Iatrogénie médicamenteuse chez la personne âgée I) Généralités Iatrogénie médicamenteuse : maladie provoquée par un médicament. Les personnes de plus de 65 ans représentent 16% de la population française et environ 40% de la consommation de médicaments en ville. Une polymédication fréquente (plus de 3 médicaments différents par prise) augmente le risque iatrogène. La iatrogénie serait responsable de plus de 10% des hospitalisations chez les personnes de plus de 65 ans et de 20% chez les octogénaires. Les médicaments les plus fréquemment prescrits chez les personnes âgées sont : - Médicament cardiovasculaire (76% des patients) - Psychotropes (41%) - Antalgiques (23%) - Médicaments pour l’appareil digestif (13%) - Antidiabétiques (7%) Les effets indésirables des médicaments : - 2 fois plus fréquents chez la personne âgée que chez le jeune adulte - Souvent plus graves et diagnostic difficile - Les principales causes : La polymédication La longue durée des traitements - Le sujet est d’autant plus sensible que ces effets portent sur des organes modifiés par le vieillissement cellulaire (peau, œil, système nerveux central…) et l’altération des fonctions hépatiques et rénales. II) Les effets du vieillissement sur l’activité et la toxicité des médicaments Les caractéristiques de référence des médicaments (activité, toxicité, métabolisme) sont celle de l’adulte jeune. Les principaux facteurs de risque à prendre en compte sont : Facteurs de risques liés à l’âge - Facteurs entraînant des modifications des paramètres pharmacocinétiques des médicaments (modification de l’action des médicaments) - Facteurs ayant des conséquences sur l’administration des médicaments : réduction des capacités physiques, difficultés de communication, troubles de la déglutition, baisse de l’acuité visuelle et de l’audition, troubles de la mémoire. Facteurs de risques liés au médicament - Les essais réalisés chez la personne âgée sont rares e ne concernent que de petits effectifs - Les effets indésirables sont favorisés par la polymédication, l’augmentation de la consommation médicamenteuse et l’augmentation des effets secondaires. A) Modifications des paramètres pharmacocinétiques des médicaments I) Absorption 1) Voie orale Modification des sécrétions digestives et du transit : - Diminution des sécrétions acide gastrique - Diminution de la vitesse de la vidange gastrique - Ralentissement du transit - Diminution de la surface de résorption digestive - Diminution de la perfusion sanguine digestive 2) Voie musculaire - Remplacement de la masse maigre par le tissu adipeux Variation des débits sanguins périphériques 3) Voie cutanée Diminution de l’hydratation cellulaire Prévision difficile de la résorption, biodisponibilité quantitativement peu modifiée mais résorption ralentie. II) Distribution 1) Liaison aux protéines plasmiques Hypoalbuminémie due à un défaut de synthèse hépatique ou à une carence d’apport. Diminution de la fraction libre de certains médicaments et le risque de surdosage des médicaments fortement liés aux protéines. 2) Diminution des débits sanguins Allongement de la phase de distribution 3) Modification de la composition corporelle et de la taille des organes Distribution sélective des médicaments Les effets secondaires gênants Ex : relargage des médicaments stockés au niveau adipeux… III) Métabolisme hépatique Diminution de la vitesse de transformation hépatique : - Diminution de la masse hépatique - Diminution du dépit sanguin hépatique - Diminution des réactions Diminution de l’effet du 1er passage hépatique. Clairance hépatique : mesure les biotransformations hépatiques d’un médicament Elle peut être très perturbée chez la personne âgée. IV) L’excrétion rénale Diminution de la filtration globulaire : diminution du nombre de néphrons Notion de clairance créatinine : - Créatinine est un composé fabriqué par l’organisme et dont l’élimination n’est que rénale - Mesure de sa clairance : reflet du fonctionnement rénal - Calcul à partir de la créatinine, de l’âge et du sexe - Diminution normale de la clairance de la créatinine chez la personne âgée, on parle « d’IRC sénile » Clairance rénale d’un médicament : diminution chez la personne âgée Risque d’accumulation On adapte la posologie de certains médicaments en fonction de la clairance de la créatinine. Les modifications de pharmacocinétique chez la personne âgée touchent la demi-vie et la clairance totale. Les risques d’accumulation sont réels. Les règles d’adaptation de la posologie doivent être appliquées chez la personne âgée. B) Modification des réponses pharmacodynamique à certains médicaments Notions limitées du fait des variabilités inter- et intra-individuelles. Difficile de prévoir l’activité, la durée d’action et d’éventuelle toxicité. I) Le réflexe de posture - Permet de pallier tout trouble de l’équilibre. - Il est réduit au cours du vieillissement risque de chute - Certains médicaments tels que les dépresseurs du SNC (ex : BZD ou Benzodiazépines) aggravent la limitation de ce réflexe. Risque de chutes et de fractures plus élevé chez la personne âgée. II) Réponse circulatoire orthostatique - Elle corrige la diminution de la personne âgée provoquée par le passage de la position allongée à la station debout. - Régulation quantitativement diminuée avec l’âge : Sensibilité accrue à l’hypotension orthostatique Malaise et sensations vertigineuses - Effets potentialisés ou déclenchés par certains médicaments tels que les anti-HTA, certains neuroleptiques, certains anti-dépresseurs… III) Troubles de l’excitabilité cardiaque - Dégénérescence progressive Troubles de l’excitabilité - Médicaments ayant des effets rythmogènes Troubles graves tels que qu’une insuffisance cardiaque. - Effets potentialisés notamment par une hypokaliémie IV) Thermorégulation - Accidents d’hypo- ou d’hyperthermie fréquents chez le sujet âgé. - Effets potentialisés par psycholeptiques, BZD, neuroleptiques et hypnotiques, analgésiques… V) Fonctions cérébrales Certains psycholeptiques Désordres psychiques, désorientation temporospatiale, confusion mentale, délire. VI) Fonctions rénales - IRC sénile potentialisée par les Anti-Inlammatoires Non Stéroïdien. - Attention à l’association avec des médicaments qui ne sont éliminés que par les reins tel que le Lithium. VII) Tonus musculaire lisse - Diminution globale du tonus et de la mobilité des fibres musculaires lisses Obstruction intestinale et rétention urinaire. - Chez la femme, incontinence urinaire aggravée par les diurétiques. III) Le bon usage des médicaments chez la personne âgée Effets indésirables Interactions médicamenteuses Non-observance Incidents ou Accidents iatrogènes Importance d’améliorer le Bon Usage du médicament notamment chez la personne âgée La loi d’août 2004 fixe comme objectifs de parvenir d’ici 5 ans à la réduction des prescriptions inadaptées chez les personnes âgées et à la réduction significative des évènements iatrogènes entraînant une hospitalisation. A) Principaux axes à prendre en considération pour améliorer le bon usage du médicament. - Des informations en vue d’une bonne observance (rôle des industriels) - Des formes pharmaceutiques adaptées - Des présentations adaptées - Prescription vigilante des médicaments (rôle du prescripteur) - Dipensation vigilante (rôle du pharmacien) - Formations spécifique des différents professionnels de santé. B) Recommandations générales S’informer sur le patient : - Pathologies à traiter et les pathologies associées - Répertorier tous les facteurs de risque à prendre en compte pour ce patient. Maîtriser le traitement : - S’assurer de son caractère indispensable - Schémas thérapeutiques simples - Expliquer le traitement, ses risques, …au patient et à son entourage. Evaluer l’efficacité et la tolérance : - Réaliser un bilan complet avant le traitement puis régulièrement Clinique : poids, pression artériel, fréquence cardiaque… Biologique : ionogramme sanguin, créatininémie et la clairance Signaler tous les symptômes « anormal ». C) Recommandations par classe L’AFSSAPS a émis des recommandations : « Prévenir la iatrogénie médicamenteuse chez le sujet âgé » Objectifs : - Attirer l’attention des prescripteurs sur des points importants en termes d’instauration, d’adaptation, de suivi ou d’arrêt du traitement chez les personnes âgées pour certaines classes thérapeutiques. Les effets indésirables graves chez les patients de plus de 70 ans, les plus fréquemment transmis aux centres de pharmacovigilance concernent les médicaments suivants : - Fluindione : presviscan*, anticoagulant oral - Furosémide : lasilix*, diurétique - Spironolactone : aldactone*, diurétique - Diogoxine : cardiotonique et anti-arythmique - Amiodarone : cordarone*, anti-arythmique Classes : Médicaments du système cardio-vasculaire : - Diurétiques - Inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et antagonistes de récepteurs de l’angiotensine II - Digitaliques - Bêta-bloquants - Inhibiteurs calciques - Dérivés nitrés - Anti-arythmiques Anticoagulants : - Héparine - AVK (anti-vitamine K ou anticoagulants oraux) Psychotropes : - Anxiolytiques et hypnotiques - Antidépresseurs - Neuroleptiques - Thymorégulateurs AINS Antidiabétiques Statines Médicaments utilisés dans le traitement de la démence Conclusion Vieillissement vient altérer les principales fonctions physiologiques Modifications des « relations » du patient avec le médicament Adapter la posologie du médicament en fonction de l’état physiologique du patient. Surveiller et modifier le traitement si constat d’inefficacité ou si apparition d’effets secondaires (bilan de santé du patient). Promouvoir et faciliter le bon usage du médicament, notamment, expliquer au patient les conditions d’emploi du médicament et s’assurer de la bonne compréhension pour s’assurer d’une bonne observance.