L`hermine

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L’hermine
C’est l’hiver, il fait froid, et certaines
régions en altitude sont couvertes de
neige.
Mais qui pointe son museau ? C’est
Madame l’Hermine, qui part à la
chasse. Son long corps mince, ses
courtes pattes lui donnent une allure
élégante et élancée, surtout
lorsqu’elle se déplace avec de jolis
petits bonds gracieux. C’est sa
blancheur immaculée, qui fait
ressortir ses petits yeux noirs, et son
nez de la même couleur lui vaut une
renommée universelle. Partons à la
découverte de notre reine des neiges…
La grande famille de l’hermine
Si l’hermine est bien la seule hermine et ne se décline pas en « hermine
blanche » ou « hermine commune » ou encore « hermine des montagnes »,
cela ne veut pas dire qu’elle soit seule dans sa famille…
petit carnivore
L’hermine est un mammifère qui fait partie du grand ordre des carnivores. Carnivore, large terme, me direzvous, et vous aurez bien raison : il ne regroupe pas moins de deux cents septante espèces, réparties en
cent six genres, elles-mêmes divisées en onze familles.
On y trouve donc tout aussi bien les gros carnivores, ceux que l’on voit apparaître dans notre esprit à
l’évocation de ce mot, les loups, les ours, les pandas, les hyènes, les lions, les tigres, les panthères, les
léopards, les guépards, que les plus petits : renards, chacals, chiens, loutres, blaireaux, mangoustes, etc.
On classe aussi les pinnipèdes terrestres et marins, comme les otaries et les poques, dans l’ordre des
carnivores.
Le plus gros des carnivores est l’éléphant de mer du Sud, qui mesure cinq mètres et pèse 2,4 tonnes. Le
plus petit est la belette pygmée, dont la taille ne dépasse par vingt centimètres et qui pèse une centaine de
grammes.
L’ordre des carnivores est divisé en deux parties : les carnivores caniformes (le plus important, dont fait
partie l’hermine) et les carnivores féliformes (qui regroupent essentiellement les félins carnivores).
mustélidés de çà et là
La famille de l’hermine est celle des mustélidés. On y trouve environ septante espèces. A son sujet, on peut
lire, dans diverses encyclopédies, que « c’est certainement celle qui a le mieux réussi son évolution ». En
effet, non seulement elle rassemble deux fois plus d’espèces que toute autre famille de carnivores, mais
elle s’est adaptée à toute sorte de milieux : on trouve des mustélidés en eau salée et en eau douce, sur
tous les continents, excepté l’Australie et l’Antarctique.
Malgré leur abondance, les hommes ne les voient pas souvent, parce que ce sont des animaux
généralement discrets, qui ne sortent que la nuit, vivent dans un terrier ou, au contraire, sont arboricoles.
On trouve, dans la famille des mustélidés, d’autres mammifères plus ou moins proches de l’hermine :
belettes, visons, putois, gloutons et martres, mais aussi blaireaux, loutres et mouffettes. On note de
grandes différences de tailles entre les différentes espèces : le plus gros mustélidé est le glouton, qui pèse
mille fois plus que la belette, le plus petit.
Pourquoi les avoir tous regroupés ? A cause de leur glande odorante, située dans la zone de l’anus et qui
dégage une forte odeur pas toujours très agréable. C’est d’ailleurs à cause de cette odeur décelable de très
loin que les mustélidés sont si célèbres !
Le genre Mustela (les mustélinés) auquel appartient l’hermine regroupe seize autres espèces. L’hermine
(Mustela erminea) est très proche d’eux, tant physiquement que par les mœurs. Ce sont surtout les
différences de taille, qui évitent la concurrence alimentaire, qui sont significatives.
Chez les mustélinés, on considère quatre lignées : une première regroupant trois espèces de putois (deux
eurasiatiques et une américaine), une deuxième avec deux espèces de vison (une eurasiatique et une
américaine), une troisième contenant deux espèces de belettes peu répandues et très mal connues en
Amérique tropicale, et enfin la plus peuplée, la quatrième, constituée de huit espèces, parmi lesquelles
notre hermine, mais aussi les autres belettes qui lui ressemblent beaucoup (belette, belette à longue
queue, belette de montagne, belette de Sibérie, belette à ventre jaune, belette à dos rayé et belette de
Malaisie).
nommer l’hermine
En allemand, l’hermine se dit « das Hermelin », mais est aussi appelée : « Grosses Wiesel » (grande
belette). En anglais, c’est « stoat » et en italien « Armellino ». Dans certaines régions de France, à cause
de son pelage un peu beige ou rosé, elle est surnommée « roselet » ou « rosselet ».
un peu d’histoire…
Les mustélidés sont apparus sur la terre à la fin de l’éocène, il y a quarante millions d’années. Les plus
vieux ancêtres de tous les carnivores qui ont été retrouvés sont les miacidés. Ces fossiles, découverts en
Allemagne, témoignent d’animaux qui devaient ressembler à des martres, type de mustélidé arboricole.
Mais l’absence de fossiles intermédiaires ne permet pas de filiation plus précise. Tout ce que l’on sait au
sujet du genre Mustela est qu’il est apparu au miocène, soit il y a une vingtaine de millions d’années, après
la séparation du tronc commun avec le genre Martes. Mais ce n’est qu’au pliocène, il y a quatre millions
d’années, qu’on a pu assister à l’apparition d’une hermine à proprement parler – mais qui n’avait bien sûr
pas encore la forme de notre actuelle amie – dont on a retrouvé des fossiles sur plusieurs sites
d’Allemagne et d’Europe. Cette Mustela plioerminea a ensuite évolué entre la fin du tertiaire et le début du
quaternaire pour donner naissance à la Mustela palerminea. Notre hermine d’aujourd’hui, Mustela erminea,
n’existe que depuis 500 000 ans. Et à cette époque, elle ne vivait encore qu’en Asie. C’est grâce à un
abaissement du niveau des eaux qu’elle peut gagner l’Amérique du Nord en passant par le détroit de
Béring – détroit situé entre l’Alaska et la Sibérie.
On peut lier l’apparition de l’hermine – et par conséquent celle de la belette – à l’extension des paysages
ouverts, propices aux rongeurs, qui s’étaient vus céder la place par les forêts avec le refroidissement du
climat.
Les premiers mustélidés étaient sans doute arboricoles et se sont spécialisés dans la capture de ces petits
rongeurs terrestres susceptibles de pulluler à l’abondance des graminées. A l’arrivée des glaciations,
l’hermine et la belette ont pu se maintenir dans des paysages devenus inhospitaliers pour d’autres
espèces : en effet, elles étaient capables de poursuivre lemmings et campagnols jusque dans leurs galeries
sous la neige. Elles ont ainsi pu se développer largement dans l’hémisphère nord – zones froides et
tempérées – tandis que la concurrence qu’elles ont rencontrée dans les régions situées plus au sud ont
freiné leur extension.
La vie de l’hermine
L’hermine se fait discrète, mais cela ne veut pas dire qu’elle ne se trouve
qu’au fin fond de l’Asie. Si vous vous montrez attentif, peut-être la
rencontrez-vous au détour d’un chemin…
habitante du nord
L’hermine est commune dans toutes les régions de toundras et de forêts tempérées d’Asie, d’Europe et
d’Amérique du Nord. Elle est ainsi présente dans le Caucase, en Sibérie et atteint l’Himalaya, on peut
l’observer dans tout le Canada, en Alaska, au Nord des Etats-Unis, dans une grande partie de l’Europe et
sur les grandes plaines de Russie jusqu’au Nord du Japon, ainsi que sur la côte est du Groenland. Elle est
absente des régions méditerranéennes (Italie, Espagne, Grèce…) mais a été introduite en NouvelleZélande à la fin du dix-neuvième siècle où elle s’est bien adaptée.
On la trouve donc en Suisse. Dans les Alpes, on peut l’observer jusqu’à 3000 mètres.
Les travaux que le biologiste Sylvain Debrot a mené sur l’hermine ont permis de comprendre que la densité
des hermines est liée à celle de leurs proies. Ses études dans la vallée de Brévine, dans le Jura suisse, à
la fin des années septante ont donné les résultats suivants : en seulement deux ans, le nombre d’hermines
sur 1875 hectares est passé de cinquante à trois. La raison ? En 1975, on avait assisté à une prolifération
spectaculaire des campagnols, ce qui avait également fait augmenter les populations d’hermines.
L’effondrement de la population des campagnols – considérés comme nuisibles – a provoqué la disparition
presque complète des hermines. Ce phénomène était déjà bien connu des piégeurs russes, qui savaient
repérer les bonnes années à hermines en fonction du nombre de campagnols piégés en juin de l’été
précédent.
On a pu observer une situation très caractéristique rapportée par deux scientifiques néerlandais en 1961.
Cela s’est passé sur l’île de Terschelling, située dans la mer du Nord et appartenant à la Hollande. Dès
1920, on a pu constater sur cette île de 110 km2 des dégâts dans les arbres et les jardins provoqués par les
campagnols. Pour lutter contre eux, on a introduit, en 1931, neuf hermines et quelques belettes. Quelques
années plus tard, les hermines étaient cent quatre vingt. Et dès 1937, on a eu affaire à des fluctuations
importantes de population : les campagnols et les belettes avaient disparu (les premiers à cause des
hermines, les deuxièmes n’ayant pas pu s’adapter), mais les hermines se maintenaient grâce à la
population de lapins qui avait bénéficié de la disparition d’un concurrent – le campagnol.
svelte et élancée
La taille de l’hermine est variable selon les régions où elle vit. C’est en Amérique du Nord qu’elle est la plus
grande : le mâle peut mesurer jusqu’à quarante-quatre centimètres (la femelle est un peu plus petite).
Quant à sa queue, elle mesure environ neuf centimètres. Selon Martin et Rollinat, ceux biologistes,
l’hermine diminue de taille du nord au sud de la France, à l’inverse de la belette. On a d’ailleurs remarqué
que les plus grands individus étaient ceux qui se trouvaient le plus au nord.
L’hermine n’est pas bien lourde : si les plus petits individus atteignent tout juste cent cinquante grammes,
les plus gros ne vont pas au delà de cinq cents.
L’hermine a une tête large et plate, dont l’articulation mandibule/crâne ne lui rend possible que les
mouvements de haut en bas. Le bout du museau noir est percé de deux narines et porte de longues
moustaches munies de vibrisses qui lui servent à repérer ses proies. Ses yeux vifs, de couleur foncée, sont
de chaque côté en arrière du nez. Ses oreilles ne sont pas très hautes, mais assez larges et sont bordées
d’un trait aux couleurs claires.
L’hermine possède trente-quatre dents : douze incisives, quatre canines pointues, douze prémolaires et six
molaires (deux en haut, quatre en bas). Les dents les plus utiles sont les canines, qui brisent la nuque de la
proie, et les carnassières (dernière prémolaire supérieure et première molaire inférieure), qui découpent
comme des ciseaux la chair de l’animal. Les autres dents servent moins.
L’os pénien, appelé aussi baculum, se situant au niveau du pénis, que l’on trouve chez tous les carnivore,
est également présent chez l’hermine mâle et permet de connaître l’âge d’un individu. Chez un mâle
immature, cet os pèse de 10 à 30 mg, alors qu’il atteint 50 à 90 m et mesure de deux à trois centimètres
après la puberté. On pense que le baculum joue un rôle important lors de la copulation : ce serait lui qui
déclencherait l’ovulation de la femelle. En laboratoire, on a injecté des hormones à une hermine femelle et
celle-ci n’a pas ovulé, alors que dans la nature, après le coït, la femelle devient gestante.
La température interne de l’hermine varie entre 38° et 39°. Elles ont de 340 à 420 battements cardiaques
par minute (chez l’homme, il n’y en a que soixante), 90 à 160 mouvements respiratoires sur la même durée
de temps (l’homme, lui, respire 15 fois par minute).
Normalement, un mammifère de deux cent grammes consomme une vingtaine de calories par jour.
L’hermine, elle, a besoin de 40 à 45 calories par jour. En général, une hermine pesant de 110 à 280 g
(poids d’une femelle) ingurgite de 70 à 170 g d’aliments par jour. Ce besoin est lié à son environnement :
chasser est une activité physique intense, surtout dans le froid. De plus, son corps très long n’est pas idéal
pour conserver la chaleur et sa fourrure d’hiver n’est pas toujours très épaisse, pour lui permettre de se
glisser dans les galeries étroites pour attraper ses victimes.
Une autre étude a montré qu’une hermine de poids moyen consommait par jour de trois à huit campagnols,
soit 1000 à 3000 petits rongeurs par an !
couleur changeante
L’hermine doit sa renommée à sa fourrure immaculée de blanc qu’elle arbore durant l’hiver. Elle possède
en effet une fourrure qui sait s’adapter aux saisons.
En été, sa robe est brune, voire fauve, sur le dessus du corps, blanche sur tout le ventre et le cou. Sa
queue se termine par un pinceau noir (un tiers environ de la queue). Chez l’hermine d’Irlande, le blanc du
ventre se réduit à une mince bande médiane.
En automne a lieu la première mue. Des poils de bourre nettement plus serrés viennent remplacer le
pelage d’été, d’abord sur le ventre, puis sur les flancs et enfin sur le dos et la tête. Durant cette période, elle
arbore une sorte de robe intermédiaire : les poils blancs de son ventre et de son poitrail commencent à
gagner le reste du corps : son pelage marron s’éclaircit. Dans les latitudes nordiques, cette mue s’effectue
très tôt et en quelques jours seulement (parfois moins de septante heures s’il fait très froid) l’hermine se
confond avec la neige. Par contre, sous des climats plus cléments, la mue est plus tardive et s’étend sur
quatre à six semaines.
Enfin, en novembre ou en décembre dans nos régions, ses poils deviennent complètement blancs, de la
tête jusqu’au bout de la queue… enfin, presque : celle-ci possède toujours sa touffe noire caractéristique
qui la termine.
Au printemps, l’hermine subit une deuxième mue, qui est plus longue que la première. La tête est la
première à retrouver ses poils bruns, puis le corps, et enfin les flancs. Cette fois, ce sont les populations de
chez nous qui muent en premier et recouvrent leurs poils bruns, alors que l’hermine que l’on trouve dans le
monde arctique et subarctique conserve sa fourrure hivernale – dont la protection est doublée au niveau du
ventre par rapport à l’hermine qui vit en Suisse – jusqu’à une période avancée du printemps. Un biologiste
a rapporté avoir observé une hermine encore toute blanche, entre 2000 et 2500 m, au mois de juin.
Cependant, la mue n’est pas toujours observable. Il arrive que l’hermine ne mue pas du tout, ou bien qu’elle
se fixe à une teinte marron – qui n’est normalement que transitoire – pour tout l’hiver sans jamais devenir
complètement blanche. Cela est bien sûr directement lié au climat sous lequel vit l’hermine. Tout au nord de
son aire de répartition, vous ne trouverez que des hermines blanches en hiver, alors qu’au sud, vous aurez
des chances de n’en voir que des marrons. Des biologistes ont pu observer, dans une même région, que le
pourcentage d’animaux blancs puisse varier d’un sexe à l’autre : là où le changement de couleur n’est pas
général, ce sont les femelles qui sont plus souvent blanches que les mâles.
En fait, la blancheur du pelage d’hiver est liée à l’absence de mélanine, pigment qui le colore normalement.
Quand la température descend au-dessous de 2°C, les flancs deviennent blancs, et au-dessous de –1°C,
c’est le corps entier qui est contaminé. Lors des fluctuations de météo de l’automne capricieux, l’hermine
débute parfois sa mue et ne la termine pas, faute de stabilisation ou de remontée de la température.
Une étude a été menée pour en savoir plus sur l’accomplissement du dernier stade de la mue de notre
carnivore. On a remarqué qu’au niveau de la Biélorussie, entre la Pologne et les pays Baltes, la frontière
passe entre 50° et 55° de latitude nord ; cela correspond à la limite des zones où la neige tient plus de
quarante jours par an. Vers l’ouest, la limite se situe autour de 51° aux Pays-Bas. En Angleterre, l’hermine
reste brune tout l’hiver, mais elle blanchit en Ecosse et au pays de Galles. En France et en Suisse, ce n’est
que dans les régions montagneuses qu’elle dévoile sa blancheur immaculée.
ouïe de chasseur
La vue de l’hermine n’atteint pas la qualité de celle de l’homme, mais elle n’est pas mauvaise non plus. Elle
l’utilise surtout pour l’attaque finale de sa proie. Sa face assez plate lui assure une bonne vision binoculaire
devant et un large champ monoculaire de chaque côté. Elle distingue le rouge, et peut-être le jaune, le vert
et le bleu. Elle voit bien dans l’obscurité grâce au tapetum lucidum : il s’agit d’une couche réfléchissante
située derrière la rétine et qui donne aux yeux le reflet vert brillant la nuit, que l’on peut aussi voir dans les
pupilles des chats.
L’hermine possède d’excellentes oreilles et un odorat qui lui permet de repérer ses proies même lorsque
celles-ci se trouvent à plusieurs dizaines de mètres – elle peut ensuite en suivre la trace. Sa ouïe est
surtout bien développée pour les basses fréquences.
L’hermine dispose de plusieurs cris différents. Mère et jeunes échangent des trilles assez douces.
L’inquiétude se communique avec un sifflement sourd. En cas de menace, le mammifère peut réagir en
s’avançant et en poussant une sorte d’aboiement aigu et violent. Le cri peut encore s’amplifier si l’ennemi
ne s’éloigne pas.
Comme tous les mustélidés, l’hermine possède une glande qui sécrète une odeur très désagréable qui sert
à repousser les prédateurs ; les glandes du mâle peuvent contenir jusqu’à 100 ml de musc. L’hermine
dépose cette marque aux limites de son territoire. Lorsqu’elle cherche à impressionner un congénère, elle
frotte, le long d’un objet, son corps entier, surtout ses joues et ses flancs où sont présentes plusieurs
glandes sébacées. Ce type de marquage a une signification très agressive et la réaction de l’individu à
l’odeur de ce corps dominant est une réaction très inquiète.
agile petite bête
L’hermine, dont le corps mince et léger permet des acrobaties variées, se déplace par bonds successifs.
Elle est assez vive et ses mouvements peuvent ressembler au galop d’un cheval, mais en zigzag.
Elle possède des pattes courtes, chacune étant munie de cinq griffes. Les pattes de derrière sont un peu
plus longues et surtout plus musclées que les antérieures. La structure de ses « mains » et de ses
« pieds » est pareille à celle du chien et du chat : le dessous des pattes est pourvu de pelotes : une petite
sous chaque griffe et une un peu plus importante au milieu. Entre ces coussinets poussent, en hiver, des
touffes de poils qui constituent une bonne protection contre le froid pour l’animal qui doit se déplacer à
même la neige.
C’est une bonne nageuse qui s’adonne parfois à la pêche lorsque sa chasse n’a pas été bonne, mais aussi
une excellente grimpeuse, qui s’accroche bien aux arbres grâce à ses griffes, lesquelles lui permettent
aussi d’attraper leur proie ou de fouiller le sol, qu’il s’agisse d’une litière de feuilles, d’une terre meuble ou
d’une neige poudreuse. Lorsqu’elle redescend sur un tronc, elle a toujours la tête en bas.
grand territoire
L’hermine sait s’adapter à toutes sortes d’environnements. Elle fréquente aussi bien les bois, les haies, les
prairies et les cultures que les toundras, les zones marécageuses et les montagnes. Tout ce dont elle a
besoin, c’est un maigre couvert végétal. Les berges des ruisseaux, les rives et les digues d’étangs lui
conviennent, mais elle boude le cœur des forêts denses et déteste les grandes plaines vides où ont été
enlevés tout talus, bosquets ou buissons, dans lesquels elle aime se réfugier.
L’hermine est un animal solitaire. Son territoire a des dimensions qui varient selon la disponibilité de la
nourriture et de la végétation. En Europe, il couvre généralement de deux mille à quatre mille mètres
carrés, alors qu’en Russie, où le gibier se fait plus rare et la nature plus présente, il peut s’étaler sur dix
mille mètres carrés (un hectare), voire parfois plus. Le territoire du mâle est souvent plus grand que celui de
la femelle. D’ailleurs, il n’est pas rare que le territoire de monsieur Hermine empiète sur celui des dames.
Sylvain Debrot, un biologiste, a, donné des mesures quelque peu différentes : il estime qu’en Suisse, le
territoire d’une hermine mesure un hectare, et cent dix hectares en Ecosse. Il a même pu observer un mâle
qui se déplaçait sur un terrain de deux cents cinquante hectares en Asie. Il a aussi observé, toujours en
Suisse, des mâles parcourant des territoires variant de huit à quarante hectares et qui parcouraient chaque
jour de six cent à mille quatre cents mètres. Les femelles qu’il a vues avaient des territoires plus petits (de
un à sept hectares) et ne faisaient que quatre cents à six cents mètres quotidiens.
Toutes les parties du territoire de l’hermine n’ont pas la même fonction : seules quelques-uns sont utilisées
comme terrain de chasse, tandis que les autres sont destinées au repos. L’hermine y aménage des
tanières, par exemple dans un arbre creux, une fissure de rocher, une murette de pierres ; il arrive aussi
parfois qu’elle prenne possession du terrier de l’une de ses victimes.
Contrairement à ses cousins et cousines, l’hermine n’est pas seulement active de nuit : on peut la voir
chasser pendant la journée – elle est souvent diurne au printemps, et nocturne en hiver et en automne.
Cependant, elle évite de se déplacer à découvert, et préfère longer un vieux mur de pierres, ou avancer
sous une haie.
L’observer sera donc une tâche peu facile, mais pas impossible non plus, puisque le soleil vous offrira ses
rayons pour repérer les empreintes de ses pattes, dont celles de derrière couvrent souvent celles de
devant.
Si en vous promenant un jour vous heurtez un caillou et que vous trouvez une souris morte dessous, ne la
touchez pas : elle appartient à l’hermine, qui fait des trous sous les pierres son garde-manger. Eloignezvous un peu et attendez : peut-être viendra-t-elle manger sous vos yeux.
hermine ou belette ?
On confond facilement l’hermine et la belette, d’autant plus que cette dernière est souvent plus connue de
nom.
La belette est plus petite que l’hermine : elle ne mesure qu’une quinzaine de centimètres pour un poids de
cinquante grammes (au même âge, le poids d’une hermine est de deux à trois fois supérieur que celui
d’une belette). Sa queue ne fait que cinq centimètres. Au niveau du pelage, on décèle également une ou
deux différences : la belette arbore des taches brunes sur les joues, ce qui n’est pas le cas chez l’hermine,
et la ligne de séparation entre la partie dorsale brune et la partie ventrale blanchâtre de la belette est
sinueuse, tandis que chez l’hermine, elle est rectiligne. Notons encore que le poil de la belette est plus
foncé et plus ras que celui de l’hermine.
Mais le signe distinctif le plus sûr entre hermine et belette reste la petite touffe de poils noirs au bout de la
queue de l’hermine. Selon un biologiste américain, cette petite touffe sert de leurre à l’hermine : c’est ce
que le rapace à la recherche de nourriture repère en premier : il fonce alors dessus et rate le plus souvent
sa proie, du moins ses parties vitales. La belette, elle, est trop petite pour que cela lui soit utile.
chasseur invétéré
L’hermine est un carnivore pur et dur. Elle se nourrit presque exclusivement de la chair d’autres animaux.
Suivant ce qu’elle trouve dans son environnement, elle peut chasser des mammifères, lapins, écureuils,
taupes, lemmings, musaraignes, souris, qu’elle poursuit jusque dans leurs terriers, mais elle n’hésite pas
non plus à s’en prendre aux grenouilles, aux lézards, aux couleuvres, aux oiseaux, ou à leurs œufs – il est
déjà arrivé que des hermines gourmandes aillent piller les poulaillers. Son plat principal reste le campagnol
des champs – environ la moitié de sa nourriture.
Si elle ne trouve rien à se mettre sous la dent, elle se rabat sur des lombrics ou de gros insectes et sait
même se contenter de cadavres.
En temps normal et non dans les périodes de famine, l’hermine se montre très sélective et les préférences
diffèrent selon les régions.
En Angleterre, l’hermine se nourrit essentiellement de lapins. Chose étonnante, d’ailleurs, puisque les
lapins ne sont présents que depuis deux ou trois cents ans sur l’île alors que les hermines y vivent depuis
des milliers d’années. On peut donc supposer qu’elles étaient bien moins nombreuses il y a cinq cents ans,
et qu’elles ont proliféré dès l’introduction de ces mammifères. Entre 1953 et 1955, une épidémie de
myxomatose (maladie virale) a été introduite pour réduire les populations de lapins, lesquels ont été éliminé
à 99%. Entre 1954 et 1960, l’hermine avait pratiquement disparu, ne laissant que quelques individus
capables d’élargir leur éventail de captures pour survivre : les captures annuelles ne représentaient plus
que 1% des chiffres de l’année précédent l’arrivée du virus. Depuis 1970, le lapin est revenu et l’hermine en
fait sa proie de prédilection.
Dans l’Ontario, on a remarqué que l’hermine se nourrit à 90% de campagnols de l’espèce Microtus
pennsylvanicus. En Californie, par contre, c’est l’espèce Microtus montanus, qui représente l’essentiel du
régime.
La technique de chasse est relativement simple : l’hermine s’approche doucement de sa proie et, dès
qu’elle est suffisamment proche d’elle, bondit et la tue d’une morsure à la base du crâne. Le jeu est encore
plus facile lorsqu’il s’agit d’un lapin ou d’une souris : l’hermine peut s’avancer en terrain découvert car la
bête, paralysée par la peur, ne peut pas bouger et pousse de petits cris terrorisés. Notre amie va même
tourner autour de son futur repas avant de lui sauter dessus.
L’hermine se contente, pour les grosses proies, de boire leur sang après leur avoir coupé une artère du
cou. Mais les petits animaux – souris, mulots – sont dévorés en entier. Elle brise le crâne de l’animal et
déguste le cerveau – son morceau préféré. Quant aux œufs qu’elle attrape, elle ne les casse pas, mais
taille un petit trou pour pouvoir aisément sucer le contenu.
Si la chasse est fructueuse, l’hermine rapporte dans son nid les proies tuées et les consomme
tranquillement les jours qui suivent.
L’hermine fait alterner des phases de déplacement et de chasse d’une durée de dix à quarante-cinq
minutes et des périodes de repos : elle s’arrête alors dans l’un des nombreux abris qu’elle a disséminés sur
son territoire. Là, pour conserver un maximum de chaleur et afin d’économiser son énergie, elle s’endort en
s’enroulant sur elle-même, cachant sa tête dans sa queue.
Beaucoup d’animaux doivent donc craindre l’hermine, mais cette dernière doit également prendre garde :
renards, buses, faucons et hiboux la guettent. En Amérique du Nord, elle est la proie du vison et du lynx, en
Europe du chat forestier.
bébés à retardement
La période de reproduction s’étend de mars à juillet, mais en Suisse, c’est entre mi-mai et mi-août qu’ont
lieu la majorité des accouplements d’hermines.
Le mâle s’est physiologiquement préparé durant l’hiver. Au printemps, il repère une femelle, la suit puis
s’approche avec précaution : il est deux fois plus grand qu’elle, mais conscient du risque de se faire
mordre ! Si la femelle est réceptive, la copulation a lieu peu après, dans un terrier ou sous un buisson. Le
coït est brutal : le mâle s’empare de la femelle, la plaque au sol et l’y maintient en lui tenant la peau du cou.
L’accouplement peut durer trois heures, parfois entrecoupé de brèves pauses. Ensuite, le mâle se remet en
quête d’autres partenaires tandis que la femelle repart vivre seule.
Le développement des ovules fécondés ne se déroule pas de la même manière que chez les autres
mammifères. Certes, cela commence de la même façon : l’œuf fécondé démarre son évolution
normalement pendant deux semaines, puis il s’interrompt. Alors que chez les autres mammifères, il
s’implante sur la paroi de l’utérine dès la fertilisation, l’œuf qui donnera la future hermine flotte dans l’utérus
et l’implantation est ainsi retardée d’une dizaine de mois. Cette période est appelée la diapause : les
embryons, au stade de blastocystes, restent libres dans l’utérus. Le développement ne reprendra qu’avec
le printemps.
En Nouvelle-Zélande, par exemple, on a découvert que l’œuf fécondé ne s’implantait dans l’utérus que
lorsque l’allongement des jours atteignait la proportion d’environ onze heures d’ensoleillement pour treize
heures d’obscurité. Autre exemple : dans les régions où l’hermine devient blanche pendant l’hiver, on a
observé que les naissances avaient lieu entre vingt-deux et vingt-cinq jours après l’apparition des premiers
poils bruns sur le museau de la femelle. Cependant, en Suède, un scientifique a pu voir une hermine
encore toute blanche avec ses petits, un 27 avril.
Si la gestation dure en réalité moins d’un mois (environ vingt-huit jours), c’est entre deux cents vingt et trois
cents quatre-vingt jours qu’il faudra compter entre l’accouplement et l’arrivée des bébés.
Il peut cependant arriver, dans nos régions, qu’un mâle s’accouple au début du printemps avec une
femelle, qui, voyant la belle saison approcher, n’aura pas recours à une fécondation différée. Elle
accouchera donc en avril ou en mai, comme ses compagnes qui avaient été fécondées l’été précédent.
Dans ce cas-là, le mâle peut alors rester auprès de la femelle et participer à l’élevage des jeunes.
Précisons quand même que ce cas est rare.
mère combattive
La femelle met bas dès l’arrivée des beaux jours, dans son terrier dans lequel elle aura façonné un petit nid
recouvert de poils et de peaux de campagnols. Elle peut donner naissance à une portée qui comptera entre
un et vingt petits (la moyenne se situe entre quatre et huit, les naissances de plus de dix bébés étant rares,
au-delà de quinze exceptionnelles).
Ces petits êtres pèsent entre un et quatre grammes. Ils sont sourds, aveugles, édentés et presque nus. Un
à deux jours plus tard, ils se couvrent d’un fin duvet blanc qui est un peu plus épais au niveau de
l’encolure : leur mère peut ainsi les transporter avec ses dents sans risquer de les blesser.
Jusqu’à quatre semaines, les jeunes sont entièrement dépendants de leur mère : ils ne sortent pas du nid,
dorment et tètent. La femelle ne possédant que quatre ou cinq paires de mamelles, elle donne lieu à une
rude compétition pour obtenir le lait. Maman hermine protège ses jeunes avec beaucoup de combativité.
On assiste aux premières évolutions dès trois semaines, âge auquel les premières dents apparaissent,
ainsi qu’une petite crinière sur le dessus du dos, qui disparaîtra à l’âge adulte. La fonction de cette crinière
n’est pas certaine, mais on pense qu’elle possède une odeur différente selon les sexes, ce qui permet aux
mâles adultes de différencier les jeunes femelles de leurs frères, alors qu’en apparence, rien ne permet de
distinguer, à cet âge-là, un mâle d’une femelle.
A quatre semaines, ils commencent à absorber des aliments solides. Quelques jours plus tard, leurs yeux
s’ouvrent et à cinq semaines, on peut les considérer comme sevrés. Malgré tout, ils restent avec leur mère
encore quelques temps. Celle-ci leur apprend à chasser et à acquérir les bons réflexes.
précoces femelles
Dès l’approche de l’hiver, les jeunes mâles cessent de grandir et ne reprennent leur croissance qu’au
printemps, atteignant alors leur maturité sexuelle. On peut donc facilement distinguer durant la mauvaise
saisons les mâles adultes et ceux qui ne sont pas encore pubères.
Les femelles, elles, sont bien plus précoces. Elles atteignent leur taille définitive à cinq ou six mois et
peuvent se reproduire dès quatre semaines. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’un mâle qui courtise une femelle
en profite pour copuler au nid également avec ses filles.
On a ainsi vu un mâle s’accoupler avec une hermine de dix-sept jours, sourde, aveugle, édentée, pouvant à
peine se déplacer et pesant dix-huit grammes. Celle-ci a mis bas trois cents trente-sept jours plus tard,
treize jeunes qu’elle a élevés !
L’hermine vit entre un an et un an et demi en moyenne. Mais on a trouvé des individus dont la longévité
avait atteint sept ans.
hermine à protéger
Longtemps, l’hermine a été chassée pour sa belle fourrure, symbole de
pureté. Aujourd’hui, elle est protégée, mais continue à souffrir des
caprices
de
l’homme…
hermine de bretagne
Connaissez-vous la devise de la Bretagne ? C’est « Kentoc’h mervel evit em lousa », qui signifie : « Plutôt
mourir que de se souiller ». La légende qui explique cette devise nous fait aussi comprendre à quel point la
fourrure blanche de l’hermine a marqué les gens : « Il était une fois une hermine tout de blanc vêtue,
poursuivie par un renard. Au cours de cette poursuite, les deux ennemis arrivèrent devant un ruisseau
boueux. L’hermine avait deux solutions : se faire prendre par le renard ou passer dans le ruisseau et donc
salir sa belle robe blanche. Elle choisit la première solution ».
D’ailleurs, si vous vous rendez en Bretagne aujourd’hui, vous pourrez retrouver cette devise sur l’encolure
de tous les chevaux postiers bretons de pure souche.
Ainsi, l’image du pelage blanc de l’hermine s’est incrusté dans la conscience des hommes,
malheureusement aussi chez ceux qui ne la recherchait pas avec les meilleures intentions.
traquée pour sa fourrure
Les fourrures ont fait, et font toujours, saliver de nombreuses femmes avides de luxe. L’hermine a donc été
traquée pour alimenter ce commerce fructueux. Il faut dire que sa belle fourrure dense protège
efficacement lorsque les températures descendent en dessous de zéro. Belle et chaude à la fois, que
demander de plus ?
Parce qu’elle est blanche, elle est le symbole de la pureté morale et a orné les vêtements des hauts
dignitaires de l’Eglise. Elle servait traditionnellement à confectionner les manteaux et les robes d’apparat
des grands hommes de ce monde.
Les exemples ne manquent pas pour illustrer le commerce dont l’hermine était victime. De nombreux
pièges furent posés en Scandinavie, en Russie et en Amérique du Nord. Dans les années 1920 et jusqu’au
début des années 1930, l’Etat de New-York fournissait à lui seul 100 000 peaux d’hermines blanches par
an. En 1937, cinquante mille peaux d’hermines ont été envoyées du Canada jusqu’en Angleterre pour le
couronnement du roi George VI. De 1970 à 1980, de 40 000 à 100 000 hermines et belettes à longue
queue furent capturées chaque année aux Etats-Unis. Au Kamtchatka et en Sibérie, de l’hiver 1937 à 1964,
les captures d’hermines ont fluctué entre 4000 et 12000 par an.
Dans nos régions, l’hermine n’a jamais beaucoup souffert de cette chasse, sans doute parce que la
dernière phase de sa mue n’était pas complète et sa fourrure n’intéressait donc pas les piégeurs, qui ne
recherchaient que le blanc.
Aujourd’hui, la fourrure blanche de l’hermine n’est plus utilisée que pour la robe de certains magistrats. Sa
peau est bien moins recherchée qu’avant, peut-être à cause du minutieux travail que demandent
l’assemblage et la préparation de fourrures si petites.
utile ou nuisible ?
Personne n’est vraiment d’accord : l’hermine est-elle un animal considéré comme utile, ou plutôt comme
nuisible ?
On ne peut pas nier son utilité par le fait qu’elle chasse les campagnols, qui sont unanimement détestés par
tous les agriculteurs. Les populations de ces rats des champs sont donc régulées par le travail de
l’hermine.
Mais celle-ci est accusée d’autres maux. Par exemple, en Europe occidentale, on a assisté à une
diminution des perdrix grises dans les années septante. Alors qu’entre 1933 et 1960, la moyenne des
tableaux de chasse était de 18 à 20 oiseaux tirés au kilomètre carré, elle a chuté à 3,7 oiseaux pour les
années allant de 1971 à 1979. On a montré du doigt l’hermine et sa gourmandise… ce qui n’était pas tout à
fait faux, mais pas tout à fait juste non plus.
L’explication était en fait la suivante : l’usage massif des pesticides avait déjà considérablement réduit les
populations d’oiseaux, mais à cela s’ajoutait la disparition des haies et du couvert végétal où nichaient les
femelles. Ces dernières étaient donc obligées de se confectionner une maisonnette dans un endroit où elle
n’est pas bien à l’abri des regards affamés de l’hermine en chasse. L’hermine avait alors attrapé plus de
perdrix et plus d’œufs, ce qui avait contribué à la raréfaction des perdrix.
L’hermine est aussi responsable de la disparition d’oiseaux en Nouvelle-Zélande. Du moins partiellement
responsable, car elle n’y vivait pas avant que les Européens l’y amènent. Ces derniers se sont installés sur
l’île au début du dix-neuvième siècle et ont amené avec eux divers animaux, ont défriché les terres, ce qui
a eu des conséquences désastreuses sur l’environnement. Aujourd’hui, plus de 150 espèces d’oiseaux ont
disparu ou sont sur le point de disparaître. On ne connaît pas les chiffres pour les lézards et les insectes,
mais on peut imaginer qu’ils sont du même ordre de grandeur, voire même pires.
Les animaux indigènes n’étaient pas habitués à se méfier des chats, des chiens, des cochons et des
hommes. De nombreux dégâts ont été commis, même avant l’importation de l’hermine, en 1884.
Carolyn King, biologiste, a consacré un livre à ce sujet. Elle a pu remarquer que l’hermine n’est
responsable que de 4% des disparitions. Mais elle est une prédatrice potentielle de 60% des dix-huit
espèces les plus menacées.
D’autres espèces d’oiseaux ont su s’adapter à la présence de l’hermine et ont développé une toute autre
dynamique de mœurs que celle des oiseaux de la même espèce vivant sur un îlot voisin : ils s’accouplent
plus tôt, parfois deux fois dans la saison au lieu d’une, et produisent plus de jeunes pour compenser les
pertes dues à la prédation.
robert hainard et son hermine
Robert Hainard a su parler de l’hermine avec les mots justes dans son
livre « Mammifères d’Europe ». Extraits.
portrait de la bête
« Peu farouche et très curieuse (…), elle est le type le plus accentué du petit carnassier vermiforme, à
peine plus épaisse que la belette, et beaucoup plus longue. Sa vivacité, ses mouvements décidés, son œil
noir et brillant, vert dans l’ombre, le ressort extraordinaire, la souplesse, l’activité de toute sa petite
personne lui donne quelque chose de diabolique ».
sur le Qui-vive
« Lorsqu’elle traverse un champ, une route, elle file à ras du sol comme une flèche au vol saccadé, ses
quatre pattes touchant terre en même temps et se jetant en arrière parallèlement pour la propulser, tandis
que sa queue fouette l’air nerveusement. Dans l’herbe haute, elle fait de grands sauts, au sommet desquels
elle se cambre. Elle court en tous sens, revient sur ses pas, suit une haie ou une lisière et à tout moment se
dresse de toute sa hauteur ou s’assied pour mieux voir. Elle vous dévisage avec effronterie, disparaît
brusquement pour reparaître de façon inattendue tout ailleurs, ayant suivi une rigole ou quelque galerie
souterraine. Elle fait le même manège dans les pierriers, voire les murs de pierres sèches. Sans être une
véritable grimpeuse, elle est capable de monter aux arbres ».
en chasse
« Son odorat passe pour très fin, mais je me demande si elle ne chasse pas beaucoup à vue. Sa façon de
se dresser sans cesse l’indiquerait (car je ne crois pas qu’elle ait intérêt à le faire pour prendre le vent).
J’en vis une, un jour de septembre, poursuivre un gros campagnol qui trottinait gauchement dans un labour.
Le terrible petit chasseur se dressa une ou deux fois pour ne pas le perdre de vue, le rejoignit. Un petit cri
et l’hermine emporta, en courant, la tête levée, sa proie guère moins volumineuse qu’elle. Elle la posa
bientôt, la mordilla quelques secondes et l’abandonna pour disparaître non loin dans un trou de souris au
milieu d’un sentier de potager. Un deuxième campagnol trottait encore et je me demandais si l’hermine ne
le prendrait pas en chasse, mais elle ne reparut pas. Je ramassai alors sa victime, elle avait un trou au côté
du cou et était proprement saignée. J’ai vu aussi l’hermine emporter dans sa gueule de gros campagnols
des neiges. Le cou dressé verticalement de toute sa longueur, la tête horizontale, elle ne paraît nullement
gênée par le poids et sa course ne perd rien de son nerf ».
« Je l’ai vue gratter frénétiquement pour agrandir les trous. On l’a aperçue aussi transportant une à une
toutes les souris d’une nichée, probablement pour les porter à ses petits ou pour les mettre en réserve. (…)
A la montagne, elle entre souvent dans les chalets et va boire le lait dans les baquets et même dans un pot
profond, cramponnée au bord par les pattes de derrière, comme je l’ai vue. Ce jour-là, elle passe sous mes
pieds ».
rencontre
Le 20 avril 1955, je découvrais, près de St-Genis (Ain) un couple d’hermines établi dans un trou de souris
agrandi, à quatre mètres d’une petite route. L’endroit étant à découvert, je m’assis dans le pré, à quatre
mètre du trou. Le mâle était beaucoup plus grand et plus robuste que la femelle. A peine étais-je immobile,
le mâle sortait du trou, se couchait en rond comme un chat, bâillait, faisait toilette, dormait. Chaque fois
qu’une auto ou un vélo passait sur la route, il rentrait dans le trou, mais si peu profondément qu’on voyait
parfois sortir sa queue. La femelle se montra plus méfiante, faisait le tour de ma personne à bonne
distance. Comme j’étais là pour la troisième fois, le 2 mai, elle vint au terrier, ressortit avec, dans la gueule,
un petit gros comme un campagnol et disparut. Elle dut ainsi emmener toute sa famille car le trou resta vide
et je n’aperçus plus d’hermines, bien que je sois revenu plusieurs fois et que la région fût nue sur une
grande étendue. Il y avait un second mâle qui rôdait aux environs. Il fut écrasé par un scooter. Je le
ramassai, plusieurs côtes brisés, à peu près mort, et le cachai sous ma veste au pied d’un arbre pour le
porter au musée. Quand je revins, il avait filé ».
Nous terminons ainsi le document, sur ces jolies narrations de notre regretté Robert Hainard.
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