Aperçu du système phonogrammique - Académie de Nancy-Metz

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Aperçu du système phonogrammique
- 3 documents tirés de Michel TAMINE, « Quelles connaissances linguistiques pour
structurer le savoir des élèves ? ». Professeur des Ecoles, enseignant de français, sous la
coordination de M. Laure ELALOUF, AFLA, Paris 1998.
- 3 documents extraits d’André ANGOUJARD (sous la coordination de « Savoir
orthographier », INRP Hachette, Paris, 1994.)
Document n° 1
Le premier système qui organise l’orthographe détermine le rapport phonie-graphie et permet
d’établir une relation biunivoque entre les phonèmes et les graphèmes qui les transcrivent
dans un mot donné :
Ex : /en f an ts/ : [ ã f ã ] ;
(les) /b a t eau x/ : [bato] ;
/homme/ : [ ‫כ‬m]
Cette analyse fait apparaître que :
- seuls fonctionnent comme phonogrammes les signes ou groupes de signes intervenants
effectivement dans la réalisation orale (le " t " et le " s " de /enfants/ sont ainsi exclus car non
réalisés) ;
- certains graphèmes ne transcrivent un son que dans certains contextes, par le jeu des liaisons
(/les bateaux bleus/, /les bateaux immobiles/) ;
- un phonogramme peut être constitué d’une lettre (/b/), de deux (/en/ dans /enfant/, /mm/ dans
/homme/) ou trois (/eau/). Les consonnes doubles ne sont pas dissociées lorsqu’elles
transcrivent un seul phonème (comme dans /homme/), mais le sont lorsqu’elles en
transcrivent deux (comme dans /immobile/, où le " /m/ " du préfixe négatif se distingue de la
première lettre de l’adjectif /mobile/).
Un même phonème pouvant être transcrit par plusieurs graphèmes (ex [o] transcrit par /o/
dans /pot/, /au/ dans /tuyau/, /eau/ dans /bateau/, /oo/ dans /zoo/, etc.), le nombre des
phonogrammes est sensiblement plus élevé que le nombre des phonèmes, dont on sait qu’il
varie entre 32 et 36 selon les régions.
Document n° 2
Les morphogrammes lexicaux marquent l’appartenance à une série de mots.
Dans la transcription graphique d’un morphème lexical comme /petit/, on identifie quatre
phonogrammes (P, E, T, I) et une consonne muette finale (ou /morphogramme/) qui devient
phonogramme dans la dérivation suffixale (formation de mot par adjonction d’un suffixe :
/petitesse/), et la flexion (/petite/).
On observe une gradation dans la complexité du fonctionnement de ces morphogrammes
selon le « degré de stabilité » qu’ils offrent lorsqu’on passe de la forme simple à la forme
dérivée ou fléchie :
- les plus stables, subsistent tels quels (ex. /petit/ à /petitesse/) ;
- d’autres impliquent la transformation régulière du morphogramme dans les séries plus ou
moins importantes (ex. /x/ à /s/ dans /heureux/ à /euse/ ; /c/ à /ch/ dans /blanc/ à /blanche/) ;
- une troisième catégorie, relativement fournie, regroupe des séries irrégulières où la consonne
évitant le hiatus entre le radical et le suffixe ou la désinence est sans rapport avec la lettre
muette quand elle existe (/chaos/ à /chaotique/ ; /caoutchouc/ à /caoutchouteux/, /abri/ à /abrit-er/). Ces séries, qui n’ont le plus souvent d’autre justification qu’historique, présentent peu
d’intérêt sur le plan didactique : le temps consacré à la mémorisation de ces fonctionnements
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aberrants serait plus utilement employé à l’observation de fonctionnements réguliers et
fréquents.
Il convient de remarquer que certains mots possèdent deux consonnes muettes finales. Parfois,
chacune d’elles peut être réinvestie dans un dérivé, l’autre s’effaçant : ex.
corps/corporel/corset vêtement ajusté au corps.
Les morphogrammes grammaticaux sont constitués par des marques graphiques ajoutées à la
forme de base et porteuses /d’informations grammaticales/ relatives :
- au genre, en l’occurrence le graphème /e/ du féminin des adjectifs (et des noms) terminés par
une voyelle dans la forme de base : ex. /joli/ à /jolie/ ;
- au nombre, en l’occurrence le graphème /s/ (plus rarement /x/) du pluriel des noms (et
adjectifs) : ex. /enfant à /enfants ; /bateau/ à /bateaux/ ;
- aux désinences verbales : par ex. /s/ des 2è personne du singulier et 1ère personne du pluriel,
éventuellement de la 1ère du singulier (/tu joues ; nous jouons ; je pars/) ; /t/ de la 3ème
personne du singulier (/il peint/), /z/ de la 2ème personne du pluriel (/vous jouez/) ; /nt/ de la
3ème personne du pluriel (/ils jouent/).
Document n°3
Lorsqu’on a identifié les phonogrammes et les morphogrammes d’un corpus écrit, on peut
constater que :
- certains signes n’appartenant ni à l’une ni à l’autre de ces catégories ne sont maintenus que
dans le but de distinguer visuellement des homophones : c’est le cas par exemple du /h/ dans
/haire/ chemise grossière portée en signe de mortification, distinct de /aire/ surface.
- un même phonème (en général une voyelle) pouvant souvent être transcrit par plusieurs
phonogrammes, la langue gère cette concurrence de manière, là encore, à éviter l’ambiguïté
graphique lorsqu’il y a ambiguïté phonique (ex/. aire - ère/).
Ainsi, pour un monosyllabe composé de deux phonèmes comme [εR], le jeu des unités
distinctives permet de discriminer à l’écrit : /air, aire, haire, ère, hère (un pauvre), /ers/
(/plante herbacée/), /erre/ (forme du verbe /errer/), -/r/- (nom de la lettre).
Bien entendu, la gestion de ces signes ne résulte pas de décisions ou de règles artificielles,
mais d’une régulation opérée par le système linguistique à partir de matériaux hérités de
l’histoire : le /h/ de /hère/ est d’origine germanique (cf. all. /Herr/), tout comme celui
de haire (cf. all./ Haar, /angl. /hair,/ cheveux ).
Par ailleurs, si certaines unités ne justifient leur maintien que dans le but de distinguer
visuellement deux homophones (c’est le cas du /h/ dans /haire-aire ; hère-ère/), beaucoup
d’autres peuvent être en même temps :
- un phonogramme : /aire - ère/ visuellement deux homophones (c’est le cas du /h/ dans
/haire- aire/ ; /hère- ère/), beaucoup d’autres peuvent être en même temps :
- un phonogramme : /aire – ère/
- un morphogramme lexical : /doigt - doit/ (du verbe /devoir/)
- un morphogramme grammatical : /sont - son/ (déterminant possessif).
Document n°4
Le terme morphogramme est construit à partir de morphème : " La plus petite unité
significative de la chaîne orale, porteuse donc de signification, d’ordre lexical ou
grammatical.
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Les morphogrammes sont définis par Nina Catach de la façon suivante : notations de
morphèmes, surtout situés, pour les renforcer, aux jointures des mots, maintenus
graphiquement identiques qu’ils soient prononcés ou non (dans les liaisons en particulier).
On distingue deux types de morphogrammes :
- les morphogrammes grammaticaux, porteurs d’une signification morphosyntaxique : c’est le
cas du graphème -s- dans les graphies de noms ou d’adjectifs, du graphème -nt- dans /ils
aiment/.
- les morphogrammes lexicaux, porteurs d’une signification lexicale établissant ainsi un lien
visuel entre les formes fléchies d’un même mot, entre les radicaux et les dérivés) : c’est le cas
du graphème /s/ dans /français/, du graphème /t/ dans /petit/, du graphème /g/ dans /rang/.
La catégorie des morphogrammes contribue pour une large part à décrocher l’écrit de l’oral.
C’est la raison pour laquelle la mise en œuvre de ces morphogrammes pose, et de manière
durable, de lourds problèmes aux apprenants.
On notera enfin qu’à la différence des morphogrammes grammaticaux, les morphogrammes
lexicaux ne constituent pas un système rigoureux : c’est ainsi que l’on écrit /abri/ malgré
/abriter, tabac/ malgré /tabatière et tabagie/ !).
Document n° 5
" Graphèmes chargés de transcrire les phonèmes ".
C’est le cas, par exemple, des quatre graphèmes qui constituent le mot /maman/ : m/a/m/an/.
Dans le mot /petit/, en revanche, seuls les quatre premiers graphèmes sont des
phonogrammes: /p/e/t/i/, de même, dans /ils aiment/, seuls les graphèmes /ai/m/e/ sont des
phonogrammes.
On ajoutera trois observations :
- 85 % des graphèmes de tout texte sont des phonogrammes : notre système d’écriture est
donc bien, fondamentalement, de type phonogrammique.
- la difficulté de notre orthographe tient, pour une part importante, à l’absence de relation
biunivoque entre les phonogrammes et les phonèmes qu’ils sont chargés de transcrire. Un
même phonème peut être transcrit par des phonogrammes différents ([k] par k dans /képi/, par
/c/ dans /car/, par /qu/ dans /quand/, par exemple) ; et, inversement, un même phonogramme
peut transcrire des phonèmes différents (c’est ainsi que /c/ est transcrit [k] dans /car/ mais [s]
dans /ce/).
- cette caractéristique du système phonogrammique est toutefois atténuée par le phénomène
de « loi de position », selon lequel, dans certains cas, le choix parmi les phonogrammes
concurrents (qui peuvent transcrire un même phonème) dépend de leur environnement
graphique : si les graphèmes /s/ et /c/ peuvent tous deux transcrire le phonème [s], c’est le seul
phonogramme possible, en début de mot, devant les voyelles a, o, u et les consonnes (à
l’exception du mot /ça/).
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Document n° 6
Notations de lexèmes ou " figures de mot ", dans lesquels, à la limite, la " graphie " ne fait
qu’un avec le mot, dont on ne peut la dissocier. La principale fonction des logogrammes est la
distinction des homophones
- hétérographes (exemple : sept, lys, thym, pouls, coing, poids, etc.) (Nina Catach).
On remarquera que, pour donner ainsi une image visuelle spécifique à certains mots
homophones, les logogrammes peuvent utiliser :
- des lettres étymologiques ou historiques (doigt, voix, temps, etc.).
- des signes diacritiques (a/à ; ou/où ; du/dû, etc.).
- des variantes graphiques des phonogrammes (/ancre/encre, dessin/ dessein, repère/repaire,
etc.).
- des morphogrammes à valeur lexicale (banc/ban ; bond/bon, etc.).
Les logogrammes, plus encore que les morphogrammes qui entretiennent certains liens avec
l’oral, manifestent la spécificité de notre écriture : sa mixité. Plurisystème, elle transcrit
fondamentalement l’oral, mais elle est aussi porteuse de sens, et d’une manière qui lui est
propre.
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