UNE BREVE HISTOIRE DU CAPITALISME

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UNE BREVE HISTOIRE DU CAPITALISME
Le capitalisme tire son nom et sa principale caractéristique de l'appropriation privée des moyens de production
(« capita » = une tête de bétail) et de l'utilisation importante du capital technique.
I/ Aux origines du capitalisme :
1°) la libération des morales chrétiennes et physiocrates :
"Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon" lit-on dans l'évangile selon Matthieu. L'usurier qui prête de l'argent
à intérêt est condamné à l'enfer. Car l'usurier obtient de l'argent contre rien, il fait de l'argent en dormant. Plus grave, il
fait payer le prix du temps, il vend donc un bien divin. Enfin, les juifs à qui l'on interdisait les activités productrices se
spécialisèrent dans le prêt à intérêt, ce qui n'était pas contre leur religion s'ils ne prêtaient pas à leurs frères ! Pour la
morale chrétienne du moyen-âge, il fallait donc choisir entre la bourse et la vie éternelle (La Bourse et la Vie, J. Le
Goff). "L'espoir d'échapper à l'enfer grâce au purgatoire permit à l'usurier de faire avancer l'économie et la société
du XIIIème siècle vers le capitalisme."
Pour les physiocrates, au XIXème siècle, seule l'agriculture crée de la richesse. L'industrie et le commerce sont
des activités improductives. Il faudra attendre l'idée que le travail est productif pour permettre le profit : ainsi, vendre
la science (qui était alors un don de Dieu) ou vendre ses services bancaires, une fois considérés comme du travail
seront des activités légitimes.
2°) la révolution agricole : elle se manifeste par :
-> l'apparition de plantes nouvelles : pommes de terre, maïs mais aussi luzernes et trèfles, et légumineuses fourragères
qui fixent dans le sol l'azote atmosphérique par la nodosité de leurs racines.
-> le progrès de l'élevage : c'est le début de la zootechnie avec le croisement endogamique d'ovins et de bovins qui
permettent d'obtenir des variétés d'animaux très améliorées.
-> d'où disparition des jachères et nouvel aménagement du cycle des cultures: on peut alors sortir du système de
l'assolement triennal qui laissait en jachère un tiers des terres chaque année. Donc augmentation des rendements, voire
libération d'une partie de la main d'oeuvre utile à l'industrie.
-> le remembrement complète les réformes agraires, en favorisant l’exploitation intensive des surfaces agricoles par
regroupement de parcelles disséminées.
-> ces réformes libèrent la population essentiellement occupée dans les activités agricoles pour les mettre à disposition
de l’industrie.
3°) la généralisation de la marchandise
Pour que les facteurs de production puissent être accumulés, il faut qu'ils puissent librement se vendre sur le
marché. Ce développement de la propriété privée comme "droit inviolable et sacré" implique que la terre et le travail
deviennent des marchandises comme les autres (idem pour la monnaie). On comprend alors la nécessité de supprimer
les terrains communaux. La réaction socialiste se fera contre cette "marchandisation" de la société qui privatise tout.
Mais la liberté et la propriété privée sont des droits fondamentaux, inviolables, reconnus par la Déclaration des Droits
de l’Homme et du Citoyen (art.2).
II/ Les facteurs d’expansion du capitalisme :
1°) Le développement des manufactures :
Ce sont elles qui consacrent la dépossession des travailleurs de leurs outils de production. Les débuts de la
manufacture se font quand les marchands-fabricants fournissent la matière première aux paysans qui la travaillent chez
eux : c'est le domestic system.
"La Révolution agraire précéda nettement la Révolution industrielle. La clôture des communaux, qui
accompagna un nouveau progrès important des méthodes agricoles, eut un puissant effet de bouleversement. La
guerre menée contre les cottages priva l'industrie à domicile de ses deux principaux soutiens : les gains familiaux et
l'arrière-plan agricole."(Karl POLANYI, La grande transformation)
Puis, les fabricants prêtèrent les outils de production et enfin firent venir la main d'oeuvre à portée des outils
de production : c'est le factory system. La grande industrie apparaîtra avec le développement des machines (première
machine à vapeur de l’industrie textile: 1785. En 1800, 500 machines à vapeur s’ajoutent déjà aux machines
hydrauliques).
2°) Les théories de l'intérêt général :
C'est Adam SMITH en 1776 qui défend le système capitaliste dans La recherche sur la nature et les causes de
la richesse des nations. Il montre :
- que l'échange est un jeu à somme positive, contrairement aux mercantilistes, premiers capitalistes qui
envisageaient l'économie comme une guerre où ce que les uns gagnent est perdu par les autres.
- qu'en laissant chacun agir selon son intérêt on aboutit à développer la richesse générale, par l'effet d'une
"main invisible". On pense même que les "vices privés » (comme l’égoïsme) sont des "vertus publiques" (car il
permet l’enrichissement de la société par la recherche de l’enrichissement personnel).
- que les facteurs de production, travail, capital et terre sont rémunérés aux prix fixés par le marché. Tout cela
justifie le libéralisme qui accompagne le capitalisme, on prône le "laisser-faire, laisser passer" car on veut faire des
principes des lois naturelles indépendantes des autres préoccupations humaines.
3°) Le développement du marché et de l'échange de marchandises
Le capitalisme est synonyme d'économie de marché ou économie d'échange. Les néo-classiques l'illustreront
même par un modèle strictement échangiste où la production n'est pas analysée. Ce courant de pensée économique
montra dans un modèle mathématique que la liberté de circulation du travail et du capital permet d’aboutir à la
meilleure allocation possible des ressources, qu’on nomme l’équilibre walrassien. Dans cette perspective, le rôle des
transports est primordial dans le développement du capitalisme. Ce n'est donc pas par hasard si la figure du proue du
capitalisme et du libre-échange au XVIIIème siècle est l'Angleterre, à la tête de la première marine marchande du
monde.
III/ Du capitalisme sauvage au capitalisme régulé :
1°) L'idéologie socialiste :
Karl Marx (1818-1883) a essayé de montrer que le capitalisme porte en lui les germes de sa destruction.
La classe des travailleurs vend sa force de travail, payée à au prix qui lui permet de se reproduire. Reprenant
l'analyse économique classique (Smith, Ricardo), Marx estime que seul le travail ajoute de la valeur à la production,
cette valeur ajoutée qu'il appelle plus-value. Les capitalistes en possédant les biens de production peuvent s'approprier
la plus-value. Ils essaient même de l'augmenter soit en faisant plus travailler les salariés (augmentation de la plus-value
absolue), soit en baissant les salaires réels (augmentation de la plus-value relative). Mais ces deux augmentations ont
des limites physiques.
Plus importante est l'analyse du capitalisme comme processus d'accumulation : Argent -> Marchandises ->
Plus d’argent. Le capitalisme est intrinsèquement accumulateur de capital car le profit est son ressort. Ce que Marx
résume en écrivant : "Accumulez, accumulez, c'est la loi et les prophètes". Mais il montre que la concurrence tue le
profit et que la baisse tendancielle du taux de profit précipitera la fin du capitalisme.
2°) Les mouvements syndicaux :
Ils se développent en réaction au développement de l'industrie et de la mécanisation, et s'insurgent contre la
paupérisation de la main d'oeuvre. Né en 1811 en Angleterre, le Luddisme est un mouvement qui incite les ouvriers à
casser les machines. Consciemment ou non les "socialistes" refusent une certaine déshumanisation de la société.
"Inclure la terre et le travail dans le mécanisme du marché, c'est subordonner aux lois du marché la substance de la
société elle-même", selon Karl Polanyi (1886-1964, auteur de La grande transformation), qui ajoute : "Car la
prétendue marchandise qui a pour nom "force de travail" ne peut être bousculée, employée à tort et à travers, ou
même laissée inutilisée, sans que soit également affecté l'individu humain qui se trouve être le porteur de cette
marchandise particulière". Les violences ouvrières et les attentats anarchistes n’empêchent pas le nombre de
syndicaliste de dépasser 400.000 adhérents au tournant du XX° siècle (soit plus de 20 %).
3°) L’intervention croissante de l'Etat
La tentative d'un marché autorégulateur, qui s'accompagne de la séparation de l'économie et de la politique
était invivable, selon POLANYI. "Le contremouvement consista à contrôler l'action du marché en ce qui concerne les
facteurs de production que sont le travail et la terre. Telle fut la principale fonction de l'interventionnisme."
Le marché du travail fut réglementé par les lois sociales de 1864, la terre ne fut librement acquise que le temps
de la conquête de l'ouest américain (et de toute façon perdit son rôle primordial avec la montée de l'industrie) ; quant à
la monnaie, le système des banques centrales permit aux nations de rester maîtres de leurs prix. Les marchés
commençaient à se protéger. Ce qui acheva le rêve du capitalisme sauvage fut la concentration des entreprises et
l'invention des politiques économiques. Pour POLANYI, le fascisme fut une réponse brutale au marché autorégulateur.
Après Marx vinrent les néo-classiques qui développèrent à la fin du XIX° siècle le concept de marché et la
notion d'intérêt personnel, l'utilitarisme, poussée jusqu'à sa forme suprême dans le modèle de l'homo oeconomicus,
producteur ou consommateur calculateur à la recherche du profit ou de la satisfaction maximale au moindre coût.
Le mariage du système d’échanges capitaliste régulé par l’intervention de l’Etat est appelé capitalisme rhénan
(et prend la forme politique de la social-démocratie), par opposition au capitalisme anglo-saxon, plus libéral dans le
discours mais relativement interventionniste dans les faits.
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