Doc 1 - La vraie valeur du travail domestique

publicité
Activité 3 – Quelles sont les limites du PIB ?
Objectifs
- Comprendre quelques limites du PIB en tant qu’indicateur de mesure de la production
- Comprendre le caractère conventionnel de la construction d’un indicateur comme le PIB
Travail de groupe :
Chaque groupe doit étudier un document, qu’il présentera au reste de la classe. Il s’agira de montrer
les limites du PIB, en montrant qu’il exclut ou inclut certaines activités de production sur la base de
conventions qui ont des fondements mais peuvent être contestées.
Doc 1 - La vraie valeur du travail domestique
Ménage, vaisselle, repassage, courses, voilà tout un ensemble de tâches auxquelles la quasi-totalité
des Français sont obligés de se plier. Elles représentent le « travail domestique », qui est un travail
au sens premier du terme car correspondant bien à des activités productives : ainsi, il n’y a pas de
différence de nature entre une chemise repassée par une mère – ou un père – de famille et la même
chemise repassée par une femme de ménage rémunérée pour cela. Sauf que dans ce dernier cas,
l’activité peut être objectivement mesurée et donc intégrée dans le calcul du PIB. Comme le disait
l’économiste Paul Samuelson, si un homme épouse sa femme de ménage, le PIB diminue !
L’Insee a
tenté de mesurer son importance. En termes quantitatifs d’abord, en calculant le volume horaire
global consacré par les Français(e)s au travail domestique ; en termes monétaires ensuite, en lui
donnant une valeur horaire, par exemple équivalente à ce qu’aurait été rémunéré un salarié réalisant
le travail correspondant. Pour définir ce qui ressort du travail domestique, l’Insee envisage plusieurs
dimensions, du périmètre restreint (cuisine, ménage, prise en charge des enfants ou d’autres
personnes, entretien du linge…) au périmètre le plus large qui comprend des activités telles que le
jardinage, le bricolage, ou encore le fait de promener un animal. Au final, en 2010, une personne de
11 ans et plus consacre en moyenne près de 15 heures par semaine au cœur des tâches
domestiques ; et 27 heures en considérant le périmètre large. Au niveau global, cela donne entre 42
et 77 milliards d’heures de travail domestique, pour 38 milliards d’heures rémunérées dans la même
période. Soit 33 % du PIB si ces tâches avaient été payées.
La vraie valeur du travail domestique, Renaud Chartoire, Sciences Humaines n° 246 - mars 2013
Doc 2 -PIB, prostitution et drogue: l'Italie joue le profit, la France la vertu
Matteo Renzi, le Premier ministre italien, peut dire merci aux pontes de la mafia pour la prospérité
d'une partie non négligeable de leurs activités économiques... On pourrait croire à une blague, mais
l'affaire est très sérieuse. L'agence de statistiques Istat, l'équivalent de l'Insee en France, a annoncé
qu'elle allait prendre en compte les revenus générés par la prostitution, la drogue et les divers trafics
(cigarettes, alcool...) pour calculer le Produit intérieur brut (PIB) de l'Italie. (…) Pour justifier
l'incorporation de l'économie souterraine dans le calcul de la richesse produite, le fisc italien se
réfère à un alinéa d'ESA 2010. Ce texte, rédigé par Eurostat (l'agence en charge des statistiques de
l'UE) définit les nouvelles normes comptables européennes. Elles rentreront en vigueur en
septembre 2014.
A la page 15, le document stipule: " La définition d'une transaction implique que l'interaction entre
les unités institutionnelles se fasse d'un commun accord (…) Les activités économiques illégales
doivent être considérés comme des transactions quand toutes les unités parties prenantes le font
par accord mutuel. De ce fait, achats, ventes ou troc de drogues illégales ou d’objets volés sont des
transactions quand le vol ne l’est pas."
Comment évaluer l'économie illicite?
Oui, mais comment évaluer le montant des transactions illégales sur le sol italien ? On imagine mal
un membre de la Camorra, la mafia napolitaine, téléphoner à un statisticien de l'Istat pour lui faire
part de ses gains et de la croissance de son activité ! "Effectivement, c'est pas la bonne méthode",
répond hilare Gian Paolo Oneto.
Après avoir repris son sérieux, il détaille: "Nous allons nous appuyer sur les données de la police et
de la justice qui ont une bonne connaissance du volume et des prix des produits stupéfiants et des
services des prostitués. Nous ferons appel aux ONG qui travaillent avec les drogués et les prostitués."
Avant de retourner à sa besogne, il lâche à la dérobée: "Vous savez, en Italie, nous avons une
tradition dans l'évaluation de l'économie souterraine !"
De son côté, l'un des porte-paroles d'Eurostat s'étonne de la polémique que peut susciter la prise en
compte des revenus de la drogue et de la prostitution dans le calcul du PIB. "Nous ne faisons que
nous conformer aux normes internationales ! Les Etats-Unis les ont mis en application l'année
dernière. Et puis le principe d'inclure les revenus de l'économie illégale était déjà inscrit dans les
textes européens depuis 1995 avec les normes ESA 95. Il n'y a donc rien de nouveau !"
Quoiqu'il en soit, ESA 2010 est une aubaine pour l'Italie, l'un des "hommes malades" de la zone euro.
En treize ans, l'Italie a connu quatre périodes de récession. Et en 2011, le pays a frôlé de près la
faillite suite à l'attaque des marchés et à l'augmentation des taux d'intérêt sur sa dette abyssale, qui
dépasse les 120% de son PIB.
Une aubaine pour le gouvernement italien
Du coup, la prise en compte de l'argent de la drogue et de la prostitution est plutôt une bonne
nouvelle pour le pays... Selon la Banque d'Italie, l'économie criminelle représenterait 10,9% du PIB en
2012. D'après une étude de l'institut italien Demoskopika, le chiffre d'affaires de la 'Ndrangheta a
atteint 53 milliards d'euros en 2013, presque autant que Peugeot et Airbus! Selon les Nations-Unies,
cette fois, les quatre organisations mafieuses ('Ndrangheta, Cosa Nostra, Calabre, Sacra Corona
Unita) dégagent un chiffre d'affaires de 116 milliards d'euros, soit 5,9% du PIB!
Ce fait dire à Giuseppe Di Taranto, économiste et professeur à l'université de Rome, contacté par
Bloomberg, que "Matteo Renzi aura une plus grande marge de manœuvre budgétaire." Il ajoute:
"même si cela est dur à quantifier, il est certain que ça aura un impact positif sur la croissance."
De quoi redonner le sourire au gouvernement italien. Ce dernier a annoncé il y a peu des prévisions
de l'ordre de 0,8% de croissance pour 2014. En comptabilisant les revenus tirés des activités
mafieuses, la croissance pourrait dépasser les 1%, voire même avoisiner les 1,6%. Ce qui ferait de
l'Italie l'un des moteurs de la zone euro !
Et en France ?
Pour l'Insee, il n'est pas question d'inclure l'économie illégale dans le calcul du PIB. Joint par
Challenges, l'organisme public est catégorique: "Nous n'incorporons pas les activités illégales dans
ses estimations, dans la mesure où les circonstances dans lesquelles s'effectuent ces activités
(dépendance des consommateurs de stupéfiants, esclavage sexuel dans certains cas) ne permettent
pas de considérer que les parties prenantes s'engagent toujours librement dans ces transactions."
En France, les activités économiques échappant à l'impôt sont estimées à moins de 10% du PIB selon
une étude du très sérieux institut allemand de veille économique IAW.
L'Insee tient, par ailleurs, à opérer un distinguo entre, d'un côté, l'économie souterraine, interdite, et
de l'autre l'activité dissimulée. Cette dernière (travail au noir dans la construction ou contrebande de
tabac par exemple) "n'est généralement pas de nature illégale, même si elle s'exerce dans un cadre
qui ne respecte pas toutes les dispositions légales." Et d'ajouter: "C'est pourquoi les comptes
nationaux incorporent depuis longtemps dans leurs estimations des redressements pour tenir
compte de l'activité dissimulée. L'ensemble des corrections au titre de l'activité dissimulée
représente 3,4% du PIB français en base 2010."
Une double comptabilité
Pour clarifier la situation, l'Insee assure que la prostitution est partiellement déclarée au fisc. "Les
revenus correspondants sont bien pris en compte par l'Insee dans la mesure du PIB. La prostitution
clandestine, en revanche, en est exclue", précise l'institut de statistiques.
Mais l'Insee reconnaît qu'une correction sera apportée au PIB pour être conforme aux exigences de
Bruxelles. Mais, elle promet que cette dernière ne figurera pas dans les données publiées sur son site
Internet.
De fait, la France se doit de respecter les normes européennes y compris sur le plan statistique.
Cependant, l'Union européenne laisse la possibilité aux Etats de calculer comme ils veulent le PIB au
niveau national. Mais par souci d'harmonisation, les 29 membres de l'UE doivent appliquer les
normes ESA 2010 et les transmettre à Eurostat. A défaut, elles ne seraient plus comparables.
Florian Fayolle, Challenges.fr, Publié le 23-05-2014
Doc 3 - La difficile évaluation de la valeur ajoutée des administrations
Autant il est facile de comptabiliser les valeurs ajoutées dans le secteur privé, autant cela paraît plus
compliqué et plus subjectif concernant le secteur public, car il n'y a pas systématiquement une
contrepartie marchande à certaines formes de production (cas des services de préfecture ou de
l'enseignement), du fait qu'une grande part des services fournis est gratuite ou non valorisée au coût
réel de production.
En règle générale, les administrations publiques ne génèrent pas de chiffres d'affaires à proprement
parler. Certaines administrations peuvent même être vues uniquement comme des centres de coûts
si la gratuité des services fournis est partielle ou totale.
Par conséquent, pour comptabiliser la « production » de la fonction publique, l'administration retient
le principe de valoriser les biens ou services produits aux coûts des facteurs de production (on est
donc assez proche du montant des salaires versés).
A partir de ce constat, est-il pertinent de parler de valeurs ajoutées (au sens comptable) dans les
secteurs des armées, de l'enseignement, des services de préfecture, etc. Il n'est pas question bien
entendu de remettre en cause ces services, ce n'est pas l'objet de cet article. La question que je pose
est de nature comptable et elle suggère la pertinence d'intégrer ces valeurs ajoutées dans le PIB en
s'appuyant sur des critères qui peuvent paraître arbitraires.
(…) L'enseignement est le domaine par excellence où il est impossible de valoriser la « production
». Comment chiffrer la transmission des connaissances et du savoir et la qualité de l'éducation ?. Et
pourtant la « production » de l'enseignement s'ajoute au PIB. Si les professeurs étaient payés 2 fois
plus, les valeurs ajoutées de l'enseignement qui viennent s'inscrire dans le PIB doubleraient ! N'y
aurait-il pas là une anomalie comptable flagrante de prise en compte de cette « production » dans
notre indicateur fourre-tout. Et pourtant la valeur ajoutée (prise cette fois dans un sens non
comptable) est considérable, et n'a pas grand-chose à voir avec le salaire des enseignants.
Le PIB : la grande illusion de richesse et le grand bug économique, Alain Desert, Economie matin, 2106-2013
Doc 4 – « le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue »
«Il est évident que depuis trop longtemps nous avons sacrifié les qualités personnelles et les valeurs
de la communauté dans le seul but d'accumuler toujours plus de biens matériels. Notre PIB est
maintenant estimé à 800 milliards de dollars/an, si nous évaluons le PIB des E-U d'Amérique sur cette
base, alors il prend en compte, dans ses calculs, la pollution de l’air, la publicité pour le tabac et les
courses des ambulances qui ramassent les blessés sur nos routes.
Il comptabilise les systèmes de sécurité que nous installons pour protéger nos habitations et le coût
des prisons où nous enfermons ceux qui réussissent à les forcer.
Il intègre la destruction de nos forêts de séquoias ainsi que leur remplacement par un urbanisme
tentaculaire et chaotique. Il comprend la production du napalm, des armes nucléaires et des voitures
blindées de la police destinées à réprimer des émeutes dans nos villes.
Il comptabilise la fabrication du fusil Whitman et du couteau Speck, ainsi que les programmes de
télévision qui glorifient la violence dans le but de vendre les jouets correspondants à nos enfants.
En revanche, le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction,
ni de la gaieté de leurs jeux.
Il ne mesure pas la beauté de notre poésie ou la solidité de nos mariages.
Il ne songe pas à évaluer la qualité de nos débats politiques ou l’intégrité de nos représentants.
Il ne prend pas en considération notre courage, notre sagesse ou notre culture.
Il ne dit rien de notre sens de la compassion ou du dévouement envers notre pays.
En un mot, le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue ».
Discours de Robert Kennedy, 1968
Synthèse : Réalisez individuellement une carte mentale des limites du PIB
Une vidéo de synthèse de la cité des Sciences : http://www.citedeleconomie.fr/La-croissance
Source : Banque de France - Cité de l’Économie et de la Monnaie, en partenariat avec
Universcience
Téléchargement