1.2 La fédération (1952-1962) et ses déceptions

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DOSSIER:
I. L’Erythrée
Ce nouvel État du nord-est de l'Afrique regroupe une mosaïque de populations, les unes
chrétiennes, les autres musulmanes. Ce territoire, qui fut de 1952 à 1993 la façade de
l'Éthiopie sur la mer Rouge, est devenu un État indépendant en mai 1993, après une longue et
complexe guerre de libération.
1.1 Introduction
Les frontières sont celles de la colonie italienne d'Érythrée (du nom de mer Érythrée que les
Grecs de l'Antiquité donnaient à la mer Rouge) fixées par le traité italo-éthiopien de 1897.
Frange côtière large de 400 km vers le nord-ouest qui se réduit à 80 km vers les frontières avec
Djibouti, l'Érythrée comprend le long de la mer Rouge une plaine côtière aride qui est le domaine
traditionnel de groupes pastoraux musulmans. Cette plaine est dominée dans la partie centrale
par un ensemble de plateaux plus arrosés où se trouvent la capitale Asmära et la majeure partie
de la population : des cultivateurs principalement chrétiens qui parlent le tegreñña. Cette langue
est surtout celle de la province éthiopienne voisine, le Tegré ¨ qui fut longtemps le coeur du
royaume d'Éthiopie. Durant des siècles, l'Érythrée fut le débouché de ce royaume sur la mer
Rouge, mais l'empereur Ménélik II (Menilek II) la céda en 1897 aux Italiens pour affaiblir les
prétentions des Tegréens au trône d'Éthiopie.
Devenue la base de départ des Italiens pour la conquête de l'Éthiopie (1936), l'Érythrée bénéficia
de travaux d'infrastructure, tel l'équipement du port de Massawa (au large duquel se trouve
l'archipel des îles Dahlak) et du réseau routier. Les Italiens recrutèrent dans la population
indigène de nombreux auxiliaires, notamment des soldats, les askaris, qui participèrent
activement à la guerre contre les Éthiopiens et à la colonisation de l'Éthiopie. En 1941, les
Britanniques mirent fin à la domination italienne ; ils occupèrent l'Érythrée jusqu'en 1952.
Pentant cette période, le destin de ce territoire fut débattu : devait-il être rattaché à l'Éthiopie, ou
bien constituer un nouvel État indépendant ? Sur cette question, les diverses populations étaient
fort divisées, et les Anglais les laissèrent s'exprimer en autorisant les partis politiques, les
syndicats et de nombreux journaux qui retentirent des débats entre les partisans respectifs de
l'union avec l'Éthiopie, du maintien des liens avec l'Italie, du partage entre le Soudan et
l'Éthiopie, et de l'indépendance. L'Église orthodoxe éthiopienne, qui avait été privée de ses
revenus par les Italiens, prônait l'union. Les minoritaires catholiques et protestants tantôt se
rallièrent à l'union, tantôt s'y opposèrent. La Ligue musulmane, fondée en 1946, se divisa, et une
Ligue musulmane de l'Érythrée-Ouest (LMÉO) se rallia à l'union. Si des musulmans demeuraient
indépendantistes, la montée de la violence politique provoqua un retournement de l'opinion en
faveur de l'ordre, fût-il éthiopien.
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D'autres clivages jouèrent, activés par le démantèlement de l'Afrique-Orientale italienne : il y
avait trop de fonctionnaires pour un territoire qui ne représentait même pas le dixième de la
population de l'Impèro ; le marché s'étant réduit, les entreprises avaient trop d'employés. Les
entrepreneurs italiens, les cadres administratifs, le plus souvent chrétiens, mieux instruits, les
marchands et les transporteurs espéraient beaucoup de l'union à l'Éthiopie alors que la
bourgeoisie musulmane gonflait la diaspora érythréenne des pays arabes.
Démobilisés et licenciés rejoignirent les paysans sans terre, devenus sefta (bandits), qui
rançonnaient les fermiers italiens. Les éleveurs des basses terres refusèrent de payer les
redevances aux chefs de faction, les maîtres du sol. Chassés du Soudan par la sécheresse, les
Beni Amer, nomades, entrèrent de force en Érythrée comme le faisaient les sefta réfugiés au
Tegré et protégés par l'Éthiopie pour semer le désordre en Érythrée.
1.2 La fédération (1952-1962) et ses déceptions
L'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies (ONU), en dépit de l'opposition des
États arabes, décida en septembre 1952 que l'Érythrée serait fédérée à la couronne éthiopienne,
mais avec des institutions démocratiques : une Assemblée élue au suffrage universel désignant le
chef de l'exécutif, des partis politiques et des syndicats libres. Le tegreñña et l'arabe devenaient
langues officielles, au grand dépit des Éthiopiens partisans de l'amharique.
L'empereur Hailé Sélassié ne pouvait tolérer une telle entorse à son despotisme. Une base des
États-Unis, l'armée éthiopienne et le représentant du négus s'installèrent à Asmära. Jouant des
ambitions des politiciens érythréens, les Éthiopiens provoquèrent en 1955 un renversement de
majorité à l'Assemblée la même année qui entérina l'interdiction des partis et des réunions
politiques, puis l'abandon du drapeau érythréen (1958), l'adoption des lois éthiopiennes,
l'obligation d'employer l'amharique, et, en fin de compte, la réunion à l'empire en 1962.
Les Érythréens s'étaient rétablis dans toutes les villes d'Éthiopie dans le commerce et dans le
transport routier, où l'italien était devenu lingua franca. Pour les industries érythréennes, le
marché éthiopien était une aubaine. L'achèvement de la route le reliant à Addis-Abeba et la
construction d'une raffinerie de pétrole décuplèrent le trafic du port d'Asäb et favorisèrent le
développement économique de l'Érythrée. Mais les Érythréens éduqués rencontraient dans
l'administration la concurrence des Amhara ou des amharisés. L'examen d'amharique d'entrée à
l'université d'Addis-Abeba détournait les étudiants musulmans érythréens vers les pays arabes
voisins.
1.3 La rivalité des fronts de libération
La répression de la grève générale déclenchée par les syndicats érythréens en 1958 fut le signal
pour un petit groupe d'exilés musulmans qui fonda à Port Soudan le Mouvement de libération de
l'Érythrée (MLÉ) en liaison avec les Érythréens du Caire. La première étape de la lutte pour
l'indépendance se déroula dans les basses terres occidentales. Des Beni Amer, anciens sefta, exaskaris (supplétifs indigènes recrutés par les Italiens) et ex-cadres de l'armée soudanaise, s'en
prirent à des postes éthiopiens en 1961-1962 et subirent de lourdes pertes.
Le MLÉ s'effaça devant le Front de libération de l'Érythrée (FLÉ) fondé en 1962 par les exilés
érythréens du Caire et de Damas, qui prirent pour modèle le Front de libération nationale (FLN)
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algérien. Jusqu'à la fin des années 60, les éleveurs musulmans dominaient les maquis où les
chrétiens étaient minoritaires. Le FLÉ avait attaqué des villages chrétiens et publié une carte de
l'Érythrée, partie intégrante du monde arabe.
Un renfort, cependant, parvint d'intellectuels chrétiens urbains, déçus par l'université d'AddisAbeba et marqués par le marxisme. Le FLÉ, au contact des pays arabes progressistes , se
rapprocha des États socialistes au fur et à mesure que l'Éthiopie apparaissait comme l'alliée
d'Israël et des États-Unis. De même que le conflit palestinien, le conflit érythréen devint un
conflit périphérique de la guerre froide. Des étudiants furent envoyés en Chine où ils reçurent un
entraînement à l'action armée ; ils en revinrent, auréolés d'un grand prestige et persuadés que le
FLÉ, en s'enfermant dans une logique exclusivement arabo-musulmane, compromettait la lutte.
En 1969, ils provoquèrent la scission de leurs zones à l'annonce du massacre de trois cents
ouvriers agricoles chrétiens des plantations du Barka ; des exilés chrétiens se rendirent à
l'ambassade éthiopienne de Khartoum en signe de protestation.
La brutalité de la répression de l'armée éthiopienne, après l'assassinat d'un général (1970), puis
après l'attaque du chemin de fer, des routes et des avions d'Ethiopian Airlines, fit affluer de
jeunes recrues venues des hauts plateaux tegréens. Les chefs historiques du FLÉ ne voulurent pas
partager le pouvoir avec ces jeunes radicaux qui, las d'être écartés des responsabilités,
rejoignirent en 1972, à Beyrouth, les Forces populaires de libération (FPL) fondées l'année
précédente à Damas par des exilés et des contestataires du FLÉ. Le FLÉ et le FLÉ-FPL
s'affrontèrent pour le contrôle de la région d'Asmära jusqu'en 1974 en dépit des efforts des
commanditaires arabes (Syrie, Libye, Yémen du Sud, Arabie Saoudite). Le FLÉ-FPL s'établit
fortement au nord-ouest d'où il recevait des armes par Port Sudan. Le FLÉ se replia sur les
basses terres de l'ouest où il était né.
En 1974, les mutineries, annonciatrices de la révolution éthiopienne, éclatèrent dans l'armée et
dans la marine éthiopiennes à Massawa et à Asmära, alors que les fronts érythréens se battaient
encore entre eux, jusqu'à ce qu'une démarche massive des habitants d'Asmära aboutît au cessezle-feu. Les contacts avec le général éthiopien Aman Mikaél Amdon, originaire d'Érythrée, chef
de l'État après la déposition du négus, auraient pu conduire à une solution négociée, mais ils
révélèrent l'étendue des divergences entre indépendantistes et militaires, autonomistes tout au
plus. L'élimination, à Addis-Abeba, d'Aman Mikaél et l'envoi de l'ex-garde impériale en Érythrée
provoquèrent, début 1975, l'assaut préventif des fronts contre Asmära repris par l'armée
éthiopienne après deux mois de furieux combats. Une répression d'une violence inouïe s'abattit
sur la ville. Les soldats et les fonctionnaires d'origine érythréenne désertèrent en masse.
1.4 La révolution érythréenne : le FPLÉ
Les civils marxistes ralliés au Därg, partisans d'une large autonomie, reprirent contact avec les
fronts érythréens. Le FLÉ-FPL devint en 1977 le Front populaire de libération de l'Érythrée
(FPLÉ). Le FLÉ, de son côté, se livra à une purge massive de ses cadres musulmans. Menacé par
la Marche rouge organisée par le Därg en 1976, le FPLÉ favorisa la naissance du Front populaire
de libération du Tegré (FPLT), issu d'une scission révolutionnaire parmi les Tegréens soulevés
contre Addis-Abeba. Profitant de la terreur rouge qui sévissait dans la capitale, les fronts , réunis
par un commandement politique suprême (Khartoum), prirent, en 1977-1978, le contrôle de
vastes territoires qu'ils commencèrent à administrer tout en se préparant à l'assaut contre les
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grandes villes, tandis que Soviétiques et Allemands de l'Est tentaient vainement de réconcilier les
dirigeants éthiopiens et érythréens qui se réclamaient, les uns et les autres, plus ou moins du
marxisme.
L'armée éthiopienne, forte de la victoire remportée en Ogadén ¨ ainsi que de l'armement et des
instructeurs soviétiques, reprit la plupart des régions libérées en 1979-1980. Cubains et
Soviétiques n'intervinrent pas directement, sauf à Massawa, bombardée par la flotte soviétique,
en échange de facilités aux îles Dahlak, au large du port. Les trois quarts des maquis musulmans
du FLÉ, basés à l'ouest en terrain découvert, furent éliminés ou s'enfuirent au Soudan avec un
très gros flot de réfugiés. Les forces du FPLÉ s'étaient retranchées dans leurs sanctuaires de
Neqfa et de Qarora, adossés à la frontière soudanaise et reliés par des pistes à Port Sudan. Ces
forteresses enterrées qui abritaient des écoles, des hôpitaux et des ateliers résistèrent aux
offensives aéroterrestres de l'armée éthiopienne. Le FPLÉ, marxiste, recueillait les bénéfices d'un
effort intransigeant d'éducation et d'encadrement de la population dans les régions libérées :
promotion des femmes, partage des terres, remise en marche des entreprises et des services
publics.
En 1981, le FPLÉ et le FPLT, également marxiste, attaquèrent les derniers maquis du FLÉ, qui
furent contraints de gagner les camps de réfugiés au Soudan où le FPLÉ les élimina
physiquement. Certes, le FPLÉ agissait comme un État dans l'État dans la province soudanaise
de Kassala, mais le Soudan se montrait conciliant car les Érythréens représentaient un moyen de
pression sur l'Éthiopie, sanctuaire des rebelles du Soudan du Sud. Moins dépendant des pays
arabes pour l'armement que le FLÉ, le FPLÉ, tempérant ses références au marxisme, mobilisa les
fonds de la diaspora érythréenne, laquelle sut populariser la plus vieille guerre d'Afrique auprès
des grands médias occidentaux et exploiter le discrédit qui frappa Mängestu Haylä Maryam, jugé
responsable de la famine et des déplacements forcés de la population. Par des attaques de
convois de vivres coordonnées avec le FPLT, le FPLÉ se posa en interlocuteur obligé des
organisations internationales d'aide et des organisations non gouvernementales (ONG) qui
désiraient toucher les populations. Il abandonna ses références marxistes alors que le FPLT les
durcissait et que Mängestu, avec le soutien des États communistes, proclamait en 1987 la
République démocratique populaire d'Éthiopie.
1.5 La victoire et l'indépendance (1988-1991)
L'Érythrée devint, en 1987, l'une des cinq régions autonomes éthiopiennes. Elle élisait un
parlement (sängo) régional qui disposait de plus de pouvoirs que les autres sängo régionaux. La
province d'Asäb, qui avait été détachée de l'Érythrée dès 1984, fut réunie à une région autonome
des Afar. Rejetée par le FPLÉ, cette autonomie rallia quelques notables du FLÉ qui demandèrent
un partage entre basses terres musulmanes et hautes terres chrétiennes.
En mars 1988, les troupes du FPLÉ battirent l'armée éthiopienne à Af Abed ; en mai, la contreoffensive éthiopienne se transforma en déroute. Les Éthiopiens perdirent du matériel lourd et des
milliers d'hommes et se replièrent sur les grandes villes, désormais uniquement ravitaillées par
avion car le Tegré était tombé entre les mains du FPLÉ. L'Union soviétique, depuis 1986,
pressait Mengistu d'assouplir ses positions et lui conseillait une négociation qu'il refusa
longtemps en dépit de la lassitude et des tentatives de rébellion de son armée. De son côté, le
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leader érythréen Issayas Afäwårqi (l'actuel président de l'Érythrée) faisait connaître à l'Occident
la modération du FPLÉ et l'abandon de toute référence au marxisme.
En mars 1990, Massawa tombait. En mai 1991, la capitale Asmära se rendit, alors que la
conférence internationale de Londres, organisée par le secrétaire d'État adjoint des États-Unis,
signifiait aux Éthiopiens, débarrassés de Mengistu, qu'ils devaient remettre le pouvoir au FPLT à
Addis-Abeba et au FPLÉ à Asmära, à charge pour les deux fronts d'organiser un référendum sur
l'indépendance. Les milices afar, qui avaient défendu Asäb jusqu'en mai 1991, passèrent en force
à Djibouti où elles alimentèrent le mouvement de rébellion contre Hassan Gouled Haptidon.
Par le référendum du 24 avril 1993 organisé sous le contrôle de l'ONU, les Érythréens ratifièrent
l'indépendance à la quasi-unanimité. Le gouvernement éthiopien, dirigé par le FPLT, l'allié du
FPLÉ (devenu le Parti démocratique pour la justice et la liberté), reconnut le nouvel État trois
semaines avant la proclamation officielle du 24 mai.
Avec l'apaisement du conflit à Djibouti, l'Érythrée peut perdre son rôle de principal débouché de
l'Éthiopie sur la mer. Les expulsions d'Éthiopiens, qui avaient fait souche en Érythrée ou qui
travaillaient à Asäb, ont créé un malaise, d'autant que les Érythréens sont admis sans passeport
en Éthiopie. Un compromis est intervenu à propos de l'utilisation d'Asäb : même s'il est onéreux
pour l'Éthiopie, il procure à l'Érythrée les moyens d'entretenir le port. Les deux économies sont
complémentaires et, pour le moment, le nouvel État utilise la monnaie éthiopienne, le berr. Il a
maintenu, malgré leur mécontentement, les combattants sous les armes. Il les emploie contre de
la nourriture à la réfection des infrastructures. Les deux États, dirigés par des Tegréens chrétiens,
ex-marxistes, répriment ensemble les Afar et les fronts islamiques. Ils se sont rapprochés quand
l'Érythrée a rompu ses relations diplomatiques avec le Soudan après de nombreux incidents de
frontières.
Bron: www.home.ch/˜spaw3754/
II. L’Ethiopie
Les Éthiopiens, témoins des conflits nationaux exacerbés depuis la chute du régime marxiste
de Mengistu Hailé Mariam (Mängestu Haylä Maryam) en mai 1991, les interprètent comme
une nouvelle résurgence d'oppositions qui remontent à la formation de la Grande Éthiopie du
XIXe siècle, aux migrations oromo du XVIe siècle et au glissement du nord vers le sud de
l'épicentre politique depuis l'antique royaume d'Aksum (1000 avant JC) au Tegré et aux pays
des Amhara du XIIIe au XVIIIe siècle jusqu'à Addis-Abeba née au XIXe siècle en pays
oromo.
2.1 Introduction
On oppose Éthiopie et Abyssinie, en réservant la première appellation à l'empire de Ménélik II
(Menilek II) agrandi des provinces conquises au sud et la seconde à l'antique coeur chrétien et
sémitique du Nord. Or, en grec Æthiopia désigne la contrée que les langues sémitiques nomment
Habes.
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2.2 Un empire du milieu biblique
L'Éthiopie, qui dispute à l'Égypte le deuxième rang pour la population en Afrique, est un empire
du milieu , une île de hautes terres densément peuplées (90 % des Éthiopiens vivent sur moins de
60 % du territoire, au-dessus de 1 800 m). Ce bastion chrétien, Terre sainte du Peuple Élu,
Nouvel Israël, est entouré de musulmans hostiles vivant dans l' enfer torride des basses terres.
L'une des constantes de la politique éthiopienne est de rompre cet isolement pour s'allier avec les
nations chrétiennes d'Europe dont il faut craindre cependant les appétits religieux et/ou
politiques. Les Éthiopiens s'enorgueillissent à la fois d'une histoire biblique ¾ la visite de la reine
de Saba à Salomon y aurait eu lieu, il y a trois mille ans et de leur résistance à la colonisation. La
culture éthiopienne, seule culture écrite africaine au sud du Sahara, s'enracine dans une théologie
politique, un messianisme inscrit dans le temps long . L'histoire n'est qu'un retour cyclique
d'épreuves qui affermissent génération après génération le Peuple Élu dans la fidélité à sa
mission.
Cette interprétation de l'histoire présente comme une continuité ce qui est plutôt une
permanence: depuis le royaume d'Aksum contemporain des royaumes hellénistiques, des empires
romain et byzantin, une entité politique s'est maintenue sur les hautes terres du Nord. Elle s'est
déplacée vers le sud : au XIIIe siècle à Lalibela, la nouvelle Jérusalem hypogée au nord du
Wollo, aux XVIIe et XVIIIe siècles à Gondar, puis enfin à Addis-Abeba. Ces périodes
d'expansion sont séparées par des périodes plus sombres où le pouvoir échappa aux Amhara ¾
Tegréens sémites et chrétiens pour tomber entre les mains de musulmans et de couchites comme
au XVIe siècle où le djihad d'Ahmed Grañ ( le gaucher ) détruisit Aksum et fraya la voie à la
migration des Oromo qui repoussèrent les Éthiopiens au nord du Nil. Pendant deux siècles, les
négus tentèrent la Reconquista des terres perdues jusqu'à leur rattachement par Ménélik à la fin
du XIXe siècle, lors de l'Aqänna (en amharique : reconquête et colonisation) (¨Éthiopie
(formation territoriale de l')).
2.3 Ménélik, père de la Grande Éthiopie, négus Meiji ou colonisateur ?
Cette Reconquista s'accomplit contre les puissances européennes mais aussi avec leur concours.
Ménélik joua un jeu subtil : allié de l'Italie avant d'être couronné, il la battit à Adwa en 1896, il
l'aida ainsi que les Anglais à vaincre la révolte mahdiste au Soudan et il choisit la France pour
construire le chemin de fer de Djibouti à Addis-Abeba. Fidèle à la tradition, il ne rompit pas son
enclavement et concéda notamment l'Érythrée à l'Italie afin d'affaiblir ses rivaux du Tegré.
L'Éthiopie préserva son indépendance en acquérant les armes et les méthodes des Européens : tel
l'empereur japonais Meiji, le négus prit la tête de la modernisation de l'État en offrant à
l'aristocratie du Nord et à ses fidèles les abondantes ressources en terre des provinces conquises.
Les paysans vaincus du Sud durent travailler à la pax æthiopica et se mettre au service des
vainqueurs : c'est ce système de tenure et d'imposition, aboli en 1975, qu'on assimile à la
féodalité ou au féodalisme tandis que l'Aqänna est assimilée par certains à la colonisation.
Si bref qu'il ait été, l'épisode colonial italien (1936-1941) transforma profondément l'Éthiopie :
les Amhara ou les amharisés prirent au Sud la place des colonisateurs. Il donna enfin à
l'empereur Hailé Sélassié (Haylä Sellasé) les moyens d'achever sa politique de centralisation en
ruinant des dynastes locaux concurrents et en dotant le pays d'un réseau routier en étoile autour
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de la capitale et d'un accès à la mer par la fédération (1952) puis par l'annexion (1962) de
l'Érythrée. Il institua l'administration, l'armée et la police salariées, hiérarchisées et
territorialisées, peuplées d'hommes à lui, souvent éduqués à l'occidentale. Les plantations créées
ou projetées par les Italiens furent récupérées par les Grands qui se lancèrent dans la
monoculture mécanisée spéculative. Armés du droit traditionnel, ils expulsèrent leurs tenanciers
des riches terres caféières du Sud-Ouest, des périmètres irrigués conquis sur les pâturages des
Somalis, des Oromo et des Afar (ou Danakil) du Rift et de l'Ogadén et même des projets de
développement intégré. Ils déclenchèrent ainsi des rébellions armées qui, jugulées, préparèrent
cependant la guerre somalo-éthiopienne de 1977-1978.
Le charisme du négus vieillissant fut impuissant à conjurer les revendications foncières
indépendantistes. Le souverain demeurait suspect au vieux Nord, réfractaire à tout changement
des systèmes de tenure et d'imposition marqués par le lignage, et toujours méfiant vis-à-vis
d'Addis-Abeba, ville sans passé, au milieu de territoires peuplés d'Oromo et de musulmans. Le
problème foncier prit une acuité nouvelle car l'Éthiopie passait par le stade de la transition
démographique, et sa population doubla en vingt ans : en 1973-1974, la famine, un temps
cachée, du Wollo et du Tegré en révéla la gravité. Elle raviva les plaies mal cicatrisées de
l'irrédentisme tegréen marqué par l'échec de la rébellion Wäyyané (1942-1943) et du
particularisme du Gojjam secoué par une révolte contre le poids des impôts (1968). En
comparaison, le Sud, pourtant conquis par la force et soumis à une exploitation sévère,
apparaissait moins troublé, hormis la guérilla lointaine des irrédentistes somalis d'Ogadén
appuyée par Mogadiscio. On peut rappeler que la mutinerie qui emporta le vieux monarque
éclata simultanément en 1974 parmi les soldats qui combattaient en Érythrée et en Ogadén.
2.4 L'échec d'une révolution marxiste
Ityopiya Teqdäm ! , Éthiopie d'abord ! : tel fut le slogan de la révolution de 1974, scandé par les
militaires et les étudiants las d'un régime déconsidéré. En septembre, une junte militaire prit le
pouvoir au nom d'un comité secret, le Därg, et nomma un chef d'état-major d'origine érythréenne,
Aman Mikaél Amdon, qui négocia avec les indépendantistes d'Érythrée. En novembre, des
dissensions au sein du Därg se soldèrent par l'exécution du général Aman Mikaél et des
dignitaires de l'ancien régime et par l'adoption du socialisme éthiopien. Pour éloigner de la
capitale des étudiants remuants, le pouvoir, inquiet des réactions des paysans, décréta la Zämäca
: élèves et étudiants furent envoyés dans les campagnes pour expliquer la révolution et la réforme
agraire promulguée en mars 1975. Elle supprimait tous les systèmes de tenure et donnait à tout
Éthiopien un lopin de 10 hectares au maximum avec l'objectif d'organiser des associations de
paysans tous les 800 hectares. Cette réforme fut complétée par l'octroi des pouvoirs locaux aux
associations et par la nationalisation des terres urbaines.
Contrairement à ce qu'en attendaient ses auteurs, la réforme agraire n'unit pas l'Éthiopie : au sud,
l'accueil fut enthousiaste ; au nord, le refus fut total. Les irrédentistes tegréens, ravitaillés par les
Érythréens, se ranimèrent et passèrent à l'offensive en 1975, retardant la reconquête de l'Érythrée
utile par l'armée éthiopienne. Le régime militaire ébranlé par ses rivalités internes et par la
rupture avec les opposants civils ¾ ce qui entraîna la terreur dans la capitale ¾, se trouva un chef
en 1977, Mengistu Hailé Mariam. Celui-ci se rapprocha des Soviétiques et des Cubains, lesquels
l'aidèrent à reprendre l'Ogadén sur les Somaliens, jusque-là alliés de l'Union soviétique, et à
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lancer une série d'offensives en Érythrée. Le Därg y gagna une certaine légitimité populaire et
s'aligna avec le zèle des néophytes sur le bloc soviétique dont il épousa les causes à
l'Organisation des Nations unies (ONU) et qu'il prit pour modèle d'organisation de l'économie et
de la société.
Le régime de Mengistu à la tête de l'État, devenu République populaire et démocratique en 1987
avec un parti unique, ne fut-il que la copie bronzée des démocraties populaires européennes ?
Pourtant, la collectivisation, la villagisation (le regroupement des paysans) et les transferts de
population, annoncés en 1979 et freinés puis abandonnés après la famine de 1984-1985 et le
débat qu'elle suscita, devaient être compris dans la perspective de l'histoire éthiopienne.
Autrefois, la terre pouvait être retirée au vaincu, au rebelle et au tributaire défaillant : or, pour
l'État des larges masses (sic), ces paysans koulaks (sic) routiniers qui refusaient les quotas de
livraison obligatoire et l'abandon de leur lopin étaient rebelles au progrès de l'agriculture
scientifique illustrée par les dispendieuses fermes d'État.
La politique des nationalités porte aussi la marque soviétique par la promotion de l'enseignement
des langues locales à côté de l'amharique et par le découpage en 1987 de régions autonomes, à
base nationale . L'amharique, promu langue de la révolution, ne retrouva pourtant pas la position
qu'il avait sous l'ancien régime. Contestée par les larges masses, la République populaire tenta de
regagner sur le terrain du nationalisme la confiance perdue depuis la famine de 1984-1985. Elle
se présenta en héritière de l'Éthiopie trimillénaire, réhabilita les négus sauf le dernier, fêta la
résistance des Tegréens face aux Italiens et la fondation de la capitale et fit élire le patriarche
orthodoxe et l'imam au Parlement (le Sängo). La surenchère nationaliste s'accentua encore en
1988 quand, après la perte de l'Érythrée et du Tegré, Mengistu s'efforça de susciter un élan
populaire contre les fronts du Nord en ravivant les vieux antagonismes des Amhara et des Oromo
à l'égard des Tegréens. Quinze ans de socialisme scientifique ne pesèsent pas lourd face à trois
mille ans d'histoire biblique !
En mai 1991, le régime de Mengistu tomba car son armée, humiliée et décimée par les purges, ne
combattit pas des adversaires qu'elle refusa d'identifier comme des ennemis ! Les Amhara et les
Oromo ne s'opposèrent pas aux Wäyyané, qui leur rendaient leurs armes et leur garantissaient
leur terre.
2.5 L'ouverture au pluralisme
La faillite du régime signifie aussi l'affaiblissement de l'État éthiopien qui tenait les forces
centrifuges en respect. Le découpage de l'Éthiopie en une fédération de neuf régions autonomes,
n'est-ce pas la fin de l'unité de l'Éthiopie ? Meles Zenawi, chef de l'État, leader du Front
populaire de libération du Tegré (FPLT), composante principale du Front démocratique
révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPÉ), a fait entrer au gouvernement des représentants
des partis politico-ethniques. Il a utilisé la force, avec l'assentiment de l'opinion, pour lutter
contre les fronts islamiques et contre les soldats débandés qui inquiètent les minorités
chrétiennes du Sud. En dépit de médiations répétées de Jimmy Carter, les partis panéthiopiens
demeurent interdits et leurs membres ou sympathisants présumés emprisonnés ou licenciés (40
universitaires). La censure a été levée et les livres et les journaux dans les diverses langues se
sont multipliés. Le gouvernement a organisé, le 4 juin 1994, des élections à l'Assemblée
constituante. Elles n'ont pu avoir lieu en Ogadén à cause des troubles. Le FDRPÉ et ses alliés les
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SAVES
ont largement remportées bien que certains partis d'opposition aient appelé à les boycotter. La
Constitution fédérale, ratifiée par le Parlement en décembre 1994, ne désarme ni les opposants
unitaires , nombreux parmi les Amhara et les intellectuels, ni les partisans d'une Oromie
indépendante ou d'un Grand Tegré formé avec l'Érythrée. Ouvert en décembre 1994, le procès
pour crime contre l'humanité, de Mengistu, réfugié au Zimbabwe, doit reprendre en mars 1995.
FORMATION DU TERRITOIRE
État dont la partie centrale constitue depuis des siècles un bastion chrétien (Église orientale
orthodoxe) dans le nord-est de l'Afrique.
Au terme d'une longue guerre intérieure, la récente (1993) réduction du territoire de l'Éthiopie ne
paraît pas très considérable par rapport à sa superficie totale. En vérité, cette diminution traduit
un changement géostratégique d'importance puisque la proclamation de l'indépendance de
l'Érythrée ¨ en mai 1993 et la reconnaissance du nouvel État par le gouvernement d'Addis Abeba
prive en principe l'Éthiopie de son seul débouché sur la mer, si les frontières du nouvel État
correspondent à ses revendications, c'est-à-dire aux frontières de la colonie italienne d'Érythrée
¾ Colonia Eritrea telles qu'elles furent fixées par le traité italo-éthiopien en 1897. Il s'agit en fait
d'un problème géopolitique qui a plus d'un siècle et de l'aboutissement d'une guerre de plus de
trente ans, celle-ci risquant aujourd'hui de surcroît d'avoir provoqué la dislocation de l'Éthiopie
tout entière.
2.6 Les conquêtes de Ménélik
Paradoxalement, ce traité italo-éthiopien sur l'Érythrée, qui eût pu être une première étape du
démantèlement du royaume d'Éthiopie (car la situation intérieure y était cahotique en raison de
l'opposition des grands féodaux les ras et des dignitaires religieux aux tentatives de souverains
modernisateurs), marqua au contraire la plus grande extension de l'Éthiopie du fait des conquêtes
menées par le grand empereur Ménélik II (Menilek II) qui, non sans péripéties, était parvenu au
trône du roi des rois en 1889. Ménélik devait régner jusqu'en 1907 en jetant les bases d'un État
moderne. En 1896, soit un an avant le fameux traité sur l'Érythrée, les guerriers éthiopiens
infligèrent aux troupes italiennes la terrible défaite d'Adoua. Ménélik menait en effet un jeu
subtil entre de nombreuses forces étrangères, les unes musulmanes, les autres européennes : la
France, l'Angleterre et l'Italie s'intéressaient fort à la mer Rouge depuis l'ouverture du canal de
Suez (1869).
Parmi les forces musulmanes, la plus dangereuse était l'Égypte qui reprenait les visées
ottomanes. En 1834, Méhémet-Ali avait commencé la conquête des deux rives de la mer Rouge.
Pour éviter le retour des troupes égyptiennes en Érythrée, Ménélik préféra y reconnaître la
présence des Italiens (ils y avaient débarqué depuis 1882) en échange de leur soutien tout en
bloquant les ambitions de cet allié trop gourmand. Avec les armes et les subsides fournis par
l'Italie (mais aussi par la France et par la Grande-Bretagne), Ménélik étendit son empire vers
l'ouest et surtout vers l'est et vers le sud. Il donna à l'Éthiopie ses frontières actuelles et fonda sur
les marches du Sud une nouvelle capitale : Addis Abeba. Pour cela, il s'appuya sur l'ethnie
amhara. Celle-ci ne représentait qu'une partie des populations chrétiennes de ce vieux bastion de
la chrétienté qui, depuis le IVe siècle, se maintenait dans le nord-est de l'Afrique, en dépit de la
poussée musulmane à partir du VIIe siècle.
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Jusqu'au XIXe siècle, le coeur de ce bastion, qui fut au XVIe siècle submergé par les musulmans
venus de l'est, fut une autre ethnie chrétienne, celle du Tigré situé au nord du pays de l'ethnie
amhara. Mais ces deux ethnies chrétiennes et de langues (sémitiques) assez proches étaient
traditionnellement plus ou moins rivales, ce qui se manifeste encore une fois dans la période
actuelle.
Ce bastion chrétien c'est stricto sensu l'Abyssinie qui s'étend au nord d'Addis Abeba jusqu'aux
abords de la mer Rouge, correspond aux hauts plateaux volcaniques situés à l'ouest du rift , ce
grand fossé tectonique qui s'allonge depuis les grands lacs d'Afrique orientale au sud pour
s'élargir au nord dans la dépression du désert Danakil. Ces hauts plateaux coupés de vallées
profondes qui culminent à plus de 4 600 m mais s'étendent en moyenne à 2 000 m ont un climat
frais, des sols volcaniques assez fertiles, et ils sont bien arrosés. C'est d'eux que descendent avec
l'Atbara et le Bahr el Azzak (Nil bleu) la plus grande partie des eaux qui alimentent le Nil en aval
de Khartoum.
Les conquêtes de Ménélik lui donnèrent le contrôle des plateaux Harer Ogaden qui s'étendent à
l'est du rift et qui s'abaissent vers les steppes de Somalie, et, vers le sud, de terres tropicales plus
basses, plus chaudes et plus humides. Ces nouveaux territoires étaient essentiellement peuplés de
musulmans et, tout au sud, de païens que les Amhara ont longtemps dénommés Galla (terme
péjoratif) et que l'on appelle aujourd'hui Oromo ¨.
Ces Oromo de langue couchitique, dont la poussée vers le nord remonte au XVIe siècle, furent
pour une part soit islamisés à l'est, soit amharisés , c'est-à-dire christianisés, et ils parlent
l'amhara. Nombre d'entre eux participent à l'appareil d'État éthiopien et ils forment aujourd'hui
sans doute près de la moitié de la population du pays.
Dans le processus de formation territoriale de l'Éthiopie, on a pu comparer à juste titre (comme
l'a fait notamment Alain Gascon) le rôle des Amhara dirigés par Ménélik, prince de la province
du Choa (le sud du bastion chrétien), au rôle qu'eurent les Prussiens dans la formation et dans
l'extension du Reich. La Prusse y avait aussi une position périphérique et elle était la rivale de
l'Autriche qui fut longtemps la grande puissance germanique, un peu comme, en Abyssinie, le
Tigré avait été durant des siècles le centre de l'unique royaume chrétien d'Afrique.
2.7 Une unité fragile
Après la mort de Ménélik, l'Éthiopie connut une nouvelle phase de désordre. Les grands du
royaume et les dignitaires de l'Église déposèrent en 1916 (avec le soutien des Français et des
Anglais) un jeune empereur qui s'était rapproché des Turcs et des Allemands, et proclamèrent
impératrice la fille de Ménélik qui confia la régence au fils d'un grand dignitaire, le ras Tafari
qui, après avoir brisé la révolte de plusieurs provinces, devint empereur en 1930 sous le nom de
Hailé Sélassié Ier (Haylä Sellasé) et reprit la politique de Ménélik.
L'unité du royaume était encore bien fragile lorsque Benito Mussolini, reprenant les visées
impérialistes de certains de ses prédécesseurs, se lança en 1935 à la conquête de l'Éthiopie, à
partir des colonies italiennes d'Érythrée et de Somalie ¨. L'armée italienne y recruta d'ailleurs de
nombreux auxiliaires indigènes, les askaris, et elle s'appuya sur certains ras, notamment dans le
Tigré, qui étaient hostiles à Hailé Sélassié. Celui-ci se réfugia en Angleterre. Durant la Seconde
Guerre mondiale, les troupes anglaises, opérant à partir du Soudan ¨ et du Somaliland ¨,
conquirent l' Afrique orientale italienne en 1941. Hailé Sélassié retrouva son trône en 1942, non
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SAVES
sans avoir dû écraser au Tigré, avec l'aide des Anglais, une révolte dirigée par un prince qui avait
été l'un des principaux alliés des Italiens. Cette rébellion wayyané (1942-1943) est l'origine
lointaine de l'actuel Front populaire de libération du Tigré (FPLT), lequel prit les armes contre
les pouvoirs qui, après la chute de l'empereur en 1974, se sont succédé à Addis Abeba où il (le
FPLT) est entré en vainqueur en juin 1991.
Bron: www.home.ch/˜spaw3754/
III. Le Conflit
En Février 1998, on apprenait que l’Erythrée accusait l’Ethiopie d’avoir pénétré à l’intérieur
de son territoire. L’Ethiopie occuperait environ 248 Km2 de territoire érythréen.
Les troupes militaires éthiopiennes auraient avancé de 20 Km à l’intérieur du territoire de
l’Erythrée : des échanges d’armes lourdes auraient été entendu dans la région.
L’Ethiopie dément avoir occupé le territoire érythréen et accuse son voisin d’invasion. On a
aussi appris que deux bataillons éthiopiens se trouvaient sur territoire érythréen depuis que des
affrontements se sont produits en Mai. Les deux pays entretenaient des relations cordiales depuis
qu’un accrochage violent aux alentours de la frontière se soit produit le 6 Mai.
Le 6 Mars, on apprenait que des combats violents s’étaient déroulés : le territoire conflictuel se
trouve à la frontière des deux pays. C’est près de la ville frontalière de Zalambessa (à 160 Km
d’Asmara) que les combats se sont déroulés. L’Erythrée accuse toujours l’Ethiopie d’invasion
militaire. Zalambessa se trouve au cœur du territoire revendiqué par les deux pays. Des tanks et
de l’artillerie lourde a été déployé de chaque côté.
L’état éthiopien annonçait aussi qu’un érythréen, accusé de meurtre, avait été exécuté. On pense
que cet homme est le premier a être exécuté depuis que le Front Révolutionnaire Démocratique
du Peuple (Ethiopie) a pris le pouvoir en 1991.
En Avril, des milliers d’anciens combattants érythréens quittaient Asmara pour venir renforcer
les hommes à la frontière : environ 3000 vétérans, hommes et femmes. Les ex-combattants du
Front de Libération du Peuple Erythréen ont été rejoint par leurs anciens ennemis du Front de
Libération Erythréen ainsi que par les Erythréens qui combattaient sous le régime militaire
éthiopien, le Derg.
On estime à 46 000 le nombre d’érythréens qui feraient fasse à 120 000 éthiopiens. L’Ethiopie a
rejeté la demande de l’Erythrée par rapport au territoire de Baden, l’un des principaux centres
d’un triangle de terre de 400 Km2 se trouvant le long de la frontière ouest.
Juste après le début des hostilités, l’Ethiopie a ordonné à tous ces commerçants de stopper les
affaires avec l’Erythrée et de suspendre les vols entre les deux pays. Les télécommunications ont
été aussi coupé.
Le 6 Juin, l’armée éthiopienne utilisaient des avions de chasse pour bombarder des positions près
d’Asmara. Le 12 Juin, l’Ethiopie annonçait avoir délogé l’armée érythréenne de la zone de
Zalambesa.
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Depuis que l’Erythrée est devenue indépendante en 1991, Zalambesa est contrôlée par les
Ethiopiens : la moitié des habitants de Zalambesa sont érythréens tandis que l’autre moitié est «
Tigrayan ». La ligne de démarcation avait été tracé par les Italiens il y a plus d’un siècle.
Les Erythréens pensaient que puisque l’Ethiopie était maintenant dirigé par les « Tigrayans »,
ceux mêmes qui avaient participé à la chute de Mengistu, les relations pourraient être bonnes.
Le 24 Juin, on apprenait que depuis le début du conflit, des centaines de soldats avaient péri sur
les fronts de Badme, Zalambessa et au sud du port d’Assab.
L’Ethiopie peut aussi mobiliser la milice du Front de Libération du Peuple « Tigrayan » qui
avaient combattu contre Mengistu. Ce Front de Libération domine actuellement le Front
Démocratique Révolutionnaire du Peuple Ethiopien.
Le premier ministre éthiopien Meles Zenawi a prévenu qu’il administrerait une leçon à
l’Erythrée si celle-ci ne se retirait pas du territoire de Badme. Une médiation menée par l’OUA a
été rejeté par l’Erythrée après que le président Afewerki ait refusé le plan préparé par les USA et
le Rwanda : celui-ci prévoyait entre autre le départ des forces érythréennes et le retour ce celle-ci
au point où elles se trouvaient avant le 6 Mai. L’Ethiopie acceptait ce plan américain et rwandais.
En Juillet, l’ambassade d’Erythrée à Washington annonçait que les hostilités avaient été
déclenché par l’Ethiopie qui a violé les frontières coloniales de l’Erythrée.
Selon l’ambassade érythréenne,le premier acte d’invasion s’est produit en Juillet 1997 quand
l’Ethiopie, sous prétexte de combattre l’opposition Afar, a amené deux bataillons à Bada dans le
sud de l’Erythrée afin d’occuper le village et de démanteler l’administration en place. Malgré
l’intervention du chef de l’état érythréen, demandant au premier ministre éthiopien de se retirer,
rien ne s’est fait. Il semble alors que l’Ethiopie ait intégré dans ses cartes des territoires
érythréens.
Puis le 6 Mai 1998, l’armée éthiopienne lançait une attaque sur les patrouilles érythréennes dans
la région de Badme affirmant que les érythréens avaient pénétré dans des zones nouvellement
envahis par l’Ethiopie ! !
Les causes de la discorde sont donc :
- déclaration de guerre par le Parlement éthiopien le 13 Mai 1998
- lancement d’une attaque aérienne sur Asmara par l’Ethiopie le 5 Juin 1998
- imposition d’un blocus aérien et maritime : accès bloqué aux ports érythréens avec menace de
bombardement
- expulsion massive et discrimination envers les milliers érythréens se trouvant en Ethiopie
Du côté éthiopien, on affirme que c’est l’Eryhrée qui a commencé les hostilités et que ce pays
refuse toute proposition de paix. Ces propositions de paix ont surtout été faites par l’OUA.
Le Conseil de Sécurité de l’ONU demande un arrêt immédiat des hostilités.
Le 12 Août, un groupe de 470 érythréens déporté d’Ethiopie est arrivé au port d’Assab sur la
Mer Rouge : parmi eux, 114 enfants qui ont été détenu pendant plus de 3 mois. Certains vivaient
en Ethiopie depuis plus de 40 ans. Depuis le mois de Mai, le nombre total d’expulsés dépasse 16
000.
L’Erythrée a envoyé une lettre au secrétaire général des Nations Unies Koffi Annan lui
demandant d’intervenir contre l’Ethiopie à cause de l’expulsion massive et de la détention
d’érythréens en Ethiopie. L’Ethiopie s’est plaint de la même façon concernant ses résidents en
Erythrée.
Le 29 Août, l’Erythrée a libéré 71 prisonniers de guerre éthiopien. L’Erythrée a déclaré qu’il
voulait, par cet acte, montrer sa volonté de trouver rapidement une solution de paix.
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Le 6 Novembre, Meles Zenawi s'est rendu au Burkina Fasso afin de trouver une solution visant à
stopper la dispute entre son pays et l'Erythrée. Le président érythréen devrait être présent mais
aucune confrontation directe n'est prévue.
Le 10 Novembre, l'OUA se réunissait à Ouagadougou afin de débattre du conflit entre l'Erythrée
et l'Ethiopie : cette réunion a pour but de trouver une solution à ce conflit.
Les points importants mis en évidence par l'OUA sont les suivants : il faut rapidement :
- arrêt immédiat des hostilités
- délimitation des frontières dans un délai de 6 mois
- enquête sur les incidents survenus en Juillet-Août 1997 et le 6 Mai afin de déterminer l'origine
du conflit
- démilitarisation de toute la zone
De leur côté, les érythréens insistent pour que ce conflit soit résolu en tenant compte des
frontières que l'Erythrée avait hérité du temps de la colonisation italienne. L'Ethiopie a violé ces
frontières pour les érythréens. Les érythréens veulent qu'on tiennent en compte les frontières
déssinées lors des traités de 1900, 1902 et 1908.
'Ethiopie exige que les forces armées érythréennes quittent sur le champ la région de Badme, ceci
avant toute discussion.
La situation est donc bloquée jusqu'à présent.
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