P. SCHMIDT Service ORL & Chir. de la Face et du Cou Hôpital Robert Debré REIMS 05-2002 OTITES CHRONIQUES Définitions / Généralités Définition Par ce terme, on entend tout processus inflammatoire et/ou infectieux de l'oreille moyenne dont la durée d'évolution dépasse un mois. Il s'agit donc uniquement des otites moyennes chroniques. En fait, dans la pratique, l'évolution des otites chroniques se chiffre bien plus en années qu'en mois. Classification On oppose conventionnellement les otites chroniques à tympan fermé (Otite séro-muqueuse chronique à tympan fermé) aux otites chroniques à tympan ouvert. Pour le clarté de la compréhension, nous avons choisi de les présenter différemment, en trois familles : 1) Otite muqueuse chronique à tympan fermé (synonyme : otite séro-muqueuse), qui spontanément se termine le plus souvent par la guérison mais peut parfois évoluer vers une otite chronique dangereuse (cf.) ou simple. 2) Otite chronique simple à tympan ouvert (synonyme : otite chronique suppurée simple), dont l'évolution spontanée se fait vers la raréfaction des poussées inflammatoires et le refroidissement: état séquellaire. 3) Otites chroniques dangereuses avec présence d'épiderme dans l'oreille moyenne (otite chronique avec cholestéatome ou épidermose), dont l'évolution spontanée se fait vers l'aggravation et les complications. On peut donc opposer deux groupes d'otites de pronostic radicalement différent: -----> D'un côté, l'immense majorité des otites muqueuses, et les otites chroniques simples à tympan perforé, qui "se tassent" au fil des années, pour atteindre un état séquellaire stable et non dangereux; -----> de l'autre, les quelques otites muqueuses avec rétraction tympanique évolutive, qui deviennent des cholestéatomes, qui ne font que s'aggraver avec le temps, et peuvent causer à terme des complications vitales. Filiation des otites L'évolution d'une otite chronique peut la faire passer d'un catégorie à l'autre. La filiation de ces différentes familles avec leur évolution spontanée est représentée schématiquement par ce tableau: OTITE MOYENNE AIGUE GUERISON OTITE MUQUEUSE CHRONIQUE POCHE DE RETRACTION OTITE CHRONIQUE SIMPLE A TYMPAN OUVERT STABILISATION ETAT SEQUELLAIRE NON DANGEREUX POCHE EVOLUTIVE (INCONTROLABLE) OTITE CHRONIQUE DANGEREUSE (CHOLESTEATOME) COMPLICATIONS GRAVES Malgré sa grande fréquence et sa banalité, l'otite muqueuse est le point de départ possible des otites chroniques dangereuses, ce qui justifie le grand soin que l'on doit porter à sa surveillance. Otite séro-muqueuse chronique (OSM) Epidémiologie C'est la plus fréquente de toutes les otites chroniques, particulièrement chez l'enfant où elle est très banale (jusque 20% des enfants d'âge scolaire pour certains). Elle fait l'objet d'un cours à part (cf.). Certaines affections s'accompagnent d'une plus grande fréquence d'OSM rebelle, en particulier les divisions palatines. En effet, cette malformation affecte les muscles du voile du palais, dont le fonctionnement conditionne celui de la trompe d'Eustache. Quelle que soit la qualité de la réparation chirurgicale du palais, il faut exercer une surveillance otologique serrée et très prolongée chez ces enfants. Attention à l'otite séro-muqueuse qui apparaît chez un sujet adulte indemne de passé otitique!! Il peut certs s'agir d'une OSM banale consécutive à une virose un tant soit peu sévère, mais une OSM de novo est aussi le mode de révélation d'une tumeur du rhinopharynx (OSM + obstruction nasale unilatérales progressives) ou d'une affection telle que la granulomatose de Wegener (OSM bilatérale sévère + rhinite croûteuse et petites épistaxis). Définition C'est une inflammation chronique de la muqueuse de l'oreille moyenne, qui évolue derrière un tympan fermé avec présence d'un épanchement liquidien plus ou moins visqueux dans la caisse du tympan ("glue ear" des anglophones). En raison de la parenté embryologique, histologique et anatomique de l'oreille moyenne avec le rhinopharynx, le principal facteur d'entretien de l'otite séro-muqueuse est l'inflammation rhinopharyngée. L'état permanent de l'oreille est un fond inflammatoire "de base", souvent très discret cliniquement, auquel vont se greffer des poussées aiguës déclenchées par les épisodes infectieux aigus rhinopharyngés. Ces poussées aiguës "relancent" les phénomènes inflammatoires et sont responsables de symptômes souvent beaucoup plus bruyants. Sémiologie LES SYMPTOMES FONCTIONNELS sont donc très fluctuants, au gré de l'inflammation loco-régionale. IL Y A EN PERMANENCE: * une surdité de transmission, toujours présente mais d'intensité très variable, passant facilement inaperçue si elle est modérée, et que par ailleurs les poussées de réchauffement sont rares, * les aspects otoscopiques sont très divers, associant un ou plusieurs des éléments suivants: rétraction du tympan, légère vasodilatation de sa surface (congestion), aspect rosé (lié à la congestion de la muqueuse de la caisse), diminution de transparence donnant un aspect opalin (tympan "dépoli"). Même si quelquefois il y a très peu de signes otoscopiques, le tympan n'est jamais normal. L'otoscopie est donc le plus fidèle des signes. Encore faut-il la pratiquer, même en l'absence de signes fonctionnels... EN POUSSEE AIGUE, IL PEUT Y AVOIR : * otalgies aiguës brèves déclenchées lors des rhinites et pharyngites, avec un aspect otoscopique d'OMA congestive (rapidement résolutif en 24 à 48 heures). * otorrhées spontanées par surinfection de l'épanchement, muqueuses, abondantes, gluantes. Cela peut cliniquement correspondre à une OMA typique. Souvent, les stades sont télescopés, avec peu ou pas de fièvre et de douleur. L'enfant se couche avec une rhinite et au matin l'otorrhée encombre le conduit. Conséquences de l'OSM: Il faut en distinguer deux catégories: * les conséquences fonctionnelles, toujours gênantes (surdité, otalgies, otorrhées), et alarmant l'entourage, mais qui ne remettent pas en cause l'évolution habituelle des OSM vers la guérison; * les conséquences anatomiques (dégradation du tympan et rétraction) qui n'ont aucun retentissement fonctionnel immédiat, mais sont susceptibles d'aiguiller l'oreille vers une otite chronique dangereuse avec cette fois évolution vers l'aggravation et non la guérison. La surdité: si la surdité de transmission excède une trentaine de décibels, l'enfant peut être gêné dans le développement de son langage, puis ensuite à l'école. Les poussées aiguës: responsables d'otalgies, d'otorrhées qui, si elles sont très fréquentes, deviennent invalidantes (absentéisme scolaire, etc...) La dégradation tympanique: dans un faible pourcentage des cas, l'otite muqueuse chronique peut entraîner une altération irréversible du tympan, par résorption localisée de sa couche fibreuse, qui lui donne normalement sa solidité. La zone "désarmée" du tympan tend à se collaber sous l'influence de la dépression dans la caisse, ce qui conduit à l'apparition d'une poche de rétraction tympanique. Certaines poches vont continuer d'évoluer et se transformer en cholestéatome. De plus, ce passage au cholestéatome peut très bien se faire sans aucun signe fonctionnel, le diagnostic n'est alors possible que par l'otoscopie. Il est donc primordial d'assurer une surveillance otoscopique attentive et prolongée des otites muqueuses traînantes, car c'est le meilleur moyen de dépister tôt ces évolutions péjoratives et de les traiter à un stade précoce, où les dégâts sont limités. Traitement Les principes thérapeutiques de l'otite muqueuse sont donc: * toujours la surveillance otoscopique et audiométrique, et bien sûr les mesures habituelles vis à vis des rhinopharyngites. On doit insister sur le mouchage, qui est très efficace pour limiter le retentissement auriculaire des rhinites. L'adénoïdectomie est souvent nécessaire. * traitement activiste (en particulier par mise en place d'aérateur trans tympanique) si il y a un retentissement (et seulement dans ce cas), que ce soit anatomique (rétraction évolutive menaçante), auditif (hypoacousie bilatérale gênante), fonctionnel (poussées d'otalgie ou d'otorrhée très fréquentes et invalidantes). Retenez bien que l'aérateur n'est qu'une prise d'air qui réduit ou supprime les conséquences fonctionnelles de l'OSM mais que cela ne traite pas la cause: c'est seulement un moyen de mettre l'oreille au repos en attendant que l'enfant grandisse! Et après la pose d'aérateurs?... Il faut éviter les introductions d'eau dans l'oreille qui peuvent provoquer une otorrhée purulente par contamination directe (le traitement est simple: c'est le même que pour une OMA avec volontiers instillations de gouttes auriculaires). L'aérateur est spontanément expulsé dans le conduit au bout d'un délai très variable, un an en moyenne. Le tympan se referme et la surveillance est plus que jamais nécessaire pour s'assurer de la non-récidive. Otites chroniques dangereuses Epidémiologie Ce type d'otite chronique apparaît presque toujours à la suite de l'évolution d'une otite muqueuse avec poche de rétraction tympanique. (Rarement, c'est par migration directe de l'épiderme du tympan vers la caisse sur le bord d'une perforation d'otite chronique simple à tympan perforé. Exceptionnellement c'est une inclusion congénitale d'épiderme dans la caisse, derrière un tympan normal. Il faut, pour cela, un certain temps d'évolution de l'otite chronique (que ce soit une OSM ou une OCS), et en pratique il est absolument exceptionnel d'observer une otite chronique dangereuse constituée, avant l'âge de 4 à 5 ans. Ensuite, tout est fonction de la vitesse évolutive de l'otite chronique ellemême, et le diagnostic d'otite chronique dangereuse peut se porter "de 7 à 77 ans", selon que les choses ont évolué en galopant ou lentement! Définition On peut définir très simplement les otites chroniques dangereuses par leurs points communs: ** la présence d'EPIDERME DANS L'OREILLE MOYENNE, -->le plus souvent sous la forme d'un sac épidermique empli de débris de desquamation: le cholestéatome, -->quelquefois seulement d'un placard épidermique en nappe, migrant dans l'oreille moyenne à partir des berges d'une perforation: épidermose envahissante, -->presque toujours avec des anomalies otoscopiques localisées, situées dans la partie supérieure ou postéro-supérieure du tympan, et marginales (++++), ** AGGRAVATION SPONTANEE des lésions avec le temps, ** le risque de COMPLICATIONS VITALES, au terme de cette évolution, ce qui justifie pleinement leur appellation d'otites dangereuses. TOUT LE PROBLEME DU DIAGNOSTIC TIENT A LA PAUVRETE ET LA BANALITE DES SYMPTOMES AU DEBUT, SEULE L'OTOSCOPIE PERMETTANT UN DIAGNOSTIC FIABLE ET PRECOCE. Pathogénie, ou: De l'OSM au Cholestéatome 1) l'OSM qui tourne mal Tout commence donc par une otite séro-muqueuse chronique. Rappelons encore une fois que l'évolution spontanée des OSM est 95 fois sur 100 la guérison sans séquelle. Quelquefois pourtant, après un stade initial d'OSM, apparaît une atrophie localisée de la couche moyenne fibreuse du tympan. Cette zone est alors susceptible de se rétracter sous l'effet de la dépression dans l'oreille moyenne, conduisant à une poche de rétraction. L'aération transtympanique peut encore suffire à stabiliser les choses mais il faudra impérativement poursuivre la surveillance bien au-delà de la chute de l'aérateur (des années...) pour s'assurer de la non récidive de la rétraction. 2) la Poche de rétraction qui évolue Certaines poches de rétraction peuvent demeurer stables, et elles représentent alors un état séquellaire, sans conséquence. Il faut pour cela que l'otite muqueuse ait totalement disparu. Seul un suivi otoscopique prolongé sur des années pourra affirmer cette absence d'évolutivité... Car dans le cas contraire, la poche de rétraction va peu à peu s'accentuer, adhérer finalement au fond de l'oreille moyenne (poche de rétraction fixée), et devenir suffisamment profonde pour que l'otoscopie ne puisse plus voir les limites de la poche (poche de rétraction incontrôlable). Un début de lyse osseuse peut déjà apparaître, au contact du cadre osseux du tympan ou de la branche descendante de l'enclume. A ce stade, l'aération transtympanique ne permet plus de retrouver un tympan normal et le risque de passage au cholestéatome est plus grand. Les poches de rétraction les plus dangereuses de ce point de vue sont marginales et situées à la partie supérieure du tympan sur la membrane de Schrapnell (pars flaccida, naturellement mince et donc spontanément plus vulnérable), et dans le quart postéro-supérieur de la pars tensa. 3) le Cholestéatome A terme, la poche de rétraction perd son caractère autonettoyant: les produits de desquamation épidermique y restent et s'accumulent: cela aboutit à un sac d'épiderme empli de squames de kératine, à l'intérieur de l'oreille moyenne: le cholestéatome. Cet état ne peut alors que s'aggraver, par augmentation progressive du cholestéatome, et érosion des structures osseuses de voisinage. La surinfection accélère l'évolutivité en augmentant la desquamation et la tendance à la lyse osseuse. Symptômes LES MEILLEURS SIGNES SONT OTOSCOPIQUES ! Il n'y a AUCUN PARALLÉLISME entre les signes fonctionnels et la gravité réelle (++++): * LA SURDITE (de transmission) est d'importance très variable, et dépend surtout des dégâts de la chaîne des osselets, et de l'otite muqueuse, si elle est encore présente. On voit assez couramment des cholestéatomes à audition normale ou subnormale. * LES OTALGIES ET L'OTORRHEE sont facultatives. Elles peuvent avoir deux significations: --> soit elles sont encore le fait des poussées de surinfection de l'otite muqueuse, tant que celle-ci est encore active c'est à dire surtout pendant le début de l'évolution (ce qui peut tout de même durer quelques années). L'otoscopie faite "à chaud" constatera seulement l'inflammation aiguë et l'otorrhée, et le diagnostic sera manqué si l'on ne prend pas soin de toujours vérifier les tympans à froid, après traitement de cette fausse "otite aiguë" !!! --> soit, plus tard, elles traduisent la surinfection du cholestéatome luimême. L'otorrhée est alors souvent récidivante, peu abondante et malodorante. Cette surinfection peut se déclarer spontanément, ou être favorisée par la contamination externe (douche, baignade). Les cholestéatomes encore secs n'aiment pas qu'on les mouille! --> la kératine infectée d'un cholestéatome déclenche un réaction inflammatoire énorme, ce qui conduit quelquefois à l'apparition d'un aspect particulier de polype inflammatoire du conduit. Cela se voit en cas de surinfection prolongée d'un cholestéatome. Cliniquement, c'est un patient qui a une otorrhée purulente fétide et intarissable, depuis plusieurs semaines souvent. L'otoscopie ne permet pas de voir le tympan: après aspiration du pus on ne voit qu'une grosse masse arrondie, rouge, molle et saignant au moindre contact, qui cache le tympan. C'est par son effet de bouchon occlusif que ce "polype" (= granulome inflammatoire) enclôt l'infection du cholestéatome, donc l'inflammation, donc la persistance du polype... * LES COMPLICATIONS (cf.infra) peuvent être révélatrices d'un cholestéatome jusqu'alors méconnu. C'est bien souvent à l'occasion d'une surinfection qu'elles se déclarent. Pensez à cette étiologie devant des vertiges, une paralysie faciale, une céphalée ou un syndrome méningé AVEC OTORRHÉE... Circonstances du diagnostic Le diagnostic formel est otoscopique et peut donc se faire dans des situations cliniques très diverses: * Lors d'un examen otoscopique systématique qui découvre un cholestéatome jusque là méconnu, * Au cours de la surveillance de principe d'une otite muqueuse, où l'on voit apparaître une rétraction tympanique incontrôlable, * Devant une otorrhée purulente, d'emblée ou lors de l'otoscopie de contrôle après assèchement de l'oreille par le traitement médical * Lors de l'examen d'un patient qui vient pour surdité, vertiges, etc... voire carrément un patient hospitalisé pour une complication révélatrice, telle que PF, grande crise vertigineuse... Quelques exemples cliniques (cf. dessins page 8) 1) Un jeune enfant de 5 à 6 ans fait des "otites" à répétition sur fond d'OSM, avec otorrhées itératives. Il a peut-être même déjà eu des aérateurs trans-tympaniques. On le voit pour une nième otorrhée, dont on entreprend le traitement antibiotique et antiinflammatoire local et général. C'est l'otoscopie de contrôle après traitement de cette otorrhée qui constate un cholestéatome. (dessin n°3). L'évolution de l'OSM au cholestéatome s'est déroulée en très peu de temps, sans qu'il y ait eu de période d'accalmie inflammatoire. Cette rapidité d'évolution est souvent rencontrée dans les cholestéatomes de l'enfant. 2) Un sujet de le trentaine consulte pour une otorrhée récente rebelle. Il a eu "pas mal d'otites" étant enfant mais cette oreille ne lui avait plus fait d'ennuis depuis des années. A l'otoscopie, c'est encore un cholestéatome. (dessins n°3,4 ou 5) Cette fois les choses se sont constituées lentement, avec un long intervalle libre de tout signe fonctionnel. L'otoscopie de l'autre côté peut d'ailleurs déceler une poche de rétraction ou un second cholestéatome qui était encore silencieux... 3) Un sujet est hospitalisé en urgence pour une PF périphérique, ou un vertige aigu. Soit de principe soit parce qu'il y a une otorrhée, on demande un examen ORL qui retrouve le cholestéatome dont la complication avait été révélatrice. (dessins n°3 et 5) 4) Chez un patient qui vient consulter en ORL pour tout autre chose, l'otoscopie faite par pure routine découvre une croûtelle masquant la membrane de Schrapnell. Son ablation montre l'orifice en "gueule de four" d'un cholestéatome attical parfaitement asymptomatique. (dessin n°4) L'interrogatoire retrouvera alors le souvenir d'otites anciennes, peutêtre d'otorrhées épisodiques et de moins bonne audition de ce côté, négligées. Complications Tout le danger vient donc du potentiel ostéolytique du cholestéatome, qui érode peu à peu les structures osseuses de l'oreille moyenne puis de son voisinage. L'ostéolyse s'accélère en cas de surinfection, qui apporte de surcroît les germes au contact des structures nobles dénudées. La liste de ces complications par ostéolyse se déduit donc facilement de l'anatomie régionale: * si ce sont les osselets, cela entraîne une surdité de transmission, sans spécificité, qui est plus un symptôme qu'une réelle complication; * si c'est l'oreille interne (canal semi-circulaire latéral surtout, le plus exposé), cela entraîne une fistule labyrinthique avec des petits vertiges rotatoires, typiquement périphériques (la pression sur le tragus peut les révéler: signe de la fistule) et une dégradation de la cochlée (surdité de perception). En cas de surinfection, cela devient une labyrinthite aiguë qui met à mort l'oreille interne (grand vertige périphérique + surdité de perception totale irréversible + otorrhée purulente). * si c'est le tegmen (toit de l'oreille moyenne), le cholestéatome entre en contact avec la dure-mère de la fosse cérébrale moyenne (on a la même possibilité avec la paroi interne de la mastoïde: cette fois c'est la dure-mère de la fosse postérieure). Sa surinfection est alors responsable de complications méningoencéphaliques: méningite purulente, abcès du lobe temporal ou du cervelet, empyème extradural... potentiellement mortels. * si c'est l'aqueduc de Fallope (canal facial), la surinfection du cholestéatome pourra entraîner une paralysie faciale périphérique révélatrice. Cholestéatomes à tympan fermé C'est nettement plus rare. Il s'agit là aussi d'un sac d'épiderme empli de kératine, mais fermé (comme un kyste épidermique) et derrière un tympan fermé et souvent normal. Soit c'est un patient déjà opéré pour cholestéatome: on a alors un reliquat d'épiderme: cholestéatome résiduel. En principe sa recherche est systématique et fait partie intégrante du suivi post opératoire. Sa découverte ne devrait donc jamais être fortuite. Mais certains patients indisciplinés négligent cette surveillance de longue durée: on les revoit alors tardivement, quand le reliquat a grossi et donne des symptômes... Soit (plus rarement) le cholestéatome résulte d'une inclusion accidentelle d'épiderme dans l'oreille moyenne à l'occasion d'un geste invasif fait pour une otite non cholestéatomateuse (paracentèse, aérateur, tympanoplastie): cholestéatome iatrogène. Soit (encore plus rare) c'est une inclusion congénitale dans une oreille vierge de tout antécédent. Les risques des cholés à tympan fermé sont ceux de tout cholestéatome, mais leur surinfection est plus rare et tardive parce qu'ils ne sont pas ouverts dans le CAE. Ceci leur laisse le temps de "pousser" tranquillement à bas bruit... L'otoscopie peut montrer une opacité blanche sous un tympan fermé. Un bilan anatomique (scanner +/- IRM) est nécessaire pour évaluer l'étendue des lésions qui peut être énorme. Le traitement repose sur des principes identiques à ceux des autres cholestéatomes: exérèse chirurgicale + surveillance. Principes de traitement Le traitement médical anti-infectieux et anti-inflammatoire local et général (cf. otite chronique simple) ne peut qu'apaiser un épisode de surinfection, mais ne guérit pas une otite chronique dangereuse. L'épiderme est toujours en place, les destructions osseuses vont continuer. Le seul traitement curatif est donc chirurgical. Il a plusieurs objectifs: 1) Rendre l'oreille non dangereuse, en pratiquant l'exérèse totale de l'épiderme de l'oreille moyenne. 2) Prévenir la récidive, c'est à dire restaurer les barrières anatomiques de l'oreille normale en reconstruisant un tympan fermé, un conduit auditif externe solide, au moyen de divers greffons. 3) Si possible, restaurer ou conserver la fonction auditive, ce à quoi contribuent la réparation du tympan mais aussi de la chaîne des osselets. Cependant, le souci de réparation fonctionnelle vient en second lieu par rapport à l'exigence de la sécurité d'éxérèse. Ceci n'est pas toujours facile à faire comprendre au patient. Quand ? Dès que le diagnostic d'otite chronique dangereuse est posé, puisque l'on sait que la seule tendance spontanée est à l'aggravation. Comment ? : les tympanoplasties pour cholestéatome Deux possibilités techniques complémentaires: Tympanoplasties en "technique fermée" Le plus souvent possible, on s'efforce de faire un geste chirurgical conservant l'anatomie normale de l'oreille, gardant en particulier le cadre osseux du conduit auditif externe intact, "fermé". Cette technique de tympanoplastie conservatrice appelée "technique fermée" nécessite souvent deux interventions espacées d'un an à un an et demi environ. La première ("premier temps" de tympanoplastie pour cholestéatome) permet l'exérèse de l'épiderme et la reconstruction des barrières anatomiques du tympan et du conduit. La seconde ("deuxième temps") est une révision de l'ensemble des cavités de l'oreille moyenne, véritable "second look" chirurgical, détectant d'éventuels reliquats d'épiderme devenus entre-temps visibles sous la forme de petites perles. Ce temps permet aussi de procéder à la reconstruction de la chaîne ossiculaire si elle n'a pas été faite au premier temps. Techniques "ouvertes" et évidement pétro-mastoïdien Dans certains cas, on doit renoncer à une chirurgie conservatrice: -du fait du patient lui-même, lorsqu'on pense que l'indispensable surveillance et la réintervention prévue seront infaisables (par indiscipline notamment), -du fait des conditions anatomiques, lorsque l'extension lésionnelle est trop importante pour permettre une exérèse fiable en "technique fermée", -du fait d'un cholestéatome compliqué de labyrinthite avec surdité totale (cophose), l'oreille n'ayant alors plus d'âme à sauver, ou plus encore d'un cholestéatome qui a entraîné une complication méningo-encéphalique, -du fait de récidives traitement conservateur correctement mené. cholestéatomateuses incontrôlables après On opte alors pour une chirurgie plus radicale, qui sacrifie le conduit auditif osseux. On réunit alors les cavités de la mastoïde, de l'attique (revoyez l'anatomie!) et le conduit auditif externe en une cavité unique largement ouverte à l'extérieur. Cela s'appelle alors "évidement pétro-mastoïdien radical" si aucun geste de reconstruction n'est réalisé, ou "tympanoplastie en technique ouverte" si on recrée une cavité tympanique et un appareil ossiculaire simplifiés. L'avantage est de rendre l'oreille non dangereuse avec une très bonne fiabilité en eu seul temps. L'inconvénient est que les résultats auditifs sont (en moyenne) un peu moins bons et que la cavité ainsi créée nécessite parfois des nettoyages réguliers pour rester sèche. Ces principes chirurgicaux sont aussi à moduler selon les écoles chirurgicales, certaines privilégiant la technique fermée "à tout prix", d'autres au contraire faisant très largement usage de la technique ouverte. Surveillance prolongée +++ C'est un impératif absolu! Toute oreille qui a fait un cholestéatome doit être surveillée en otoscopie pendant très longtemps, au moins cinq à dix. En effet, le risque est celui d'une récidive de rétraction tympanique qui, si elle était méconnue, ramènerait au bout du compte le patient à la case départ... Otites chroniques simples (OCS) à tympan ouvert Elles débutent dans l'enfance et sont peut être devenues un peu moins fréquentes qu'autrefois, du fait de l'efficacité des traitements antibiotiques actuels qui limitent les dégâts causés par les infections aiguës de l'oreille et raccourcissent l'évolution des OMA. Histoire naturelle de l'OCS Après une OMA ou une surinfection aiguë d'OSM, le tympan ne se referme pas---> perforation tympanique, qui est au départ antéro-inférieure ou postérieure. Fait très important, la perforation siège en pleine pars tensa du tympan et n'atteint pas le bord: elle n'est pas marginale. L'évolution est ensuite émaillée de poussées d'otorrhée mucopurulente, sans fièvre ni douleur, non fétides, plus fréquentes à la mauvaise saison car déclenchées par les infections rhino-pharyngées. La contamination par le conduit auditif externe (en cas de baignade par exemple) peut aussi déclencher une otorrhée. L'audition est moins bonne: surdité de transmission légère ou moyenne, prédominant volontiers sur les sons graves. Progressivement au fil des années, les otorrhées vont se faire plus rares, pour souvent disparaître complètement. L'oreille est arrivée au stade de séquelle d'OCS. Les OCS sont encore appelées otites chroniques non dangereuses à tympan ouvert, pour souligner la quasi absence de risque de complication. En définitive, l'OCS est, tout comme l'OSM, une affection de la muqueuse de l'oreille, tributaire de la muqueuse rhinopharyngée, et évoluant vers l'extinction progressive de l'inflammation. Seule la perforation du tympan les distingue, avec son corollaire: peu ou pas de douleurs, davantage d'otorrhées. Principes du Traitement En poussée aiguë: désinfecter et assécher Aspiration sous microscope de l'otorrhée, antibiothérapie et antiinflammatoires de préférence stéroïdiens par voie générale, et traitement local par gouttes auriculaires pour 8 à 12 jours. Le problème des gouttes auriculaires : La plupart contiennent des antibiotiques ototoxiques et sont en principe interdites sur un tympan ouvert, ce qui est ici le cas. Mais en pratique: - L'oreille coule, donc il y a un gradient de pression de dedans en dehors. Les gouttes ne remontent pas à contre courant! - La muqueuse est épaissie par l'inflammation, ce qui protège les fenêtres de l'oreille interne. Moyennant quoi, ce traitement local procure un assèchement plus rapide de l'otorrhée et n'entraîne en règle aucune nuisance, si on n'y recourt que dans ces limites précises. Par contre, jamais de gouttes ototoxiques sur une perforation sèche!!! Dans quelques cas et surtout chez l'enfant, l'otorrhée est quasiment intarissable malgré des soins corrects, malgré l'adénoïdectomie,etc... On peut alors incriminer un foyer inflammatoire enclos au sein des cavités mastoïdiennes et recourir à une chirurgie d'assèchement: antro-atticostomie avec mastoïdectomie visant à nettoyer les cavités postérieures de l'oreille et rétablir leur aération. Entre les poussées: entretien et surveillance Pas de traitement local, mais la prévention des réinfections: par la trompe d'Eustache (traitement des rhinites, traiter le terrain, etc...) et par le conduit (pas d'introduction d'eau dans l'oreille). Surveillance otoscopique régulière, pour ne pas méconnaître la peu fréquente apparition d'une migration d'épiderme dans l'oreille moyenne par les berges de la perforation (cf.infra), et apprécier l'arrivée vers le stade séquellaire. Au stade de séquelles: réparation chirurgicale L'oreille est maintenant sèche, non inflammatoire, depuis des mois ou des années. L'état rhinopharyngé est stabilisé. Tout ceci n'est en règle générale pas obtenu avant l'âge de 8 à 10 ans, souvent plus tard: après l'adolescence. Les conditions sont alors réunies pour proposer un geste réparateur: Tympanoplastie à but anatomique (obtenir un tympan fermé) et fonctionnel (améliorer ou normaliser l'audition par la restauration du tympan et d'une chaîne des osselets continue et mobile). On voit finalement que le terme de "tympanoplastie" est un faux ami: pris isolément, il signifie seulement "intervention chirurgicale sur l'oreille moyenne", et on l'utilise aussi bien dans la chirurgie de l'OCS que du cholestéatome!!!... Surveillance Le risque pour une OCS de devenir une otite dangereuse est assez faible, car l'épiderme tympanique migre normalement "à plat" et n'a guère tendance à franchir la perforation pour entrer dans l'oreille moyenne. D'autre part la perforation tympanique laisse passer l'air et joue donc le même rôle qu'un aérateur, ce qui supprime la dépression dans la caisse et les velléités de rétraction du tympan. Malgré cela, il est de bonne règle de surveiller les perforations d'OCS, en particulier quand le bord de la perforation est très épaissi ou proche du manche du mateau, afin d'éliminer cette rare éventualité de migration épidermique dans la caisse du tympan (épidermose envahissante). Si cela se produisait, on serait alors ramené au cas de l'otite chronique dangereuse, avec le changement de stratégie thérapeutique que cela suppose: intervention sans attendre. Tableau Synoptique des Otites Chroniques OTITES CHRONIQUES "MUQUEUSES" (OSM à T.fermé, OCS à T.ouvert OTITES CHRONIQUES DANGEREUSES (poches évolutives, cholestéatomes) INFECTION/INFLAMMATION DE LA MUQUEUSE DE L'OREILLE MOYENNE (+/- perforation de pars tensa dans le cas de l'OCS) Poussées aiguës: ---->A PARTIR D'UNE OTITE CHRONIQUE NON DANGEREUSE: IRRUPTION D'EPIDERME DANS LES CAVITES DE L'OREILLE MOYENNE Poussées aiguës: Dépend de l'état muqueux des VAS: Poussées à déclencht rhinopharyngé. De moins en moins tributaires de l'inflammation rhinopharyngée. Globalement de moins en moins fréq. -->Intervalle libre possible +++, OTORRHEE abondante, inodore, puis OTORRHEES peu abondantes, muqueuse ou muco-purulente purulentes, fétides +++ Avec le temps: DIMINUTION de l'état inflammatoire --->guérison (OSM) --->ou ETAT SEQUELLAIRE, (OCS) non dangereux OTOSCOPIE: Avec le temps: AGGRAVATION INELUCTABLE et surinfections croissantes, --> COMPLICATIONS, parfois gravissimes. OTOSCOPIE: OSM: MODIF. GLOBALES du tympan MODIF. LOCALISEES: OCS: MODIF. LOCALISEES, prédominant Lésions tympaniques prédominant en BAS, au CENTRE et en AVANT, en HAUT et/ou en ARRIERE, NON MARGINALES MARGINALES puis avec SQUAMES+++ TRAITEMENT: TRAITEMENT: OSM: médical +/- Vg +/- Aérateurs OCS: D'abord médical: obtenir D'EMBLEE CHIRURGICAL la stabilisation de l'oreille pour éradiquer l'épiderme de l'oreille l'amener à un stade de séquelle qui pour la rendre non dangereuse et sera réparable par la chirurgie prévenir la récidive. CHIRURGIE de l'OCS à T.ouvert: CHIRURGIE * NON URGENTE * D'EMBLEE * Tympanoplastie de reconstruction Tympanoplastie d'exérèse à priori en un seul temps très souvent en deux temps, La sécurité est prioritaire * parfois "chirurgie d'assèchement" sur la réparation fonctionnelle. si otorrhée intarissable. SURVEILLANCE PROLONGÉE ++++