la statue, et par conséquent la fin
funeste du héros.
Dans la scène 6, comme l’avait annoncé le spectre précédemment, la statue est l’élément
surnaturel dominant : elle représente le monde des Morts, parallèlement à Dom Juan qui est
vivant. De plus, il y a également une « comparaison » entre Dom Juan et la statue, montrant
que ces deux personnages sont opposés : la statue ne peut bouger (en théorie), elle reste
immobile, calme, stable, contrairement à Dom Juan qui est de caractère fort instable et qui ne
peut s’empêcher de bouger. Lorsque la statue apparaît, Dom Juan connaît son destin. Après
tous ces excès de libertinage, il faut payer. En acceptant la main tendue par la statue « La
voilà », il transgresse l’ordre divin qui prône pour la séparation entre les morts et les vivants.
Mais cette main est symbolique, Dom Juan accepte ce pacte il va être punis de ses pêchés,
comme l’annonce la statue : « l’endurcissement du pêché traîne une mort funeste. »
Nous venons donc de voir les apparitions surnaturelles présentes dans ces deux scènes :
Dom Juan est puni de ses pêchés par la justice divine. Intéressons-nous maintenant à la
réaction de Dom Juan devant ces personnages divins.
Lors de l’apparition du spectre, Dom Juan semble perturbé, peut-être même un peu apeuré.
Il n’accepte pas le divin : « Non, non, rien n’est capable de m’imprimer de la terreur » Cette
phrase commence par une négation doublée, Dom Juan veut rester entièrement maître de ses
actes (et de ses réactions). La liberté est très importante pour lui et il ne conçoit pas d pouvoir
être dirigé par une autre personne « rien n’est capable ». De ce fait, Dom Juan refuse la
dernière chance qui lui est accordée de se repentir. Même Sganarelle tente d’influencer son
maître vers cette voie, mais il n’y a rien à faire « Non, non, il ne sera pas dit, quoi qu’il arrive,
que je sois capable de me repentir. » Dom Juan sait qu’il est condamné pour tous ses pêchés,
mais c’est un libertin et le refus de se repentir peut donc s’expliquer par cette volonté de
choisir soi-même ses décisions : il ne se repentira pas, même devant des apparitions divines.
Mais, ne pas vouloir avouer ses pêchés est une chose, mais le héros ne tient pas à ne faire que
refuser. En effet, il va même aller jusqu’à défier la justice divine : son libertinage est donc à
son apogée : il n’hésite en aucun cas à affronter le spectre. « Dom Juan veut le frapper » . De
plus, il ne se résoud pas à laisse le spectre s’échapper : « Je veux voir ce que c’est » ; « Je
veux éprouver avec mon épée si c’est un corps ou un esprit ». Dom Juan sait pourtant
pertinemment que son sort est déjà défini, mais son caractère libertin prendra le dessus dans
chaque situation, comme il en a été tout au long de l’histoire. L’instant où la statue arrive avec
« Arrêtez Dom Juan » marque la fin de cette lutte, perdue d’avance. De ce fait, pour la toute
première fois de sa vie, Dom Juan, en disant « Oui, où faut-il aller ? » et en acceptant la main
tendue de la statue accepte d’être puni pour son endurcissement au pêché. Le défi est perdu,
Dom Juan ne peut refuser de mourir : en donnant sa main, il accepte de mourir.
Dom Juan aura donc été un libertin avec un fort caractère. Sa réaction devant le divin
montre qu’il reste fidèle à sa doctrine libertine, et que jamais il ne regrettera ce qu’il a fait : il
n’a aucun remord et accepte sans rechigner la main de la statue, l’emmenant à son funeste
destin.
Nous allons maintenant nous intéresser à la réaction de Sganarelle lors de ces deux scènes,
réaction quelque peu ambiguë.
Tout d’abord dans la scène 5, Sganarelle est assez comique : il répète tout ce qui se passe,
ce qui est inutile puisque, comme lui, tout le monde voit le déroulement de l’action :
« Entendez-vous Monsieur ? » ; « Voyez-vous, Monsieur, ce changement de figure ? » De ce
fait, Sganarelle cherche à surmonter sa propre peur ; il veut que cette situation cesse, et tente
une fois de plus, en vain, de persuader son maître de se repentir : « Jetez-vous vite dans le
repentir ». Mais la réaction de Sganarelle la plus intéressante se situe dans la scène 6. En effet,
Dom Juan vient de mourir et c’est la réplique du valet qui va clôturer cette pièce de théâtre :
son contenu a un sens moral : le valet énumère toutes les « victimes » de son maître ainsi que
le bienfait que son maître décède : « parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à
bout, tout le monde est content ! » A cette liste s’ajoute aussi « Ciel offensé, lois violées,
filles séduites » ainsi que « familles déshonorées ». Toutes les causes de la fin funeste du
libertin sont donc résumées. Mais à cette morale s’ajoute un léger égoïsme de la part du valet
« Il n’y a que moi seul de malheureux ». Il exprime son sentiment de solitude. Mais aussi, on
peut voir qu’il n’a pas l’air très peiné, car ses premières et dernières paroles sont « Mes
gages ! Mes gages ! » On peut en déduire que ses préoccupations sont surtout matérielles, ce
qui donne tout de même un aspect comique à cette fin.
Les scènes finales de cette œuvre montrent à quel point Dom Juan était libertin : le refus de
se repentir ainsi que l’essai de vaincre la justice divine en sont les preuves. Dans ces deux
scènes, Dom Juan a donc poussé la logique du défi à son apogée, mais acceptera tout de
même la main de la statue : il paie pour ses pêchés. Mais dans cette atmosphère triste et
tragique, il y a l’attitude de Sganarelle qui fait sourire…
Ainsi, tout au long de l’œuvre, nous pouvons dire que Dom Juan est une tragi-comédie,
dont le comique est représenté par le valet Sganarelle.
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