Les plans français

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Fiche technique 10 : les plans français
Plan : processus mis en œuvre par l’Etat consistant à fixer pour un horizon de moyen terme
(compris entre 3 et 10 ans) des grandeurs économiques (en termes de production,
d’investissement, …) et des mutations qualitatives associées à l’évolution de ces grandeurs
(modification des structures de la production, de la consommation, …). Toute planification
correspond ainsi à un dosage particulier de deux séries d’éléments : d’une part, des prévisions
de l’évolution plus ou moins spontanée des grandeurs économiques et, d’autre part, des
objectifs plus ou moins contraignants fixés aux agents et à leur environnement.
Traditionnellement on oppose :
- planification impérative (modèle soviétique) ≠ « anarchie du marché » : obligation pour les
agents économiques d’appliquer les objectifs du plan
- planification indicative ou « planification à la française » qui consiste dans un processus de
concentration avec les partenaires sociaux, à fixer des prévisions ou objectifs à 4 ou 5 ans qui
ne s’imposent pas aux entreprises privées, qui s’imposent pour partie au secteur public et que
les pouvoirs publics sont censés poursuivre en incitant les agents économiques à les réaliser. Il
n’y a pas de substitution au marché mais le plan s’efforce de prévoir les tendances longues du
marché, par l’utilisation de modèles économétriques, pour permettre à la puissance publique
d’agir plus efficacement par des mesures incitatives. Il n’est pas un instrument de propagande
mais peut constituer un indicateur pour les entreprises ou les ménages.
La planification indicative, à l’échelle nationale, est née dans les pays occidentaux après la
Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de pénurie économique.
Dans le cas de la France, la planification a été un outil de reconstruction économique, puis de
croissance. Elle a ensuite perdu peu à peu le caractère « d’ardente obligation » que lui avait
assigné le général De Gaulle.
1. La planification de la phase de reconstruction (1947-1961)
situation propice à la définition d’objectifs
- élever le niveau de vie
- reconstituer l’appareil productif
financement = plan Marshall
C’est le Commissariat général au Plan, créé en janvier 1946 qui joue un rôle de coordination,
d’élaboration et d’impulsion. Sa mission consiste à dégager les priorités économiques et à
concentrer les moyens de l’État sur quelques secteurs-clés qui sont considérés comme des
secteurs « tirants » : charbon, électricité, ciment, transport, sidérurgie, machines agricoles.
Pour cela est créé en 1948 le Fonds de modernisation et d’équipement qui deviendra, lors
du IIe plan, Fonds de développement économique et social (1955). Cet organisme approuve
les projets d’investissement des grandes entreprises nationales ; il étudie également les
demandes de subventions qui sont adressées à l’État et juge de leur conformité avec les
objectifs du plan. (Comme le note Pierre Rosanvallon, « le plan a surtout servi à planifier
l’État lui-même » et a permis aux dirigeants du pays de définir clairement leurs objectifs.)
Ier plan : plan Monnet (1957-1952)
Jean Monnet met au point les fondements de la planification française (le plan Monnet a été
conçu en 1946).
Il limite volontairement le nombre des membres du Commissariat général du plan à une
petite équipe, pour éviter toute dérive bureaucratique. Il mise d’ailleurs sur la recherche du
consensus qui doit se dégager des commissions de modernisation, composées de membres de
l’administration et de représentants syndicaux et patronaux et chargées d’élaborer le projet de
plan. C’est ce qu’il appelle l’« économie concertée », recherche d’une voie moyenne qui
réapparaît à diverses reprises dans l’histoire française, sous le nom d’économie contractuelle,
avec Jacques Chaban-Delmas, ou d’économie mixte sous François Mitterrand.
Plan proposé par Monnet :
- Échange de billets avec blocage d’une partie des fonds afin de briser l’inflation
- Tout un programme de nationalisations (sidérurgie, machine-outil) et d’encadrement de
l’économie par un vaste ministère de l’Économie nationale
rejet de ce plan - plan est mis en question à travers la formule ironique « Monnet-monnaie » :
l’inflation
la France s’oriente peu à peu vers un relatif libéralisme.
Ier plan, qui avait été prolongé au-delà de son terme normal, laisse la place au deuxième en
1953.
IIème plan (1953-1957)
rétablir les équilibres + développement des équipements collectifs + entrée dans l’UE (Traité
de Rome, 1957 : CEE (marché commun))
IIIème plan (1958- 1961) : plan Pinay-Rueff
en 1958, dont les acquis sont remis en question par l’accélération de l’inflation liée à l’arrivée
des rapatriés d’Algérie en 1962
plan de redressement =
- remise en ordre des finances publiques
- suppression des indexations (exception faite du S.M.I.G.) à l’intérieur
- dévaluation du franc
- libération des échanges
- (retour à la convertibilité externe du franc à l’extérieur)
2. La planification de la phase de croissance (63-75)
IVème plan (1963- 1965)
plan de stabilisation , destiné à lutter contre l’inflation
Pierre Massé, commissaire au Plan lors du IVe plan : « Le plan est un substitut au marché
dans le cas où celui-ci est irréalisable, défaillant ou dépassé. »
« plan = anti-hasard »
- croissance maximale + maintien des grands équilibres
Vème plan (1966- 1969)
- création de grands groupes industriels
VIème plan (1970- 1975)
- éviter le chômage
PAP = programmes d’action prioritaire
3. La crise de la planification (75- ?)
Hervé de Charrette sera en 1986 le dernier ministre chargé du Plan.
Incapacité à prévoir car crise économique
objectifs du plan = environnement + qualité de vie
VIIème plan (1975- 1980)
peu contraignant, qui met l’accent sur vingt-cinq programmes d’action prioritaire (P.A.P.)
VIIIème plan (1980- 1985)
Il ne comporte aucune référence chiffrée → volonté de désengagement dont le symbole reste
la libération progressive des prix
IXème plan (1985- 1989)
baisse du chômage (réduction des inégalités + répartition du temps de travail + formation)
Xème plan (1989- 1992)
peu explicite
- marché unique
XIème plan (1993- ? )
(traitement du chômage et de la précarité)
=> mondialisation + individualisme
mondialisation = ouverture croissante des économies développées sur les échanges extérieurs
+ dès 1974 = enrayement de la machine économique (stagflation)
- remise en cause du rôle de l’Etat et de son action dans l’économie
- rend l’existence de la planification problématique
Cependant l’élaboration du plan reste en France un moment de réflexion prospective entre les
différents acteurs de l’économie. Le plan a-t-il une valeur en soi ou n’était-il adapté qu’à un
moment précis de notre histoire (la reconstruction) ? Doit-il aujourd’hui être abandonné ?
Jean-Pierre Raffarin : « le Plan doit être le porte-parole de l’avenir ». Mais le Premier
Ministre n’insiste plus sur le caractère d’impulsion du Plan pour privilégier son rôle
d’indicateur ; à travers la crise de la planification, il y a donc une nouvelle perception de cette
institution maintenant bien ancrée en France qu’est le Plan.
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