La méthode multi-échelle et multi-modèle pour la simulation du crash Stefanos VLACHOUTSIS* et Lars GREVE** *ESI Group, 99 rue des Solets, Silic 112, 94513 Rungis Cedex, France **Volkswagen Group, R&D, Letter box 1777, 38436 Wolfsburg, Germany Courriel pour toute correspondance : [email protected] RÉSUMÉ. Une nouvelle méthode de simulation numérique du crash en utilisant un code explicite en temps est présentée dans laquelle deux modèles distincts de type éléments finis interagissent pour le calcul de la solution de la structure constituée par l’union de deux modèles. L’interaction entre les deux modèles se traduit par l’échange des forces aux nœuds de la frontière commune, la gestion du contact inter-modèles et l’utilisation des pas de temps différents pour chaque modèle. La méthode multi-échelle – multi-modèle a été mise en œuvre pour un code d’éléments finis de type explicite (PAM-CRASH). Les tests industriels ont montré l’efficacité de la méthode qui a permis de diviser le temps total de calcul par cinq. La méthode peut être étendue dans le cas d’un couplage de type multi-physique : fluide-structure ou fluide-structure-thermique. ABSTRACT. A new method of crash numerical simulation using an explicit in time code is presented in which two distinct finite element models, each of them in its own distributed memory process, interact for the solution of the whole structure. The interaction consists in the force exchange at the matching grid nodes, in the inter-model contact and in the subcycling technique i.e. the use of different time steps for each model. The multi-scale and multi-model method was implemented for an explicit finite element code (PAM-CRASH). The industrial test cases confirm the efficiency of the method by dividing the total computing time by a factor of five. This method can be extended for other multi-physics couplings like fluidstructure or fluid-structure-thermal interaction. MOTS-CLÉS : Crash, code explicite, sous-cyclage, couplage, DMP, MPI, PAM-CRASH. KEYWORDS: Crash, explicit code, sub-cycling, coupling, DMP, MPI, PAM-CRASH. Revue. Volume X – n° x/année, pages 1 à X 2 Revue. Volume X – n° x/année 1. Introduction Les codes explicites de simulation du crash sont des outils essentiels pour concevoir un produit de l’industrie automobile. Il a été prouvé que les éléments finis de type coques sont particulièrement adaptés pour le calcul de la déformation plastique des tôles métalliques en flexion ou en flambement, sachant que le risque de rupture pour ces composants là est moins élevé que celui des pièces de fonderie auxquelles on s’intéresse aujourd’hui. Un exemple d’une telle pièce est le cadre moteur : sa rupture peut modifier considérablement la répartition des charges de la structure. Aussi le calcul du crash doit être suffisamment précis pour prévoir la rupture. Ceci nécessite l’utilisation d’un maillage fin constitué d’ éléments finis de type solide. Pour un code explicite la stabilité du calcul est assuré par un pas de temps qui dépend d’une longueur caractéristique, lc et de la vitesse de propagation des ondes dans le milieu c0 , t l c / c 0 [1.1] La vitesse des ondes pour les éléments de type coques et solides sont (réf.1) : c0, shell E ; c 0,solid E 1 1 1 2 [1.2] ou E est le module d’élasticité, ν est le coefficient de Poisson et ρ est la masses volumique. Le pas de temps est limité par le raffinement du maillage nécessaire à la précision des résultats. Certaines méthodes artificielles comme l’augmentation de la masse volumique ou la diminution du module d’élasticité ne peuvent avoir qu’une application limitée puisque les propriétés physiques du matériau sont modifiées. Nous utilisons une technique de sous-cyclage pour éviter les difficultés liées aux limitations du pas de temps. La technique est basée sur la division du modèle éléments finis en deux parties. La première partie est appelée « modèle local » (il représente une pièce de fonderie par exemple un cadre moteur) et la seconde partie « modèle global » (il schématise la voiture sans le cadre moteur). Le modèle local est constitué d’un maillage fin alors que le modèle global est constitué d’un maillage plus grossier. Ainsi chaque modèle a son propre pas de temps, celui du modèle local étant plus petit que celui du modèle global. Le principe du sous-cyclage a déjà été prouvé par plusieurs auteurs, voir les références 2 à 5 et plus récemment les références 6 à 8. Pour le présent travail le sous-cyclage est appliqué à deux modèles séparés chacun calculé par un exécutable de type « mémoire distribuée » appelée dans la suite type DMP (Distributed Memory Processing). Le rapport des pas de temps (entier) – pas de temps du modèle global sur celui du modèle local est : Rt t G / t L [1.3] Le modèle local est souvent composé d’ éléments de même type – par exemple des solides – tandis que le modèle global est composé de différents types d’éléments. Un Multi-échelle & multi-modèle pour le crash 3 exemple typique est illustré sur la figure 1 avec les données principales du cas test. Modèle global (véhicule): Modèle éléments finis (hétérogène – coques, poutres etc.) tG = 1s, NEleG = 879000 Modèle local (cadre): Modèle éléments finis solides (homogène – tétraèdres) tL = 0.1s, NEleL = 65000 Sous-cyclage Cycle tG partagé Proc. 2 tL Temps Proc. 1 Proc. 1 Proc. 2 Proc. n Proc. 3 Couplage inter-code: Nœuds communs Domaine intra-code DMP Contact inter-code Proc. 3 Proc. n Domaine intra-code DMP Figure 1. Modèles global et local et principe du couplage multi-échelle – multimodèle de deux exécutables de type DMP. Ce test industriel a été utilisé dans la suite pour la validation de la méthode multiéchelle – multi-modèle. 2. La technique multi-échelle 2.1. L’interface des nœuds coïncidents (‘matching grid nodes’) L’interface des nœuds coïncidents est constituée des paires de nœuds : un nœud du modèle global (ng) correspond à un nœud du modèle local (nl) si la distance entre ces nœuds est inférieure à une valeur limite donnée par l’utilisateur (tolérance des distances) Normalement les nœuds doivent occuper la même position dans l’espace. 4 Revue. Volume X – n° x/année Une paire de nœuds coïncidents est liée par un ressort dont la rigidité dépend des masses nodales et du pas de temps. 2.2. Le contact inter-codes Le contact entre les deux modèles est du type segment-contre-segment décrit dans la documentation de PAM-CRASH (réf. 10). L’algorithme couramment utilisé par le code PAM-CRASH se base sur la calcul d’une force de rappel proportionnelle à la pénétration des nœuds en présence à la surface de contact. 3. Analyse de l’efficacité du calcul 3.1. Spécifications du réseau Deux systèmes ont été utilisés pour le calcul du cas test. Les caractéristiques sont résumées dans le tableau 1. Système Processeur Taille Réseau Interconnexion standard (Std-Net) NEC HPC Linux Cluster AMD Opteron 246 (2.0 GHz) 120 processors; 2 proc./host Gigabit Ethernet / LAM MPI Débit 1GBit/s Interconnexion hautes performances (HP-Net) IBM 1350/x335 Linux Cluster Intel P4 Xeon (3.06 GHz) 120 processors; 2 processors/host a) Gigabit Ethernet / LAM MPI b) Myrinet 2000 / MPICH MPI 2GBit/s Tableau 1. Caractéristiques des systèmes de calcul pour l’interconnexion standard et l’interconnexion hautes performances. 3.2. Résultats L’efficacité de la méthode multi-échelle sont résumés dans les tableaux 2 et 3. Etant donné un modèle éléments finis donné (figure 1), la méthode multi-échelle a permis de diviser le temps de calcul par cinq pour tout en obtenant des résultats similaires à ceux obtenus sans couplage (mono-modèle avec un pas de temps unique) (tableau 2). D’un point de vue informatique on montre qu’ une connexion Myrinet est plus efficace qu’ une connexion Ethernet Gigabit en un gagnant un facteur trois sur le temps de calcul. Multi-échelle & multi-modèle pour le crash Modèle local : maillage fin 5 Modèle local : maillage très fin Figure 2. Modèle local : le modèle avec maillage fin est composé de 65000 éléments et le modèle très fin est composé de 520000 éléments. Temps [h] Speedup [-] Solution classique (Rt =1) 113.5 - Solution multi-échelle (Rt = 10) 22.5 5 Tableau 2. Comparaison du temps de calcul de la simulation d’un crash frontal après 120ms en utilisant 20 processeurs sur le réseau Std-Net : approche « classique » (pas de temps unique) comparée à la nouvelle approche du calcul multi-échelle. Temps de calcul estimé [h] Speedup [-] Ethernet 188 - Myrinet 61.5 3 Tableau 3. Comparaison des interconnexions gigabit Ethernet et Myrinet pour le calcul du modèle global et du modèle local maillé très finement : temps de calcul estimé et accélération (« speedup ») pour un calcul de 120ms en utilisant 112 processeurs basé sur une durée courte de simulation de 1ms. 4. Conclusion La méthode multi-échelle – multi-modèle a été appliquée à la simulation du crash automobile avec succès. Les résultats obtenus sont conformes à ceux obtenus par une 6 Revue. Volume X – n° x/année méthode classique. Pour le cas industriel présenté le temps de calcul a été divisé par cinq. Cette méthode ouvre une nouvelle perspective dans le domaine du calcul du crash : elle permet d’analyser finement une pièce du modèle tout en gardant un temps de calcul raisonnable pour l’industrie. Cette méthode pourra être utilisée avec succès pour une très large gamme d’applications. Remerciements : Les auteurs voudraient remercier : Dr A. Hillebrand, Dr. H. Liebertz et C. Stender de Volkswagen Group, Mr. X. Wang de Audi Group, Dr. Ni de ESI Group, Dr. D.Z. Sun et DR. D. Memhard de « Fraunhofer Insitut für Werkstoffmechanik » pour leur contributions au projet de recherche. 5. Bibliographie 1. Kolsky H, Stress waves in solids, Dover Publications 1963 (original: Clarendon Press 1953). 2. Belytschko T, Mullen R, ‘Mesh partitions of explicit-implicit time integrators’, Formulations and Computational Algorithms in Finite Element Analysis, edited by KJ Bathe, JT Oden, and W Wunderlich, MIT Press, Cambridge, MA, 1976, 673-690. 3. 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