MODULE 6 DOULEUR –SOINS PALLIATIFS DCEM III Coordination : Dr Marie-Thérèse GATT Année universitaire 2009-2010 1 MTGATT 03 12 2009 Sommaire Items 65 et 66 p 3-62 Item 67 p 63-102 Item 69 p 103-148 2 MTGATT 03 12 2009 Item 65 Bases neurophysiologiques de la douleur et évaluation de la douleur aiguë et chronique Item 66 Traitements médicamenteux et non médicamenteux M.T. GATT 3 MTGATT 03 12 2009 "Le monde réel" est une création de l'esprit ; certaines particularités de la pensée scientifique deviennent plus intelligibles quand on accepte cette vérité ..." Einstein, lui-même, disait à Heisenberg, en 1926, qu'il était absurde de fonder une théorie uniquement sur des faits observables : "En réalité, c'est tout le contraire qui se produit. C'est la théorie qui décide de ce que nous pouvons observer". D.O. Hebb, 1975 MTGATT 04 11 2008 4 La douleur est un phénomène subjectif ; la soigner, implique d'en bien comprendre les supports neurophysiologiques et physiopathologiques. I. NEUROPHYSIOLOGIE DE LA DOULEUR 1 - De la périphérie aux centres a) Les récepteurs Les influx nociceptifs sont générés en périphérie par les terminaisons des fibres amyéliniques dans la peau, les tissus musculaires, articulaires et les viscères. Ce sont les nocicepteurs. Les influx sont ensuite véhiculés dans les fibres C et A delta vers la moelle épinière. Le corps cellulaire des neurones se trouve dans les ganglions des racines rachidiennes postérieures. Les nocicepteurs cutanés sont très nombreux (200/cm 2). La majorité correspond à des nocicepteurs polymodaux C et A delta qui répondent à des stimuli variés (thermique, mécanique, chimique). Plus rares sont les nocicepteurs A delta répondant aux stimulations mécaniques et thermiques froides. Des fibres C distinctes non connectées à des nocicepteurs polymodaux peuvent être à l'origine des sensations de froid ou de chaleur. On rattache la douleur aiguë rapide à l'activation des fibres A delta alors que la douleur retardée correspond à l'activation des fibres C. Les champs récepteurs de ces différentes fibres (C et A delta ) se recouvrent et la stimulation même punctiforme peut stimuler un ensemble de fibres. Les fibres C sont majoritaires puisqu'elles représentent 80% des fibres afférentes cutanées et la quasi-totalité des afférences viscérales. Les nocicepteurs sont également différents selon qu'il s'agit de peau glabre ou non. Au niveau musculaire, articulaire et viscéral, il existe chez l'animal des récepteurs polymodaux A delta et C répondant à des stimulations thermiques et mécaniques, mais leur caractère nociceptif n'est pas démontré. Les terminaisons nerveuses viscérales sont sensibles à d'autres types de stimulations (mécanique par distension ou spasme). b) Les fibres périphériques Elles sont de petit diamètre, à conduction lente, de type A delta et C. Les fibres A delta transmettent une sensation de type piqûre bien localisée tandis que les fibres C évoquent une sensation de brûlure durable et mal définie. La stimulation répétitive de fibres de gros diamètre de type A bêta peut par un phénomène de sommation temporelle donner une sensation de douleur. 2 - Les centres a) L'étage médullaire Les fibres afférentes gagnent la moelle par la corne postérieure, seules quelques rares fibres parviennent à la corne antérieure dite motrice et ceci explique certains échecs de sections chirurgicales des racines postérieures à visée antalgique. Le neuromédiateur le plus connu est la substance P libérée par les fibres C. Deux catégories de cellules relaient à ce niveau : - es neurones convergents recevant les messages nociceptifs mais sensibles à d'autres modalités sensitives. Ils sont également convergents au plan topique, recevant ainsi des informations cutanées et viscérales. Cette convergence est à l'origine des douleurs projetées : douleur à la mâchoire de l'infarctus. - les neurones spécifiques qui ne peuvent être activés que par les influx nociceptifs. b) Les voies ascendantes MTGATT 04 11 2008 5 Les messages douloureux gagnent les centres cérébraux par la voie antéro-latérale croisée. Deux systèmes sont connus : le néo-spinothalamique projette sur le thalamus ventro-basal, le paléospinothalamique et le spino-réticulaire qui interviennent dans le codage de la qualité désagréable. Ils se projettent dans les régions médianes du thalamus. D'autres voies ont été identifiées : des voies homolatérales expliquant certains échecs des cordotomies, des voies cordonnales postérieures faites de fibres postsynaptiques. c) Les centres supérieurs Ils interviennent dans le traitement des informations et les adaptations comportementales. Il semble que la réticulée permet les adaptations comportementales motrices et végétatives ; que l'hypothalamus joue un rôle dans les adaptations hormonales et dans les processus de motivation ; que le système limbique fait le lien entre la douleur, les émotions et les processus de motivation; enfin, le néocortex intervient dans la composante cognitive de la perception et des comportements douloureux. 3 - Les phénomènes de sensibilisation 3 - 1 Sensibilisation des nocicepteurs Les mécanismes de la transduction au niveau du récepteur périphérique sont partiellement connus. Les nocicepteurs peuvent être activés par des stimuli thermiques, mécaniques ou chimiques. Des flux transmembranaires d'ions semblent être à l'origine de l'apparition d'un potentiel d'action. La réactivité de ce système peut se modifier essentiellement à la suite d'une modification de l'environnement tissulaire. Il a été montré que certaines substances étaient algogènes(sérotonine, bradykinine, ions H+ et K+) déclenchant l'influx alors que d'autres sont sensibilisatrices (prostaglandines, leucotriènes, histamine). Enfin, la susbtance P libérée par les terminaisons nerveuses, aussi bien en périphérie qu'au niveau central, a des propriétés vasodilatatrices qui favorisent l'exsudation plasmatique. Le nerve growth factor (NGF) s'accroît fortement lors d'une inflammation périphérique ou d'un traumatisme tissulaire. Il stimule la dégranulation des mastocytes et favorise la libération périphérique de peptides (substance P et CGRP). Ainsi les nocicepteurs vont répondre différemment à un stimulus mécanique ou thermique après création d'une lésion tissulaire. La réduction du seuil, la réponse plus importante à une stimulation supraliminaire, la latence réduite du premier influx, des décharges persistantes après une stimulation prolongée ou des décharges spontanées traduisent la sensibilisation du système. La sensibilisation jouerait un rôle pour l'allodynie et l'hyperalgésie thermique primaire alors que l'hyperalgésie et l'allodynie mécaniques primaires seraient induites par le recouvrement de champs récepteurs. De plus, il existe des récepteurs silencieux décrits au niveau articulaire ou viscéral qui ne déchargent que lors d'une inflammation. Ces nocicepteurs, une fois activés, participeraient au phénomène d'allodynie et d'hyperalgésie. Ainsi, un stimulus nociceptif peut déclencher directement une sensation douloureuse, mais en cas de lésion tissulaire secondaire à ce stimulus, une série d'événements étroitement liés aux processus inflammatoires va à son tour activer et sensibiliser les nocicepteurs. 3 - 2 Sensibilisation du système nerveux central Hyperalgésie primaire et secondaire On différencie arbitrairement une zone d'hyperalgésie primaire qui se superpose à la zone de lésion tissulaire avec des mécanismes de sensibilisation essentiellement périphériques et la zone d'hyperalgésie secondaire où prédominent les mécanismes centraux. L'hyperalgésie secondaire se traduit par une plus grande sensibilité à des stimuli mécaniques et non thermiques. L'hyperalgésie mécanique à la pression s'étend et dure plus longtemps que l'hyperalgésie au toucher. Il faut tout de suite souligner que les mécanismes centraux et périphériques sont sans doute intriqués sans que l'on connaisse la proportion de chacun d'entre eux. L'extension de l'hyperalgésie à des zones non traumatisées n'est pas uniquement due à la sensibilisation des nocicepteurs. Des travaux plus récents n'ont pas retrouvé ces phénomènes puisqu'une stimulation antidromique n'a pas permis de sensibiliser les nocicepteurs et l'extension de l'hyperalgésie est supérieure à celle de la sensibilisation des nocicepteurs. En fait, l'hyperalgésie secondaire se développe plus MTGATT 04 11 2008 6 largement que l'oedème et oedème et hyperalgésie peuvent être dissociés. Ainsi, l'hyperalgésie ne traverse jamais la ligne médiane alors que l'oedème le peut ; l'hyperalgésie dépasse en superficie la zone œdémateuse ; on peut créer une hyperalgésie sans oedème ou un oedème sans hyperalgésie (histamine). Sensibilisation neuronale L'apparition de l'hyperalgésie après injection de capsaïcine peut être contrôlée par l'injection préalable d'anesthésique local, soit par infiltration (prévention partielle), soit par bloc nerveux (prévention totale). En revanche, l'injection d'anesthésique local, une fois l'hyperalgésie installée, ne semble pas efficace. Ainsi, cette hyperalgésie s'installe si les influx nociceptifs peuvent atteindre le système nerveux et ne semble plus dépendante de la périphérie par la suite. Par microneurographie, Torebjörk et al. a montré que les neurones spinothalamiques sont sensibilisés après injection de capsaïcine dans leur champ récepteur et que l'anesthésie locale ne modifie pas ce phénomène. La sensibilisation des neurones apparaît également après stimulation électrique, inflammation ou traumatisme tissulaire pour les motoneurones, les neurones thalamiques, ou corticaux. Wind up Différents arguments expérimentaux chez l'animal tentent d'expliquer les mécanismes de cette sensibilisation centrale. Le phénomène du wind up, induit par la stimulation itérative des fibres C (fréquence élevée > 0,3 Hz), correspond à une augmentation progressive de la réponse des neurones lors de ces stimulations périphériques. Il s'agit sans doute d'un phénomène de sommation temporelle lié au fait que les potentiels post-synaptiques générés par les fibres C sont lents et se "superposent" lorsqu'ils sont répétés à intervalles brefs. Elargissement des champs récepteurs La plasticité des champs récepteurs des neurones nociceptifs est une autre donnée importante. En effet, les fibres périphériques émettent des collatérales sur un à six niveaux métamériques lors de leur entrée dans la moelle épinière. Il existe donc une zone de stimulation périphérique aux marges du champ excitateur d'un neurone ne produisant pas l'émission de potentiels d'action qui reste la seule information conduite jusqu'aux centres supérieurs. Cette idée a fait développer la notion de synapses quiescentes. Ces synapses peuvent devenir fonctionnelles lorsqu'en périphérie et/ou au niveau central, le niveau de stimulation atteint la valeur seuil. On a pu ainsi démontrer qu'une inflammation périphérique était capable d'élargir la taille des champs récepteurs neuronaux spinaux ou thalamiques. Des résultats similaires ont été obtenus pour des stimuli thermiques ou électriques. Cette extension des champs récepteurs peut représenter une explication de phénomène douloureux comme l'allodynie ou l'hyperalgésie ; on peut en effet envisager que l'élargissement des champs permet de recruter plus de fibres afférentes augmentant le signal perçu par le système nerveux central après activation de synapses quiescentes. Il semble, à partir de stimulation en amont de la zone inflammatoire et en l'absence d'influence de l'anesthésie des champs récepteurs, que la sensibilisation centrale est à l'origine de cet élargissement de champs récepteur et pas le recrutement de fibres silencieuses. Neuromédiateurs Les substances libérées au niveau de la corne dorsale de la moelle sont évaluées à une vingtaine, réparties en deux groupes principaux : les acides aminés neuro-excitateurs et les neuropeptides. Le glutamate semble jouer un rôle primordial dans la transmission nociceptive. Ce neuromédiateur agit sur deux types de récepteurs (ionotropiques et métabotropiques). Les récepteurs ionotropiques, c'est-à-dire liés à un canal ionique, sont subdivisés selon le type de ligand : N-méthyl-D-aspartate (NMDA), alpha-amino-3-hydroxy5-méthyl-4-isoxalone propionate (AMPA), au kaïnate et au 2-amino-4-phosphonobutyrate (AP4). Le récepteur NMDA est de base obstrué par un ion magnésium qui, lorsqu'il est déplacé à la suite d'un stimulus nociceptif intense, répété ou soutenu, laisse le canal ionique ouvert à une entrée massive de calcium. L'antagonisme de ce récepteur NMDA peut d'ailleurs enrayer le phénomène de wind up décrit précédemment. Les récepteurs métabotropiques sont liés à une protéine G et à une phospholipase C ou à l'adényl-cyclase qui contrôlent de nombreux seconds messagers intracellulaires : entrée de calcium, production d'inositol triphosphate (IP3) et de diacylglycérol. Il s'ensuit une cascade d'événements dont l'activation de la MTGATT 04 11 2008 7 synthétase du monoxyde d'azote (NO), puis de la guanylate-cyclase entraînant la synthèse de NO et de GMPc intracellulaire. Le NO peut agir sur différents processus intracellulaires (élimination de radicaux libres, activation des gènes à expression immédiate, modification génomique). Le NO pourrait agir par diffusion sur les neurones du voisinage et en particulier sur l'élément présynaptique. Les gènes à expression immèdiate c-Fos et c-Jun sont transcrits lors de nociception, entre autres. Ils permettent la synthèse de protéine c-Fos et c-Jun qui sont des troisièmes messagers participant à la régulation de la transcription de nombreux gènes dont ceux de la pro-enképhaline et de la pro-dynorphine. Des techniques de double marquage ont d'ailleurs montré que la protéine Fos et les ARNm de la dynorphine et de l'enképhaline semblaient colocalisés dans les couches superficielles de la moelle. Le rôle physiologique précis de ces protéines est actuellement inconnu. Elles constituent des marqueurs de l'activité neuronale et pourraient participer à la sensibilisation cellulaire. Il a été ainsi démontré que l'expression médullaire de l'ARNm de la dynorphine et de l'enképhaline, puis des protéines elles-mêmes était augmentée lors d'une inflammation périphérique (adjuvant de Freund), suggérant que ces médiateurs puissent jouer un rôle pour la réponse du système lors d'une inflammation. Le retard du pic d'expression des protéines (4 à 5 jours) suggère que ces médiateurs jouent un rôle pour la réponse du système de façon retardée. On a ainsi observé que l'administration intrathécale de dynorphine était responsable d'une augmentation d'environ 50% de la taille des champs récepteurs. Les peptides sont libérés dans les couches superficielles de la moelle. La substance P (SP) agit préférentiellement sur le récepteur à la neurokinine type NK1, tandis que les neurokinines A et B agissent plutôt sur les récepteurs NK2 et NK3. La SP modulerait la transmission synaptique dépendante des récepteurs NMDA. Le CGRP (calcitonin gene related peptide) semble potentialiser les effets excitateurs de la SP. La SP peut voir sa synthèse augmentée dans le ganglion spinal par l'inflammation périphérique ou l'injection de NGF. 3 - 3 Interaction des mécanismes périphériques et centraux Les sensibilisations périphérique et centrale sont intriquées. Déjà, les travaux anciens de Lewis, Hardy et al. essayaient d'éclaircir ce problème. En utilisant des stimulations électriques trans- ou sous-cutanées et des blocs nerveux proximaux ou distaux par rapport au site de la stimulation, ces travaux ont permis de montrer que la sensibilisation révélée par l'hyperalgésie secondaire dépendait à la fois de la stimulation centrale et des influx périphériques. Des travaux plus récents ont utilisé, soit l'injection de capsaïcine, soit la lésion thermique. Dans les deux modèles, l'infiltration périphérique permet de limiter l'extension de l'hyperalgésie sans l'abolir alors que le bloc nerveux proximal peut, dans les deux cas, empêcher l'apparition de l'allodynie mécanique ou thermique. Dans le cas de ces lésions inflammatoires, l'efficacité d'un bloc nerveux suggère que la sensibilisation centrale est déterminante pour l'apparition de l'hyperalgésie secondaire. Ces résultats ne sont pas observés en cas de stimulation mécanique, ou électrique, suggérant une différence d'efficacité en fonction du type de nociception. Le bloc anesthésique retardé permet d'évaluer si les signes d'hyperalgésie ou d'allodynie sont bien dépendants de la périphérie. Cela a été démontré pour l'allodynie mécanique au toucher et pas pour l'allodynie mécanique à la pression après injection de capsaïcine. Après stimulation électrique, l'anesthésie locale contrôlait l'hyperalgésie pour Hardy et al. mais non pour Lewis . Enfin, après lésion thermique, l'infiltration permettait de réduire sans faire disparaître l'hyperalgésie. Chez l'animal, l'injection de carragénine induit une allodynie à distance qui peut être supprimée par l'infiltration de lidocaïne dans la patte inflammatoire. Ainsi il semble bien que l'installation de la sensibilisation nécessite initialement une sensibilisation centrale alors que son entretien est dépendant des influx périphériques, au moins en cas de lésion tissulaire prolongée. Cette approche de la sensibilisation est défendue par une revue récente sur les phénomènes de sensibilisation centraux et périphériques. La sensibilisation est donc un phénomène continu dont la persistance est liée aux influx d'origine périphérique. 3 - 4 Activation des systèmes inhibiteurs Cette sensibilisation n'est pas le seul phénomène induit par la stimulation nociceptive. En effet, on a pu démontrer qu'il s'y associe une inhibition d'origine supraspinale qui semble également majorée en cas d'inflammation périphérique. Ainsi, la stimulation nociceptive induit un ensemble de phénomènes d'excitation et d'inhibition du système nerveux. Cette inhibition s'exerce à l'échelon métamérique par les systèmes inhibiteurs MTGATT 04 11 2008 8 descendants utilisant des monoamines, ainsi qu'à d'autres niveaux métamériques qui expliquent le phénomène d'inhibition diffuse centrale d'origine nociceptive. 3 - 5 Tolérance aiguë Autre domaine d'exploration plus récente : l'influence des produits utilisés en périopératoire sur l'intégration du message nociceptif. Il a été suggéré qu'une tolérance aiguë puisse se développer lors d'une administration de courte durée. Ainsi, pour le rémifentanil en perfusion continue, il a été suggéré chez des volontaires sains qu'une administration pendant 2 heures se traduisait par une disparition de l'effet analgésique. Cela a été révélé chez l'homme par des antagonistes avec d'autres morphiniques lors d'administration aigue. Plus particulier et décrit pour l'instant chez l'animal est l'effet excitateur des morphiniques avec apparition d'une allodynie mécanique chez des rats recevant une injection unique d'héroïne. Ce phénomène semble persister plusieurs jours et être prévenu par les antagonistes NMDA. Ainsi semble apparaître la signification clinique d'un effet excitateur des morphiniques qui serait en partie exprimé par des systèmes NMDA dépendants. 4 - Les contrôles de la douleur a) Modulation médullaire Depuis les travaux de Wall et Melzack en 1965, la théorie du "gate-control" a permis de mettre en évidence un des contrôles physiologiques de messages douloureux. Les fibres de gros diamètre A bêta, à destinée cordonnale postérieure, ont des collatérales qui se dirigent vers la corne dorsale de la moelle. Elles participent à l'inhibition des messages douloureux de façon métamérique comme en témoigne l'atténuation de la douleur par un massage de la région douloureuse. Le siège pré ou post-synaptique de cette inhibition n'est pas encore certain. Les implications sont : - physiopathologiques, certaines douleurs par désafférentation sont le fait de la perte de contrôle médullaire par lésion des fibres sensitives de gros diamètre, thérapeutiques, le traitement de ces douleurs est un renforcement des contrôles, la neurostimulation transcutanée ou médullaire en est une application. Des récepteurs morphiniques médullaires ont été mis en évidence au niveau synaptique. L'action spinale de la morphine a été utilisée pour le traitement des douleurs rebelles par voie intrathécale. b) Modulation du message douloureux au niveau supra - segmentaire Le contrôle supra - spinal le plus admis est le Contrôle Inhibiteur Diffus Nociceptif (CIDN). Il est induit par stimulation nociceptive et a été décrit par Lebars, des neurones nociceptifs de la corne postérieure sont puissamment inhibés par une stimulation nociceptive appliquée à distance de leur champ récepteur. Le CIDN dépend de l'intégrité d'une boucle spino-bulbo-spinal avec le faisceau spinothalamique, la SGPA et le NRM et les voies descendantes sérotoninergiques. Il explique en partie l'effet antalgique de l'acupuncture et les douleurs de contre irritation avec amélioration d'une douleur chronique par la survenue d'une douleur aigue à distance. Le noyau raphé magnus (NRM) et la substace grise périaqueducale (SGPA) sont à l'origine de puissants effets analgésiques sur l'étage médullaire. L'action de la SGPA s'exerce par l'intermédiaire du NRM. Elle activerait l'interneurone enképhalinergique de l'inhibition présynaptique des fibres C par des voies inhibitrices descendantes vers la moelle (bulbo-spinales sérotoninergiques issues du NRM ou noradrénergiques issues du locus coeruleus). Des structures cérébrales comme le cortex limbique, l'hypothalamus, modulent également les voies de la douleur, sans que l'on connaisse le détail de la carte neurochimique. L'action de la morphine est à la fois spinale directe et indirecte d'origine supra-spinale. II - MANIFESTATIONS CLINIQUES MTGATT 04 11 2008 9 Allodynie, hyperalgésie, hyperpathie La définition des principaux termes utilisés pour décrire les phénomènes physiologiques induits par le traumatisme est un préambule important. L'allodynie correspond à la réduction d'un seuil douloureux ; un stimulus normalement non nociceptif va donc être perçu comme douloureux par le patient. Une allodynie doit également être toujours caractérisée par la modalité de stimulation (mécanique, thermique, chimique) et le type de stimulus utilisé (mécanique : toucher, pression, piqûre, distension ; thermique : chaud, froid ; chimique : type de substance). L'hyperalgésie correspond à la perception douloureuse anormalement intense à un stimulus normalement douloureux. Là encore, la nature du stimulus utilisé doit être précisée. L'hyperpathie correspond à un phénomène proche de l'hyperalgésie. Ce terme comprend la notion de réponse douloureuse retardée, anormalement intense et prolongée, à une stimulation normalement douloureuse. (Etant donné leur plus grande fréquence, il sera toujours question de l'hyperalgésie et de l'allodynie mécaniques dans la suite de cet exposé, sauf précision contraire.) Quelques études cliniques se sont intéressées à l'influence du traumatisme tissulaire chirurgical sur le seuil douloureux du site opératoire ou à distance. Ainsi, après chirurgie de hernie inguinale, on a décrit une allodynie et une hyperalgésie. L'évaluation était faite par un appareil de pression standardisé (AlgometerTM) qui permet de déterminer le seuil douloureux à travers un pansement. Dans deux études concernant les patients opérés d'une hystérectomie, il a été décrit une allodynie évaluée par les fils de Von Frey. Ces fils plastiques permettent d'exercer une gamme de pressions standardisées obtenues lorsque le fil commence à se courber. Les fils de Von Frey permettent de déterminer un seuil douloureux à proximité de la cicatrice opératoire. Une étude plus récente concernant les patients opérés de néphrectomie a également analysé l'évolution de l'allodynie mécanique péricicatricielle. En utilisant le réflexe nociceptif de flexion, Dahl et al. ont démontré que le seuil du réflexe était diminué dans les heures qui suivaient une hystérectomie. En revanche, au cours de trois études faites en postopératoire, il n'a été retrouvé chez les patients opérés ni de modification des seuils sensitifs, ni d'augmentation des seuils à la stimulation électrique. L'évaluation de la douleur utilisant habituellement des tests globaux, comme l'échelle visuelle analogique, ces modifications de seuil douloureux passent souvent inaperçues. En revanche, pour la recherche clinique et la compréhension de la physiopathologie, la détermination de ces paramètres pourrait permettre d'affiner l'analyse du mode d'action et de la puissance des différentes techniques analgésiques utilisées. Douleur provoquée La douleur au mouvement représente un problème clinique important. C'est une limite importante à la mobilisation. Elle est donc pourvoyeuse de complications potentielles générales de décubitus, respiratoires par la limitation de la toux ou fonctionnelles avec limitation de la mobilité des articulations opérées. La douleur au mouvement représente une douleur provoquée par un stimulus non douloureux ; c'est une forme d'allodynie mécanique dynamique. De façon intéressante, on rejoint alors les notions plus physiopathologiques de sensibilisation périphérique ou centrale. Douleur prolongée L'intérêt sur la douleur post-opératoire s'est normalement focalisé sur la période immédiatement postopératoire. Pourtant, quelques études suggèrent actuellement la possibilité de la persistance de douleur subaiguë à la suite d'intervention chirurgicale. On a pu ainsi observer, après des chirurgies ambulatoires dites mineures, la persistance de douleur pendant plusieurs jours, nécessitant un traitement antalgique. Après chirurgie majeure, certaines études ont suggéré la persistance de douleur bien au-delà de ce qui est décrit pour MTGATT 04 11 2008 10 la persistance d'un traumatisme tissulaire. On est alors confronté à des douleurs résiduelles dont la part de nociception "pure" est sans doute limitée au profit d'une hyperexcitabilité périphérique ou centrale importante. III - LES DIFFÉRENTS TYPES DE DOULEUR La douleur est définie comme une expérience émotionnelle, désagréable, en réponse à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite en ces termes. C'est un phénomène central de perception dont on distingue quatre composantes : - la composante sensori-discriminative qui correspond aux mécanismes neurophysiologiques qui permettent le décodage de la qualité, de l'intensité et de la localisation des influx nociceptifs - la composante affectivo-émotionnelle qui donne la connotation affective rattachée à toute sensation désagréable (anxiété, dépression) - la composante cognitive fait référence à des processus mentaux divers comme l'attention, la distraction, l'anticipation et la mémorisation d'expériences antérieures ; ces processus ne sont pas toujours conscients mais influencent fortement les deux autres composantes - la composante comportementale est constituée par l'ensemble des manifestations verbales et non verbales de la personne algique (plaintes, gémissements, mimiques, attitudes antalgiques) et des manifestations neuro-végétatives. 1 - Selon le mécanisme générateur - Douleur nociceptive (par excès de nociception) lorsque les voies de transmission sont intactes et mises en jeu par un stimulus d'origine cutanée, viscérale, articulaire, musculaire ou osseux ; ce stimulus pouvant avoir un caractère mécanique, thermique ou chimique. Ces douleurs sont accompagnées par des signes liés à l'étiologie. Elles sont une indication des antalgiques et des blocs anesthésiques locaux. Elles peuvent devenir chroniques. - Douleur neuropathique (par désafférentation) lorsque les voies de conduction du message nociceptif sont lésées. Elles peuvent être soit périphériques (lésion d'un nerf, d'un plexus, d'une racine), l'agent causal peut être une chirurgie traumatique, la radiothérapie, un zona, une polynévrite, l'isoniazide, certains antibiotiques, soit centrales (lésion de la moelle, du tronc cérébral), l'agent causal peut être un traumatisme médullaire, la syringomyélie, un accident vasculaire thalamique et/ou bulbaire, une sclérose en plaque, une tumeur ... Les douleurs par désafférentation ont un fond douloureux à type de brûlure et/ou de paresthésie améliorées par le frottement ou le mouvement. Sur ce fond douloureux viennent parfois se greffer des douleurs fulgurantes à type de décharge électrique ou d'élancement dans le même territoire. Elles ont une topographie neurologique avec un déficit sensitif dans un territoire tronculaire (radial, cubital...), radiculaire (S1, C5, C7...), plexique (brachial, lombaire, sacré, cordonnal, hémicorporel (syndrome de Brown-Sequard, syndrome de Wallenberg, syndrome thalamique...), une atteinte bilatérale suspendue (syringomyélie) ou des membres inférieurs et du tronc avec un niveau sensitif (paraplégie des lésions médullaires). Toutes les douleurs ayant une topographie neurologique ne sont pas des douleurs de désafférentation (névromes, hernie discale, syndrome du canal carpien). Les douleurs neuropathiques sont l'indication des antidépresseurs tricycliques, des anticonvulsivants et de la neurostimulation. Depuis peu l’I A S P assimile à des douleurs neuropathiques deux entités : le Syndrome Régional Douloureux Complexe de type I (algodystrophie) et de type II (causalgie). - Le SRDC I est caractérisé par une douleur à type de brûlure survenant dans les suites d'un traumatisme apparaissant plusieurs jours après la lésion, siégeant à proximité de la lésion initiale, au niveau de l'articulation, mais pouvant s'étendre aux articulations sus et sous-jacentes, déclenché par des facteurs physiques et/ou émotionnels, associé à des troubles vasomoteurs et sudoraux. Puis apparaissent les troubles MTGATT 04 11 2008 11 trophiques avec amyotrophie, chute des phanères, rétraction des aponévroses et des capsules articulaires, déminéralisation osseuse. - Le SRDC II est caractérisé par une douleur à type de brûlure, survenant dans la semaine suivant une lésion nerveuse. Elle dure en général cinq semaines. Elle s'associe à des paroxysmes à type de broiement, elle est aggravée par de multiples facteurs physiques (contact des vêtements, lumière...) et psychologiques. Elle se traduit par une névralgie et une atteinte de l'articulation située à proximité du territoire traumatisé initial, mais à la longue elle peut s'étendre aux régions voisines. Il existe d'autres signes cliniques associés, allodynie ou hyperpathie, troubles vasomoteurs, troubles trophiques de la peau, des phanères, amyotrophie, ostéoporose et troubles psychologiques. - Douleur psychogène lorsque d'une part, il n'existe pas de "support" anatomique" à cette douleur (absence de lésion, négativité d'un bilan organique minutieux), lorsque la description de la douleur est franchement atypique (topographie fantaisiste, inexplicable, discours associé luxuriant, imprécis), lorsque la réponse aux antalgique est mauvaise, lorsque le médecin perçoit qu'avec cette douleur le patient exprime une demande inconsciente, lorsque la douleur apparaît dans le discours du patient directement associée à des événements de la vie affective et, enfin, lorsque la douleur s'intègre dans un tableau de nosographie psychiatrique : douleur morale du mélancolique, hallucinations et cénesthésies chez les patients délirants. L'association douleur -dépression est fréquente chez ces patients. Il est évident que la thérapeutique de ce type de douleur fait appel aux psychotropes et aux thérapeutiques psychologiques. 2 - Selon l'ancienneté de la douleur - La douleur aiguë est une douleur d'installation récente ayant pour fonction la protection de l'organisme, elle est le signal d'une lésion tissulaire imminente ou existante, le mécanisme est généralement monofactoriel (traumatisme, tumeur, infection...), les réactions végétatives sont proportionnelles à la douleur perçue (hyper ou hypotension, sueurs...), tout comme les aspects comportementaux (gémissements, grimaces...). La douleur est alors un signe aidant une démarche médicale classique conduisant à un traitement étiologique et curatif, ce qui n'exclue pas un traitement et symptomatique. - La douleur aiguë persistante (migraine, sciatique...) a des caractères identiques à ceux de la douleur aiguë précédemment décrite. Elle peut être le fait d'une mauvaise thérapeutique, d'une participation sympathique associé secondairement. L'adaptation psychologique reste bonne et les thérapeutiques adaptées restent efficaces. Cependant elle peut conduire au syndrome douloureux chronique. - La douleur chronique est définie par une plainte douloureuse évoluant depuis trois à six mois et dont les caractères sont les suivants : l'origine physiopathologique actuelle est incertaine, il existe la notion d'antécédents de traitements inefficaces, le handicap fonctionnel est exagéré, il peut exister des conduites toxicomaniaques, l'adaptation psychologique par rapport à la pathologie se caractérise par une conviction somatique de la maladie, un désir de chirurgie, une négation des conflits interpersonnels, des perturbations émotionnelles en particulier dépressives, l'existence parfois de facteurs renforçant l'installation du syndrome douloureux chronique (échappement à certains travaux pénibles, fixation de l'attention de l'entourage, avantages financiers...). L'approche doit alors être pluridisciplinaire (somatique, psychologique, comportementale, sociale). IV - CONDUITE THÉRAPEUTIQUE 1 - Rechercher l'étiologie Cette démarche s'appuie sur l'examen clinique et éventuellement des examens complémentaires. Elle renseigne en outre sur le mécanisme algogène (excès de nociception, désafférentation, psychogène) et sur la thérapeutique à entreprendre. 2 - Mettre en œuvre un traitement étiologique Lorsque le diagnostic est posé, les traitements étiologiques sont aussi variés que les étiologies. MTGATT 04 11 2008 12 3 - Établir une bonne relation Elle contribue à potentialiser la composante placebo de l'effet antalgique. Elle permet aussi de convaincre le patient de la nécessité de prises régulières, convenablement prescrites, d'évoquer la possibilité de modifications du traitement en fonction de l'efficacité et des effets secondaires, ainsi que de l'évolution du facteur causal sous traitement étiologique. 4 - Traiter le symptôme Dans certains cas les effets antalgiques du traitement étiologique sont suffisants pour ne pas nécessiter le recours à un traitement antalgique symptomatique. Dans d'autres cas le diagnostic est évoqué, mais il faut en attendre la confirmation par le résultat des examens complémentaires pour entreprendre la thérapeutique curative ; parfois la thérapeutique est instaurée, mais son effet antalgique est différé ; d'autres fois c'est le traitement lui-même qui est algogène, enfin il peut ne pas y avoir de traitement curatif. Ce dernier cas de figure souligne la nécessité d'un traitement antalgique symptomatique. 5 - Reconnaître le mécanisme algogène La douleur par excès de nociception fait appel aux antalgiques classiques (opioïdes ou non-opioïdes) auxquels on peut préférer ou associer un anti-inflammatoire non stéroïdien en cas de composante inflammatoire, un antispasmodique en cas de phénomènes spasmodiques de la musculature lisse. La douleur par désafférentation fait appel à un antiépileptique en cas de composante fulgurante, il est fait appel à un tricyclique en cas de composante permanente à type de déchirure ou de brûlure. L'antiépileptique et/ou le tricyclique doivent être prescrits pour une période d'au moins six mois, pour contrôler les phénomènes neurologiques de manière durable. 6 - Evaluer l'intensité de la douleur En raison du caractère parfaitement subjectif de la douleur, il est nécessaire de l'évaluer pour mener à bien un traitement antalgique, d'en mesurer la sévérité et d'en explorer les mécanismes physiopathologiques par des méthodes d'auto- ou d'hétéro-évaluation fiables. Ces méthodes permettent d'apprécier la quantité et la qualité de la douleur. Le concept de douleur se situe à la jonction de deux points de vue. Souvent opposés, ils sont en fait complémentaires. L'un est une approche périphérique rejoignant la notion de nociception, l'autre est centrale, neuropsychologique. L’I A S P a admis la plurimodalité. La composante sensitivo-discriminative renvoie aux mécanismes neurophysiologiques. Ceux-ci donnent les caractères intensifs qualitatifs et temporo-spatiaux. La composante affectivo-motivationnelle donne la connotation désagréable, pénible et aversive de la douleur, qui peut aller jusqu'à des états d'anxiété ou de dépression marqués. La composante cognitive atteste d'un ensemble de processus capables de moduler les autres phénomènes : signification et interprétation de la situation, attention - distraction, suggestibilité, anticipation, référence à des expériences anciennes, vécues ou observées. La composante comportementale correspond aux diverses manifestations physiologiques (réactions neurovégétatives), verbales (plaintes, cris...) et motrices (attitudes antalgiques, immobilité, agitation...). La durée d'évolution est une autre composante que l'on ne peut négliger. La douleur qui dure ne peut être appréhendée comme une douleur aiguë. Des facteurs secondaires réflexes, psychologiques, comportementaux ou sociaux jouent des rôles d'amplificateurs, trop souvent oubliés ou négligés, ils expliquent les raisons de la résistance aux traitements mêmes bien conduits, organisant le passage de la douleur - symptôme à la douleur - maladie. Avant de décrire les méthodes, il est nécessaire de rendre compte des caractéristiques de la douleur obligeant à l'évaluer : - L'absence de parallélisme anatomo - clinique Les plaintes sont très variables en raison des différences individuelles. L'évaluation est faite, afin de mieux cerner l'indication d'une thérapeutique et d'en mesurer secondairement l'efficacité. - La placebo-sensiblité MTGATT 04 11 2008 13 Aucune douleur, mêmes celles d'origine organique ne semblent échapper à cet effet placebo. Il est peu repérable en situation clinique, seules les études en double-aveugle, contrôlées permettent de démontrer son existence. - Le degré d'amélioration En cas de douleurs difficiles à traiter, l'amélioration suit la loi du tout ou rien, rendant utile des mesures plus fines pour faire apparaître cet effet. - La spécificité de la physiopathologie Malgré les progrès apportés par les travaux en laboratoires sur des modèles de douleur chronique, il n'est pas possible d'extrapoler de l'animal à l'homme. La mise au point d'antalgiques en est une des preuves, les résultats sont meilleurs chez l'animal que l'homme. - L'absence de marqueur biologique Jusqu'à présent il n'a pas été trouvé de marqueur biologique de la douleur. Si l'on en trouvait un, il faudrait valider cet outil, rien ne prouve d'ailleurs qu'il ne resterait pas une différence entre lui et la douleur clinique. Trois types d'échelles sont à la disposition des cliniciens, leur utilisation s'avérant plus ou moins facile selon les circonstances d'exploitation. 1 - Les échelles unidimensionnelles Elles donnent une mesure d'intensité. De légères modifications d'utilisation peuvent donner des changements importants dans le comportement de réponse des malades. 1 – 1 L'échelle visuelle analogue C'est la plus utilisée. L'EVA se présente sous la forme d'une ligne horizontale de 100 millimètres. Les deux extrémités de la ligne sont définies par diverses descriptions (douleur absente, douleur maximale, imaginable) . Le patient répond en traçant un trait sur la ligne. La distance entre le trait et l'extrémité douleur absente donne l'indice numérique pour le traitement de l'information. Le résultat est au millimètre près. Des variantes existent : présentation sous forme écrite ou de réglette, longueur, orientation, combinaison à une EVS (Echelle Verbale Simple). La réglette avec le déplacement d'un curseur est plus facile en cas de difficultés motrices pour le patient. Les longueurs donnant la meilleure stabilité dans le temps sont 10, 15 ou 20 cm. La présentation horizontale donne une meilleure distribution des réponses. La combinaison à une EVS s'obtient en associant à l'EVA des descripteurs disposés parallèlement à la ligne de l'EVA. Elle devient une échelle graphique. 1 - 2 L'échelle verbale simple Elle est la plus simple, constituée de 4 à 5 catégories ordonnées de descripteurs. Ils sont rangés dans un ordre croissant. Des erreurs se glissent lors de la multiplication des catégories qui n'impliquent pas toujours un accroissement correspondant du nombre d'intervalles. 1 - 3 L'échelle numérique Le patient donne une note de 0 à 10. Zéro correspond à l'absence de douleur, dix correspond à la douleur insupportable. Un soulagement de 50% est un indice global souvent utilisé en clinique comme attente du patient. Avantages et inconvénients de ces échelles MTGATT 04 11 2008 14 a) Les échelles unidimensionnelles se prêtent à des passations rapides permettant de faire un grand nombre de mesures pour étudier une cinétique d'antalgique par exemple. L'EVS nécessite des capacités d'abstraction que n'ont pas tous les patients. La mesure du score sur l'EVA peut être source d'erreurs. L'EN ne pose aucun problème de ce point de vue. b) L'EVA semble avoir la plus grande sensibilité. c) Des trois échelles l'EVA est celle qui a la plus grande fidélité. Elles tendent à donner une idée trop simple de la douleur. Elles mesurent une intégration imprécise de facteurs variés et par la même méconnaissent la complexité de la douleur. D''autres évaluations s'avèrent nécessaires pour compléter ces données. 2 - Les échelles verbales multidimensionnelles Dans certains cas les malades emploient spontanément des qualificatifs parfaitement évocateurs de l'étiologie causale : brûlure pour le SRDC, décharges électriques pour une névralgie. Certains qualificatifs s'appliquent plus au retentissement affectif de la douleur. Les questionnaires mis au point visent à déceler des indices plus précis. 2- 1 Le Mac Gill Pain Questionnaire (MGPQ) Il a été mis au point par Melzack aux Etats-Unis. Il comporte une liste de 78 qualificatifs, répartis en 20 sous-classes et explore les aspects qualitatif et quantitatif de la douleur. Son élaboration a été longue et déterminante pour les autres questionnaires réalisés par la suite. Son utilisation est complexe et il ne peut être considéré comme un outil de routine sauf dans des structures spécialisées disposant de temps et de moyens d'analyse des résultats. Il est discriminatif. 2 - 2 Le questionnaire Douleur de Saint Antoine (QDSA) Il correspond à une traduction du MPQ non mot à mot, mais en fonction du vocabulaire le plus adapté à la population française. Il comporte 61 items, répartis en 17 sous-classes : 9 sensorielles, 7 affectives et 1 évaluative. Un questionnaire de même type, plus condensé vient d'être proposé. Avantages et inconvénients Ils donnent une très bonne évaluation quantitative et qualitative. Ils sont à préférer pour les essais cherchant à explorer les diverses composantes de la douleur et les mécanismes d'un effet analgésique. Ces questionnaires demandent trop de temps pour être utilisés et interprétés en routine. Ils ne peuvent être utilisés de façon très rapprochée. Ils nécessitent un très bon degré de compréhension et d'aptitude verbale des patients. III- Les échelles comportementales Dans la douleur aiguë l'évaluation du comportement peut s'avérer utile lorsqu'il est difficile d'établir une communication verbale (bébé, dément, vieillard, syndromes déficitaires). En cas de douleur chronique, apprécier le retentissement sur le comportement est également justifié. Il en est de même lorsqu'on souhaite évaluer l'effet à long terme d'une thérapeutique antalgique, médicament, kinésithérapie, etc... Le résultat final ne pouvant seulement s'objectiver par le soulagement exprimé par le patient, il doit être apprécié au vu des modifications observées sur son comportement quotidien. Afin que l'observateur n'ait pas un point de vue arbitraire, il lui faut disposer d'indices objectifs, reproductibles et fidèles d'un observateur à l'autre. Plusieurs échelles ont été mises au point : MTGATT 04 11 2008 15 - Bonnel et Boureau ont proposé une échelle en 5 catégories qui peut être remplie après observation directe pour la douleur de l'accouchement. L'indice comportemental et non l'indice subjectif est corrélé significativement avec le niveau d'anxiété en pré partum. Keefe et Block ont au point une méthode d'évaluation basée sur l'observation au magnétoscope des comportements douloureux chez le patient lombalgique au cours de diverses situations standardisées. Bourrhis et coll. ont décrit trois échelles comportementales qui permettent d'apprécier le comportement douloureux des malades cancéreux hospitalisés. A l'Institut Gustave Roussy, Picquard-Gauvain a mis au point les premières échelles d'évaluation de la douleur des enfants cancéreux et douloureux chroniques, la plus connue est le D E G R qui comporte 12 items avec sous - cotation de 1 à 4. Chez les patients douloureux chroniques et ambulatoires Boureau et coll. ont cherché à mesurer l'importance du retentissement de la douleur sur les activités de la vie quotidienne. Le questionnaire comporte 15 items. Le score obtenu a une forte corrélation avec les scores de dépression. Chez le sujet âgé non communicant l'échelle Doloplus 2 est recommandée par l'HAS, elle comporte 10 items pour évaluer le retentissement somatique, psychomoteur et psychosocial de la douleur Le choix des échelles et des questionnaires ne saurait être laissé au hasard et si les possibilités de recueil des données amènent à préférer un type plutôt qu'un autre, ce choix doit être fait à partir de modèles validés pour l'évaluation recherchée. 6 - Quelques règles sont à rappeler - La prescription d'un placebo n'a pas d'intérêt, même s'il se révèle efficace dans 30% des cas. Le patient placebo - sensible risquerait de passer pour un simulateur alors que tout sujet est potentiellement placebo - sensible et qu'il s'agit simplement d'un exemple d'analgésie psychogène qui s'explique par les mécanismes d'analgésie intrinsèque (voir chapitre IV). - Pour chaque antalgique, il importe de connaître la dose minimale efficace et la dose maximale toxique. Des tableaux de doses équianalgésiques d'antalgiques ont été déterminés à partir de différentes études (HOPKINSON et coll., HOUDE et coll., KANTOR et coll., MUKERJEE et coll.). L'erreur la plus fréquente est un sous - dosage de la substance administrée aboutissant à une sous-évaluation de l'efficacité analgésique. Des accidents de surdosage peuvent être observés par ignorance de la dose maximale, par une mauvaise appréciation de la métabolisation ou de l'élimination de la substance (insuffisance hépatique ou rénale). - L'horaire de l'administration est fonction de l'horaire de la douleur et de la cinétique des effets analgésiques de la molécule. Pour une douleur inflammatoire, la prescription de l'analgésique doit se faire à un horaire tel que le pic d'effet et la durée d'action de la molécule coïncide avec l'horaire de survenue et la durée de la douleur. Pour une douleur intermittente éventuellement signalée par des prodromes ou se déclenchant à l'occasion d'un exercice physique, l'analgésique est prescrit dès l'aura ou dès la mise en activité. Pour une douleur permanente, la prescription doit être régulière selon un intervalle de temps déterminé par la cinétique d'action de l'antalgique, assurant ainsi un contrôle continu de la douleur, proscrivant ainsi l'administration "à la demande". - Surveiller la tolérance de l'antalgique : les effets secondaires immédiats possibles sont les réactions allergiques même en l'absence de tout antécédent, en particulier pour l'acide acétyl salicyclique, la noramidopyrine. Pour les morphiniques on surveillera la survenue de nausées, de vomissements souvent contrôlables par les antiémétiques, l'apparition de somnolence, d'excitation euphorique, d'hallucinations, de dépression respiratoire. Ces effets indésirables surviennent souvent chez le vieillard dont les posologies sont souvent de 30 à 60% inférieures à celles de l'adulte, ils peuvent imposer l'arrêt du traitement et l'utilisation d'un antagoniste pur type naloxone. V - L' EFFET PLACEBO 1 - DEFINITION MTGATT 04 11 2008 16 a) Le placebo Il a été pour la première fois décrit en 1811 dans le HOPPER's MEDICAL DICTIONNARY comme une "médication prescrite plus pour plaire au patient que pour lui être utile". Sa reconnaissance officielle par la communauté médicale date de 1946. Shapiro en donne la définition suivante en 1964 "tout procédé thérapeutique ou composante de ce procédé, donné intentionnellement pour avoir un effet sur un syndrome, un symptôme ou un patient, mais qui est objectivement sans activité spécifique pour la condition traitée". Deux classes sont reconnues : - le placebo pur, forme médicamenteuse ne contenant aucun principe actif pharmacologique, lactose, sérum physiologique. le placebo impur, médicament actif dont les propriétés pharmacologiques sont sans effet sur le symptôme maladie traitée. La vitamine B12 n'est antalgique que par son effet placebo. Cette notion de placebo peut s'étendre à toute procédure thérapeutique. b) L'effet placebo Il découle de la prescription d'un placebo. Il peut améliorer le sujet placebo - répondeur, ne pas l'influencer si le sujet est placebo non - répondeur, l'aggraver avec l'apparition de nouveaux symptômes en cas nocebo-répondeur. L'effet placebo par extension est aussi le fait de tous les effets psychologiques, physiologiques ou psychophysiologiques de toute médication donnée avec une intention thérapeutique. Ces effets sont indépendants des effets pharmacologiques de la substance ou des effets spécifiques de ces effets pharmacologiques ou des effets spécifiques des effets ou des effets spécifiques du procédé. Ils agissent par l'intermédiaire de mécanismes psychologiques (schéma III). 2 - CARACTÉRISTIQUES PHARMACOLOGIQUES DE L' EFFET ANALGÉSIQUE PLACEBO a) L'efficacité analgésique - Une diminution de 50% de l'intensité douloureuse par le placebo est remarquée par Beecher chez environ 35% des patients. Une variable non négligeable est l'existence d'erreurs commises par le patient en évaluant sa douleur, ainsi que l'évolution propre d'une douleur dans un contexte pathologique donné. - Le placebo interagit avec la substance dite verum de façon additive. - Une relation dose - effet peut être vérifiée pour le placebo, 2 comprimés sont plus actifs qu'un seul. b) Cinétique des effets antalgésiques Elle présente de grande similitude avec celle du verum, tant pour la latence d'installation, le pic d'activité que pour la durée des effets, l'administration du placebo pouvant se faire par voie orale, souscutanée, intramusculaire ou péridurale. La durée de l'effet antalgique du placebo peut aller au-delà de l'arrêt du traitement comme pour le verum. De la même manière ses effets peuvent s'épuiser. c) Effets indésirables Ils peuvent être du même type de ceux du verum, moins fréquemment toutefois. Tous les symptômes sont envisageables : épigastralgies, asthénie, nausées, vertiges, somnolence... 3 - FACTEURS INFLUENCANT L' EFFET PLACEBO a) Caractéristiques du patient MTGATT 04 11 2008 17 1- Age répondeurs. Les études ne donnent pas de résultats concordants entre le répondeurs et les non 2- Sexe Il n'a pas d'influence. 3- Pathologie présentée Selon les publications, il a été trouvé de différence significative entre les douleurs transitoires pour lesquelles l'effet placebo est retrouvé dans 54% des cas en moyenne et les douleurs chroniques pour lesquelles l'effet n'agit que dans 26 à 41% des cas. 4- Intensité de la douleur initiale Plus la douleur initiale est forte, plus l'effet placebo est marqué pour la plupart des études. 5- Personnalité du patient Les sujets extravertis sont de meilleurs placebo - répondeurs que les sujets psycho-rigides et plus contrôlés sur le plan émotionnel qui s'avèrent plutôt placebo non - répondeurs. Ces aspects sont néanmoins peu évidents et ne permettent pas de donner une idée prédictive de la réponse placebo. La sensibilité au placebo n'est pas corrélée au degré de la suggestibilité. L'anxiété joue un rôle déterminant pour l'analgésie placebo, sa réduction augmente l'analgésie. 6- Aspects cognitifs Les attentes du patient vis à vis du traitement proposé sont déterminantes. Les convictions du patient de recevoir ou non un traitement actif, indépendamment de la suggestion faite par le médecin, les convictions propres du patient induites par ses expériences personnelles ou celles véhiculées par les médias influencent l'effet placebo, telle la réputation d'efficacité supérieure de la voie I. M. sur la voie orale, le traitement fait à l'endroit de la zone douloureuse, le conditionnement et la renommée d'un médicament. b) Caractéristiques du médecin 1- La conviction du médecin dans l'efficacité du traitement induit une modification de la réactivité du patient au placebo. 2- Les suggestions, l'attitude de bienveillance du médecin induisent de meilleurs résultats pour le placebo, si par exemple dans une étude de douleur expérimentale le médecin suggère à un des groupes de tester quel est l'antalgique le plus fort. 3- Influences de l'environnement Le lieu de traitement et les attitudes des intervenants peuvent majorer ou minorer l'effet placebo. L'hospitalisation a ainsi un effet très favorable, le contact avec d'autres patients ayant déjà eu le traitement avec des effets favorables renforcera l'effet placebo. De ces différentes constatations il ressort la nécessité lorsque l'on teste un nouvel antalgique, de faire des études en double essai contrôlé, réalisée en double aveugle. La prescription d'un placebo soulève un problème éthique dans le cas de douleurs très intenses, sous réserve qu'il n'existe pas de traitement connu et que l'essai est court, cela reste concevable à la condition que le malade soit bien au courant du protocole MTGATT 04 11 2008 18 L'analgésie psychogène du placebo ne permet en aucun cas de conclure à l'origine imaginaire des douleurs. Elle ne traduit que la confiance du patient dans la réussite du traitement en même temps que ses capacités personnelles d'influencer ou de contrôler sa douleur. Il faut prescrire en établissant une bonne relation de confiance avec le patient et tenir compte de ses croyances et de ses attentes. VI - LES TRAITEMENTS VI-1- LE TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX VI-1-1 ANTALGIQUES NON OPIOIDES L'association éventuelle de propriétés antalgiques, anti-inflammatoires et antipyrétiques, conduit à classer les antalgiques anciennement dénommés "périphériques" en trois groupes : antalgiques purs, antalgiques antipyrétiques, antalgiques antipyrétiques et anti-inflammatoires. 1 – ANTALGIQUES PURS * Ce groupe comportait jusqu'à il y a quelques années : un dérivé indolique, la clométacine, deux dérivés de l'amino-4-quinolénine, la glafénine et la floctafénine. Par suite de la survenue de nombreux cas d'hépatites cytolytiques très graves, de chocs anaphylactiques mortels ainsi que d'insuffisances rénales immuno-allergiques, ces différents antalgiques sont maintenant retirés du marché. 1 –1 Floctafénine: son activité antalgique apparaît après 15 à 30 minutes et dure environ 5 à 8 heures. Sur des douleurs postopératoires, 1 comprimé de 200 mg est équi-analgésique à 600 mg d'acide acétyl salicylique et à 130 mg de dextropropoxyphène. Sur des douleurs arthrosiques 800 mg/jour de floctafénine équivalent à 800 mg d'ibuprofène. Par suite de risques de réactions allergiques cutanéo-muqueuses ou générales (choc anaphylactique), cette molécule ne peut être utilisée comme antalgique de première intention et se trouve contrindiquée en cas d'antécédents d'hypersensibilité à l'anthrafénine. 1 - 2 Néfopam : dérivé de la benzoxacine, son action inhibitrice sur le recaptage de la sérotonine, de la dopamine, de la nodrénaline ainsi que sa faible action anticholinergique plaident en faveur d'une action centrale, d'autant qu'aucun effet anti-inflammatoire n'est observé au niveau périphérique. Il posséde une action antihyperalgésique centrale lorsqu’il est associé au paracétamol en IV. Disponible uniquement en ampoule de 20 mg injectable par voie IV, ses effets antalgiques apparaissent après 15 à 30 minutes, durent 4 à 6 heures et sont équivalents à ceux de 12 mg de morphine. Son indication concerne surtout des douleurs peu intenses et de courte durée (quelques jours).La dose maximale est de 120mg/j. Il est contre-indiqué chez des patients présentant des antécédents convulsifs ou porteur d'adénome prostatique ou de glaucome à angle fermé, non traités par suite de ses effets de type atropinique. 2 - ANTALGIQUES ANTIPYRÉTIQUES Ce groupe comprend le paracétamol, dérivé du para-aminophénol, et la noramidopyrine, dérivé de la pyrozalone. 2 - Paracétamol Il est complètement absorbé en 30 à 60 minutes au niveau de la muqueuse gastrique après ingestion orale, puis métabolisé dans le foie en composés glycuro- et sulfoconjugués et éliminé à 95% dans les urines sous forme de métabolites conjugués. Sa demi-vie plasmatique, d'environ 2 heures chez le sujet normal, est prolongée chez l'insuffisant hépato - cellulaire et le nourrisson. MTGATT 04 11 2008 19 En cas de surdosage (dose supérieure à 8 g), une proportion importante de paracétamol est transformée en N-acétyl-p-benzoquinine imine (NAQI) qui peut induire une cytolyse hépatique à moins d'être neutralisée par le N-acétylcystéine (Fluimicil) La puissance antalgique du paracétamol est comparable à celle de l'acide acétyl salicylique. Chez l'adulte, son activité antalgique se différencie de celle du placebo à partir de 400 mg, plafonne vers 1 g avec une durée d'action de 4 à 6 heures. La posologie recommandée est de 0,5 g à 1 g par prise, toutes les 4 à 6 heures, avec une dose maximale de 4 g/j, qui doit être moindre en cas d'insuffisance hépatique ou rénale. Une forme injectable est disponible le Perfalgan. 3 - ANTALGIQUES ANTIPYRÉTIQUES, ANTI - INFLAMMATOIRES Ce groupe comprend les salicylés et les AINS. Leur activité antalgique résulte principalement d'une inhibition de la synthèse des prostaglandines périphériques responsable, par ailleurs, de leurs effets secondaires gastro-intestinaux rénaux et hématologiques. 3 – 1 Acide acétylsalicylique L'aspirine est présente dans de très nombreuses spécialités conditionnées sous différentes formes galéniques pour en réduire le potentiel ulcérogène gastrique. Les comprimés simples étant particulièrement irritants pour la muqueuse gastrique, des formes hydrosolubles ou effervescentes (Aspégic, Catalgine, Solupsan) et tamponnées (Solupsan) ont été mises au point pour diminuer le temps de contact de l'aspirine avec la muqueuse gastrique, voire favoriser sa résorption précoce au niveau de l'intestin grêle. Les formes solubles ou effervescentes sont ainsi plus vite (10 à 30 secondes) et mieux résorbées (70%) que les comprimés simples d'aspirine (30 à 60 secondes, 50%), d'où une plus grande rapidité et efficacité antalgique. Il existe aussi des aspirines entériques (Aspirine pH 8, Aspirine entérique) libérant lentement l'acide acétyl-salicylique en milieu alcalin à partir du duodénum et présentant une moindre toxicité gastrique. Leur cinétique antalgique avec une action retardée (3 à 4 heures) ou prolongée (8 à 12 heures) est particulièrement adaptée au traitement des douleurs chroniques. L'aspirine per os se montre antalgique chez l'adulte à partir de 400 mg par prise avec un plafond antalgique vers 1 g et une durée d'action de 4 à 6 heures pour les formes comprimés et solubles. La dose analgésique maximale à ne pas dépasser est de 4g/j. L'effet antipyrétique résulte, comme pour le paracétamol, d'une action au niveau des centres hypothalamiques de la thermorégulation. Son activité anti-inflammatoire, différente de son activité antalgique, n'apparaît qu'à partir d'une posologie de 3 à 4 g/j. En dehors de ses effets ulcérogènes, hyperuricémiants (pour des doses inférieurs à 2 g/j), des réactions d'hypersensibilité (érythème, urticaire, oedème laryngé,bronchospasme, choc anaphylactique), l'aspirine allonge le temps de saignement par inhibition de l'agrégation plaquettaire. Cet effet apparaît dès la posologie de 150 mg/j et se prolonge pendant 6 à 8 jours. 3 – 2 Anti-inflammatoires non stéroïdiens Connus depuis longtemps pour leurs propriétés anti-inflammatoires, les AINS possèdent également des effets antalgiques résultant de leur action inhibitrice sur la synthèse des prostaglandines et précédant l'installation de leurs effets anti-inflammatoires. Même si l'on peut penser que tous les AINS possèdent cette activité antalgique spécifique, seules certaines molécules ont reçu leur indication spécifique d'antalgiques pour la sédation de douleurs modérées à intenses. Il s'agit de l'ibuprofène, du fénoprofène, de l'acide méfénamique, du kétoprofène et du kétorolac. Leur effet antalgique dure de 4 à 8 heures et plafonne à partir d'une certaine dose : 400 mg pour l'ibuprofène, 100 mg pour le kétoprofène, 30 mg pour le kétorolac. Ils se donnent toutes les 8 heures. Injectés lentement par voie IV, le kétoprofène (100 mg) ou le kétorolac (30 mg) se révèlent équi-analgésiques à certains morphiniques (10 mg de morphine orale , 0,3 mg de buprénorphine sub-linguale), et trouvent leur indication pour la sédation de douleurs postopératoires modérées à intenses. MTGATT 04 11 2008 20 En dehors de leur indication à visée antalgique spécifique, les AINS sont particulièrement indiqués pour des douleurs relevant de pathologies inflammatoires (rhumatisme, cancer...), où leur posologie peut être augmentée afin d'obtenir des effets anti-inflammatoires plus importants. Leur prescription impose de respecter préalablement leurs contre-indications et de savoir surveiller, voire prévenir la survenue d'éventuelles complications gastro-intestinales, allergiques et hématologiques. VI-1-2 ANTALGIQUES OPIOÏDES En fonction leur puissance antalgique, on distingue les opioïdes faibles utilisés pour les douleurs d'intensité modérées (palier 2 de l'OMS) et les opioïdes forts pour les douleurs modérées à fortes (palier 3 de l'OMS). Selon leur action sur les récepteurs opioïdes, ils sont classés en agonistes purs, agonistes partiels - antagonistes et agonistes-antagonnistes. Les plus utilisés sont les agonistes mû et kappa dont la puissance est dose-dépendante. Leur emploi est fonction de leur durée d'action et leur demi-vie d'élimination. Ces constantes peuvent varier en fonction de l'âge, du terrain et des capacités de métabolisme et d'élimination du patient. AGONISTES FAIBLES : CODÉINE, DEXTROPROPOXYPHENE, TRAMADOL - la codéine ou méthylmorphine est bien absorbée au niveau intestinal (70%) et rapidement métabolisée au niveau hépatique, soit en dérivés glycuronés, soit en morphine (10%). Dans la mesure où ses effets antalgiques précèdent souvent l'apparition d'un taux significatif de morphine dans le sang, on s'accorde actuellement pour attribuer une partie de son effet antalgique à sa transformation en morphine, sans pour autant pouvoir expliquer la totalité des mécanismes d'action. Par voie orale, 30 mg de codéïne se révèlent équi-analgésiques à 650 mg d'aspirine et ont une durée d'action d'environ 4 heures. La codéïne peut se prescrire seule ou en association le plus souvent avec du paracétamol qui présente une cinétique d'action comparable à celle de la codéïne. A partir de 20 mg, la codéïne présente une antalgie additive avec 400 à 500 mg de paracétamol. Sous forme de dihydrocodéine, elle est à libération prolongée permettant une administration toutes les 12 heures Qu'elle soit prescrite seule ou en association, la codéïne induit des effets secondaires, nausées, somnolence, constipation, assez fréquents lorsque la dose quotidienne excède 100 à 200 mg par jour, effets limitant souvent sa prescription au long cours. le chlorhydrate de dextropropoxyphène (DXP), administré par voie orale, a une durée d'action de 4 heures, sa demi-vie est de 8 à 10 heures. Son métabolite principal, le norpropoxylène, a une demi-vie encore plus longue de 15 à 20 heures et peut se révéler hépatotoxique en cas d'accumulation. Le DXP est prescrit seul ou associé à du paracétamol. La posologie recommandée est de 3 à 6 mg/kg/j répartie en trois prises. Dans les conditions d'utilisation thérapeutique, la codéïne et le dextropropoxyphène ne présentent aucun risque de dépression respiratoire ou de potentiel toxicomanogène. Les seules dépressions respiratoires observées l'ont été à l'occasion d'ingestion massive et brutale de codéïne (1 à 1,5g). Des cas de dépendance physique ont été constatés à l'occasion de prescriptions prolongées (plus de 2 mois) de doses élevées de codéïne (plus de 300 mg/j) ou de DXP (600 à 700 mg/j). - le tramadol a une double action, il est agoniste des récepteurs mu et a un effet monoaminergique central en inhibant la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine. Ce mécanisme est impliqué dans le contrôle de la transmission nociceptive centrale avec un intérêt potentiel dans le traitement des douleurs neuropathiques. 90% du tramadol est métabolisé par le foie par O- et N-déméthylation. Sa demi-vie d’élimination est entre 5 à 7 heures. En cas d’insuffisance hépatique ou rénale sa demi-vie plasmatique peut doubler. Sa puissance analgésique serait 1/10 à 1 /6 de celle de la morphine. Il ne doit pas être associé aux IMAO. Il existe un risque épileptogène avec tous les antidépresseurs et un risque d’apparition d’un syndrome sérotoninergiques avec tous les sérotoninergiques. Les effets secondaires les plus fréquents sont des nausées, des vomissements, des vertiges, une somnolence, une hypersudation et une constipation. MTGATT 04 11 2008 21 Il est présenté sous une forme orale soit à action immédiate à 50 mg ou 37,5 mg (associé au paracétamol), soit à libération prolongée à 50, 100, 150, 200 mg. La posologie recommandée est 1 à 2 gélules à 50 mg, toutes les 4 à 6 heures, la dose maximale est de 400 mg par jour. Pour les formes à libération prolongée, la posologie conseillée est 50 à 200 mg en prise biquotidienne sans dépasser 400 mg par jour. La voie injectable est réservée aux douleurs post-opératoires ou si la voie orale est impossible, elle n’est pas disponible en ville. Les ampoules sont conditionnées à 100 mg, à injecter en perfusion lente IV en 30 à 60 minutes pour éviter les nausées puis 100 mg toutes les 4 à 6 heures, la dose maximale est de 600 mg par jour. Une forme associée au paracétamol a obtenu l’AMM pour les douleurs modérées à intenses ne répondant aux antalgiques de palier 2 utilisés seuls. OPIOIDES AGONISTES - ANTAGONISTES : NALBUPHINE, BUPRÉNORPHINE Par suite de leurs propriétés antagonistes, ces molécules ne doivent en aucun cas être associées aux agonistes purs ou être prescrites immédiatement après l'arrêt d'un traitement comportant de fortes doses de morphine, la survenue d'un syndrome de sevrage est alors probable. - la nalbuphine présente une activité kappa agoniste et mu antagoniste, lui conférant une puissance antalgique équivalente à la morphine. Administrable seulement par voie parentérale, l'analgésie induite par 10 mg apparaît après 2 à 5 secondes par voie IV et 15 à 20 secondes par voie IM et dure 5 à 6 heures, selon les sujets. Chez l'adulte, son activité antalgique et ses effets dépresseurs respiratoires n'augmentent plus au-delà de 30 mg alors que ses effets indésirables à type de somnolence, de troubles du comportement, de nausées, de vomissements continuent de s'accroître. Sa tolérance hémodynamique et cardiaque est excellente, permettant de l'utiliser en urgence - la buprénorphine est un antagoniste partiel mu et kappa présentant une très forte affinité pour les récepteurs mû - 50 fois supérieure à celle de la morphine - expliquant la faible efficacité, voire l'inefficacité, de la naloxone à supprimer les effets dépresseurs respiratoires en cas de surdosage. Une voie sublinguale est possible, 3 à 6 glossettes sont autorisées par jour, 2 glossettes de 0,2 mg sont équi-analgésiques à 0,3 mg en SC. Le délai d’action est de 15 à 60 minutes. L’activité maximale est obtenue en 2 heures et durant 6 à 8 heures. Par voie parentérale, SC ou IV, le délai d’action est de 10 à 20 minutes. Des effets secondaires à type de somnolence, de nausées, de vomissements peuvent survenir dans les premiers jours plus fréquemment qu'avec la morphine, mais ils s'estompent souvent au-delà de la première semaine d'administration. L’existence d’un effet plafond rend peu intéressante cette molécule puisque au-delà d’une dose, mal connue chez l’homme, les effets analgésiques n'augmentent plus. AGONISTES OPIOIDES FORTS : MORPHINE, HYDROMORPHONE, OXYCODONE, FENTANYL - la morphine est l'opioïde de palier 3 de l'OMS à utiliser en première intention. La morphine est rapidement résorbée après administration orale, avec une biodisponibilité de 30%, résultant d'une importante inactivation lors du premier passage hépatique. Sa métabolisation par glycuro-conjugaison donne naissance à la morphine3-glycuronide (M3G), métabolite actif, et à la morphine-6-glycuronide (M6H), métabolite présentant des propriétés agonistes supérieures à celles de la morphine. L'élimination de la morphine se fait principalement sous forme de métabolites M3G et M6G dont l'élimination est retardée en cas d'insuffisance rénale. La demi-vie de la morphine chez le sujet sans insuffisance hépatique ou rénale varie entre 2 et 4 heures. Par voie souscutanée et intra - musculaire, la résorption est complète. Les effets analgésiques de la morphine apparaissent après 10 secondes par voie IV, 20 secondes par voie IM et 30 à 60 secondes par voir orale, avec une durée d'action d'environ 4 heures. Cette courte durée d'action oblige à des administrations répétées IM ou SC ou per os (4 à 6 fois par jour) pouvant gêner le confort du patient. L'utilisation des formes orales doit être précoce en cas de douleurs résistantes aux traitements de paliers 1 et 2. Ces formes orales existent sous forme de chlorhydrate de morphine en solution aqueuse et sous forme de sulfate de morphine à libération immédiate ou prolongée. En cas d'administration orale impossible l'administration parentérale continue SC ou IV avec antalgie autocontrôlée est préférée Les effets secondaires à type de nausées, de constipation seront prévenus systématiquement pour permettre au patient d'apprécier au mieux son confort antalgique. En l'absence de contre-indication ou de surdosage facilité par une insuffisance rénale, il est rarissime d'observer une dépression respiratoire majeure qui peut toujours être renversée par l'administration de naloxone. Si après administration prolongée de morphine MTGATT 04 11 2008 22 (quelques semaines ou mois), l'état clinique du patient ne justifie plus une telle prescription, la posologie de morphine doit alors être diminuée progressivement par palier de 30 à 50% en une semaine, pour éviter la survenue d'un syndrome de sevrage. Il est exceptionnel que des patients traités au long cours par la morphine pour des douleurs intenses nociceptives deviennent dépendants de celle-ci. Pour ces rares cas, un sevrage sans syndrome de manque peut être effectué en milieu hospitalier en recourant à la clonidine. - l'hydromorphone est un agoniste pur actif sur les récepteurs mu et delta. Elle est métabolisée en hydromorphone-3-glucuronide seul. L’élimination est rénale et fécale . Elle est disponible sous forme à libération prolongée Sophidone en gélules à 4, 8, 16 et 24 mg. Le rapport équi-antalgique est de 1mg d’hydromorphone pour 7,5mg de morphine. La durée d’action de chaque gélule est de 12 heures. Les gélules peuvent être ouvertes car elles contiennent des granules à libération prolongée ; ces granules ne doivent pas être pilés (voie orale ou sonde gastrique de diamètre supérieur ou égal à 16 Gauge, extrémité distale ouverte ou pores latéraux). L'hydromorphone est indiquée dans "le traitement des douleurs intenses d'origine cancéreuse en cas de résistance ou d'intolérance à la morphine" (AMM). - l’oxycodone est un agoniste pur. Une partie de son action s'explique par la mise en jeu des récepteurs delta. Elle est métabolisée au niveau hépatique en noroxycodone, oxymorphone, et monoroxymorphone ; métabolites eux-mêmes glucurono-conjugués. La noroxycodone qui est le principal métabolite, n'a pas d'activité connue. L'oxymorphone est un antalgique plus puissant que la molécule - mère mais sa concentration plasmatique ne représente que le trentième de la concentration d'oxycodone. L'oxycodone et ses métabolites sont éliminés principalement par le rein. L'oxycodone est commercialisée sous forme de gélules à libération prolongée Oxycontin dosées à 10, 20, 40 et 80 mg et à libération immédiate Oxynnorm à 5, 10 et 20 mg. La durée d'action est de 12 heures. L'utilisation d'une forme LP est contre-indiquée en situation d'insuffisance rénale ou hépatique sévère. Une forme injectable à 10mg vient d’être commercialisée, elle est réservée à l’usage hospitalier. - le fentanyl transdermique est conditionné sous forme de patchs de Durogésic dosés à 12, 25, 50, 75 et 100 microgrammes/heure. Un patch est changé tous les trois jours. Dans l'intervalle des antalgiques de palier 2 peuvent être adjoints pour adapter le traitement. Vingt cinq microgrammes sont à peu près équivalents à une dose comprise entre 60 et 90 mg selon DONNER (tableau d’équivalence). Le maximum d’activité commence environ 10 heures après l’application du patch. Lors d’un changement de morphinique l’application du patch se fera à la même heure que la pose précédente. La forme transdermique permet une délivrance systémique continue, toutefois des modifications cutanées telles que sueurs, hyperthermie, irritation locale, peuvent augmenter l’absorption. Le patch ne doit être ni coupé, ni recollé. Le fentanyl est métabolisé dans le foie et l’élimination est rénale (75% de métabolites inactifs) et rectale. Il est utilisable pour des douleurs intenses stables sans paroxysmes, mais également lorsque la voie orale est impossible du fait de nausées ou de vomissement rebelles au traitement, en cas d’occlusion, de malabsorption digestive ou en cas de polymédication orale gênante pour le patient. Il ne doit pas être utilisé pour l’initiation d’un traitement en raison d’une fentanylèmie atteinte en 24 à 72 heures et de la nécessité d’augmentation de la dose initiale de 100% Le risque de dépression respiratoire est celui de tous les traitements morphiniques, en cas de survenue, le premier geste à faire est l'ablation du patch, puis l'injection adaptée de naloxone. - la méthadone en France est en principe réservée au traitement de substitution des addictions aux opioïdes, sous forme de sirop en récipient unidose de 5, 10, 20, 40 et 60 mg (AMM). Cependant, elle est utilisée, notamment dans les pays anglo-saxons, dans les douleurs mal soulagées par la morphine (même à hautes doses) et/ou lorsque cette dernière induit trop d'effets indésirables. Son mécanisme d'action est original puisqu'elle se comporte non seulement comme un agoniste des récepteurs des opioïdes, notamment de type mu, mais également comme antagoniste des récepteurs NMDA(NMéthyl-D-Aspartate) impliqués dans les phénomènes de sensibilisation centrale qui apparaissent dans les douleurs persistantes, notamment neuropathiques. Sa biodisponibilité par voie orale est voisine de 70 %. Le pic plasmatique est obtenu 5 heures après la prise orale. La fixation tissulaire est importante mais variable selon les organes (moindre dans le cerveau et le sang, plus importante dans le rein, le foie, le poumon et la rate). Elle est métabolisée par le foie en dérivés N- MTGATT 04 11 2008 23 déméthylés. Son élimination est rénale pour 40 % en administration chronique et 19 % en administration aiguë sous formes inchangée et métabolisée. Son élimination fécale se fait sous forme métabolisée. L'antalgie induite par la méthadone est similaire à celle résultant de la morphine, mais de plus longue durée (4 à 8 heures). Son utilisation est parfois délicate du fait de la grande variabilité de sa demi-vie plasmatique qui est en moyenne de 25 heures, variant entre 13 à 55 heures. La période d'adaptation du traitement dure en moyenne une semaine. Les doses sont administrées trois fois par jour lors de la mise en route du traitement puis passe à une à deux fois par jour. Conversion, à titre indicatif 30 mg de morphine orale sont équivalents à : 15 mg de morphine S C (2/1) 10 mg de morphine I V (3/1) 15 mg d'oxycodone (2/1) 4 mg d'hydromorphone (7,5/1) 30 mg de morphine orale sont équivalents à : 12 microg/h toutes les 72 heures de fentanyl transdermique C - Les modalités d’administration 1 – La titration de morphine est utilisée pour débuter un traitement morphinique en cas de douleur intense. Elle peut être faite par voie orale ou parentérale selon le degré d’urgence. Par voie orale, - soit titrer avec morphine L I P.O. 1/6e de 1mg/kg toutes les 4 h + interdoses de 1/6e de 1 mg/kg toutes les heures, jusqu’à obtention d’une analgésie satisfaisante sans effets indésirables et sans dépasser 1 interdose / h pendant 4 h consécutives - soit débuter par une morphine L P P.O. 1mg/kg /j + interdoses de 1/6e à 1/ 10e de la dose totale quotidienne, jusqu’à 6 fois par jour, intervalle de temps minimal de 1 h obligatoire entre deux interdoses. Par voie parentérale 0,1mg/kg en SC ou 0,05mg/kg en IV, si la douleur n’a pas diminué de 50 %, renouveler les bolus de 0,1 mg / kg en SC toutes les 30 mn ou 0,05 mg / kg en IV toutes les 10 min jusqu’à une analgésie satisfaisante sans effets indésirables, puis relais par 5 à 10 mg de morphine L I (fonction poids et âge) toutes les 4 h en SC. 2 - La rotation des opioïdes se définit par le changement d'un opioïde par un autre et se pratique en cas de diminution du ratio bénéfice / risque. Elle a pour objectif principal la réduction des effets indésirables du précédent traitement. Ce concept, qui reste discuté, est né dans les pays anglo-saxons et a été facilité par la grande diversité d'opioïdes et de formes galéniques disponibles dans ces pays. En France, les possibilités de rotation se sont accrues bien que certains médicaments et que certaines formes galéniques manquent encore. La rotation des opioïdes est une approche thérapeutique qui s'intègre dans la stratégie de prise en charge de la douleur cancéreuse au long cours. Reste que si dans la plupart des études, le bénéfice clinique de la rotation paraît satisfaisant, il faut souligner qu'il s'agit le plus souvent d'études rétrospectives où il existe peu de renseignements sur les caractéristiques des malades, de leurs douleurs (type physiopathologique, intensité…) et MTGATT 04 11 2008 24 de leur retentissement émotionnel (effet placebo). De plus, le recours aux traitements spécifiques d'une composante neuropathique et/ou aux symptômes associés (dépression…) apparaît rarement. Des études prospectives pour évaluer la place de chaque opioïde sont donc nécessaires. La rotation des opioïdes doit être envisagée de façon réfléchie. La survenue d'effets indésirables lors de l'augmentation des doses d'un opioïde chez un malade n'implique pas ipso facto une rotation. Elle nécessite avant tout une analyse rigoureuse de leur cause, de l'état physiologique du malade (notamment insuffisance rénale, déshydratation…), des mécanismes physiopathologiques des douleurs (composante neuropathique…), de l'état émotionnel du malade. Par exemple, des vomissements apparaissant chez un malade atteint d'un cancer de la tête du pancréas traité par opioïdes peuvent être induits parle traitement, mais peuvent aussi révéler une occlusion duodénale. Par ailleurs, si les opioïdes ont potentiellement les mêmes effets indésirables, il existe de grandes variations inter - et intra - individuelles dans la tolérance de chaque malade vis-à-vis des différents opioïdes. Indications Dans la littérature, l'indication principale de la rotation des opioïdes est la survenue d'effets indésirables rebelles (en particulier troubles des fonctions cognitives, hallucinations , myoclonies et nausées), malgré un traitement symptomatique adéquat, le plus souvent lors de fortes doses d'opioïdes. La pratique d'une rotation systématique d'opioïdes (changement d'opioïde après un certain temps de traitement malgré une bonne antalgie et l'absence d'effets indésirables) dans l'optique de prévenir la survenue d'un phénomène de tolérance aux effets antalgiques d'un opioïde ne paraît pas souhaitable. En effet, il existe une littérature abondante suggérant que ce phénomène, modéré chez les malades douloureux, n'est pas un frein à leur soulagement. Par ailleurs, il ne paraît pas indiqué de déstabiliser systématiquement et régulièrement un traitement efficace et bien toléré pour prévenir ce phénomène de tolérance. L'autre indication de la rotation est la survenue heureusement exceptionnelle d'un phénomène de résistance aux opioïdes, défini non seulement par une absence d'efficacité de l'opioïde, mais également par une absence d'effet indésirable malgré une augmentation massive et rapide des doses de l'opioïde. 3 - L'administration autocontrôlée (P C A) Cette méthode est de plus en plus utilisée. Elle permet au patient d'adapter l'analgésie à ses besoins dans les limites autorisées par la programmation en déterminant la fréquence des réinjections. En dehors de celles-ci des injections systématiques sont prévues par la programmation du pousse - seringue. Après chaque injection programmée l'appareil est réfractaire à toute nouvelle demande d'injection, si elle se produit avant l'intervalle de temps programmé. En principe cette méthode évite les dépressions respiratoires, sauf si la programmation n'a pas été correctement faite, la titration n'ayant pas été faite, par exemple. La méthode de titration garde cependant toute sa valeur pour évaluer la dose quotidienne. Les doses utiles quoique variables d'un patient à l'autre sont d'environ 1,1 mg/h à 2,6 mg/h. Les risques de la PCA ont été bien évalués, en particulier ceux de la dépression respiratoire, ils sont peu importants. Au cours de la chirurgie abdominale sus-mésocolique la comparaison de la voie intramusculaire et de la PCA montre une élévation peu élevée, cependant significativement plus importante de la Pa CO2 dans le groupe utilisant la PCA. En utilisant une PCA à la morphine BROSE et coll. ont observé une légère désaturation, entre 90 et 95%, durant 25% du temps contre 11 et 12% du temps avec les voies péridurales et intra - musculaires; en revanche une désaturation inférieure à 85% n'est observée que durant 7% du temps avec la PCA contre 22% avec la voie péridurale et 24% avec la voie intra - musculaire. Si des précautions s' avèrent indispensables chez le sujet fragile ou chez le vieillard, cette méthode doit être plus souvent utilisée, sous réserve d'une information et d'une éducation du malade et de l'équipe médico-infirmière au préalable. VI-1-3 LES CO-ANALGÉSIQUES = Les antispasmodiques musculotropes agissent de façon directe sur les fibres musculaires lisses du tube digestif, des voies urinaires, de l'utérus. Cet effet peut être annulé par l'emploi de morphiniques majeurs. Il est indiqué dans les coliques néphrétiques, les cholécystites, les ballonnements douloureux des colopathies fonctionnelles. MTGATT 04 11 2008 25 = Les myorelaxants sont indiqués dans le traitement des contractures douloureuses, en particulier en cas de torticolis, de dorsalgies, de lombalgies... = Les psychotropes peuvent être utiles comme traitement d'appoint lorsque la douleur aiguë induit une grande anxiété qui peut parfois gêner la prise en charge du patient ou lorsqu'une symptomatologie dépressive participe à l'amplification des phénomènes nociceptifs. Morphiniques et psychotropes se potentialisant au niveau du système nerveux central, on peut être amené à réduire la posologie des morphiniques pour éviter la survenue de troubles importants de la conscience ou de la ventilation. Ils sont également indiqués dans le traitement des douleurs chroniques neurologiques pour leur pouvoir analgésique propre. ANTIDÉPRESSEURS TRICYCLIQUES : IMIPRAMINE, CLOMIPRAMINE, AMITRIPTYLINE Ces molécules exercent leur activité antalgique centrale par inhibition du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline, neuromédiateurs impliqués dans les contrôles exercés sur la transmission des messages algogènes au niveau de la moelle et du tronc cérébral. Leurs effets antalgiques s'observent après quelques jours de traitement (5 à 10) pour une posologie faible à moyenne (40 à 75 mg/j) souvent inférieure à celle utilisée pour traiter des syndromes dépressifs. Leur efficacité antalgique, indépendante de leur effet antidépresseur, a été constatée dans des essais contrôlés contre placebo concernant des douleurs chroniques par désafférentation (névralgie post-zostérienne, neuropathie métabolique), les céphalées de tension et les lombalgies. = Les anticonvulsivants sont un des traitements des douleurs neuropathiques en agissant sur les composantes paroxystique et allodynique de ces douleurs. Les plus utilisés sont : - clonazepam à la dose de 0,1 mg/kg en 2 à 3 prises orales, les principaux inconvénients en début de traitement sont la somnolence, l'hypotonie et les sensations ébrieuses, ces dernières sont à prévenir systématiquement par l'utilisation d'un anti-vertigineux. La posologie est nettement inférieure à celle qui serait utilisée pour le traitement des crises d'épilepsie. Il est le moins efficace. - carbamazépine à la dose de 200 à 2000 mg/24 h en 2 à 3 prises par jour, les mêmes précautions sont à prendre qu'avec le clonazépam. Les réactions allergiques sont fréquentes et imposent l'arrêt du traitement. - oxcarbamazépine à la dose de 300 à 1500mg par jour, les mêmes précautions sont à prendre qu'avec le clonazépam. La tolérance est meilleure qu’avec la carbamazépine. Elle est contrindiquée chez les femmes ayant une contraception. - gabapentine à la dose de 600 à 3200 mg par jour, les mêmes précautions sont à prendre qu'avec le clonazépam. Il peut survenir en outre une diplopie, une hypotension des accès maniaques ou hypomaniaques, des troubles du comportement, une neutropénie, des réactions allergiques. - prégabaline à la dose de 150 à 600 mg par jour, les mêmes complications peuvent survenir qu’avec la gabapentine VI- 2 LES AUTRES THÉRAPEUTIQUES 1 - Les stimulations Elles ont pour objectif de suppléer ou de remplacer un mécanisme inhibiteur. Elles sont indiquées dans les douleurs neurologiques par désafférentation : douleur après lésion nerveuse périphérique, zona, amputation, neuropathie périphérique, lombo-sciatique séquellaire post-chirurgicale par fibroarachnoïdite. Elles peuvent être également efficaces pour des douleurs non neurologiques, rhumatologiques, myofasciales. Ce traitement fait l'objet depuis août 2000 d'une prescription sur TIPS. MTGATT 04 11 2008 26 2 - Les blocs Selon qu'ils sont réalisés avec des agents anesthésiques (lidocaïne, bupivacaïne, corticoïdes) ou neurolytiques (phénol, alcool), ils seront indiqués pour des douleurs aiguës ou chroniques bénignes ou pour des douleurs cancéreuses. Les blocs sont périphériques (radial, cubital, sciatique...) ou centraux par voie péridurale ou intrathécale. Outre leur indication à visée étiopathogénique, ils peuvent être utilisés en complément ou en remplacement d'une autre technique mal tolérée. Sont à mettre à part les blocs du système sympathique : sympathectomie chimique lombaire pour les artérites des stades III et IV, inopérables ; bloc cœliaque pour les douleurs des tumeurs de l'étage sus-mésocolique (pancréas, foie, estomac...). 3 - La chirurgie de la douleur Ses indications ont beaucoup diminué avec les progrès apportés aux techniques plus conservatrices comme la morphinothérapie intrathécale et la stimulation médullaire, cependant certaines douleurs ne peuvent être améliorées que par ces techniques chirurgicales. Elles comportent - des techniques d'interruption des voies ascendantes de la douleur : neurotomie périphérique (trijumeau, branche postérieure de C2, branche postérieure des nerfs rachidiens...) ; radicotomie postérieure interrompant la conduction du premier neurone sensitif en aval du ganglion spinal, avant sa pénétration dans la moelle ou le tronc cérébral ; radicellectomie sélective permettant de mieux respecter les fibres du tact dans le cordon antéro-latéral, elle est proposée dans les algies du membre supérieur ; cordotomie antéro-latérale sectionnant au niveau de la moelle épinière le faisceau nerveux spinothalamique, elles restent réservées aux algies cancéreuses de topographies unilatérales. Il faut également citer, quoique leur pratique soit limitée, tractotomie mésencéphalique réalisant une section du faisceau spinothalamique dans le tronc cérébral pour des douleurs cancéreuses, hypophysectomie à visée antalgique par thermocoagulation pour les douleurs des métastases des cancers hormono-dépendants. - des techniques activant les mécanismes intrinsèques de contrôle de la douleur : - neurostimulation analgésique basée sur les théories de Wall et Melzack (1965) de double modulation métamérique et centrale de la douleur. Les électrodes actives sont implantées selon l’indication au niveau du nerf périphérique, dans l'espace péridural en regard des cordons postérieurs, par stéréotaxie dans le thalamus ou sur le cortex moteur. Elles sont réservées aux lésions nerveuses périphériques post-traumatiques, aux lésions partielles du plexus brachial, aux douleurs d'amputation, aux SRDC, aux épidurites lombaires. - morphinothérapie par voie intrathécale ou intraventriculaire, la morphine ayant une action locale métamérique et à distance sur les centres supra - spinaux. Elle est indiquée dans le traitement des algies chroniques rebelles des cancers, quelles que soient leurs topographies. Ces techniques requièrent une stratégie répondant à des critères d'efficacité, de sécurité et de coût limité en ce qui concerne la technique, le suivi du patient et d'éventuelles conséquences socio-professionnelles. 4 - La rééducation Afin d'obtenir d'excellents résultats antalgiques, une coordination doit être instaurée entre le médecin et le kinésithérapeute afin de définir au mieux les techniques choisies et le programme désiré. Elle fait appel à différentes techniques : - physiothérapiques : cryo - thermo et vibrothérapie massages immobilisation et contention tractions vertébrales manipulations vertébrales exercices de rééducation. Le traitement doit être adapté à chaque patient, toute kinésithérapie douloureuse doit être interrompue. La rééducation doit apprendre au patient à éviter certaines attitudes douloureuses dans la vie quotidienne, ainsi qu'à trouver certaines contre - stimulations qui lui permettront de se soulager. MTGATT 04 11 2008 27 5 - Les prises en charge psychologiques Elles comportent des thérapies classiques, brèves ou adaptées aux douloureux, mais aussi des techniques de relaxation soit hypnotiques, soit analytiques. Leur indication ne peut être portée que par un spécialiste, psychologue, psychiatre ou analyste. VII - Principes pour le traitement d'une douleur aiguë nociceptive Avant de débuter un traitement antalgique de palier III Evaluer la vigilance, l'état respiratoire ainsi que l'état du transit et l'élimination urinaire. S'assurer que l' EVA ou l' EN est supérieure ou égale à 7/10 1. Douleur intense et ponctuelle Morphine LI. Administrer un bolus de 0.15 mg/kg/h PO ou 0.1 mg/kg/ 30 minutes en SC et 0.05 mg/kg/ 10 min en IV). Titration si douleur persiste : renouveler les bolus précédents à la fréquence de 1 bolus/10 minutes en IV. ou 1 bolus/30 minutes en SC ou 1 bolus / heure PO jusqu'à une antalgie satisfaisante, sans dépasser un bolus par heure pendant 4 heures consécutives. 2. Douleur permanente Soit titrer la morphine LI, puis reconduire toutes les 4 h la dose antalgique déterminée, à H 24, administrer la dose quotidienne en 2 prises PO de morphine libération prolongée (LP) + interdoses (1/6e à 1/10e de la dose totale quotidienne) Soit débuter par une morphine LP (posologie PO 1 mg / kg / j) + interdose (ID) 1/ 6e à 1/ 10e de la dose quotidienne, délai d’administration minimum 1 à 2 h, jusqu'à 6 fois par jour 3. Adaptation du traitement de fond a) Douleurs occasionnelles nécessitant 1 à 2 ID/j : ne rien modifier b) Douleurs de fin de dose ou 3-4 ID /j : augmenter le traitement à LP de 30 % Douleurs permanentes ou 5-6 ID / j : augmenter le traitement LP de 50 % Si la voie orale est impossible chez un patient équilibré Soit passer à la voie SC ou IV : 50 % de la posologie orale, en continu, à la seringue électrique sur 24 h ou en PCA Soit ouvrir les gélules de Skénan, le contenu est administrable par sonde nasogastrique ou de gastrostomie MTGATT 04 11 2008 28 VIII– Principes du traitement d’une douleur neuropathique L’algorythme conseillé est le suivant : DOULEURS NEUROPATHIQUES CONTINUES EVOQUEES (hyperalgésie, allodynie) PAROXYSTIQUES MOYENS NON MEDICAMENTEUX neurostimulation transcutanée acupuncture... TOPIQUES anesthésiques locaux capsaïcine aspirine ? clonidine ? ANTICONVULSIVANTS carbamazépine clonazépam gabapentine prégabaline Efficacité partielle Association avec traitement médicamenteux Efficacité totale Poursuite du traitement Efficacité partielle Efficacité totale Association avec traitement par voie générale Poursuite du traitement Inefficacité ANTIDEPRESSEURS amitriptyline desipramine clomipramine Efficacité totale Poursuite du traitement Inefficacité ANTI-ARYTMIQUES ANTI NMDA Efficacité totale Poursuite du traitement MORPHINIQUES FAIBLES DXP, Codéine tramadol Efficacité partielle ou Inefficacité ASSOCIATION MEDICAMENTEUSE MORPHINIQUES FORTS LECTURES CONSEILLEES Recommandations pour la pratique clinique Standards, Options et Recommandations 2002 pour les traitements antalgiques médicamenteux des douleurs cancéreuses par excès de nociception chez l’adulte, mise à jour du rapport original de 1996 (rapport abrégé).2002. Bulletin du Cancer, 2002, 89(12): 1067-74 Recommandations pour la pratique clinique Standards, Options et Recommandations pour l'évaluation de la douleur chez l'adulte et l'enfant atteints de cancer, mise à jour septembre 2003 MELZACK R., WALL P.D Pain mechanisms : A new theory. Science 1965, 150 (3699) : 971 - 979. MELZACK R. The Mc Gill Pain Questionnaire : major properties and scoring methods pain. Pain 1975, 1 : 277 - 299. Douleurs aiguës, douleurs chroniques, soins palliatifs Ouvrage collectif- CEUD, CNMD, SFAP Med-Line ed., Paris, 2de édition, 2004 MTGATT 04 11 2008 29 BASE DE DONNEES BIAM http://www.biam2.org/ HAS http://www.has.fr SITE CATALOGUE Le CHU de Rouen http://www-rouen.fr/ MTGATT 04 11 2008 30 EVALUATION DE LA DOULEUR Dossier A N A E S 2001 MTGATT 04 11 2008 31 CAHIER PATIENT AUTO EVALUATION DE LA DOULEUR AFIN DE PRECISER LA DOULEUR QUE VOUS RESSENTEZ ACTUELLEMENT (DEPUIS LES 8 DERNIERS JOURS) ET SON RETENTISSEMENT, NOUS VOUS DEMANDONS DE REPONDRE AUX QUESTIONNAIRES SUIVANTS. CELA VA VOUS PRENDRE 10 A 15 MINUTES ET NOUS APPORTERA DES INFORMATIONS ESSENTIELLES POUR VOUS PROPOSEZ UN TRAITEMENT ADAPTE. N'OUBLIEZ PAS DE REPONDRE A TOUTES LES QUESTIONS. Nom : Prénoms : Sexe : Date de naissance : Adresse domicile : N° de téléphone domicile : Profession : En arrêt de travail : Oui Non S’agit-il d’un accident du travail : Oui Non Sans emploi lors de l’adhésion au réseau : Oui Non Célibataire Marié(e) Veuf(ve) Nombre d'enfants : Vie maritale Séparé(e) Divorcé(e) Âge des enfants : SCHEMA DES ZONES DOULOUREUSES MTGATT 04 11 2008 32 Indiquez sur le schéma ci-contre où se trouve votre douleur habituelle (depuis les 8 derniers jours) en hachurant la zone. MTGATT 04 11 2008 33 MESURE DE L'INTENSITE DE LA DOULEUR Trois échelles de mesure de l’intensité de la douleur vous sont proposées. Les réponses à une seule échelle sont suffisantes. Essayez de remplir l’échelle 1, en cas de difficultés essayez de remplir l’échelle 2, et en cas de difficultés remplissez l’échelle 3. Échelle 1 échelle visuelle analogique ou EVA Nous vous proposons d'utiliser une sorte de thermomètre de la douleur qui permet de mesurer l'intensité de la douleur : Une extrémité correspond à la douleur maximum imaginable, Plus le trait est proche de cette extrémité, plus la douleur est importante. Une extrémité correspond à l’absence de douleur : « je n'ai pas mal », Plus le trait est proche de cette extrémité, moins la douleur est importante. La douleur au peut être définie par un trait tracée sur l'échelle comme dans l'exemple ci-dessous. douleur maximale imaginable pas de douleur Les lignes ci-dessous représentent chacune un thermomètre de la douleur. Indiquer par une croix ou un trait sur la ligne le niveau de votre douleur pour chacun des 3 types de douleur : Douleur au pas de douleur moment présent : douleur maximale imaginable Douleur habituelle depuis les 8 derniers jours : pas de douleur douleur maximale imaginable Douleur la plus intense depuis les 8 derniers jours : pas de douleur MTGATT 04 11 2008 douleur maximale imaginable 34 Échelle 2 échelle numérique ou EN Entourer ci-dessous la note de 0 à 10 qui décrit le mieux l'importance de votre douleur pour chacun des 3 types de douleur. La note 0 correspond à « pas de douleur ». La note 10 correspond à la « douleur maximale imaginable ». Douleur au moment présent Pas de douleur 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 6 7 8 9 0 1 Douleur maximale imaginable 1 Douleur maximale imaginable 1 Douleur maximale imaginable Douleur habituelle depuis les 8 derniers jours Pas de douleur 0 1 2 3 4 5 0 Douleur la plus intense depuis les 8 derniers jours Pas de douleur 0 1 MTGATT 04 11 2008 2 3 4 5 6 7 8 9 0 35 Échelle 3 échelle verbale simple ou EVS Pour préciser l'importance de votre douleur répondez en entourant la réponse correcte pour chacun des 3 types de douleur : Douleur au moment présent 0 absente 1 faible 2 modérée 3 intense 4 extrêmement intense 3 intense 4 extrêmement intense 3 intense 4 extrêmement intense Douleur habituelle depuis les 8 derniers jours 0 absente 1 faible 2 modérée Douleur la plus intense depuis les 8 derniers jours 0 absente MTGATT 04 11 2008 1 faible 2 modérée 36 QUALIFICATIFS DE LA DOULEUR(QDSA ABREGE) Vous trouverez ci-dessous une liste de mots pour décrire une douleur. Pour préciser le type de douleur que vous ressentez habituellement (depuis les 8 derniers jours), répondez en mettant une croix pour la réponse correcte. 0 1 2 3 4 absent faible modéré Fort extrêmement fort non un peu modérément Beaucoup extrêmement Elancements Pénétrante Coups de poignards Décharges électriques En étau Tiraillement Brûlure Fourmillements Lourdeur Epuisante Angoissante Obsédante Insupportable Enervante Exaspérante Déprimante MTGATT 04 11 2008 37 ÉCHELLE HAD Les médecins savent que les émotions jouent un rôle important dans la plupart des maladies. Si votre médecin est au courant des émotions que vous éprouvez, il pourra mieux vous aider. Ce questionnaire à été conçu de façon à permettre à votre médecin de se familiariser avec ce que vous éprouvez sur le plan émotif. Ne faites pas attention aux chiffres et aux lettres imprimés à gauche du questionnaire. Lisez chaque série de questions et soulignez la réponse qui exprime le mieux ce que vous avez éprouvé au cours de la semaine qui vient de s’écouler. Ne vous attardez pas sur la réponse à faire, votre réaction immédiate à chaque question fournira probablement une meilleure indication de ce que vous éprouvez , qu’une réponse longuement méditée. 3 2 1 0 0 1 2 3 3 2 1 0 0 1 2 3 3 2 1 0 3 2 1 0 Je me sens tendu ou énervé : La plupart du temps Souvent De temps en temps Jamais Je prends plaisir aux mêmes choses qu’autrefois : Oui, tout autant Pas autant Un peu seulement Presque plus J’ai une sensation de peur comme si quelque chose d’horrible allait m’arriver : Oui, très nettement Oui, mais ce n’est pas grave Un peu, mais cela ne m’inquiète pas Pas du tout Je ris facilement et vois le bon côté des choses : Autant que par le passé Plus autant qu’avant Vraiment moins qu’avant Plus du tout Je me fais du souci : Très souvent Assez souvent Occasionnellement Très occasionnellement Je suis de bonne humeur : Jamais Rarement Assez souvent La plupart du temps MTGATT 04 11 2008 38 0 1 2 3 3 2 1 0 0 1 2 3 3 2 1 0 3 2 1 0 0 1 2 3 3 2 1 0 0 1 2 3 D: Je peux rester tranquillement assis à ne rien faire et me sentir décontracté : Oui, quoi qu’il arrive Oui, en général Rarement Jamais J ‘ai l’impression de fonctionner au ralenti : Presque toujours Très souvent Parfois Jamais J’éprouve des sensations de peur et j’ai l’estomac noué : Jamais Parfois Assez souvent Très souvent Je ne m’intéresse plus à mon apparence : Plus du tout Je n’y accorde pas autant d’attention que je le devrais Il se peut que je n’y fasse plus autant attention J’y prête autant attention que par le passé J’ai la bougeotte et n’arrive pas à tenir en place : Oui, c’est tout à fait le cas Un peu Pas tellement Pas du tout Je me réjouis d’avance à l’idée de faire certaines choses : Autant qu’auparavant Un peu moins qu’avant Bien moins qu’avant Presque jamais J’éprouve des sensations soudaines de panique : Vraiment très souvent Assez souvent Pas très souvent Jamais Je peux prendre plaisir à un bon livre ou à une bonne émission de radio ou de télévision : Souvent Parfois Rarement Très rarement A: MTGATT 04 11 2008 39 Echelle du retentissement de la douleur sur le Comportement quotidien Entourez le chiffre qui décrit le mieux comment, la semaine dernière, la douleur a gêné votre : Humeur Gêne Ne gêne pas 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 complètement Capacité à marcher Gêne Ne gêne pas 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 complètement Travail habituel (y compris à l’extérieur de la maison et les travaux domestiques) Gêne Ne gêne pas 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 complètement Relation avec les autres Gêne Ne gêne pas 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 complètement Sommeil Gêne Ne gêne pas 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 complètement Goût de vivre Gêne Ne gêne pas 0 1 MTGATT 04 11 2008 2 3 4 5 6 7 8 9 10 complètement 40 QUESTIONNAIRE DE DALLAS Les questions qui suivent ont été conçues pour permettre à votre médecin de savoir dans quelle mesure votre vie de façon générale est perturbée par votre lombalgie. 1. Dans quelle mesure avez-vous besoin de traitements contre la douleur pour vous sentir bien ? 0 1 Pas du tout 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Tout le temps 2. Dans quelle mesure votre douleur perturbe-t-elle les gestes de votre vie quotidienne : (sortir du lit, se brosser les dents, s’habiller, etc.) ? 0 1 Pas du tout 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je ne peux pas sortir du lit (pas de douleur) 3. Dans quelle mesure êtes-vous limité(e) pour soulever quelque chose ? Pas du tout (comme avant) 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je ne peux rien soulever 4. Dans quelle mesure votre douleur limite-t-elle, maintenant, votre distance de marche par rapport à celle que vous pouviez parcourir avant votre problème de dos ? 0 1 Je marche comme avant 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Plus du tout 5. Dans quelle mesure votre douleur vous gêne-t-elle pour rester assis(e) ? Pas du tout 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je ne peux pas rester assis(e) 6. Dans quelle mesure votre douleur vous gêne-t-elle pour rester debout de façon prolongée ? 0 1 Pas du tout 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je ne peux pas rester debout 7. Dans quelle mesure votre douleur gêne-t-elle votre sommeil ? Pas du tout 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je ne peux pas dormir du tout 8. Dans quelle mesure votre douleur perturbe-t-elle votre vie sociale (danses, jeux et divertissements, repas ou soirées entre amis, sorties, etc.) ? Pas du tout 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je n’ai plus aucune activité sociale 9. Dans quelle mesure la douleur gêne-t-elle vos déplacements en voiture ? Pas du tout MTGATT 04 11 2008 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je ne peux plus me 41 déplacer 10. Dans quelle mesure la douleur perturbe-t-elle votre travail ? 0 1 Pas du tout 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je ne peux pas travailler 11. Dans quelle mesure estimez-vous que vous parvenez à faire face à ce que l’on exige de vous ? 0 1 Je fais entièrement face 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je ne fais pas face (pas de changement) 12. Dans quelle mesure estimez-vous que vous arrivez à contrôler vos réactions émotionnelles ? Je les entièrement contrôle 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je ne les contrôle pas du tout 13. Dans quelle mesure vous sentez-vous déprimé(e) depuis que vous avez mal ? Je ne suis déprimé(e) pas 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Je suis complètement déprimé(e) 14. Dans quelle mesure pensez-vous que votre douleur a changé vos relations avec les autres ? Pas de changement 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Changement radical 15. Dans quelle mesure avez-vous besoin du soutien des autres depuis que vous avez mal (travaux domestiques, préparation des repas, etc.) ? Aucun nécessaire soutien 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Soutien permanent 16. Dans quelle mesure estimez-vous que votre douleur provoque, chez vos proches, de l’irritation, de l’agacement, de la colère à votre égard ? Pas du tout MTGATT 04 11 2008 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Tout le temps 42 ÉVALUATION DE LA DOULEUR CHEZ LE PATIENT CANCÉREUX Standards, Options, Recommandations FEDERATION NATIONALE DES CENTRES DE LUTTE CONTRE LE CANCER MTGATT 04 11 2008 - 2000 43 DEMARCHE D ’EVALUATION DE LA DOULEUR (I) EVALUATION DE LA DOULEUR ET DE SES CONSEQUENCES Historique de la douleur Date et circonstances de début Caractères évolutifs en termes d’intensité et de localisation Caractère permanent ou intermittent (accès douloureux) Statut cancérologique du patient Caractéristiques actuelles de la douleur Localisation unique ou multiple, topographie précise, irradiations Intensité lors de la consultation et variations dans le nycthémère (en fonction des activités, accès douloureux…) Description de la douleur Facteurs d ’aggravation et/ou d ’amélioration Retentissement : activités possibles, conséquences de la douleur sur les activités quotidiennes, le moral, le sommeil… Traitements, analyse des traitements reçus, de leur efficacité et de leurs effets indésirables Traitements spécifiques du cancer (radiothérapie…) Traitements antalgiques : doses, horaire des prises, efficacité, durée d ’action, effets indésirables Traitement de la douleur neuropathique : doses, efficacité, durée d ’action, effets indésirables Traitements psychotropes MTGATT Traitements 45 04 11 2008 non médicamenteux : efficacité, durée, effets indésirables DEMARCHE D ’EVALUATION DE LA DOULEUR (II) EXAMEN CLINIQUE Examen complet Examen des zones douloureuses Examen neurologique EVALUATION DU CONTEXTE PSYCHOLOGIQUE SOCIAL ET FAMILIAL Conditions de vie du malade Connaissance et interprétation du diagnostic de cancer et du stade évolutif de la maladie Expérience et représentation de la douleur pour le malade et sa famille Mode d ’adaptation (coping) à la maladie, niveau de retentissement émotionnel (anxiété, dépression) Situation socio-économique du malade et modifications (perte d’emploi, etc.) Représentation et attentes du malade et de la famille concernant le traitement de la douleur EXAMENS PARACLINIQUES Bilans de la maladie cancéreuse : biologie dont les marqueurs tumoraux, imagerie et endoscopies Bilans étiologiques de la douleur : imagerie, explorations neurophysiologiques, etc. MTGATT 04 11 2008 46 COMPREHENSION DE LA DOULEUR, DE LA MALADIE ET DE SES REPERCUSSIONS SUR LES SOINS EN FONCTION DES STADES COGNITIFS DE PIAGET* ET TWYCROSS**. ADAPTATION DE C. WOOD [WOOD2003] Stades cognitifs de Piaget De 7 à 11 ans Stade des opérations concrètes Après 11 ans Stade des opérations formelles Compréhension de la douleur et la maladie Conséquences sur les soins L'enfant commence à se différencier - Il demande à être rassuré, car il des autres. La maladie est perçue a peur d'une atteinte de son comme une "contamination" par les corps. plus jeunes ou intériorisée chez les - Il faut lui donner des plus âgés. La cause est cependant explications sur la maladie et extérieure à l'enfant et n'est pas les traitements, avec des toujours explicitée. La douleur est schémas ou des poupées. perçue comme une expérience - C'est l'âge idéal pour apprendre physique localisée dans le corps. Il les techniques cognitivoexiste une confusion sur le rôle de comportementales, lors des chaque organe. douleurs récidivantes ou chroniques. La maladie et la douleur sont - L'enfant peut faire face à comprises de manière plus certaines situations, mais ne sophistiquée et peuvent être attribuées connaît pas toujours les à des causes physiologiques et/ou stratégies cognitives pour le psychologiques, et correspondre à un faire. mauvais fonctionnement d'un organe. * [FELDMAN1985] [BREWSTER1982] [PERRIN1981] [BIBACE1980] [GAFFNEY1986] [GAFFNEY1987] **04[TWYCROSS1998] MTGATT 11 2008 47 OUTILS D ’EVALUATION DU PATIENT DOULOUREUX (ADULTE OU ENFANT) SELECTIONNES PAR LE GROUPE D ’EXPERTS Paramètres évalués Localisation topographique des douleurs Analyse des qualificatifs de la douleur Evaluation de l'intensité douloureuse Outil d'évaluation Type d'évaluation Patient Dessin sur silhouette Auto. Adulte et enfant à partir de 3 ans Questionnaire de la douleur de Saint-Antoine (QDSA) Auto. Adulte Enfant à partir de 10 ans Echelles Visuelle Analogique (EVA) Echelle Numérique (EN) Auto. Adulte et enfant à partir de 6 ans Adulte et enfant en âge scolaire Adulte et enfant Adulte et enfant à partir de 4 ans Adulte Auto. Adulte Auto. - Echelle Verbale Simple (EVS) Echelle des visages : Faces Pain Scale-Revised (FPS-R) Mesure du soulagement Echelle des pourcentages de soulagement Intensité douloureuse et retentissement du Brief Pain Inventory (BPI) soulagement Echelle Douleur Enfant Gustave Roussy* (DEGR)* Neonatal Facial Coding System (NFCS) - Intensité douloureuse Hétéro. - Enfant de 2 à 6 ans Children's Hospital of Eastem Ontorio Pain Scale (CHEOPS) Objective Pain Scale (OPS) Echelles d'anxiété et Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS) de dépression Echelle de qualité de vie EORTC QLQ-C30 Auto. Autoévaluation MTGATT 04 11 2008 Hétéro. : hétéroévaluation Jusqu'à l'âge de 4 mois, voire 18 mois (geste douloureux aigu) 1 à 6 ans Enfant de 2 mois à 18 ans Auto. - Auto. 48 Standards, Options, Recommandations EVALUATION DE LA DOULEUR ET DE SES CONSEQUENCES : MOYENS UTILISES POUR LE RECUEIL DES DONNEES Standards L ’évaluation initiale doit comporter (accord d ’experts) : un historique précis avec une description des caractéristiques et de l ’intensité de la douleur, une étude de la sémiologie associée au syndrome douloureux. Le standard est l’autoévaluation, puisque les signes cliniques et comportementaux de la douleur, malgré leur importance, ne sauraient remplacer la plainte du malade comme source d ’évaluation de la douleur. Dans le cas où l’autoévaluation n ’est pas possible, l’hétéroévaluation doit être faite à l ’aide d ’outils et d ’échelles adaptés aux différentes situations. Options Parmi les différents outils disponibles et largement diffusés pour le recueil des données, le groupe d’experts a sélectionné, pour l ’évaluation initiale de la douleur en cancérologie, les outils d’évaluation suivants, sur la base de leur validation éventuelle, de critères d’utilité clinique et de simplicité d’utilisation (sous réserve que leur maniement ait été soigneusement expliqué) : Dessin sur la silhouette Questionnaire de la douleur de Saint-Antoine (QDSA) Echelle visuelle Analogique (EVA), Echelle Numérique (EN), Echelle Verbale Simple (EVS) et Echelle des visages : Faces Pain Scale-Revised (FPS-R), Echelle des pourcentages de soulagement, Brief Pain Inventory (BPI), Echelle Douleur Enfant Gustave Roussy® (DEGR), Neonatal Facial Coding System (NFCS), Children’s Hospital of Eastem Ontorio Pain Scale (CHEOPS), Objective Pain Scale (OPS). MTGATT 04 11 2008 Recommandation Pas de recommandation. 49 QUESTIONNAIRE HOSPITAL ANXIETY AND DEPRESSION SALE (HADS) - (I) Lisez attentivement chaque série de questions et soulignez la réponse qui exprime le mieux ce que vous avez éprouvé au cours de la semaine écoulée. Je me sens énervé(e) ou tendu(e) la plupart du temps souvent de temps en temps jamais A 3 2 1 0 Je prends plaisir aux mêmes choses qu ’auparavant oui, presque autant pas autant un peu seulement presque plus D 0 1 2 3 J ’ai une sensation de peur comme si quelque chose d’horrible allait arriver oui, très nettement oui, mais ce n ’est pas trop grave un peu mais cela ne m ’inquiète pas pas du tout A 3 2 1 0 Je ris facilement et vois le bon côté des choses autant que par le passé plus qu ’avant vraiment moins qu ’avant plus du tout D 0 1 2 3 Je me fais du souci très souvent assez souvent MTGATT 04 11 2008 occasionnellement très occasionnellement A 3 2 1 0 50 QUESTIONNAIRE HOSPITAL ANXIETY AND DEPRESSION SALE (HADS) - (II) Je suis de bonne humeur Jamais rarement assez souvent la plupart du temps D 3 2 1 0 Je peux rester tranquillement assis(e) à ne rien faire et être décontracté(e) oui, quoi qu ’il arrive oui, en général rarement jamais A 0 1 2 3 J’ai l’impression de fonctionner au ralenti presque toujours très souvent parfois jamais D 3 2 1 0 J’éprouve des sentiments de peur et j’ai l’estomac noué jamais parfois assez souvent très souvent A 0 1 2 3 MTGATT 04 11 2008 51 Standards, Options, Recommandations DOULEUR AIGUË LIEE AUX ACTES PATIENT COMMUNICANT ET ENFANT DE PLUS DE 6 ANS Standards Evaluer la pénibilité d’un acte médical ou d’un soin potentiellement douloureux. Recueillir l ’efficacité et les effets indésirables des mesures antalgiques adoptées. Options Utiliser une échelle d ’autoévaluation de l ’intensité adaptée à l’âge du patient. Pour l’enfant : EVA, FPS-R. Pour l’adulte : EVA, EN, EVS. Recommandations Utiliser l’échelle d’évaluation avant et après l’acte douloureux. Dans le meilleur des cas, la seconde mesure se fait au décours de l’acte douloureux, mais il est possible de la réaliser dans les 5 minutes qui le suivent, voire plus tard si l’acte a été très pénible (nécessité de récupération). Utiliser de manière couplée une mesure de soulagement pour les actes répétés lorsqu ’une technique antalgique est employée (échelles de soulagement). MTGATT 04 11 2008 52 Standards, Options, Recommandations DOULEUR AIGUË LIEE AUX ACTES PATIENT NON COMMUNICANT ET ENFANT DE MOINS DE 6 ANS Standard Evaluer la douleur avant et après un acte médical ou un soin par hétéroévaluation. Options L’évaluation de la douleur doit être faite par un observateur externe au geste potentiellement douloureux. Différentes échelles d’hétéroévaluation peuvent être utilisées. Recommandations Utiliser des échelles comportementales CHEOPS, OPS et NFCS chez l’enfant. Utiliser les items de l’échelle DOLOPLUS 2 (7 premiers items) ou DEGR pour identifier plus précisément les signes d’expression douloureuse. En cas de doute, un test thérapeutique peut être effectué. Si une « amélioration » du comportement est observée (disparition des signes de la douleur), le traitement sera reconduit pour les actes suivants de même nature. Recourir à un spécialiste de la douleur en cas de situation complexe ou de résistance à un traitement. MTGATT 04 11 2008 53 Standards, Options, Recommandations DOULEUR CHRONIQUE OU PERSISTANTE PATIENT COMMUNICANT ET ENFANT DE PLUS DE 6 ANS Standards La démarche d’évaluation doit être systématique. La démarche d’évaluation doit comprendre : un entretien "ouvert", un entretien "semi-directif" centré sur l'évaluation des composantes de la douleur et sur les symptômes de la maladie, une liste exhaustive des différentes douleurs, la caractérisation séparée de chacune des douleurs, en intensité, localisation et type. Une échelle d'autoévaluation doit être utilisée pour caractériser l'intensité de la douleur, le profil évolutif de la douleur (accès douloureux), une analyse des composantes psycho-affectives, une liste des traitements reçus, de leur modalité d'administration et de leurs effets indésirables et de leur efficacité, un examen clinique approfondi. Options Utiliser l'EVA, EVS, échelle des visages, le dessin sur silhouette, le Questionnaire Concis de la Douleur (BPI) pour caractériser l'intensité, la topographie de la douleur. Prescrire des examens paracliniques en fonction de leurs intérêts et de leurs caractères invasifs. Utiliser une échelle d'anxiété et/ou de qualité de vie pour compléter l'évaluation de la douleur. Recommandations Effectuer une réévaluation globale face à toute modifications de la symptomatologie douloureuse en 54 MTGATT 04 11 2008 localisation, intensité, type d'une douleur connue. Recourir à un spécialiste de la douleur en cas d'analyse complexe ou de résistance à un traitement. Standards, Options, Recommandations DOULEUR CHRONIQUE OU PERSISTANTE PATIENT NON COMMUNICANT Standards La démarche d’évaluation doit être systématique. La démarche d ’évaluation doit comprendre : la définition de "l'état supposé confortable" et "l'état supposé douloureux" grâce à l'ensemble des témoignages de tierces personnes (proches, soignants). Un examen clinique attentif avec validation de l'état douloureux en cherchant à reproduire le comportement douloureux par une succession de manœuvres supposées identifier le siège et le type de douleur. Options Utiliser une échelle d'hétéroévaluation DOLOPLUS 2 (validée chez la personne âgée). Recourir à un expert de la douleur. Recommandations Utiliser des échelles d'hétéroévaluation pédiatriques : DESS, DEGR. Effectuer des tests thérapeutiques : antalgiques ou diminution des traitements sédatifs (patient dans le coma). MTGATT 04 11 2008 55 Faces Pain Scale - Revised (FPS-R) [HICKS2001] "Ces visages montrent combien on peut avoir mal. Ce visage (montrer celui de gauche) montre quelqu'un qui n'a pas mal du tout. Ces visages (les montrer un à un de gauche à droite) montrent quelqu'un qui a de plus en plus mal, jusqu'à celui-ci (montrer celui de droite), qui montre quelqu'un qui a très très mal. Montre-moi le visage qui montre combien tu as mal en ce moment". Les, scores sont de gauche à droite : 0, 2, 4, 6, 8, 10. 0 correspond donc à "pas mal du tout" et 10 correspond à "très très mal". Remarques : Exprimez clairement les limites extrêmes : "pas mal du tout", et "très très mal". N'utilisez pas les mots "triste" ou "heureux". Précisez bien qu'il s'agit de la sensation intérieure, pas de l'aspect affiché de leur visage. "Montre- moi comment tu te sens à l'intérieur de toi". Plier ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- MTGATT 04 11 2008 56 Echelle CHEOPS (Children's Hospital of eastern Ontario Pain Scale) (Traduction Pédiadol [MCGRATH1985]) Pour évaluer la douleur chez l'enfant âgé de 1 à 6 ans CRIS, PLEURS : 1: 2: 3: absents gémissements ou pleurs cris perçants ou sanglots VISAGE : 1: 2: 3: sourire visage calme, neutre grimace PLAINTES VERBALES : 0: 1: 2: parle de choses et d'autres sans se plaindre ne parle pas, ou se plaint, mais pas de douleur se plaint de douleur CORPS (torse) : 1: 2: corps (torse) calme, au repos change de position, ou s'agite, ou cherche à se redresser et/ou corps arqué ou raidi, ou tremblant et/ou contentions MAINS : 1: 2: n'avance pas la main vers la zone douloureuse avance la main ou touche ou agrippe la zone douloureuse, ou contentions JAMBES : 1: relâchées ou mouvements doux, agitées, ou donnent des coups, ou jambes raidies, en l'air ou ramassées sur le corps, et/ou l'enfant se lève ou s'accroupit ou s'agenouille et/ou contentions 2: SCORE GLOBAL : MTGATT 04 11 2008 : score de 4 (normal) à 13 (maximum) 57 EVALUATION DE LA DOULEUR Douleur du patient cancéreux Arbre 1 DOULEUR Douleur du patient cancéreux "Expérience sensorielle et émotionnelle, désagréable, Arbre 1 associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel, ou simplement décrit en termes d'un tel dommage". Standard : Recherche systématique d'une symptomatologie douloureuse chez un patient atteint de cancer Option : Pas d'option Recommandation : Pas de recommandation Standards : •Détermination du caractère aigu ou chronique de la douleur •Détermination des mécanismes d'action (douleurs par excès de nociception, neuropathiques ou mixtes) •Évaluation de l'étiologie : due à la tumeur cancéreuse elle-même, due aux thérapeutiques du cancer (douleurs post-chirurgicales, douleurs post-radiques, post-chimiothérapiques) ou sans lien de causalité directe avec le cancer) •Évaluation de l'association possible de plusieurs douleurs et de leur évolution dans le temps Option : Pas d'option Recommandation : Pas de recommandation MTGATT 04 11 2008 Evaluation du patient douloureux Arbre 2 58 EVALUATION DE LA DOULEUR Evaluation de la douleur chez le patient cancéreux Evaluation de la douleur chez le patient cancéreux Arbre 2 Standards : La démarche d'évaluation doit comprendre : •un entretien "ouvert" •un entretien "semi-directif" centré sur l'évaluation des composantes • de la douleur et sur les symptômes de la maladie •une liste exhaustive des différentes douleurs •la caractérisation séparée de chacune des douleurs, en intensité •localisation et type. Une échelle d'autoévaluation doit être utilisée •pour caractériser l'intensité de la douleur •le profil évolutif de la douleur (accès douloureux) •une analyse des composantes psycho-affectives • une liste des traitements reçus, de leur modalité d'administration • et de leurs effets indésirables et de leur efficacité •un examen clinique approfondi Option : • Prescription d'examens paracliniques en fonction de leurs intérêts et de leur caractère invasif Recommandation : Pas de recommandation Douleur chronique ou persistante ? Douleur aiguë MTGATT 04 11 2008 Arbre 3 Douleur chronique Arbres 4 et 5 59 EVALUATION DE LA DOULEUR Evaluation de la douleur aiguë chez le patient cancéreux Douleur aiguë liée à un acte oui La démarche d'évaluation doit comprendre en plus des éléments généraux (cf. arbre 2) : non Patient communicant ou enfant > 6 ans ? Standards : •Evaluer la pénibilité d'un acte médical ou d'un soin potentiellement • douloureux •Recueillir l'efficacité et les effets indésirables des mesures antalgiques adoptées Options : •Utiliser une échelle d'autoévaluation de l'intensité adaptée à l'âge du patient •Pour l'enfant : EVA, FPS-R •Pour l'adulte : EVA, EN, EVS •Recommandations : •Utiliser l'échelle d'évaluation avant et après l'acte douloureux. Dans le meilleur des cas, la seconde mesure se fait au décours de l'acte douloureux, mais il est possible de la réaliser dans les 5 minutes qui le suivent, voire plus tard si l'acte a été très pénible (nécessité de récupération). MTGATT 04 11 2008 La démarche d'évaluation doit comprendre en plus des éléments généraux (cf. arbre 2) : Standard : la douleur avant et après un acte médical ou un soin par hétéroévaluation Options : •L'évaluation de la douleur doit être faite par un observateur externe • au geste potentiellement douloureux •Différentes échelles d'hétéroévaluation peuvent être utilisées •Recommandations : •Utiliser des échelles comportementales CHEOPS, OPS et NFCS chez l'enfant. •Utiliser les items de l'échelle DOLOPLUS 2 (7 premiers items) ou DEGR pour identifier plus précisément les signes d'expression douloureuse. •En cas de doute, un test thérapeutique peut être effectué. Si une "amélioration" du comportement est observée (disparition des signes de la douleur, le traitement sera reconduit pour les actes suivants de même nature. •Recourir à un spécialiste de la douleur en cas de situation complexe ou de résistance à un traitement. 60 •Evaluer EVALUATION DE LA DOULEUR Evaluation de la douleur chronique chez le patient cancéreux Douleur chronique ou persistante oui non Patient communicant ou enfant > 6 ans ? La démarche d'évaluation doit comprendre en plus des éléments généraux (cf. arbre 2) : Standards : •La démarche d'évaluation doit être systématique •la démarche d'évaluation doit comprendre : • . Un entretien "ouvert" • . Un entretien "semi-directif" centré sur l'évaluation es composantes de la douleur et sur • les symptômes de la maladie • . Une liste exhaustive des différentes douleurs • . La caractérisation séparée de chacune des douleurs, en intensité, localisation et type. • Une échelle d'autoévaluation doit être utilisée pour caractériser l'intensité de la douleur. • . Le profil évolutif de la douleur (accès douloureux) • . Une analyse des composantes psycho-affectives • . Une liste es traitements reçus, de leur modalité d'administration et de leurs effets • indésirables, et de leur efficacité •Options : •Utiliser l'EVA, EVS, échelle des visages, le dessin sur silhouette, le Questionnaire Concis • de la Douleur (BPI) pour caractériser l'intensité, la topographie de la douleur •Prescrire es examens paracliniques en fonction de leurs intérêts et de leurs caractères invasifs •Utiliser une échelle d'anxiété et/ou de qualité e vie pour compléter l'évaluation de la douleur •Recommandations : •Effectuer une réévaluation globale face à toute modification de la symptomatologie • douloureuse en localisation, intensité, type d'une douleur connue. •Recourir à un spécialiste de la douleur en cas d'analyse complexe ou de résistance à un • traitement MTGATT 04 11 2008 Douleur chronique Arbre 5 61 EVALUATION DE LA DOULEUR Evaluation de la douleur chronique patient cancéreux Douleur chronique ou persistante oui Patient communicant ou enfant > 6 ans ? non Douleur chronique ou persistante Arbre 4 La démarche d'évaluation doit comprendre en plus des éléments généraux (cf. arbre 2) : Pour l'adulte non communicant Standards : . La démarche d'évaluation doit être systématique . La démarche d'évaluation doit comprendre : . La définition de l'état supposé "confortable" et l'état supposé douloureux grâce à l'ensemble des témoignages de tierces personnes (proches, soignants) . Un examen clinique attentif avec validation de l'état douloureux en cherchant à reproduire le comportement douloureux par une succession de manœuvres supposées . identifier le siège et le type de douleur Options : •Utiliser une échelle d'hétéroévaluation DOLOPLUS 2 (validée chez la personne âgée) •Recourir à un expert de la douleur •Recommandations : . Utiliser des échelles d'hétéroévaluation pédiatriques : DESS, DEGR •Effectuer des tests thérapeutiques : antalgiques ou diminution des traitements sédatifs (patient dans le coma) MTGATT 04 11 2008 La démarche d'évaluation doit comprendre en plus des éléments généraux (cf. arbre 2) : Pour l'enfant > 6 ans Standards : •La démarche d'évaluation doit être systématique •La démarche d'évaluation doit comprendre : . Le témoignage verbal ou non de l'enfant chaque fois que cela est nécessaire . Le témoignage de la personne en charge de l'enfant avec identification u siège et u type e la douleur au cours de manœuvres . Une évaluation de la récupération des activités ludiques et psycho-affectives Option : •Utiliser des échelles d'autoévaluation chez l'enfant de 4 à 6 ans (dessins sur silhouette, échelle des visages EVA) ou d'hétéroévaluation (DEGR) si elles sont possibles •Recommandations : •Respecter une neutralité bienveillante lors de • l'évaluation, sans trop d'implication affective •Utiliser l'échelle qui plaît à l'enfant et qu'il s'approprie • le mieux pour les évaluations ultérieures 62 Item 67 Anesthésie locale, loco-régionale et générale Document provenant du CERTIFICAT OPTIONNEL D’ANESTHESIE Pr Francis BONNET, Dr Laurent LAMONERIE MTGATT 04 11 2008 63 Sommaire 1- Principes de l’anesthésie : action des agents anesthésiques, déroulement d’une procédure d’anesthésie générale, monitorage des fonctions vitales au cours de l’anesthésie 2- Risque anesthésique : évaluation – prévention 3- Techniques d’anesthésie loco-régionale 4- Pharmacologie des anesthésiques locaux 5- Pharmacologie des opiacés 6- Prise en charge de la douleur postopératoire : techniques et organisation des soins 7- Allergie en anesthésie 8- Techniques de transfusion périopératoire 9- Antibioprophylaxie périopératoire 10- Interférences médicamenteuses et anesthésie- Antiagrégants et anticoagulants en périopératoire 11- Information des patients en anesthésie : bonnes conduites en cas de procédure médico-légale 12- Impact santé publique de l’anesthésie : modalités d’exercice de l’anesthésie et de la réanimation MTGATT 04 11 2008 64 PRINCIPES DE L’ANESTHESIE : agents anesthésiques, déroulement d’une procédure d’anesthésie générale et monitorage des fonctions vitales Huit millions de français sont soumis à un acte anesthésique chaque année. Plus de la moitié d’entre eux est considérée en bonne santé mais un tiers d’entre eux ont plus de 60 ans. La probabilité d’être anesthésié augmente, dans la population adulte, avec l’âge, pour cumuler à un taux annuel de 30% chez les sujets masculins de plus de 75 ans. Dans cette tranche d’âge, le risque de subir une anesthésie dans l’année concerne dons presque un sujet sur trois. L’anesthésie est un ensemble d’actes médicaux dont la procédure est maintenant bien codifiée et dont l’objectif est de permettre au patient de subir des actes diagnostiques ou opératoires douloureux sans en subir le préjudice. L’anesthésie est une des procédures médicales les plus sûres et la stratégie de soins est particulièrement orientée dans ce domaine vers la garantie de la sécurité des patients. Il existe cependant un risque anesthésique souvent confondu avec le risque opératoire par l’opinion publique mais aussi par les professionnels de santé. Les complications graves de l’anesthésie sont extrêmement rares mais elles sont mal perçues et mal acceptées. Ceci tient au fait que l’anesthésie, plus que tout autre acte médical, est un événement subit dont le patient n’attend aucun bénéfice à priori. D’autre part, le risque anesthésique a cette particularité qu’il peut de façon imprévisible provoquer le décès d’un patient considéré comme en bonne santé. Cette consonance justifie des efforts considérables mis en œuvre pour réduire la morbidité et la mortalité anesthésique. QU’EST CE QU’UNE ANESTHESIE ? L’anesthésie a pour objectif de permettre et de faciliter les gestes chirurgicaux sans préjudice pour le patient. Cette définition s’étend au-delà du simple contrôle de la douleur qui était l’objectif initial des techniques d’anesthésie et qui reste un objectif important. Pour atteindre cet objectif, l’anesthésie fait appel à des moyens pharmacologiques et à des techniques. Les techniques anesthésiques proprement dites peuvent être classées en deux types : les techniques d’anesthésie générale et les techniques d’anesthésie locorégionale. L’anesthésie générale consiste à administrer des agents qui provoquent une perte de conscience réversible. Si le but initial de l’anesthésie était d’interrompre les sensations douloureuses, il est apparu qu’à l’exception des anesthésiques locaux, aucun agent n’était capable d’obtenir un niveau d’analgésie permettant la pratique d’un acte chirurgical ou d’un acte médical invasif, sans modifier l’état de conscience. Même les agents anesthésiques de référence que sont les opiacés (analogues de la morphine) ne sont capables d’induire un niveau d’analgésie chirurgicale sans modifier l’état de conscience. Les techniques d’anesthésie loco-régionale ont pour but d’interrompre transitoirement la transmission des messages douloureux le long des structures nerveuses, tout en préservant l’état de conscience. LES AGENTS ANESTHESIQUES Les agents anesthésiques utilisés pour l’anesthésie générale se distinguent selon qu’ils ont ou non des propriétés analgésiques et selon leur mode d’administration. Deux voies d’administration sont utilisées : la voie intraveineuse et l’inhalation. Les agents anesthésiques dont la propriété principale est de provoquer une perte de conscience sont dits HYPNOTIQUES. Parmi les hypnotiques administrés par voie intraveineuse, on peut classer les barbituriques d’action rapide (thiopental = penthotal®, methohexital = brietal®), l’étomidate (hypnomidate®) et la propofol (diprivan®). D’autres agents administrés par voie intraveineuse produisent un état de sédation plus ou moins prononcé et sont éventuellement utilisés comme adjuvants des pr »c »dents, il s’agit des benzodiazépines (diazepam = valium® et flunitrazepam = rohypnol®, actuellement midazolam = hypnovel®), et autrefois des MTGATT 04 11 2008 65 neuroleptiques. L’anesthésie peut être également initiée et surtout entretenue par inhalation, c’est-à-dire en faisant respirer au patient un gaz anesthésique mélangé à de l’oxygène. Les agents anesthésiques utilisés par inhalation ont une puissance anesthésique variable. Le protoxyde d’azote (N2O) est un agent de faible puissance qui est administré en concentrations de 50% à 70% avec de l’oxygène. D’autres agents dits « halogénés », car comportant plusieurs molécules de fluor dans leur structure chimique sont plus puissants et de ce fait utilisés à des concentration très inférieures. Au cours des dernières années, l’isoflurane (forène®) a progressivement remplacé l’halothane (fluothane®) et l’ethrane (enflurane®), et plus récemment sont utilisés le sévofkurane (sevorane®) et le desflurane (suprane®). Les halogénés qui sont stockés sous fornme liquide sont introduit dans le circuit d’anesthésie après évaporation. Le protoxyde d’azote est véhiculé sous forme de gaz comprimé puis introduit dans le circuit après décompression. Pour réaliser une anesthésie, il faut le plus souvent associer aux agents hypnotiques des agents ayant des propriétés analgésiques prédominantes c’est-à-dire en pratique des opiacés qui sont des dérivés synthétiques ou semisynthétiques de l’opium. La morphine elle-même et d’autres substances comme la péthidine (dolosal®) ne sont plus guère utilisées par voie intraveineuse au cours de l’anesthésie, bien que la morphine reste l’analgésique de référence pour la période postopératoire. D’autres dérivés synthétiques se sont donc substitués depuis longtemps à la morphine comme le fentanyl (fentanyl®), l’alfentanyl (rapifen®), le sufentanil (sufenta®) et plus récemment le rémifentanil (ultiva®). Les curares constituent la troisième catégorie de produits utilisés au cours de l’anesthésie générale mais ne sont pas des agents anesthésiques. Ils ont pour effet de provoquer une paralysie musculaire en bloquant la transmission synaptique neuromusculaire. L’utilisation des curares a pour objectif de faciliter l’intubation oro-trachéale au moment de l’initiation de l’anesthésie, mais aussi de faciliter le geste chirurgicale quand un relâchement musculaire est nécessaire. La succinylcholine (célocurine®) est un curare qui excite la plaque motrice avant de la bloquer, il provoque donc des contractions musculaires avant la paralysie. La succinylcholine est le curare qui agit le plus rapidement et pour cette raison elle est utilisée lorsqu’une intubation très rapide est nécessaire. Les autres curares agissent en bloquant directement la plaque motrice, ils sont dits non dépolarisants et se différencient par leur vitesse d’installation de l’effet, leur durée d’action et la régression du bloc neuromusculaire. Le pancuronium (pavulon®) est un curare d’action longue, le vécuronium (norcuron®), l’atracurium (tracrium®) ont une durée d’action plus courte, le mivacurium (mivacron®) a une durée d’action très courte. L’action des curares peut être antagonisée en fin d’intervention par la néostigmine (prostigmine®). Les agents anesthésiques utilisés pour l’anesthésie loco-régionale sont les anesthésiques locaux qui peuvent être administrés soit directement dans le liquide céphalo-rachidien (rachianesthésie) soit dans l’espace péridural (anesthésie péridurale). Les anesthésiques locaux peuvent aussi être injectés au voisinage des plexus ou des troncs nerveux ou de façon plus distale par infiltration. Les anesthésiques provoquent un bloc non sélectif et réversible des fibres nerveuses c’està-dire qu’ils interrompent la conduction non seulement sur les fibres sensitives mais aussi sur les fibres motrices. Il s’ensuit un bloc qui peut porter à la fois sur la sensibilité et sur la motricité, à des degrés variables qui dépendent du site d’injection, de la quantité administrée et de la nature de l’agent anesthésique utilisé. L’administration des anesthésiques locaux a une conséquence annexe : le bloc des fibres du système nerveux sympathique qui est responsable d’une baisse de la pression artérielle et d’un ralentissement de la fréquence cardiaque dont l’importance est variable. Par ailleurs, les anesthésiques locaux ont une marge de sécurité relativement étroite entre les doses qui produisent des effets thérapeutiques et celles qui sont toxiques après résorption ou injection intra-vasculaire accidentelle. La toxicité neurologique (convulsions) et cardiaque des anesthésiques locaux est le facteur limitant la quantité administrée. Elle impose que les techniques d’anesthésie locorégionale soient parfaitement maîtrisées et surveillées. DEROULEMENT D’UNE PROCEDURE D’ANESTHESIE GENERALE L’anesthésie peut se diviser en trois parties : l’induction, l’entretien de l’anesthésie et le réveil. L’anesthésie est précédée d’une prémédication (qui consiste habituellement à administrer une benzodiazépine) et qui vise à induire une sédation pour calmer l’anxiété. - L’induction de l’anesthésie est réalisée le plus souvent par voie veineuse chez l’adulte mais peut être obtenue directement par inhalation chez l’enfant. L’induction implique rapidement un contrôle des voies aériennes qui peut nécessiter une curarisation dès qu’une intubation est envisagée. En d’autres termes, le schéma le plus courant consiste à intuber le patient après curarisation et à instituer une ventilation contrôlée mais il n’est pas toujours nécessaire d’injecter un curare pour intuber ni d’intuber pour contrôler les voies aériennes (l’alternative est la mise en place d’un masque facial ou laryngé). Enfin, un patient peut rester en ventilation spontanée au cours d’une anesthésie légère. MTGATT 04 11 2008 66 - - L’entretien de l’anesthésie est réalisé en utilisant des agents halogénés et/ou des agents intraveineux administrés de façon intermittente ou en perfusion continue. L règle en anesthésie est d’associer différents agents (hypnotiques, opiacés, anesthésie par inhalation) même si tel ou tel agent peut être utilisé préférentiellement au cours d’une anesthésie donnée. En routine, la « profondeur de l’anesthésie » s’apprécie essentiellement sur les variations de pression artérielle et de fréquence cardiaque. Dans un avenir proche, il est possible que se développent des techniques (déjà disponibles) d’analyse en continue de l’électroencéphalogramme ou d’autres signaux qui témoignent de l’activité cérébrale et dons de la profondeur d ‘anesthésie. Au cours de l’anesthésie et pendant la chirurgie, il faut réchauffer les patients pour maintenir le corps proche de la température normale et compenser des pertes hydriques et sodées ainsi que les pertes hémorragiques. Le réveil anesthésique est le résultat de l’élimination des agents anesthésiques administrés. Pour des interventions chirurgicales courtes, le réveil anesthésique coïncide avec la durée de la chirurgie et si l’intervention est majeure ou prolongée, la durée de l’anesthésie dépasse celle de la chirurgie et la fin de l’assistance de la ventilation ne se fait qu’après réchauffement complet des patients et lorsque le pouls et la fréquence cardiaque sont stables. Durant la phase de réveil, les patients bénéficient d’une surveillance maintenue dans un milieu ou la densité en infirmières est importante, le retour en chambre d’hospitalisation ne se faisant qu’après disparition des effets résiduels des agents anesthésiques, notamment des effets respiratoires. Par ailleurs, la salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI) est le lieu ou s’initie le ou les traitements antalgiques postopératoires. La pratique de l’anesthésie implique une structure de soins adaptée dans le cadre du bloc opératoire, elle implique un contrôle permanent des soins appliqués et des technologies utilisées et enfin une organisation collective bien rodée. Ces éléments garantissent la sécurité des patients au cours de l’anesthésie et expliquent que la mortalité directement liée au geste anesthésique est aujourd’hui ramené à des chiffres de l’ordre de 1 pour 25000 à 1 pour 100000 actes. MONITORAGE DES FONCTIONS VITALES Les agents anesthésiques modifient profondément la régulation des grandes fonctions vitales physiologiques de l’organisme. L’anesthésie générale provoque une perte de conscience plus ou moins profonde : pratiquement, tous les agents anesthésiques utilisés inhibent la commande de la ventilation et les curares paralysent les muscles respiratoires, enfin, pratiquement, tous les agents anesthésiques ont une action hypotensive (baisse de la pression artérielle). La pratique de l’anesthésie nécessite donc de suppléer aux fonctions physiologiques transitoirement perturbées et également de contrôler l’administration des agents anesthésiques et leurs effets. La dépression de la commande de la ventilation implique que le médecin anesthésiste s’assure du contrôle des voies aériennes supérieures (c’est-à-dire qu’il « isole » les voies aériennes des voies digestives en pratiquant une intubation orotrachéale ou en utilisant un dispositif comme le masque laryngé) et qu’il mette en œuvre une ventilation contrôlée à l’aide d’un respirateur. Du fait des modifications du pouls, de la pression artérielle et de la dépression respiratoire provoqués par les agents anesthésiques, une surveillance permanente de l’électrocardiogramme et des mesures régulières à intervalles rapprochées de la pression artérielle sont nécessaires au cours de toute anesthésie. Elle sont complétées par un surveillance continue de la saturation en oxygène du sang artériel et de la concentration d’oxygène dans le circuit d’anesthésie. L’administration des agents anesthésiques par inhalation est également contrôlée par la mesure de leur concentration dans le circuit d’anesthésie (protoxyde d’azote) ou de leur concentration en fin d’expiration qui reflète la concentration dans les alvéoles pulmonaires, elle-même en relation avec leur concentration dans le sang. La mesure continue de la concentration alvéolaire est utile car l’effet anesthésique des halogénés est proportionnel à cette concentration. La mesure en continu de la concentration dans le sang des agents anesthésiques administrés par voie veineuse n’étant pas possible, leur administration se base sur des modèles mathématiques qui décrivent l’évolution de cette concentration (modèles pharmacocinétiques) et sur le contrôle des effets hémodynamiques. L’action MTGATT 04 11 2008 67 des curares est surveillée par stimulation intermittente de certains muscles superficiels (comme le muscle adducteur du pouce) ; la réponse de ces muscles à des stimulations fixées par convention (train de quatre, double burst stimulation…) permettant de juger de l’état de curarisation ou de décurarisation du patient. ROLE DU MEDECIN ANESTHESISTE Le médecin anesthésiste est responsable de la conduite de l’anesthésie. Son activité s’exerce avant le bloc opératoire au cours de la consultation pré-anesthésique, au bloc opératoire pendant l’anesthésie et au décours dans la salle de surveillance post-interventionnelle. Le médecin anesthésiste intervient également en cas de complication per- ou postopératoire et détermine la stratégie de prise en charge de la douleur postopératoire. La consultation d’anesthésie est un temps important qui a pour but d’évaluer le risque anesthésique et opératoire, d’évaluer les pathologies dont souffre le patient et les traitements qui sont susceptibles d’interférer avec le déroulement de l’anesthésie et de définir la technique d’anesthésie qui sera utilisée. Le risque anesthésique comprend notamment le risque d’intubation difficile et celui d’accident allergique. L’intubation difficile qui peut conduire à des difficultés de ventilation peut être prédite sur des critères anatomiques lors de la consultation d’anesthésie. Elle détermine le choix de techniques d’intubation adaptées. Le risque allergique, en partie prévisible, est cependant augmenté quand sont présents certains antécédents retrouvés par l’interrogatoire lors de la consultation anesthésique. Ainsi, l’allergie au latex peut être soupçonnée quand il existe des antécédents d’allergie alimentaire au kiwi ou la banane ou une profession exposée (contraignant à la manipulation de gants en latex). Les principaux agents responsables d’accidents allergiques sont les curares, les colloïdes et antibiotiques utilisés en per-opératoire. La consultation d’anesthésie est aussi le moment et le lieu d’informer le patient sur le déroulement et les conséquences de l’anesthésie, sur les complications encourues, sur la prise en charge de la douleur postopératoire et sur la probabilité et les conséquences d’une transfusion sanguine per-opératoire quand les circonstances la rendent probable. Le médecin anesthésiste travaille en équipe. Chaque médecin est susceptible de prendre en charge l’une ou l’autre étape ou la totalité du déroulement des actes pré-, per- et post-anesthésies. La continuité des soins pour un même patient est assurée par des procédures de transmission d’information rigoureuses. LE RISQUE ANESTHESIQUE Le risque anesthésique est déterminé par les effets de l’anesthésie et de l’analgésie. En accord avec la réglementation, les principes de sécurité anesthésique garantissent un contrôle optimal du risque. Ils reposent sur l’utilisation et la contrôle systématiques des appareils de surveillance et l’organisation de la structure d’anesthésie. De façon indépendante, le risque opératoire résulte de l’interaction du PATIENT, de l’ACTE CHIRURGICAL et de l’ANESTHESIE. Pour l’anesthésiste, l’évaluation du risque opératoire est une priorité. Elle nécessite de confronter les facteurs de risque du patient, le risque chirurgical et celui de l’anesthésie. En effet, une stratégie de prise en charge continue permet une prévention ou une réduction d’un risque opératoire individualisé. L’accident d’anesthésie est un événement rare mais potentiellement gravissime. MTGATT 04 11 2008 68 L’ANESTHESIE : une situation à risque L’accident d’anesthésie survient le plus souvent de façon brutale et ses conséquences peuvent être irréversibles. L’augmentation importante d’actes d’anesthésie estimé à 8 millions en 1996 en France et une population exposée plus âgée font de la gestion du risque un enjeu de santé publique. Actuellement, les taux publiés de mortalité anesthésique sont très variables d’un pays à l’autre (absence d’accord sur une méthode de recensement). En France, dans les années 1970, le taux de mortalité était de 1/13000 anesthésies. Le risque actuel, selon les données internationales, varie entre 1/63000 à 1/183500 en fonction des pays. Dans la plupart des cas, l’induction anesthésique nécessite le contrôle des voies aériennes supérieures par l’intubation et entraîne une dépendance vis-à-vis du respirateur. Lors du réveil, la restauration de l’autonomie respiratoire ainsi que la protection des voies aériennes supérieures sont altérées après l’extubation en raison des effets résiduels de l’anesthésie et de la poursuite de l’analgésie. L’utilisation des produits de l’anesthésie et de l’analgésie expose donc à la survenue d’une HYPOXIE. L’hypoxie, source de mortalité et de séquelles cérébrales, est effectivement le premier facteur impliqué dans les complications anesthésiques graves. EVALUATION DU RISQUE 1- les facteurs chirurgicaux Ils interviennent largement dans le risque opératoire. Modulées par le type de l’intervention et les pertes hémorragiques, l’amputation fonctionnelle secondaire à l’exérèse chirurgicale et les modifications circulatoires peropératoires exposent à des dysfonctionnement d’organes per- et postopératoires. La prise en compte des aspects chirurgicaux dans l’évaluation préopératoire nécessite une bonne communication entre anesthésiste et chirurgien. Elle est nécessaire à l’adaptation des techniques anesthésiques et analgésiques, des moyens de monitorage (surveillance) et de la surveillance postopératoire. 2- les facteurs liés au patient L’état de santé du patient joue un rôle déterminant dans la tolérance de l’acte chirurgical et de l’anesthésie qui en permet la réalisation. Au cours de la consultation pré-anesthésie, le recueil des antécédents médicaux et les données de l’examen clinique permettent de reconnaître les maladies ou les facteurs exposant à un risque moyen accru de complications périopératoires. L’identification du risque opératoire personnel appréhendé par le score de l’American Society of Anaesthesiology (score ASA) est un des objectifs de l’évaluation préopératoire. Il existe une augmentation marquée du risque personnel à partir de la classe 3. Score ASA - ASA 1 : absence de maladie systémique - ASA 2 : maladie systémique non invalidante - ASA 3 : maladie systémique invalidante - ASA 4 : risque vital permanent MTGATT 04 11 2008 69 - ASA 5 : patient moribond Terrain cardiovasculaire L’évaluation du risque cardiaque périopératoire a fait l’objet de nombreux travaux en raison d’une prévalence élevée des maladies cardiovasculaires. En dehors de la chirurgie cardiaque, l’existence d’une cardiopathie expose à un risque de complications cardiaques d’autant plus marquée que l’atteinte cardiaque est grave ou instable. Récemment, un nouvel index de prédiction du risque cardiaque en chirurgie non cardiaque a été proposé. Les facteurs pronostiques retenus sont la chirurgie majeure, une cardiopathie ischémique, un antécédent d’insuffisance cardiaque, le diabète insulinodépendant et l’insuffisance rénale. Le risque de complication cardiaque périopératoire varie entre 0.4% et 11% en fonction du nombre de facteurs. Le risque postopératoire d’infarctus du myocarde survient dans 1.5% des cas avec une mortalité de 21%. L’ischémie myocardique postopératoire le plus souvent silencieuse est un facteur de risque majeur d’infarctus. en raison de sa réversibilité, elle nécessite des mesures de prévention et de détection chez tous les patients à risque durant la période périopératoire. De même, les patients présentant une hypertension artérielle ou un diabète sont une situation fréquente lors de la consultation d’anesthésie. L’équilibre tensionnel préopératoire ainsi que la recherche de complications de l’hypertension artérielle ou l’équilibre du diabète seront nécessaires avant une anesthésie. En phase préopératoire, l’optimisation du traitement ou la réalisation d’une évaluation complémentaire peuvent être utiles à la maîtrise du risque cardiovasculaire périopératoire. Terrain respiratoire Dans le cadre de l’anesthésie générale, le contrôle peropératoire des voies aériennes nécessite le plus souvent (61% des cas) l’intubation oro-trachéale. La recherche de facteurs morphologiques faisant suspecter une difficulté d’intubation est donc systématique au cours de l’évaluation préopératoire. Les complications respiratoires interviennent largement dans le risque opératoire. Secondaires à l’association variable de la dépression respiratoire, d’un dysfonctionnement diaphragmatique potentiel et de l’utilisation peropératoire de la ventilation mécanique, leur risque est modulé par le geste chirurgical et le statut respiratoire du patient. Les facteurs de risque identifiés sont l’intoxication tabagique, l’existence d’une dyspnée d’effort et la bronchopneumopathie chronique obstructive. Le risque de complications respiratoires postopératoires peut selon les cas être multiplié par 2.7 à 4.7.L’optimisation respiratoire préopératoire peut alors nécessiter un traitement bronchodilatateur, une rééducation respiratoire et l’arrêt de l’intoxication tabagique. Enfin, pour les patients à risque, la qualité de l’analgésie postopératoire intervient dans l’optimisation de la rééducation respiratoire durant la période postopératoire immédiate. Allergie La réalisation régulière d’enquête nationale permet une actualisation des données. Actuellement, le taux de réactions anaphylactiques est de 1 pour 13000 anesthésies toutes substances confondues. Les femmes sont 2.5 fois plus souvent atteintes. L’incidence des réactions aux curares est de 1 pour 6500 anesthésies. Outre les curares, on retrouve le latex (16.6%) , les antibiotiques (8.3%), les hypnotiques (5.1%), les colloïdes (3.1%) et les morphiniques (2.7%). La consultation d’allergologie au décours de tout événement peranesthésique suspecté allergique est fondamentale. Pour les patients n’ayant jamais subi d’anesthésie, en dehors de l’allergie MTGATT 04 11 2008 70 au latex, les antécédents d’allergie médicamenteuse et d’atopie ne permettent pas de prédire le risque anaphylactique peranesthésique. MOYENS DE PREVENTION DU RISQUE La maîtrise du risque est basée aujourd’hui sur les principes de sécurité anesthésique dont l’objectif est de prévenir la survenue de toute défaillance qu’elle soit matérielle ou humaine. En définissant au préalable une stratégie de prise en charge adaptée, l’évaluation du risque opératoire par l’anesthésiste permet d’engager activement un ensemble de mesures visant à prévenir la survenue d’une complication périopératoire. La programmation du geste chirurgical s’effectue en accord avec l’anesthésiste pour un patient correctement évalué voire stabilisé et à distance de tout événement aigu potentiellenment délétère. La stratégie de prise en charge inclut la réflexion sur le type d’anesthésie, les moyens de monitorage et les techniques spécifiques potentiellement nécessaires. De façon plus globale, la diminution du risque implique une organisation de la prise en charge autour de « bonnes pratiques » de l’anesthésie. Pour de bonnes pratiques, l’établissement de soins doit assurer : - une consultation d’anesthésie avant 48 heures avant l’acte opératoire les moyens humains et matériels nécessaires à la réalisation de l’anesthésie et à la surveillance peropératoire une salle de surveillance post-interventionnelle Indépendamment du risque anesthésique propre, contrôlé par le respect des règles de sécurité, le risque opératoire est déterminé par le geste chirurgical, les techniques anesthésique et analgésique qu’il impose et le patient. TECHNIQUES D’ANESTHESIE LOCO-REGIONALE L’anesthésie loco-régionale représente 20% des anesthésies pratiquées en France. Elle se divise en anesthésie centrale (rachianesthésie et péridurale) et anesthésie par blocs périphériques. La rachianesthésie est la plus utilisée en peropératoire. Les principales indications de la technique péridurale sont essentiellement l’analgésie épidurale (analgésie au cours du travail obstétricale et analgésie postopératoire). Les blocs périphériques se sont aussi développés avec la stimulation de nerfs qui en permet u n meilleur repérage. Les principales indications de l’anesthésie loco-régionale par blocs périphériques sont la chirurgie des membres, la chirurgie oculaire et les interventions peu invasives. L’anesthésie loco-régionale est aussi efficace pour traiter la douleur postopératoire et pourrait améliorer la rééducation et faciliter la convalescence des patients. Elle comporte un risque comparable à celui de l’anesthésie générale et donc très faible. La technique doit être pratiquée dans le même environnement technique que l’anesthésie générale et requiert une surveillance aussi attentive. Le principe de l’anesthésie loco-régionale est de réaliser un bloc de conduction nerveuse, réversible par l’application d’une solution d’anesthésique local au voisinage de la moelle, des racines médullaires, des plexus ou des troncs nerveux. MTGATT 04 11 2008 71 L’anesthésie loco-régionale préserve l’état de conscience des patients et de ce fait n’oblige pas à un contrôle des voies aériennes supérieures ni à une assistance respiratoire éventuelle comme l’anesthésie générale. TECHNIQUES D’ANESTHESIE LOCO-REGIONALE 1- les blocs centraux Selon que l’injection de la solution anesthésique se fait avec ou sans perforation de la duremère, on parle de rachianesthésie (ou intratéchale) ou d’anesthésie épidurale (ou péridurale). Lors d’une rachianesthésie, les anesthésiques ou les opiacés sont injectés dans le liquide céphalorachidien en très faible quantité. Lors d’une anesthésie épidurale, les mêmes agents sont injectés en plus grande quantité dans un espace virtuel situé entre le ligament jaune et la dure-mère. La solution anesthésique peut être injectée directement ou par un cathéter alors introduit par l’aiguille de péridurale (Tuohy) ce qui permet ainsi des injections répétées ou continues. La rachianesthésie comme l’anesthésie péridurale procurent un bloc central bilatéral et symétrique qui concerne les membres inférieurs et remonte plus ou moins haut sur l’abdomen et le thorax. Le bloc de la rachianesthésie est pour une quantité d’anesthésique local moindre plus intense et plus rapide que celui qui résulte de l’injection épidurale. Les deux techniques produisent un bloc sympathique qui induit une vasoplégie. La conséquence habituelle du bloc sympathique est une hypotension associée parfois à une bradycardie. 2- Les blocs périphériques Ils représentent 15% des techniques d’anesthésie loco-régionale et sont essentiellement pratiqués pour la chirurgie des membres. Comme pour les blocs centraux, leur durée d’action peut être prolongée par une analgésie entretenue par une perfusion continue sur cathéter. Il est possible de bloquer l’ensemble des nerfs d’un membre ou de bloquer sélectivement tel ou tel nerf périphérique. Ainsi, pour le membre supérieur, on peut réaliser un bloc du plexus brachial au-dessus ou en dessous de la clavicule, un bloc des troncs nerveux principaux (médian, cubital, radial et/ou musculo-cutané) regroupés au niveau axillaire, ou un bloc de chacun de ces nerfs au canal huméral voire même des blocs distaux sélectifs. La pratique des blocs périphériques a beaucoup progressé et s’est diversifié en raison de l’usage systématique des stimulateurs de nerfs qui délivrent un courant de faible intensité, permettant de repérer les nerfs par la contractions des muscles qu’ils innervent. L’usage des stimulateurs sécurise la pratique des blocs en diminuant le risque de lésion traumatique. INDICATIONS ET CONTRE-INDICATIONS Plusieurs éléments amènent à choisir l’anesthésie loco-régionale plutôt que l’anesthésie générale : MTGATT 04 11 2008 72 - toute la chirurgie des membres et du périnée peut être effectuée sous anesthésie locorégionale, ainsi que de nombreuses interventions de chirurgie ophtalmique mais aussi de la chirurgie de la carotide ou de la cure de hernie inguinale. D’autres interventions peuvent s’effectuer en combinant anesthésie générale et anesthésie loco-régionale. Plus le geste est « périphérique » ou superficiel et plus l’anesthésie loco-régionale est adaptée, permettant au patient de conserver l’intégrité de ses fonctions. - le second intérêt de l’anesthésie loco-régionale est d’assurer une analgésie efficace qui peut être entretenue après l’intervention et qui peut faciliter sa rééducation et sa convalescence. Telle est la raison actuelle du développement des blocs périphériques à visée analgésique après chirurgie de la hanche et du genou. - Enfin, il peut exister des indications en fonction du geste chirurgical : ainsi, pendant la chirurgie carotidienne, l’anesthésie loco-régionale, en préservant l’état de conscience du patient, permet de surveiller au mieux son état cérébral. L’anesthésie loco-régionale comme toute thérapeutique médicale connaît des contreindications. Les perturbations importantes de l’hémostase interdisent l’introduction d’aiguilles dans des sites anatomiques, comme l’espace péridural, ou la constitution d’un hématome peut avoir des conséquences catastrophiques. Un déficit ou une maladie neurologique préalable n’est pas une contreindication formelle mais l’anesthésie loco-régionale peut parfois introduire une confusion d’interprétation en cas d’évolution des symptômes. Les conditions de réalisation de toute technique d’anesthésie locorégionale doivent être expliquées au patient ainsi que ses risques et leurs conséquences. Dans la mesure ou la technique demande leur coopération et d’autant qu’il existe une autre possibilité, la règle est de ne pas leur « forcer la main ». Cependant, quand les circonstances orientent préférentiellement le choix vers l’anesthésie loco-régionale du fait d’un risque accru de l’anesthésie générale, les risques doivent être clairement expliqués au patient. COMPLICATIONS Rapportées au nombre d’actes, les complications graves sont rares. Cependant, compte tenu du contexte dans lequel peut être pratiquée l’anesthésie loco-régionale (notamment obstétrical), leur retentissement est important. Les complications de l’anesthésie loco-régionale sont les suivantes : - l’administration intra-vasculaire accidentelle d’anesthésiques locaux avec le risque de convulsions ou de troubles du rythme ventriculaire et risque d’arrêt cardiaque. l’hématome périmédullaire avec compression médullaire le traumatismes des nerfs périphériques par des aiguilles de ponction Les complications de l’anesthésie loco-régionale peut être aussi dépendant de la technique utilisée. En effet, la rachianesthésie provoque des complications qui lui sont propres : arrêt cardiaque MTGATT 04 11 2008 73 imputable aux conséquences hémodynamiques du bloc, syndrome de la queue de cheval par l’administration de lidocaïne (actuellement retirée du commerce dans cette indication), inoculation bactérienne avec risque de survenue de méningite. CONCLUSION Toutes les complications de l’anesthésie loco-régionale sont extrêmement rares. Cependant, compte tenu de leur gravité, il importe d’en avertir le patient sans dramatiser la situation et en lui donnant l’assurance que des mesures préventives sont prises. L’anesthésie loco-régionale reste une technique bien adaptée à de nombreux actes chirurgicaux et contribue à l’amélioration du confort des opérés après l’intervention. Ces raisons expliquent la diffusion importante de ce mode d’anesthésie et d’analgésie au cours des dernières années. MTGATT 04 11 2008 74 PHARMACOLOGIE DES ANESTHESIQUES LOCAUX MECANISME D’ACTION 1- électrophysiologie du potentiel d’action Les anesthésiques locaux (AL) agissent en modifiant le potentiel d’action (PA) et sa conduction le long de la fibre nerveuse. Au repos, les canaux sodique sont fermés. Toute dépolarisation engendre une ouverture progressive de ces canaux. Ce courant sodique dépolarise la membrane (phase ascendante du PA). Lorsque la membrane se trouve complètement dépolarisée, il se produit une modification structurelle du canal sodé qui le rend imperméable. L’augmentation de la perméabilité au potassium produit une sortie massive de cet ion. La repolarisation de la membrane survient lorsque le nombre d’ions potassium sorti du neurone est égal à celui des ions sodium qui y étaient entrés lors de la dépolarisation. 2- Mécanisme d’action des AL Les AL exercent leur action au niveau de la membrane neuronale. Ils agissent à l’intérieur de l’axone à la face interne de la membrane par leur forme cationique. De plus leur forme non ionisée pourrait également contribuer à l’action anesthésique locale. Elle est capable de pénétrer dans la membrane neuronale et entraîner des modifications conformationnelles de la matrice lipoprotéique. Les AL interfèrent avec les diverses phases du PA au niveau de l’ouverture du canal sodique et du courant entrant sodique (principal mode d’action). Ils diminuent l’amplitude du PA, la vitesse de dépolarisation et augmentent la durée de la période réfractaire. Si la concentration périneuronale en AL est élevée, le neurone devient totalement inexcitable. Il existe une concentration seuil en deçà de laquelle la fibre redevient excitable (concentration minimale inhibitrice Cm) différente selon les AL et différenciant la puissance anesthésique des AL. Cependant, la vitesse d’installation d’un bloc nerveux n’est pas liée à la puissance de l’AL mais paraît dépendre de sa liposolubilité et de son pKa. De même, la durée du bloc dépend de la liposolubilité de l’AL et de son affinité pour les protéines. PROPRIETES GENERALES 1- Formule chimique D’une façon générale, la structure chimique des AL est composée d’un pôle lipophile, d’une chaîne intermédiaire et d’un pôle hydrophile. Le groupement aromatique de la molécule conditionne ses propriétés lipophiles et le groupement amine son caractère hydrophile. La chaîne intermédiaire joue un rôle capital : - son allongement et sa ramification déterminent la puissance anesthésique, la liposolubilité et la toxicité - la présence d’un groupement ester ou amide intervient dans le métabolisme de ces substances. Les AL à liaison ester sont hydrolysés dans le plasma par les cholinestérases, ceux à liaison amide sont catabolisés par les microsomes hépatiques. MTGATT 04 11 2008 75 2- Constante de dissociation En solution, les AL existe sous deux formes : basique non ionisée et acide conjuguée ionisée. La proportion entre ces deux formes dépend de la constante de dissociation (Ka) de l’acide conjugué et de la concentration locale en ions hydrogènes donc du pH local. Si le pH est égal au pKa, 50% de l’AL se trouvent sous forme ionisée. Plus le pKa est élevé, moins on trouve de forme non ionisée au pH physiologique. De l’ionisation dépendent l’hydrosolubilité et l’activité de l’AL. La forme base liposoluble diffuse facilement à travers les structures périneuronales et la membrane axonale. Après passage dans la cellule, c’est la forme ionisée qui sera responsable du blocage du PA. CLASSIFICATION DES ANESTHESIQUES LOCAUX 1- Amino-esters Ces produits sont des dérivés esters de l’acide para-aminobenzoique. Le produit de leur métabolisme est l’acide para-amino-benzoique connu pour ses propriétés allergisantes. Les différents molécules sont : - procaine - chloroprocaine - tétracaine 2- Amino-amides Les différents produits de cette classe sont - lidocaine - mépivacaine - bupivacaine - étodocaine - ropivacaine PHARMACOCINETIQUE ET TOXICITE 1- Pharmacocinétique La concentration des AL dans le sang est déterminée par la quantité de produit administré, la vitesse de résorption vasculaire au niveau du site d’injection, la distribution tissulaire et la vitesse de la biotransformation et d’excrétion du produit. Des facteurs liés au patient comme l’âge, l’état cardiovasculaire et la fonction hépatique interviennent également. La biodistribution des AL peut être décrite sur la base d’un modèle à deux compartiments. Les AL sont distribués dans l’ensemble des tissus suivant leur degré de vascularisation. Leur métabolisme dépend de la classe chimique du produit. 2- Toxicité Des réactions toxiques systémiques au niveau du système nerveux central ou cardiovasculaire peuvent survenir notamment en cas d’injection intravasculaire accidentelle. MTGATT 04 11 2008 76 Il existe une corrélation entre la puissance anesthésique et la survenue possibles d’effets toxiques. Au niveau du SNC, les symptômes vont de simples signes visuels ou auditifs à la crise d’épilepsie ou au coma avec arrêt respiratoire. Sur le plan cardiaque, les AL ont des effets électrophysiologiques et mécaniques (inotropisme). MTGATT 04 11 2008 77 PHARMACOLOGIE DES OPIACES Les morphiniques agonistes ont les mêmes propriétés pharmacologiques dépendantes de la dose et concernent notamment l’analgésie, la dépression respiratoire et les effets digestifs. Ils différent entre eux principalement par la puissance d’action et les durées et délais d’action. Ces derniers éléments sont déterminés par les propriétés au niveau des récepteurs morphiniques μ et la diffusion tissulaire. ACTIVITE IN VITRO Comme toutes substances agissant sur des récepteurs, les morphiniques se définissent par une affinité et activité intrinsèque. L’affinité d’une substance pour un récepteur caractérise la facilité avec laquelle celle-ci se fixe à son site récepteur spécifique. Cette affinité conditionne pour une part importante la puissance d’action d’un morphinique. L’activité intrinsèque est l’activité développée par une molécule fixée à un récepteur. Les morphiniques ne développent pas tous la même activité intrinsèque bien que se soient tous des agonistes purs. Ces différence d’activité expliquent que la morphine est un agoniste moins efficace que le sufentanil ou l’alfentanil. PHARMACOCINETIQUE Les délais et durées d’action des morphiniques administrés par voie intra-veineuse dépendent de deux paramètres pharmacocinétiques : - la demi-vie d’équilibration au niveau du site d’action - la demi-vie rapportée au contexte clinique (« context-sensitive half time ») 1- la demi-vie d’équilibration La diffusion des morphiniques au niveau du site d’action dépend comme pour toutes les molécules de leurs propriétés physicochimiques. Les morphiniques sont tous des bases faibles. La fraction diffusible est la fraction libre (non fixée aux protéines plasmatiques) et non ionisées. La fraction diffusible dépend du degré de fixation et du pKa (tableau). Les fractions diffusibles du fentanyl et du sufentanil varient significativement avec le pH plasmatique compte tenu de leurs valeurs de pKa (8.4 et 8 respectivement). Par contre, l’alfentanil n’est pas modifié pour des variations de pH entre 7.20 et 7.60. La diffusion de la base non liée aux protéines (fraction diffusible) dépend de deux facteurs : - la liposolubilité MTGATT 04 11 2008 78 - le volume du compartiment central. La diffusion des morphiniques de part et d’autre de la barrière hémato-encéphalique est passive, répondant an gradient de concentration transmembranaire et est d’autant plus rapide que la molécule est liposoluble. Les morphiniques différent par leur liposolubilité. La morphine est moins soluble de tous les morphiniques. Le fentanyl et le sufentanil sont les plus liposolubles. L’alfentanil se classe parmi les morphiniques à liposolubilité intermédiaire entre la morphine et le fentanyl. Le volume du compartiment central détermine également la quantité de molécules diffusant dans le système nerveux central puisque cette diffusion dépend de la concentration. L’index de diffusion est donc proportionnel à la fraction diffusible et à la liposolubilité et inversement proportionnel au volume du compartiment central. Ces phénomènes de diffusion et de rediffusion (relargage à partir du site d’action) influencent également la durée d’action. Ils sont également dépendant des doses administrées. 2- La demi-vie contextuelle Ce paramètre traduit l’accumulation du médicament dans l’organisme et se définit comme le temps de décroissance de 50% de la concentration dans le compartiment central après des durées variables de perfusion continue. La demi-vie contextuelle s’accroît avec la durée de la perfusion pour la plupart des morphiniques traduisant un effet cumulatif. Le volume de distribution des morphiniques est principalement constitué par le territoire musculaire du fait de sa vascularisation. Ces distributions et redistributions du morphinique dans les muscles dépendent également de leur liposolubilité (plus le morphinique est liposoluble et plus grand est le volume de distribution Vd). Ainsi, la première conséquence du grand Vd (pour le fentanyl par exemple) est son accumulation dans l’organisme. Pour de fortes doses, un morphinique de courte durée devient de longue durée d’action. La deuxième conséquence du grand Vd est la recirculation du morphinique à partir du territoire musculaire au cours de la phase de réveil. Par opposition , l’alfentanil a un volume de distribution plus petit et a par conséquent : - une demi-vie d’élimination courte - une absence de recirculation - une accumulation dans les muscles beaucoup plus faible - une distribution plus rapide. De ce fait, la pharmacocinétique de l’alfentanil est plus susceptible d’être modifiée par des retards d’élimination hépatique (voie de métabolisation) que le fentanyl. PHARMACODYNAMIE 1- actions sur le système nerveux central (SNC) Les morphiniques inhibent certaines parties du SNC et en stimulent d’autres. La dépression du SNC rend compte de l’analgésie, de la dépression respiratoire, de la somnolence et de certaines modifications EEG. Les actions excitatrices sont constituées notamment par le myosis, les nausées et vomissements et parfois des agitations psychomotrices. MTGATT 04 11 2008 79 L’analgésie morphinique est intense, constante et dépendante de la dose administrée. L’action antinociceptive se caractérise par une augmentation des seuils nociceptifs thermiques, chimiques, électriques et à le pression. Ce qui différencie principalement les analgésiques de cette classe est la puissance d’action. Les délais d’apparition et les durées de l’analgésie différent également avec le morphinique. 2- actions respiratoires Les morphiniques provoquent une réduction dose-dépendante de la réponse des centres respiratoires bulbaires aux stimulus hypoxémiques et hypercapniques. La perte de sensibilité de ces centres apparaît dès les plus faibles doses analgésiques. Les morphiniques dépriment aussi les centres bulbaires impliqués dans la régulation de la fréquence respiratoire qui se traduit par une bradypnée, une prolongation de l’expiration et une respiration périodique. Au-delà d’une certaine dose apparaît une apnée. A la bradypnée s’associe une augmentation compensatrice du volume courant mais insuffisante pour éviter une hypercapnie. Certains facteurs peuvent influencer l’intensité et la durée de la dépression respiratoire des morphiniques : - l’âge la douleur : elle antagonise la dépression respiratoire des morphiniques. Les morphiniques peuvent aussi provoquer une rigidité musculaire qui peut débuter parfois avant la perte de conscience. Son incidence varie avec le morphinique en fonction de sa rapidité et de sa puissance d’action et pour un même morphinique avec le dose et la vitesse d’injection. Les morphiniques dépriment d’autre part les centres de la toux dès les plus faibles doses. 3- actions cardiovasculaires Les morphiniques par rapport aux autres agents anesthésiques généraux ont peu d’actions cardiovasculaires. Ils provoquent une bradycardie sinusale supprimée par l’atropine. Ils peuvent créer une vasodilatation artériolaire et veineuse par histaminolibération dépendante de la dose. Ils ne dépriment pas la contraction myocardique même après de fortes doses. 4- actions sur le tube digestif Les nausées et les vomissements sont des effets indésirables fréquents des morphiniques puisqu’ils surviennent dans 20% à 60% des cas aussi bien durant la période postopératoire qu’à l’initiation d’un traitement pour douleur chronique. Cette incidence est identique avec toutes les voies d’administration mais elle varie avec le morphinique utilisé. Les mécanismes des nausées et vomissements sont centraux et périphériques. L’action centrale principale est la stimulation de la zone chémoréceptrice au niveau de l’area postrema. L’action périphérique est un retard à la vidange gastrique produite par l’atonie des fibres longitudinales gastriques et l’hypertonie du pylore. L’action d’atonie des fibres longitudinales et d’hypertonie des fibres MTGATT 04 11 2008 80 circulaires et des sphincters sur le reste du tube digestif explique la constipation et l’hyperpression dans les voies biliaires. 5- actions sur l’appareil urinaire Les morphiniques augmentent le tonus des fibres circulaires du sphincter vésical et diminuent la tonicité et l’activité des fibres longitudinales. Ces actions sont à l’origine de la rétention aiguë d’urine lors de l’utilisation des morphiniques. L’incidence est de 10% à 20% pour une dose de morphine de 4 mg par voie épidurale. 6- actions sur l’œil Les morphiniques exercent un effet myotique par stimulation centrale du noyau parasympathique du nerf moteur oculaire commun (III). Ce myosis peut être inhibé par l’atropine et la naloxone. 7- tolérance, dépendance physique et assuétude Ces manifestations sont le fait de prises répétées de morphiniques et apparaissent à la suite d’un arrêt brutal de l’administration de morphiniques ou de la prescription d’un antimorphinique. Elles se manifestent par un syndrome de sevrage. La tolérance est définie par la nécessité d’augmenter les doses pour obtenir les mêmes effets. La dépendance physique est un état caractérisé par un syndrome de sevrage à l’arrêt brutal de l’administration des morphiniques et comprend larmoiement, rhinorrhée, sueurs, tachycardie. Au décours surviennent crampes abdominales, tremblements, nausées, diarrhée et deshydratation, mydriase et agressivité. L’assuétude ou addiction est la dépendance psychique éprouvée par un état de besoin à répéter l’administration du produit. Il s’agit d’une attitude compulsive. La prescription postopératoire de morphinique ne s’accompagne qu’exceptionnellement d’une assuétude iatrogène. Les morphiniques ont des propriétés pharmacocinétiques très différentes selon le produit considéré. Ils sont utiles en peropératoire et fréquemment prescrits dans la période postopératoire pour les douleurs modérées à intenses. Leur voie d’administration postopératoire peut alors être intraveineuse ou centrale (épidurale). Les effets secondaires liés à l’utilisation des morphiniques en postopératoires sont fréquents et dominés par les effets digestifs à type de nausées et de vomissements. L’utilisation de morphiniques peut néanmoins se compliquer de dépression respiratoire qui peut être antagonisée par un antagoniste pur compétitif, la naloxone. MTGATT 04 11 2008 81 LA DOULEUR AIGUE POSTOPERATOIRE La plupart des actes chirurgicaux procurent des douleurs postopératoires, dont l’intensité et la durée dépendent du type de chirurgie, d’anesthésie et du patient lui-même. Les actes chirurgicaux sont classés en trois catégories en fonction de l’intensité et de la durée présumées des douleurs postopératoires, permettant de prévoir la mise en place de la stratégie postopératoire la plus adaptée (conférence d’actualisation de la SFAR). La douleur postopératoire est donc PREVISIBLE. CONSEQUENCES PHYSIOPATHOLOGIQUES DE LA DOULEUR Il existe trois types de modifications : - neuro-humorales au niveau des tissus lésés et des modifications de la transmission nociceptive au niveau médullaire (hyperalgésie primaire et secondaire) neuro-endocriniennes au stress chirurgical dont les conséquences sont l’hyperglycémie et la balance azotée négative perturbations des fonctions respiratoires et cardiovasculaires (tachycardie, HTA, inhibition de la toux et limitation des mouvements respiratoires par exemple) JUSTIFICATION D’UN TRAITEMENT ANTALGIQUE POSTOPERATOIRE Les douleurs postopératoires provoquent des réactions neurovégétatives et neuroendocriniennes pouvant être considérées comme des facteurs prédisposant au développement de complications respiratoires et/ou cardiovasculaires et /ou infectieuses. Dès lors, ces conséquences justifieraient à elles seules la prise en charge des douleurs postopératoires. De plus, en chirurgie orthopédique, la récupération fonctionnelle et la durée d’hospitalisation sont influencées par la qualité de l’analgésie. Ainsi, l’analgésie postopératoire adaptée permet de raccourcir la durée de récupération de l’autonomie du patient (réhabilitation postopératoire) et contribue au succès de la chirurgie. STRATEGIE THERAPEUTIQUE La mise en place d’une technique analgésique se base sur des principes simples : - définition de protocoles thérapeutiques utilisation d’associations médicamenteuses détermination de stratégie de surveillance du traitement antalgique prescrit pour assurer l’efficacité et la sécurité du patient 1- choix des agents et techniques appropriées Les agents et les voies d’administration sont choisis en fonction du type de douleur (de repos ou de mobilisation), de l’intensité et de la durée prévisibles des douleurs postopératoires et de la sensibilité des patients face aux effets secondaires des antalgiques. On distingue quatre grandes classes de médicaments : - les antalgiques non opiacés : paracétamol (action centrale), les AINS (kétoprofène PROFENID®), le tramadol (TOPALGIC®, CONTRAMAL®) et le néfopam (ACUPAN®) - les morphiniques : action sur les récepteurs spécifiques spinaux et supraspinaux. La morphine et utilisée par voie parentérale en titration ou par pompe autocontrôlée par le patient (PCA) et les morphiniques liposolubles par voie péridurale. MTGATT 04 11 2008 82 - Les anesthésiques locaux : lidocaine, bupivacaine et ropivacaine par voie péridurale ou lors de blocs nerveux tronculaires, plexiques ou d’infiltration. - Les agonistes alpha-2-adrénergiques : clonidine CATAPRESSAN® parentérale, périmédullaire ou lors de blocs nerveux périphériques. utilisé par voie 2- concept de l’analgésie balançée Il existe une variation interindividuelle pharmacologique avec des effets différent en fonction de la dose administrée. De plus, tous les agents analgésiques provoquent des effets secondaires qui sont des facteurs limitant des quantités administrées. L’association des différents agents permet d’obtenir un effet analgésique minimum identique à celui des substances analgésiques employées seules et de réduire le risque de survenue de leurs effets secondaires propres. PROTOCOLES DE SURVEILLANCE 1- de l’efficacité de la technique La maîtrise de la douleur postopératoire passe par une évaluation précise du symptôme douloureux résiduel et par la mesure du soulagement obtenu. Les caractéristiques des douleurs résiduelles permettent de différencier les douleurs en rapport avec l’acte chirurgical de celles dues à une complication médicale ou de douleur chronique existant avant l’acte chirurgical. La mesure est basée sur des méthodes simples comme les échelles d’auto-évaluation ou d’hétéro-évaluation. Parmi ces échelles, l’échelle visuelle analogique (EVA) est la technique la plus reproductible sans être mémorisée par le patient. 2- surveillance des effets secondaires Tous les agents analgésiques provoquent des effets secondaires. Il est important de les détecter rapidement afin de mettre en œuvre un traitement symptomatique ou un ajustement de la posologie des analgésiques. MTGATT 04 11 2008 83 ALLERGIE EN ANESTHESIE D’après : Société Francaise d’Anesthésie et de Réanimation. Prévention du risque allergique Peranesthésique. Recommandations pour la Pratique Clinique 2001. Définitions 1- Réaction allergique ou réaction d’hypersensibilité Réaction immunologique pathologique lors d’un contact renouvelé avec un antigène, survenant chez un individu sensibilisé. La période de sensibilisation préalable est silencieuse et prend au minimum 10 à 15 jours. Elle est liée à la production d’anticorps spécifiques (immunité humorale) ou de cellules sensibilisées, les lymphocytes T (immunité cellulaire) 2- Anaphylaxie ou réaction anaphylactique Réponse immunitaire spécifique principalement induite par les anticorps de type IgE (hypersensibilité immédiate), produisant une dégranulation des mastocytes et des basophiles. Le choc anaphylactique est la forme la plus grave de l’anaphylaxie. 3- Histaminolibération non spécifique Action pharmacologique du médicament sur les mastocytes et les basophiles qui induit une libération d’histamine. Elle est modulée par la vitesse d’injection et la concentration du médicament administré, ainsi que par l’aptitude du patient à libérer de l’histamine. Les symptômes cliniques miment une réaction anaphylactique. Ce n’est pas une réaction immunologique. 4- Réaction anaphylactoïde Terme utilisé dans deux circonstances : pour décrire les manifestations cliniques immédiates avant toute investigation allergologique, sans préjuger du mécanisme déclenchant ; pour étiqueter les manifestations cliniques dont les investigations allergologiques n’ont pas fait la preuve d’un mécanisme immunologique. Dans ce cas, ce terme est synonyme d’histaminolibération non spécifique. Epidémiologie L’incidence de la réaction anaphylactique a été évaluée en France, en 1996, à 1/13 000 anesthésies générales et locorégionales, toutes substances responsables confondus. L’incidence de l’anaphylaxie aux curares a été de 1/6 500 anesthésies ayant comporté un curare. La réaction anaphylactoïde représente, suivant les pays, de 9 à 19 % des complications liées à l’anesthésie . La mortalité est de 5 à 7 % . La morbidité s’exprime par des séquelles anoxiques cérébrales plus ou moins graves. Parmi ces réactions anaphylactoïdes survenant en situation d’anesthésie, 60 % environ sont d’origine immunologique IgE-dépendante (= réaction anaphylactique ou allergique). Les substances responsables des réactions anaphylactiques survenues en cours d’anesthésie ont été identifiées à partir de 4 400 cas d’anaphylaxie publiés depuis 1980 dans la littérature en langues anglaise et française. Les curares représentent 60 % d’entre elles, le latex 16,5 %, les hypnotiques 7,4 %, les antibiotiques 4,7 %, les substituts du plasma 3,6 %, les morphiniques 1,9 %. L’allergie aux anesthésiques locaux apparaît exceptionnelle (0,7 %). Aucune réaction anaphylactique n’a été publiée avec les anesthésiques halogénés. D’autres substances peuvent induire une anaphylaxie en cours d’anesthésie : aprotinine, chlorhexidine, protamine, papaïne, héparine … MTGATT 04 11 2008 84 Signes cliniques Les manifestations cliniques sont décrites suivant quatre stades de gravité croissante : Grade I : signes cutanéomuqueux généralisés : érythème, urticaire, avec ou sans œdème. Grade II : atteinte multiviscérale modérée, avec signes cutanéo-muqueux, hypotension et tachycardie inhabituelles, hyperréactivité bronchique (toux, difficulté ventilatoire). Grade III : atteinte multiviscérale sévère menaçant la vie et imposant une thérapeutique spécifique = collapsus, tachycardie ou bradycardie, troubles du rythme cardiaque, bronchospasme ; les signes cutanés peuvent être absents ou n’apparaître qu’après la remontée tensionnelle. Grade IV : arrêt circulatoire et/ou respiratoire. Le choc anaphylactique évolue en trois phases successives : choc hyperkinétique initial associant tachycardie et effondrement des résistances vasculaires systémiques par vasodilatation limitée au secteur artériolaire précapillaire ; extension de la vasodilatation au secteur veineux capacitif conduisant à une diminution du retour veineux et du débit cardiaque; choc hypokinétique avec une composante hypovolémique secondaire à l'extravasation plasmatique transcapillaire. Explorations La probabilité que la symptomatologie clinique soit liée à une réaction anaphylactique ou anaphylactoïde est augmentée en présence d’une élévation des marqueurs que sont la tryptase sérique et l’histamine plasmatique , même si une concentration normale n’exclut pas totalement le diagnostic. En l’état actuel des connaissances, les tests cutanés (prick-tests, tests intradermiques) restent la référence pour la détection des allergies dépendantes des IgE. Ils ne sont pas applicables à la détection d’une allergie aux dextrans ni aux réactions retardées qui sont explorées différemment. Le diagnostic positif d’anaphylaxie repose sur la positivité des tests cutanés, la biologie et la cohérence du résultat avec la clinique et le protocole d’anesthésie. Prévention Sont à risque d’anaphylaxie peranesthésique : - Patients allergiques à un des médicaments ou produits susceptibles d’être administrés pour l’anesthésie dont le diagnostic a été établi par un bilan allergologique. - Patients ayant manifesté des signes cliniques évocateurs d’une allergie lors d’une précédente anesthésie. - Patients ayant présenté des manifestations cliniques d’allergie lors d’une exposition au latex , quelles que soient les circonstances d’exposition. - Enfants multiopérés et notamment pour spina bifida, myéloméningocèle en raison de la fréquence importante de la sensibilisation au latex et de l’incidence élevée des chocs anaphylactiques au latex. - Patients ayant présenté des manifestations cliniques à l’ingestion d’avocat, kiwi, banane, châtaigne, sarrasin, en raison de la fréquence élevée de sensibilisation croisée avec le latex. Dans la population générale, il n’y a pas lieu de pratiquer avant une anesthésie un dépistage systématique d’une sensibilisation au(x) médicament(s) et/ou produit(s) utilisé(s) en anesthésie. Ceci est justifié par l’absence de connaissances suffisantes sur les valeurs prédictives positive et négative des tests cutanés allergologiques et des examens biologiques dans la population générale. Pour les sujets allergiques au latex et aux médicaments, une prémédication par anti-H1 seul, antiH2 seul, corticothérapie, ou leur association ne permet pas d’éviter une réaction anaphylactique. Une prescription par un anti-H1 seul ou associé à un anti-H2 pourrait prévenir le bronchospasme et les variations hémodynamiques secondaires à une histaminolibération non spécifique. MTGATT 04 11 2008 85 Traitement - Grade I. Arrêt de l’administration du médicament et/ou du produit suspecté. Information des protagonistes. Administration d’oxygène. - Grade II ou III. Demander de l’aide. Surélever les membres inférieurs. Contrôler rapidement les voies aériennes. Adrénaline par voie intraveineuse par bolus à doses titrées jusqu’à restauration d’une pression artérielle suffisante. Dans l’attente de voie veineuse efficace, la voie intramusculaire peut être utilisée. Dans les mêmes circonstances, la voie intratrachéale peut être utilisée chez le patient intubé, en sachant que seul un tiers de la dose parvient dans la circulation systémique. Remplissage vasculaire rapide par cristalloïdes isotoniques. En cas de bronchospasme sans hypotension artérielle, l’administration d’agonistes bêta 2-adrénergiques (type salbutamol) se fait au travers d’une chambre d’inhalation. - Grade IV. Massage cardiaque externe en cas d’arrêt cardiaque. Adrénaline : bolus IV de 1 mg toutes les 1 à 2 min, voire 5 mg à partir de la 3ème injection si nécessaire. Les doses cumulées peuvent atteindre 50 voire 100 mg. Dans les formes graves, en seconde intention, les corticoïdes peuvent atténuer les manifestations retardées : hémisuccinate d’hydrocortisone, 200 mg par voie intraveineuse toutes les six heures. Information. Information du patient et/ou de ses parents, information au médecin traitant. Incitation à porter un document écrit à proximité de ses papiers d’identité. MTGATT 04 11 2008 86 Annexe Algorithme décisionnel à mettre en œuvre chez le patient signalant une réaction anaphylactoïde lors d’une anesthésie antérieure et n ’ayant pas bénéficié d ’un bilan allergologique diagnostique. Réaction anaphylactoïde au cours d’une anesthésie antérieure Acte programmé Acte urgent Recherche du protocole d’anesthésie. Consultation anesthésie d’allergo Tester les curares et le latex Histoire compatible ? Consultati on d’allergo anesthésie. clinique Considére r un autre diagnostic Environnement sans latex. ALR ou AG en évitant les curares et les histamino libérateurs. Tester les produits du protocole et le latex. Si curare, tester les curares. Tester les anesthésiques locaux. MTGATT 04 11 2008 87 TECHNIQUE DE TRANSFUSION PERIOPERATOIRE Prescrire des produits sanguins labiles est un ACTE MEDICAL et nécessite de bien évaluer le rapport entre le bénéfice de la transfusion et les risques inhérents aux produits sanguins. La transfusion de produits sanguins doit par conséquent être soumise à des règles de sécurité. La prescription de ces produits peut être également le résultat d’une collaboration entre le prescripteur et l’établissement de transfusion sanguine pour adapter au mieux le produit à l’indication. Prescrire des produits sanguins labiles oblige aussi le prescripteur à participer au procédé de TRACABILITE des produits. Le dossier transfusionnel en est une pièce essentiel. Prescrire des produits sanguins labiles implique également que le patient ait été INFORME au cours de la consultation d’anesthésie de la probabilité d’une transfusion périopératoire, INFORME en postopératoire de la transfusion effectuée et de la nécessité d’un SUIVI SEROLOGIQUE post-transfusionnel. « La transfusion sanguine est une chaîne qui va du donneur au receveur, en fait de la promotion du don au suivi des receveurs ». LA TRANSFUSION Un acte medical : - responsabilité du prescripteur - traçabilité 1- la carte de groupe sanguin Il s’agit de l’identité du système ABO et Rhésus D (ou RH1) du patient. Le phénotypage érythrocytaire (complété de l’identité Kell) peut parfois être complété par d’autres identifications de phénotypes (Phénotypage élargi). La carte de groupe informera systématiquement sur la présence ou non d’agglutinines irrégulières. Pour être valide, deux déterminations de groupe seront nécessaires pour que des produits sanguins soient délivrés au prescripteur. 2- Les risques de la transfusion sanguine La présence de risques immédiat ou à distance liés à la transfusion implique la notion de responsabilité du prescripteur et de traçabilité des produits sanguins. Six risques transfusionnels peuvent alors être cités par ordre de fréquence : - immunologique : spécifique du système ABO ou par alloanticorps hors système ABO médicaux : réactions immunoallergiques, OAP, hyperkaliémie, hypothermie bactériens : une infection pour plus de 135000 dons transfusionnels viral : risque global d’infection par le VIH, VHB et le VHC inférieur à 1 pour 250000 transfusions parasitaire théorique : Creutzfeld Jacob, Prion, fièvre hémorragique MTGATT 04 11 2008 88 PRODUITS SANGUINS LABILES 1- Culots érythrocytaires - - Déleucocytés : tous les culots sont déleucocytés depuis 1998 Déplasmatisés : tous les culots sont déplasmatisés depuis 2001 Irradiés : pour les patients ayant une allogreffe, une autogreffe, une chimiothérapie séquentielle, lors d’une aplasie médullaire ou un déficit immunitaire congénital Cryoconservation : pour les phénotypes très rares ou patients polyimmunisés Phénotypés : pour les femmes, les transfusés chroniques ou les patients avec RAI positives, urgence vitale sans RAI Compatibilisés : pour éviter le risque d’immunosensibilisation CMV négatif 2- Concentrés plaquettaires - Mélange de concentré de plaquettes standards Concentré de plaquettes d’aphérèse : CPA 3- Plasma frais congelé - Viro-atténué Sécurisé - TYPES DE TRANSFUSION 1- Autologue - Transfusion autologue programmée TAP Hémodilutoin normovolémique intentionnelle Autologue avec récupération peropératoire ou postopératoire 2- Homologue 3- Adjuvants à la transfusion - Oxygénothérapie pour le transport en oxygène Erythropoiétine en orthopédie et chirurgie cancérologique Prévenir une carence en fer et vitamine B12 Remplissage par cristalloïdes ou colloïdes POURQUOI TRANSFUSER DES PRODUITS SANGUINS LABILES ? 1234- corriger une anémie corriger des troubles de l’hémostase ou une thrombopénie en préopératoire : en fonction de la tolérance clinique du patient en peropératoire : saignement quantifiable et pertes sur champs et compresses et/ou contrôle par NFS ou Hémocue® HEMOVIGILANCE MTGATT 04 11 2008 89 TRANSFUSER SIGNIFIE - information et consentement du patient (document à remettre au patient) bilan pré et post-transfusionnel (sérologies) commander des produits sanguins labiles contrôle ultime patient et culot au lit du patient (concordance de groupe) surveillance de la transfusion et dépistage d’un incident transfusionnel connaître la procédure d’urgence vitale pour la transfusion écrire les informations dans le dossier transfusionnel et remettre un document de suivi au patient traçabilité MTGATT 04 11 2008 90 ANTIBIOPROPHYLAXIE PERIOPERATOIRE L’antibioprophylaxie (ABP) est une antibiothérapie administrée en périopératoire afin de diminuer le risque d’infection superficielle et/ou profonde du site opératoire. Quelque soit la technique chirurgicale utilisée, la rupture de la barrière physique (la plaie) s’accompagne dans plus de 90% des cas de la présence de bactéries pathogènes lors de la fermeture. L’antiobioprophylaxie est réservée soit aux interventions grevées de fréquentes infections postopératoires (mais peu graves), soit à celles dont les complications sont rares mais graves (pronostic vital ou fonctionnel mis en jeu). Le risque infectieux peut dépendre de la chirurgie (intervention sur sites non stériles, mise en place de matériel étranger) et/ou de terrains à risque infectieux augmenté : immunosuppression, cancer, diabète et valvulopathie. L’antibioprophylaxie n’est pas la seule méthode de prévention de l’infection du site opératoire. Il faut citer aussi ; - la réduction de l’hospitalisation préopératoire l’amélioration de l’état nutritionnel l’éradication d’une infection à distance l’équilibration d’un éventuel diabète la douche antiseptique le rasage et l’antisepsie du champ opératoire la limitation du nombre de personnes présentes en salle d’opération l’hygiène du bloc opératoire le lavage des mains. L’antibioprophylaxie a fait l’objet d’une conférence de consensus en 1992 puis de recommandations d’experts actualisées en 1996 et 1998. EVALUATION DU RISQUE INFECTIEUX L’efficacité de l’ABP doit être évaluée régulièrement en déterminant l’incidence des infections du site opératoire dans chaque établissement de soin. Il faut rapporter cette valeur au score de NNISS (National Nosocomial Infections Surveillance System) qui regroupe les trois principaux facteurs de risque d’infection postopératoire (tableau 1) : - la sévérité de l’état général de l’opéré évalué par la classification ASA - la contamination bactérienne potentielle du foyer opératoire évaluée à partir de la classification d’Altemeier - (Tableau 2) la durée de l’intervention > temps T(tableau 3) PRINCIPES DE L’ANTIBIOPROPHYLAXIE « les 10 commandements » 1- antibiotique (ATB) actif sue le(s) germe(s) les plus souvent responsables d’infections du site opératoire (cible bactérienne définie) 2- éviter la sélection de germes multirésistants ou de levures par l’antibiotique 3- administration AVANT l’incision (l’ATB doit être présent au niveau du foyer opératoire avant l’incision) MTGATT 04 11 2008 91 4- concentration tissulaire élevée au foyer opératoire (> CMI des principales bactéries) 5- L’ATB doit être présent dans les tissus à cette concentration suffisante pendant toute l’intervention et jusqu’à sa conclusion (pansement compris) 6- toxicité des ATB la plus faible possible 7- durée de l’ABP courte ≤ 24 heures (maximum 48 heures) 8- ATB le moins cher possible et le plus rentable 9- ATB avec AMM pour cette indication et choix d’un ATB différent pour l’antibioprophylaxie et l’antibiothérapie curative 10- toujours associer une prophylaxie de l’endocardite à l’ABP chez les sujets à risque ( valvulopathie et cardiopathie congénitale sauf CIA) CHOIX DE L’ANTIBIOTIQUE 1- les cibles - site opératoire - valvulopathie 2- caractéristiques de la molécule - diffusion tissulaire - demi-vie (réinjection toutes les 2 demi-vies) - cinétique de bactéricidie : ATB temps ou concentration dépendants - effet inoculum - effet post-antibiotique 3- les molécules usuelles céphalosporines de 1ère génération (C1G) : céfazoline C2G : céfuroxime, céfamandole Céphamycines : céfoxitine, céfotétan Amoxicilline + acide clavulanique Gentamycine Imidazolés En cas d’allergie aux β lactamines : clindamycine, vancomycine - PREVENTION DE L’ENDOCARDITE BACTERIENNE Cf tableau 1- cardiopathies à haut risque 2- prothèses valvulaires cardiopathies congénitales cyanogènes antécédents d’endocardite infectieuse autres cardiopathies à risque - valvulopathies : IA, IM, RA, PVM avec IM et/ou épaississement valvulaire, bicuspidie aortique cardiopathies congénitales non cyanogènes sauf CIA cardiomyopathies obstructives MTGATT 04 11 2008 92 INTERFERENCES MEDICAMENTEUSES ET ANESTHESIE ANTIAGREGANTS ET ANTICOAGULANTS EN PERIOPERATOIRE La prise en charge quotidienne de patients recevant des traitements médicamenteux fait que le problème des interférences entre les médicaments et l’anesthésie doit être connu de tout anesthésiste. Dans la plupart des cas, la tendance actuelle est en général de poursuivre le traitement suivi par un patient. En effet, le risque lié au sevrage thérapeutique est souvent plus grand que celui lié aux interférences. Schématiquement, les interférences sont de deux ordres : pharmacocinétiques avec altération de la distribution ou du métabolisme du produit, ou pharmacodynamiques avec modification de l’intensité ou même de la nature des actions pharmacologiques du produit. Les anti-agrégants et anticoagulants agissant sur l’hémostase ou la coagulation nécessitent le plus souvent un relais par des molécules plus maniables et de demi-vies plus courtes pour des nécessités chirurgicales (contrôle du saignement périopératoire) ou anesthésiques (réalisation d’une anesthésie loco-régionale centrale). MEDICAMENTS A ACTION CARDIOVASCULAIRE Les interactions avec les médicaments cardiovasculaires sont très nombreuses, compte tenu des effets circulatoires des produits anesthésiques et des altérations importantes de la physiologie circulatoire provoquées par l’acte chirurgical. La poursuite des traitements jusqu’à la prémédication, l’utilisation pendant l’anesthésie de produits injectables et la reprise précoce en postopératoire des traitements est un élément clé des progrès thérapeutiques chez de tels patients. DIGITALIQUES Ces composés sont utilisés pour le traitement de l’insuffisance cardiaque et de certaines tachyarythmies supraventriculaires. Leur index thérapeutique est relativement faible et le risque toxique majoré par l’hypokaliémie. Il faut toujours corriger une déplétion potassique préopératoire et il faut vérifier les concentrations plasmatiques préopératoires. Le risque de sevrage est faible compte tenu de leur demi-vie longue. La potentialisation de l’effet bradycardisant de certains anesthésiques avec les digitaliques pose souvent peu de problèmes pratiques. Il est alors licite de poursuivre le traitement lors de la période opératoire. BêTABLOQUANTS Ces produits sont prescrits pour les indications suivantes : insuffisance coronaire, hypertension artérielle, cardiomyopathie obstructive, hyperthyroidie, hypertension portale, migraine, glaucome (collyre). L’arrêt brutal du traitement peut s’accompagner d’un syndrome de sevrage avec des conséquences parfois dramatiques pour le coronarien : angor sévère, infarctus du myocarde, troubles du rythme, mort subite. La poursuite du traitement est donc légitime pour le patient coronarien. Chez le patient hypertendu, la démarche est presque identique mais il ne faut pas négliger les multiples interactions avec les anesthésiques. Les bêtabloquants diminuent les réponses hémodynamiques à l’activation adrénergique ce qui peut atténuer la tachycardie réflexe en cas d’hémorragie. De même, les MTGATT 04 11 2008 93 réactions sympathiques à l’hypoxémie et à l’hypercapnie sont diminuées. De plus, des interactions peuvent être aussi de nature pharmacodynamique. ANTIARYTHMIQUES Ces produits peuvent être de classe et de mécanismes électrophysiologiques différents mais ils ont tous une action inotrope négative. Celle-ci est additive avec celle des anesthésiques. De même, l’action chronotrope et dromotrope négative des inhibiteurs calciques (vérapamil) peuvent être potentialisés par certains anesthésiques (halothane). Les antiarythmiques de classe I prolongent l’action des curares et il faut tenir compte de ces produits pour le choix des curares. INHIBITEURS CALCIQUES Ces produits sont prescrits pour l’insuffisance coronaire, l’hypertension artérielle, des cardiopathies hypertrophiques et lors d’arythmies. Les interférences sont de type additif en ce qui concerne la dépression des fonctions inotrope, chronotrope et dromotrope cardiaque. DERIVES NITRES Ces produits utilisés dans les cardiopathies ischémiques ne posent pas de gros problème. Cependant, leur action sur le système capacitif (veineux) fait mal tolérer toute hypovolémie. La poursuite de ces traitements est légitime jusqu’à l’intervention. ANTIHYPERTENSEURS Outre les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques, cette classe comprend les alphabloquants, la clonidine, l’alpha-méthyldopa et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC). Les interférences sont nombreuses. La plus fréquente est le risque de potentialisation de l’effet hypotenseur des anesthésiques et l’altération des mécanismes de régulation de la pression artérielle (système sympathique et système rénine angiotensine). Les IEC posent des problèmes sérieux. Leur durée d’action est longue et la suppression du rôle du système rénine angiotensine dans la régulation de la pression artérielle réduit considérablement la tolérance d’une hypovolémie. Il est alors nécessaire d’arrêter ce traitement et de prendre un relais par un antihypertenseur d’une autre classe dans la période périopératoire. DIURETIQUES Les thiazidiques et les diurétiques de l’anse provoquent une déplétion potassique et une hypovolémie qu’il faut corriger avant l’anesthésie pour éviter des hypotensions excessives à l’induction anesthésique. MTGATT 04 11 2008 94 MEDICAMENTS DU SYSTEME NERVEUX CENTRAL La réapparition de symptomatologie psychiatrique ou neurologique est le risque consécutif à l’interruption thérapeutique de ces médicaments. Celle-ci est cependant souvent justifiée car les interférences sont souvent plus dangeureuses que le déséquilibre de la pathologie en cause. IMAO Des accidents gravissimes ont été décrits lors de l’administration de morphiniques chez des patients traités par IMAO. L’arrêt des produits à demi-vie longue est légitime deux semaines avant l’intervention. ANTIDEPRESSEURS TRICYCLIQUES En inhibant le recaptage des catécholamines, ils favorisent les troubles du rythme cardiaque et l’instabilité hémodynamique quand il existe une stimulation sympathique. Ces implications sont le plus souvent mineures. LITHIUM Prescrit dans les troubles bipolaires, le lithium potentialise l’action des curares. Sa réabsorption au niveau du tubule proximal du rein est compétitive avec le sodium. La possibilité d’élévation de la lithiémie lors d’éventuelles déplétions hydrosodées (pertes hydriques périopératoires) impose son monitorage pour surveiller ces variations. NEUROLEPTIQUES ET TRANQUILLISANTS Ils ne posent pas de problèmes majeurs et peuvent être poursuivis dans la période périopératoire. ANTIPARKINSONIENS Les interférences sont modestes et le traitement peut être poursuivi en périopératoire. MTGATT 04 11 2008 95 ANTICOMITIAUX Le sevrage expose à des risques de convulsions et la poursuite du traitement est obligatoire. Les interférences concernent la pharmacocinétique des médicaments car ces médicaments sont tous des inducteurs enzymatiques. MORPHINIQUES Les patients souffrant de douleurs chroniques sévères traitées par les morphiniques ont des besoins en analgésiques plus importants que les sujets non traités le plus souvent. L’utilisation agonistes est toujours préférable en périopératoire plutôt que les agonistes antagonistes. AUTRES MEDICAMENTS ANTIBIOTIQUES Les aminosides, les polimyxines et les tétracyclines potentialisent l’action des curares. L’isoniazide doit être arrêter une semaine avant l’anesthésie et repris deux semaines plus tard si l’utilisation d’agents halogénés est souhaitée en raison du risque d’hépatite postopératoire. ANTIMITOTIQUES Les problèmes spécifiques sont nombreux avec ces produits : adriamycine et cardiopathie, cyclophosphamide et réduction du taux de cholinestérases, bléomycine et atteinte pulmonaire et cisplatinium et insuffisance rénale. CICLOSPORINE Ce médicament utilisé pour prévenir les rejets de malades transplantés interfère avec de nombreux médicaments. Les interférences avec les anesthésiques se résument à une potentialisation de l’effet du penthotal ou de certains morphiniques. ANTIAGREGANTS ET ANTICOAGULANTS Le relais des anti-vitamines K (AVK) par une héparine de bas poids moléculaire ou héparine non fractionnée est nécessaire chez les patients traités par ces agents. Elles permettent une grande maniabilité dans la période périopératoire. En cas d’urgence, l’action anticoagulante des AVK peut être corrigée par la transfusion de plasma frais et l’administration de vitamine K. Le problème posé par les antiagrégants (aspirine, ticlopidine notamment) est plus complexe car leur durée d’action est plus longue, leur effet durant autant que la durée de vie des plaquettes. Une intervention en urgence peut MTGATT 04 11 2008 96 éventuellement nécessiter une transfusion plaquettaire chez les patients traités par antiagrégants plaquettaires. MTGATT 04 11 2008 97 INFORMATION DES PATIENTS EN ANESTHESIE Bonnes conduites en cas de procédure médico-légale Envisager les conséquences juridiques d’un accident d’anesthésie, c’est aborder l’intersection de deux domaines très différents : le domaine médical et le domaine juridique. Les complications périopératoires liées à l’anesthésie peuvent entraîner de la part de celui qui en est victime le souhait d’intenter une action en justice. Le premier point important à prendre en considération est que, en cas de procès, les règles qui s’appliquent sont juridiques et non pas médicales, sachant que le type de procédure (demande de dommages et intérêts ou recherche d’une sanction) dépend du choix fait par celui qui s’estime victime. En second lieu, les magistrats, qui s’estiment généralement incompétents en matière de technique médicale, ont recours à des experts médicaux. L’expert ainsi désigné doit se référer aux recommandations ou aux conférences de consensus élaborées par les sociétés savantes (telle la Société Française d’Anesthésie-Réanimation SFAR) ce qui limite sa liberté d’analyse. Pour éviter ces démarches, il est nécessaire de suivre des mesures susceptibles d’améliorer le climat relationnel entre le médecin et le patient ou ses proches (l’information). Dans tous les cas, en cas de complications, le médecin anesthésiste devra chercher à en limiter les conséquences pour le patient, à décrire les faits et sa prise en charge dans le dossier médical ainsi que de tenter d’éviter que ces complications se manifestent à nouveau par une déclaration d’accident (matério-, hémo-, pharmacovigilance). LE CONTEXTE AVANT LA COMPLICATION 1- Eléments de prévention Il apparaît évident que la meilleure façon d’éviter les actions en justice est d’éviter les complications par le respect des recommandations de la SFAR par exemple. Cependant, le contact avec la maladie et la complexité des techniques rendent illusoire l’absence totale de complications, visant à un risque zéro qui ne saurait exister. 2- Relation préalable à l’acte entre médecin et patient L’accent mis depuis plusieurs années sur l’information au patient montre que, bien souvent, ce qui apparaît banal au médecin ne l’est pas pour le patient ni pour ses proches. La prise de conscience du rapport bénéfice/risque est importante pour le patient puisse participer activement à la prise de décision. De ce point de vue, après les avantages de l’acte proposé, les inconvénients courants doivent être signalés, ainsi que les risques exceptionnels, dès lors qu’ils sont suffisamment graves pour modifier la décision du patient. Il reste difficile néanmoins d’apprécier le degré de compréhension de l’information délivrée par le patient. Par ailleurs, le seul fait d’avoir informé la personne de l’existence d’un risque n’empêche pas cette personne, si la complication est survenue, d’obtenir gain de cause dès lors qu’elle parvient à montrer qu’une faute médicale est à l’origine de la complication. Il est recommandé que le dossier MTGATT 04 11 2008 98 médical porte la trace que l’information a été délivrée, notamment la remise systématique du document écrit. LE COMPORTEMENT APRES LA CONSTATATION DE LA COMPLICATION 1- L’action thérapeutique La première démarche de l’anesthésiste-réanimateur face à une complication est à l’évidence de chercher à en limiter les conséquences pour le patient. S’il existe un risque pour d’autres, il y a lieu de tenter de l’éviter en déclarant l’accident (matério-, hémo-, et pharmacovigilance). Des prélèvements sanguins peuvent parfois être utiles pour compléter ces déclarations. 2- Le dossier médical Les constatations doivent être impérativement et loyalement notées sur le dossier médical. Les valeurs mesurées doivent être reportées ainsi que toutes constatations faites et les actions entreprises. Le dossier ne doit contenir que des faits et non des opinions, des commentaires ou des jugements personnels. Si le patient nécessite d’être transféré dans un autre établissement pour sa prise en charge, il est utile de photocopier le dossier avant le transfert. 3- L’aide-mémoire personnel S’il s’agit d’un accident grave, il est prudent de noter à titre personnel tous les détails de la prise en charge du patient les moindres remarques ou constatations et le nom des personnels présents ainsi que l’information donnée au patient ou à ses proches. Souvent, les demandes d’explication de la part des experts ou des juges n’interviennent que des mois après les faits. 4- La relation immédiate avec le patient ou ses proches après l’accident L’entretien initial avec le patient ou sa famille annonçant la complication est primordial. La loi du 4 mars 2002 instaure une obligation d’information en cas d’accident et fixe un délai de quinze jours suivant la découverte du dommage. Cet entretien doit alors comporter des explications. Les informations données au patient ou à sa famille devront être également concordantes de la part des différents praticiens. Il est généralement nécessaire de revenir sur les explications un peu plus tard après le résultat d’examens complémentaires ou de l’autopsie en facilitant une nouvelle entrevue avec le patient ou sa famille. 5- Les déclarations Une déclaration d’accident doit être faite auprès de la compagnie qui assure la responsabilité du praticien. Elle doit être suffisamment précise pour permettre à l’assureur de se faire une opinion sur la responsabilité du praticien et sur l’estimation du montant des dommages subis par le patient. C’est en effet à partir de cette déclaration que l’assureur pourra proposer un règlement à l’amiable ou élaborer MTGATT 04 11 2008 99 une stratégie de défense en liaison avec l’avocat qu’il propose. Il est également nécessaire de prévenir la direction de l’établissement lui permettant de prévenir son assureur ainsi que pour un praticien de prévenir son chef de service. LES ACTIONS ENTREPRISES PAR LES PERSONNES S’ESTIMANT VICTIME 1- Les formes non juridictionnelles Quelques indications peuvent être données : d’une part, toute lettre appelle une réponse, d’autre part, la rapidité de réponse, la prise en considération des observations du malade ou de sa famille sont les meilleurs moyens de désamorcer une rancœur persistante : il n’y aura souvent pas d’autre courrier. Les cas importants méritent de proposer un entretien. 2- Les règles applicables au procès Les règles applicables dépendent du type d’action intenté par la personne qui s’estime victime. S’il s’agit d’une demande d’indemnisation ou de sanction professionnelle, ces règles dépendent également du statut du praticien. Les procès mettant en cause la responsabilité de type indemnisation - - Procès civil : le délai pour intenter une action est depuis la loi du 4 mars 2002 de dix ans à compter de la date de consolidation des dommages. Une assignation au tribunal est communiquée par voie d’huissier au praticien. Il revient au demandeur d’expliquer sur quelle base il se fonde pour réclamer l’indemnisation (préjudice chiffré). La charge de la preuve revient au demandeur en dehors du domaine particulier de l’information. En général, la mise en évidence d’une preuve résulte d’une expertise. Le juge recherche alors l’existence d’une faute ou d’une perte de chance de n’avoir pu échapper à ce qui est advenu. Contentieux administratif : les juridictions administratives sont seules compétentes pour apprécier la responsabilité des hôpitaux publics du fait des actes médicaux réalisés au sein du service public. Le délai pour agir est comme en matière civile de dix ans depuis la loi du 4 mars 2002. La demande de sanctions professionnelles - Exercice libéral : une personne qui estime que le médecin n’a pas respecté une de ses obligations déontologiques peut demander au Conseil de l’Ordre des médecins de prononcer une sanction à son encontre (de l’avertissement jusqu’à la radiation). Exercice public : les juridictions ordinales ne peuvent être saisies directement par des plaignants amis seulement par le ministre chargé de la santé, le procureur de la République ou le représentant de l’état dans le département. Le statut de praticien hospitalier prévoit dans sanctions disciplinaires (de l’avertissement jusqu’à la révocation). Les procès dont la finalité est la sanction pénale MTGATT 04 11 2008 100 Une procédure pénale peut être déclenchée à l’initiative du patient ou de sa famille ou parce que le procureur de la République a été informé de l’accident par quelque moyen que ce soit. Le parquet décide de l’opportunité des poursuites. Il peut classer l’affaire sans suite ou demander une enquête préliminaire comportant une enquête de police judiciaire. Contrairement à la procédure civile, le médecin peut ne pas être informé d’une action pénale tant qu’il n’est pas convoqué par un juge d’instruction ou par un expert désigné par celui-ci. La condamnation consiste en une peine de prison généralement avec sursis ou une amende. Une procédure pénale n’exclut pas une procédure civile. En cas de procès, la procédure pénale prime et le jugement civil intervient après le pénal. L’EXPERTISE ET SA PREPARATION Le déroulement selon la procédure : L’expertise judiciaire est un passage quasi obligatoire en cas de contentieux dans le domaine médical. Si l’expertise se situe dans le cadre d’un procès visant à obtenir une indemnisation, elle est soumise à la règle du contradictoire : chaque partie doit fournir à l’autre partie et à l’expert les documents qu’elle souhaite faire valoir. Si la procédure est pénale, l’expertise se situe dans un cadre inquisitoire non contradictoire, chacun étant entendu indépendamment. Il n’existe pas de moyens infaillible d’éviter un contentieux. En dehors des recommandations techniques visant à éviter les complications, les moyens de limiter le nombre de procédures inutilement engagées exigent un travail relationnel au sein de l’équipe et avec les patients et par une attitude active de communication. Il faut donc insister sur l’importance des documents écrits et une connaissance de base des procédures en cause. IMPACT SANTE PUBLIQUE DE L’ANESTHESIE Modalités d’exercice de l’anesthésie et de la réanimation L’anesthésie est un acte médical. En conséquence, cet acte ne peut être effectué que sous la responsabilité et la conduite d’un médecin anesthésiste-réanimateur. Il revient à celui-ci d’évaluer l’état du patient, de l’informer sur le déroulement et les conséquences de l’acte anesthésique et de déterminer la technique anesthésique la plus appropriée, enfin d’assurer les suites interventionnelles relevant de l’anesthésie-réanimation. L’acte anesthésique ne se limite pas à la seule prise en charge durant l’intervention, mais comprend d’autres étapes avant et après celle-ci. Seul le médecin anesthésiste-réanimateur peut maîtriser l’ensemble de ces étapes. Notamment, la réduction du risque opératoire, dont découlent les choix thérapeutiques, suppose une analyse et un raisonnement physiopathologique que seul le médecin peut assurer de par sa formation et sa compétence spécifique. La réalisation de l’anesthésie proprement dite nécessite la présence d’un médecin anesthésiste-réanimateur impérativement lors de l’induction, à tout moment ou, du fait d’évènements critiques, l’état du patient peut justifier une modification de la conduite de l’anesthésie et/ou de la réanimation peropératoire, ainsi qu’à la sortie de salle d’intervention après anesthésie générale ou rachidienne. La décision de sortie de salle de surveillance post-interventionnelle est du ressort du médecin anesthésiste-réanimateur. MTGATT 04 11 2008 101 La décision de surseoir à une anesthésie ou de changer de technique ainsi que les prescriptions post-interventionnelles sont de la compétence exclusive du médecin anesthésisteréanimateur. Le rôle de l’infirmière anesthésiste diplômé d’Etat est d’assister le médecin anesthésisteréanimateur dans la pratique de l’anesthésie et dans l’organisation plus générale de cette activité. Ce rôle comprend notamment la vérification, la préparation et l’entretien du matériel d’anesthésie, l’exécution de certains gestes sous la direction du médecin anesthésiste, l’assistance de celui-ci pour l’exécution des gestes techniques qu’il effectue, la surveillance du déroulement de l’anesthésie ainsi que certaines transversales telles que la matériovigilance. Les fonctions du médecin anesthésiste-réanimateur et de l’infirmière anesthésiste s’inscrivent donc en complémentarité et non en substitution de l’une ou l’autre. Ce mode d’exercice offre la meilleure garantie de la qualité des soins prodigués aux patients et de la sécurité de ces derniers. MTGATT 04 11 2008 102 Item 69 Soins palliatifs pluridisciplinaires d'un patient en fin de vie Accompagnement du mourant et de son entourage MTGATT 04 11 2008 103 SOINS PALLIATIFS HISTORIQUE PRINCIPES EXPÉRIENCES MT GATT 2004 MTGATT 04 11 2008 104 HISTORIQUE DES SOINS PALLIATIFS Certes, l'essentiel du mouvement des hospices doit son développement à Cecily Saunders dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, avec la naissance du St Christopher. Le premier établissement où l'on s'est occupé des mourants, a été créé à Dublin en 1845, sous l'égide de Mary Alkenhead, fondatrice de l'Ordre des Sœurs Irlandaises de la Charité. En 1905, la même crée à Londres le St Joseph Hospice (au Moyen-Age, ce terme désigne le lieu où les pèlerins, en route pour la Terre Sainte, trouvaient l'hospitalité). A l'origine, deux mouvements conjoints : la recherche entreprise pendant la deuxième guerre sur les calmants chez le mourant l'orientation des services hospitaliers pour les soins aigus, rejetant ainsi les tuberculoses et les cancers. En fait, il étaient ignorés et mouraient à l'hôpital en souffrant. Paradoxalement les progrès médicaux avaient permis d'allonger la durée de vie, sans toutefois s'intéresser au confort et à la fin de la vie. Dans les années 1950, C. Saunders (infirmière devenue assistante sociale puis médecin) démontre qu'il est possible de supprimer la douleur des cancers en phase terminale. Elle travaille au St Joseph Hospice de Londres. A la même époque, se développe la recherche sur les niveaux psychotropes, la radiothérapie palliative et les Pain Clinics. L'hospice Important pour les progrès réalisés dans le traitement des douleurs, il doit aussi beaucoup à la tradition des hospices. Cette manière de faire a été rapportée par le Docteur Worcester aux étudiants de Havard. Tout doit être mis en œuvre pour que le patient, en phase terminale du cancer, vive avec son entourage le temps qui lui reste à vivre, dans les meilleures conditions, aussi bien au plan physique que mental et social. L'équipe soignante centre son action sur l'écoute du patient et de son entourage. Le succès du St Christopher Hospital a déclenché différentes initiatives appelées "le mouvement des hospices", unités palliatives ou de soins continus, unités de soins terminaux, Home Care Team ou Support Team : équipe de contrôle des symptômes à l'hôpital ou à domicile. Ces organismes sont souvent étrangers au Service National de Santé en Angleterre, tout en recevant une aide financière considérable comme le St Christopher Hospital. le patient ne doit pas payer les soins Twycross considère l'hospice non comme une institution, mais comme un concept de soins, en France l'hospice ayant une connotation très négative (maison pour orphelins, infirmes, vieillards…), il est nécessaire d'employer le terme de "soins palliatifs". Fonctionnement du St Christopher Hospital 62 lits pour 18 chambres privées patients cancéreux avancés, quelques maladies neurologiques adressés par les hôpitaux, les généralistes, la famille au moins 800 personnes par an pas de contrainte à l'intérieur de l'hôpital ; retour au domicile possible ou dans l'hôpital d'origine champ d'action d'environ 12 km autour de l'hôpital équipe : 5 infirmières à domicile, 2 médecins, des assistants sociaux, des secrétaires, des volontaires - soins spécialisés : conseils et soutien à l'entourage jour et nuit. Au total à l'hôpital : 250 bénévoles, 230 médecins et autres professionnels de santé. - Accueil du malade par la directrice du nursing à son arrivée à l'hôpital. Dans sa chambre, présentation à ses voisins. Pas de contrainte d'horaire pour recréer une atmosphère familiale. La famille n'est jamais séparée du mourant. Elle peut donner et participer aux soins, mais peut aussi prendre un "congé" pour MTGATT 04 11 2008 105 diminuer la tension et, un jour par semaine, les visites sont interdites à la famille, remplacée par les bénévoles. Philosophie Mourir appartient à la vie humaine. - pallier les symptômes qui perturbent la phase terminale est un but - l'unité de soins est constituée par le patient, la famille et l'entourage - le soutien à la famille pendant le deuil fait partie des soins palliatifs - l'équipe pluridisciplinaire incluant professionnels et bénévoles, est la plus apte à apporter ces soins. Autres buts Enseignement. Recherche. En France En 1986, une circulaire ministérielle définit les soins et l'accompagnement et la nécessité de soulager la souffrance. Expériences : équipe mobile de l'Hôtel-Dieu 1990, Paul Brousse 1990, Cité Universitaire 1987, JALMAV. Rôle important des médias pour sensibiliser aux problèmes de la fin de vie. Premier diplôme universitaire en 1989 à Paris XIII, Bobigny. DEFINITION ET PRINCIPES DES SOINS PALLIATIFS "L'expression "Soins Palliatifs" s'entend des programmes ou des services visant à soigner les patients pour lesquels les traitements destinés à les guérir ou à prolonger leur vie ne sont plus d'aucune utilité, mais pour lesquels l'amélioration de la qualité de la vie qu'il leur reste à vivre constitue l'objectif principal. Les soins palliatifs offrent des services thérapeutiques conçus pour répondre aux besoins physiques, psychosociaux et spirituels des patients incurables et de leur famille". Cette définition, tirée du guide canadien des services de soins palliatifs dans les hôpitaux, nous semble particulièrement heureuse. Il suffit, pour la compléter, de distinguer avec le professeur Deckers, chef de l'Unité de soins continus de Saint-Luc à Bruxelles, trois étapes à partir du moment où la guérison n'est plus possible. La première étape est caractérisée par des traitements médicaux ou chirurgicaux lourds encore dirigés contre la maladie elle-même (le patient n'est certes pas tenu pour guérissable, mais il reste possible d'obtenir une rémission) ; l'étape suivante tranche par une approche thérapeutique différente : la qualité de vie du patient étant influencée par un ou plusieurs symptômes, on veille à les contrôler par un traitement seulement symptomatique ; la phase terminale modifie encore l'approche thérapeutique : on parle à présent d'accompagnement dans une situation où le traitement symptomatique est poursuivi en fonction de la situation et où la famille est progressivement incluse dans l'unité de soin. L'énoncé de ces définitions montre à l'évidence que les soins palliatifs se sont orientés d'emblée vers les patients atteints de maladies malignes. Le hasard n'a manifestement rien à voir avec cette orientation et Saunders de souligner, entre autres, que les problèmes émotionnels particuliers suscités par la maladie maligne, demandent un secours particulier. Elle ajoute que la difficulté d'établir un pronostic quant à la durée probable de survie d'un patient, suppose une équipe disponible dont le temps ne soit pas compté. Mais ce sont l'extrême inconfort de ces maladies en leur phase terminale et la découverte de traitements permettant de pallier cet inconfort, qui furent les éléments décisifs. Postulats et principes Deux textes nous serviront de guides dans l'exposé de ces "postulats et principes" : d'une part, celui publié en 1978 par le groupe de travail international sur le problème de la mort, du mourant et du deuil, d'autre part, celui qu'a édité, en 1979, le conseil d'administration de l'organisation MTGATT 04 11 2008 106 américaine des hospices (National Hospice Organisation). Au risque de paraître nous répéter, il nous a semblé utile de donner un résumé en français de ces deux textes fondamentaux, voire fondateurs. Ils stipulent que : 1. dès lors que la guérison n'est plus possible, les soins palliatifs doivent prendre la relève. Autrement dit, lorsque les soins curatifs n'ont plus leur raison d'être, le patient relève d'un autre type de soins nécessaires pour lui assurer une bonne qualité de vie ; 2. Les soins palliatifs veulent prévenir la douleur et autres symptômes qui perturbent la vie finissante ; les moyens existent, reste à les mettre en œuvre ; 3. Les soins palliatifs incluent les besoins de toutes les personnes impliquées par la mort prochaine d'un être humain, sans en exclure aucune : patients, famille et amis proches, soignants ; 4. Ces besoins recouvrent aussi bien les domaines mental ou physique, que spirituel et social, en sorte qu'il sera essentiel de constituer en une équipe soudée autour d'un même objectif, tous les représentants de ces différentes disciplines ; 5. Afin de combattre la tendance développée par notre société à nier la mort, il est nécessaire de briser la solitude à laquelle seraient voués patients et familles à l'approche de la mort ; 6. Afin aussi d'assurer par le palliatif une continuité dans les sons et qu'un patient ayant dépassé le stade curatif de sa maladie ne se retrouve pas, du jour au lendemain, sans recours médical ; 7. Un environnement personnalisé contribue finalement au bien-être de chacun (l'architecture de l'unité palliative doit, par des éléments personnalisés, créer une atmosphère familière, aussi bien pour le malade et sa famille que pour les soignants). Sur le patient et sa famille Il n'est pas naïf ou inutile d'énoncer une fois encore ce qui peut sembler une lapalissade, à savoir que lorsqu'un patient ne répond plus aux traitements curatifs, ces traitements deviennent inappropriés. C'est en fait désigner un moment très précis de la maladie où continuer dans le curatif devient acharnement thérapeutique. Il n'est pas non plus inutile de réaffirmer que la douleur n'est pas une fatalité, que les symptômes d'un cancer terminal peuvent et doivent être contrôlés. 1. L'équipe soignante doit respecter les horaires du patient, si même il en change, quitte à faire intervenir d'autres services pour assurer la continuité des soins. 2. Elle doit respecter, pour plus d'efficacité, son style de vie et la philosophie qui la soutient (l'organisation et l'application des soins doivent tenir compte de l'état d'esprit du patient, de ses préférences et de sa conception de la vie, de manière à donner à ce malade et à sa famille la possibilité de vivre en accord avec leurs principes). 3. La famille du patient est à la fois dispensatrice et receveuse de soins (on combat parla même occasion l'abandon et l'isolement dont souffrent beaucoup de patients au stade terminal). Dispensatrice de soins, elle ne fait qu'obéir au rôle qui lui incombe traditionnellement de s'occuper de celui d'entre les siens qui est malade (cette cellule familiale ne conservera d'ailleurs son équilibre que si on la maintient dans ce rôle) ; mais elle-même se trouve en situation de stress (elle doit faire face aux répercussions tant physiques que psychologiques de la maladie terminale), par conséquent, elle doit recevoir des soins de l'équipe soignante. 4. Trop souvent, le malade est tenu pour incapable de comprendre son état et de prendre des décisions, alors qu'il faut aller dans le sens de sa participation aux soins et lui conserver un pouvoir de décision. 5. Les ennuis de la phase terminale affectent le malade et sa famille, de jour comme de nuit, en semaine comme en week-end, aussi bien les soins devront-ils être dispensés à quelque heure de quelque jour ou nuit que ce soit. 6. Les volontaires font partie intégrante de l'équipe soignante, car ils ont un rôle important dans les soins palliatifs (il leur revient de créer une atmosphère plus détendue, plus proche de l'ambiance familiale, d'assumer, au domicile, une partie des obligations qui revenaient jusque là à l'un des membres de la famille. Ils sont sources de distractions pour les malades et permettent souvent de conserver une équilibre familial qui, sans eux, serait rompu). 7. Les soins palliatifs ne s'arrêtent pas au décès du patient, mais un soutien est accordé à la famille durant le deuil et par ceux-là mêmes qui l'ont accompagnée durant la fin de vie de l'un des siens. Sur le personnel soignant MTGATT 04 11 2008 107 C'est ici et d'abord un problème de formation. On peut considérer que les connaissances sur les différents aspects des soins à donner aux malades arrivés au stade terminal de la maladie, sont maintenant à la disposition de tous et qu'il est du devoir des organisations et des hôpitaux qui prodiguent ce type de soins, d'éduquer leur personnel et de les tenir au courant des toutes nouvelles recherches dans le domaine. Cependant, il arrive, pour reprendre l'exemple de la Belgique, que ce type de formation ne soit pas encore généralisé, que, par ailleurs, l'obstacle de la langue soit pour certains insurmontable dans la mesure où l'essentiel des publications sur le sujet est en anglais. - Par-delà les problèmes de formation et d'information, autrement dit sur le terrain, le personnel aura besoin de temps et d'encouragements pour établir et maintenir des relations humaines réelles avec le patient et son entourage. - Mais un tel engagement ne manque pas de provoquer une fatigue émotionnelle qui justifie un soutien psychologique auprès des membres de l'équipe. Sur l'organisation Bien qu'une grande place soit faite au nursing, les soins médicaux représentent un élément essentiel des soins palliatifs. La composition de l'équipe suffit d'ailleurs à s'en persuader, qui comprend un directeur médical, des médecins, et assure une collaboration avec le médecin traitant du patient. - Non seulement les programmes de soins doivent se conformer aux principes de l'organisation internationale des hospices, mais aussi à la législation concernant l'organisation et la délivrance des soins dans le pays. - Mais il est un élément de l'organisation des soins qui dépend presque exclusivement du malade, c'est de savoir où ils seront dispensés : en unité palliative, à l'hôpital ou à domicile ? Le cadre dans lequel doit vivre un malade en fin de vie a en effet une grande influence sur son impression de confort et il ne saurait être question de ne pas recueillir ses désirs sur ce point tout à fait essentiel, de ne pas tenir compte de ses besoins et préférences. - Les techniques de soins palliatifs doivent être testées, continuellement améliorées, et les résultats largement diffusés. Conclusion Intégration de volontaires dans l'équipe de soins, famille placée chaque fois que possible au centre du dispositif, recevant et dispensant elle-même les soins, volonté de conserver au malade son pouvoir de décision et de créer, jusque dans l'unité palliative, une atmosphère familiale, ces petites révolutions accumulées ne peuvent que surprendre le médecin hospitalier (qui se demandera toujours – et tant que les preuves ne lui en auront pas été données – si elles sont bien nécessaires). Il est douteux pourtant, qu'étant donné le vieillissement de la population, l'hôpital puisse faire l'économie, d'ici le début du troisième millénaire, desdites révolutions. Nous nous efforcerons, pour l'instant, de rentrer dans le concret d'un programme de soins palliatifs. DESCRIPTION D'UN PROGRAMME DE SOINS PALLIATIFS Combien multiples sont les initiatives en matière de soins palliatifs, le survol mondial que nous en avons tenté (de la Pologne à l'Italie en passant par les Etats-Unis), même rapide et schématique, en donne une idée assez précise ; il montre surtout, par-delà même la diversité évoquée, que toutes ces expériences ont en commun un certain nombre d'éléments essentiels sur lesquels il convient maintenant de s'arrêter. Idéalement, un programme complet de soins palliatifs (tel celui pratiqué au Royal Victoria de Montréal) comprend cinq grands domaines d'activités : 1. 2. 3. 4. l'unité hospitalière ; l'équipe mobile ; le service de soins palliatifs à domicile ; un service de consultation ; MTGATT 04 11 2008 108 5. un day-care ou hôpital de jour ; 6. un programme de suivi de deuil. Encore ces services sont-ils fréquemment associés à des activités de formation, d'enseignement et de recherche. On se doute qu'il n'est pas toujours possible de mettre en œuvre, serait-ce financièrement, une telle structure. S'il fallait proposer à un pays ou une région qui compte s'ouvrir à ces techniques un programme minimal de soins palliatifs, celui-ci devrait alors se limiter à ces trois services essentiels que constituent une unité hospitalière travaillant en étroite collaboration avec un service de soins palliatifs à domicile, le tout complété par un programme de suivi de deuil, mobilisable à chaque fois qu'après le décès, un membre de la famille se trouve en difficulté. (Cependant, un pays comme la Grande-Bretagne, parce qu'il possède déjà une bonne infrastructure en la matière, peut opter à présent pour cette solution beaucoup plus économique qu'est l'ouverture d'un centre de jour pour soins palliatifs). Description de l'unité hospitalière Clef de voûte de tout l'édifice pour à la fois dispenser les soins aux patients et un enseignement adapté aux professionnels (médecins, infirmiers, psychologues, kinésithérapeutes ou assistants sociaux qui pourront ultérieurement se répartir entre le service central et les soins à domicile), l'unité hospitalière ne ressemble en rien à un service de médecine, de chirurgie ou de réanimation pour la simple et bonne raison qu'elle doit approcher au plus près de l'atmosphère familiale. Première originalité et non des moindres : l'accès y est libre vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Une décoration, volontairement gaie et chaleureuse, recourt aux plantes et aux posters, joue des couleurs sur les murs et tentures. Ainsi, au Royal Victoria Hospital de Montreal, lampes et murs, légèrement teintés de rose, donnent-ils l'impression que les malades ont bonne mine ; à Paris, dans l'unité palliative du docteur Abiven, les murs du couloir central sont aussi traités dans les roses et les gris, agrémentés de plantes vertes et d'un éclairage très recherché, le tout sur une surface d'ailleurs assez considérable puisque la gestion de douze lits occupe 810 mètres carrés dont une centaine sont destinés aux familles. Mais si les superficies consacrées à ces sortes d'unités excèdent généralement celles qui sont allouées aux services hospitaliers plus classiques, le problème, estime le docteur Mount du royal Victoria, n'est pas tant celui de la superficie en elle-même que de son agencement. Il est apparu par exemple essentiel qu'un contact avec la nature soit maintenu : les patients peuvent donc avoir accès à une terrasse par beau temps (au Royal Victoria de Montréal [Canada] ou au Yodogawa Christian Hospital d'Osaka [Japon], quitte à devoir y amener leur lit (ainsi de Osaka) ; ailleurs, au St Christopher et au Trinity Hospice de Londres, loisir leur est donné de se promener dans un jardin soigné et la Maison Michel Sarrazin, à Québec, a été conçue, dès son origine, pour que les patients puissent profiter au maximum de la beauté du paysage. De nombreuses pièces où vivre Prendre le patient et sa famille comme unités de soins et donner à ce patient la meilleure qualité de vie possible obligent à prévoir des lieux de réunions certes, mais d'autres également où l'intimité soit respectée. Passé le hall d'entrée (avec une table pour le ou la bénévole qui s'occupe de l'accueil), différentes pièces vont s'agencer où l'on retrouve toujours, immanquablement, une salle de séjour destinée aux patients comme aux visiteurs. Elle sera vaste, suffisamment, pour permettre les réunions de patients même amenés dans leur lit et devra se prêter à diverses activités comme prendre des repas, lire, écouter de la musique ou organiser de petites fêtes (anniversaires, Noël). Autre lieu public dont on conçoit aisément l'importance, la cuisine, libre d'accès, mettra à disposition des patients et de leur famille un four à micro-ondes où réchauffer un plat préparé à la maison, le compartiment d'un réfrigérateur ; les boissons y seront disponibles à volonté. (Notons qu'à l'unité du docteur Abiven à Paris, l'entretien de cette cuisine est assuré par des bénévoles). Toujours accessibles aux patients et à leur famille, une lingerie avec machine à laver et séchoir, puis viennent la salle de bains avec bain pour patient mobile et immobile, une douche couchée, une salle de réunion, plusieurs bureaux dont un pour les infirmières, un pour le ou les médecin(s), un pour les bénévoles, un bureau enfin pour le service des soins à domicile. On prévoira une chapelle ou un autel (dissimulé dans une armoire de la MTGATT 04 11 2008 109 salle de séjour comme au Sir Michael Sobell House), une pièce tranquille enfin où pouvoir se recueillir. Mais certains centres ajoutent à ce qu'on peut tenir pour une structure de base, puisqu'elle a fait ses preuves, une pièce réservée aux hobbies des patients (plantes vertes et fleurs, artisanat), une pièce aussi pour "le dernier adieu" et une salle de cours. Enfin, un chapitre doit être réservé à cette armoire tout à fait spéciale qui est destinée à recevoir les morphiniques. Etant donné les grandes quantités de stupéfiants utilisées, il est nécessaire de prendre des précautions particulières comme de toujours maintenir cette armoire fermée à clef. Les narcotiques sont vérifiés plusieurs fois par jour afin de comparer les quantités restantes et celles inscrites dans le livre. Même de nuit, ces médicaments doivent être administrés par deux infirmières et, dans certains hospices anglais, le chariot les contenant est fermé à clef entre deux chambres. Une fois l'analgésique administré, l'une des deux infirmières l'indique dans le dossier, spécifiant, à côté de la date et de l'heure, la dose, et appose sa signature. L'unité palliative de l'hôpital Notre-Dame de Montréal comprend douze lits répartis en sept chambres individuelles, une chambre à deux lits et une chambre à trois lits. Elle se compose d'une salle à manger, d'un grand salon, d'un petit salon avec canapé en sorte qu'un visiteur peut y passer la nuit. L'équipe soignante, outre une salle de réunion et le secrétariat, dispose de plusieurs bureaux qui vont au médecin, à l'infirmière chef, aux bénévoles, etc. Mais autant ces derniers aménagements ne prêtent pas à discussion sinon financière, autant les premiers (les chambres des malades) sont l'objet de décisions parfois opposées sur le fait de savoir s'il convient de fixer son choix sur les chambres individuelles ou collectives. Les chambres des malades De vastes chambres, accueillant quatre malades, sont privilégiées en Grande-Bretagne où l'on insiste sur les relations sociales qui ne manquent pas de se développer entre occupants des lieux. La mort sans grande souffrance de celui qui dans l'intervalle est devenu proche (au moment de l'agonie, le mourant est généralement laissé dans la chambre commune) apaise plus qu'elle n'angoisse ses compagnons qui, dès lors, vont disposer d'une représentation non violente, somme toute rassurante, de leur propre décès. Certains soignants, toutefois, soulèvent l'objection que voir mourir un grand nombre de patients peut devenir insupportable à celui dont le séjour en unité palliative se prolonge. En fait, l'usage, hormis la Grande-Bretagne, semble s'orienter vers le choix de la chambre individuelle. Au CESCO de Genève, pour cent quatre lits, on dénombre soixante chambres individuelles, mais encore, il est vrai, quatorze à deux lits et quatre chambres à quatre lits. A Québec, un projet de construction de chambres à quatre lits fut abandonné in extremis au profit de chambres individuelles dont les portes sont ouvertes en permanence (certaines d'entre elles, toutefois, disposent à présent de cloison amovible afin que deux isolés puissent entrer en contact). Plaide en faveur de la chambre individuelle la plus grande facilité qu'elle offre à l'accueil d'un proche. Ainsi, aux Etats-Unis, utilise-t-on assez fréquemment des chambres conçues à l'origine pour deux patients comme chambre individuelle, de manière à ménager suffisamment d'espace aux visiteurs. Même optique à Paris où seules les chambres individuelles ont été prévues, mais suffisamment vastes pour y installer un lit d'appoint. L'aménagement d'une chambre est une accumulation de petits détails auxquels il faut savoir penser : si le docteur Mount du Royal Victoria de Montréal se prononce lui aussi en faveur d'un espace qui permette à un proche de loger auprès du mourant, il attire l'attention sur l'avantage qu'il y a à concevoir des fenêtres suffisamment basses de manière à ce que le patient alité puisse voir endehors. Chambres individuelles, donc, et pour de multiples raisons. En Belgique, les différences linguistiques et culturelles ainsi qu'une forte propension à l'individualisme ne plaident pas vraiment en faveur des chambres à quatre lits. Quant au chiffre de trois lits par chambre, même s'il en existe au Trinity Hospice à Londres ou à Notre-Dame à Montréal, on s'en écarte généralement pour la raison que de bonnes relations tendent à s'établir entre deux seulement des patients avec exclusion du troisième. "Actuellement, souligne Poletti, les expériences faites tendent à démontrer que ce qui est le plus approprié est une institution n'ayant que des chambres à un lit et de larges pièces permettant aux patients et à leur famille ou à leurs amis de disposer d'un maximum d'intimité et de confort. Un membre de la famille peut ainsi rester au chevet de la personne en fin de vie, si cela s'avère utile". MTGATT 04 11 2008 110 Le personnel Il se compose de un, voire deux médecins, d'une équipe de nursing de haute qualité et en nombre suffisant, d'un aumônier (les représentants des cultes et de la "morale laïque" jouent un rôle très important qui sera développé plus loin), parfois d'une secrétaire et d'une assistante sociale, d'un kinésithérapeute et d'un ergothérapeute à temps partiel, ils interviennent en association avec l'équipe comme dans n'importe quel autre service hospitalier. Le conseil combien utile d'une diététicienne doit compléter l'énumération des compétences nécessaires au bon fonctionnement de ce type de service… A cette équipe de professionnels s'ajoute encore, on l'a vu, une équipe de bénévoles, bénévoles ne signifiant pas ici amateurs puisque aussi bien ils ont bénéficié d'une formation spécifique. Nous sommes en hôpital, aussi ces équipes seront-elles dirigées par un médecin chef (assisté ou non d'un autre médecin). Oncologue, interniste, anesthésiste spécialisé dans le traitement de la douleur ou médecin généraliste, on attend de lui, évidemment et c'est bien le moins, qu'il montre un intérêt certain pour les soins aux mourants, mais aussi qu'il ait reçu une formation adéquate tant il est vrai que dans ce domaine les bonnes intentions ou les approximations ne suffisent pas. Or qui dit formation adéquate entend une formation qui tienne compte du fait que les soins palliatifs excèdent la personne du seul mourant. Le docteur Abiven (Unité de soins Palliatifs, à Paris) estime que son activité est consacrée pour un tiers aux patients, pour un autre tiers à la famille des malades, le reste de son temps se répartissant entre diverses activités. De la nécessité d'un soutien pour les soignants eux-mêmes Il faut être conscient des difficultés que comporte la prise en charge de malades terminaux et prévoir un soutien pour l'équipe elle-même ; ainsi n'est-il pas rare q'un psychiatre ou un psychologue assiste aux réunions hebdomadaires de l'équipe, tout à fait exceptionnel au contraire qu'il ait à intervenir au chevet du malade. Autant il n'est pas souhaitable de "psychiatriser" la mort mais souhaitable au contraire de lui conserver son caractère de "mort naturelle", autant l'équipe, chaque jour malmenée et remise en cause, éprouve le besoin de contrôler, mettre à jour ou analyser toute forme de motion inconsciente ou de comportement inadéquat qui biaiserait ou entraverait son activité quotidienne. Nul doute qu'il y ait la place pour des psychologues plutôt que pour des psychiatres. L'équipe du docteur Abiven ne comprend pas de psychiatre mais un psychologue. Les hospices en Grande-Bretagne n'ont que rarement recours au psychiatre et le docteur Parkes, psychiatre lui-même au St Christopher de Londres, confirme l'importance du psychologue dans le contrôle de l'équipe par elle-même. De toute façon, en situation de crise (et l'équilibre émotionnel des soignants est parfois soumis à rude épreuve quand l'agressivité du patient ou de sa famille se retourne contre eux), tout soignant doit pouvoir trouver, dans l'équipe au sein de laquelle il travaille, le soutien adéquat. L'idéal, sans doute, est que les membres du groupe aient pris l'habitude, non seulement d'analyser les difficultés des malades et de leur famille, mais aussi de consacrer une part de leur temps aux réactions et sentiments que des situations souvent pénibles ou difficiles provoquent ou éveillent en eux. Parkes estime qu'une équipe convenablement rodée à ce type d'analyse et de remise en cause saura discerner le moment où l'un des soignants s'implique trop avant dans une relation, et lui apporter l'aide nécessaire, soit en le déchargeant d'une partie des soins qu'il assume avec ce malade, soit en lui faisant prendre conscience de la situation dans laquelle il se trouve (ce type de problème montre à l'évidence l'intérêt d'une équipe pluridisciplinaire). L'infirmière, coordinatrice des soins Soins globaux – on obtient des soins plus efficaces lorsque le style de vie du patient et sa philosophie de vie sont respectés – répondant à des besoins physiologiques certes, mais encore psychosociaux et spirituels, les soins palliatifs exigent beaucoup des infirmiers et infirmières ; par leur fonction, ils sont en effet en situation de réaliser une prise en charge de tous les instants, ce, vingt-quatre heures sur vingt-guatre. Constamment présente, l'infirmière a en outre le loisir de réaliser une observation fine des besoins du patient ; elle peut attirer l'attention des différents membres de l'équipe sur tel ou tel besoin spécifique du patient ou de sa famille. Ce rôle de coordination est très important. Il harmonise MTGATT 04 11 2008 111 les interventions d'une équipe qui, parce que pluridisciplinaire, doit trouver son unité ailleurs que dans la spécialité de chacun de ses membres. Comme souvent la fonction de l'infirmière excède sa définition purement médicale (mais le contrôle de la douleur et des autres symptômes [176] demeure évidemment prioritaire). Ajemian, reprenant le modèle d'intervention de Wessells, a pu cerner les diverses zones d'intervention de l'infirmière selon un schéma assez semblable à celui proposé par Roper. Il détaille : 1. des activités qui se laissent penser en termes d'entretien (il s'agit d'assister le patient dans l'alimentation, le sommeil, les fonctions d'élimination, mais aussi dans les activités qui définissent le quotidien et dont dépendent des paramètres aussi importants que l'image du corps, l'estime de soi, les interactions sociales) ; 2. ce qui relève plus spécifiquement de la prévention, c'est-à-dire orienter les soins de façon à éviter ou à modifier les situations qui pourraient amener par exemple à la perte du sommeil, à des difficultés d'élimination, courbatures, escarres, ou qui verraient une diminution de l'indépendance ou de la capacité de se soigner. 3. enfin, l'infirmière devra travailler à obtenir du patient et de sa famille le plus haut niveau possible d'indépendance. Dans sa définition des soins infirmiers, Roper considère qu'ils "ont pour objet d'aider une personne à progresser vers le pôle d'une indépendance maximale pour elle dans chacune des activités de la vie quotidienne, de l'aider à y rester, de l'aider à faire face lors de tout mouvement vers le pôle de la dépendance ; dans certains cas de l'aider ou de l'encourager à aller vers la dépendance et, finalement, parce que l'homme est un être mortel, de l'aider à mourir avec dignité". Cette théorisation des soins infirmiers pourrait fort bien être appliquée par l'ensemble des unités palliatives (on semble pourtant lui préférer celle, au demeurant fort semblable sauf pour ce qui touche à la prévention, de Henderson, mais il faut se persuader que quelle que soit la définition ou la théorie retenue, l'important est d'en posséder une qui permette une évaluation constante de la qualité des soins à l'intérieur de l'unité et qui, bien sûr, puisse toujours s'adapter aux besoins d'une personne arrivée au stade terminal). La formation aux soins palliatifs En attendant que les soins palliatifs fassent partie des études que doit suivre toute infirmière pour accéder à son diplôme, une formation effective et non pas simplement "sur le tas" devrait lui être dispensée sous la forme d'un enseignement complémentaire. Cet enseignement existe. Des cours ont lieu en Grande-Bretagne, aux Mac Millan nurses, qui sont à la fois théoriques et pratiques, une nouvelle forme d'enseignement est dispensée à l'U.F.R. de Médecine et Biologie de Bobigny (Paris XIII) où se déroule le premier Diplôme Universitaire créé en France pour toutes personnes participant où s'intéressant aux soins des mourants, médecins, infirmières, kinésithérapeutes, psychologues et bénévoles. L'aspect pratique est enseigné, certes, mais l'essentiel de l'enseignement est centré sur une réflexion sur le mouvement des soins palliatifs, l'évolution du concept de mort, l'évaluation des expériences en cours ainsi qu'une démarche autour d'éléments de thanatologie, impliquant les étudiants dans une recherche sur leurs propres représentations des mourants et de la mort. Normes nécessaires en personnel infirmier Dans les hospices anglais, les normes d'infirmière par lit et par vingt-quatre heures sont très élevées. Elles varient de 1,25 à 1,65. Ailleurs, bien qu'un peu plus basses, ces normes restent très élevées. Au Québec, on évalue les besoins à une infirmière par lit, norme également retenue par le docteur Abiven à Paris et par Continuing Care à Bruxelles. A Genève, au Centre de soins continus, on évalue le nombre d'infirmières par lit et par vingt-quatre heures à 1,11. Chiffres évidemment considérables mais qui correspondent, rappelons-le une fois encore, à une mission de nursing hautement qualifié et jamais interrompue (il y faut un personnel qualifié et en nombre actif de jour comme de nuit, sans oublier les week-ends). De plus, cette mission inclut le malade et sa famille dans une démarche où ne sont négligés, ni les problèmes psychologiques et spirituels (l'organisation du service doit tenir compte du temps qui sera consacré par le personnel infirmier à parler avec le MTGATT 04 11 2008 112 malade), ni l'attention à la douleur ou aux autres symptômes. Ainsi, déterminer les causes précises de la douleur demande de constants réexamens. Mais s'il est vrai que les soins palliatifs requièrent un personnel infirmier en grand nombre, il ne faut pas oublier que l'application de véritables soins palliatifs permet de réduire fortement la durée d'hospitalisation. Les chiffres ci-après permettent de s'en rendre compte. Si l'on suit leur évolution de 1971 à 1978 (il s'agit de chiffres communiqués par le Royal Victoria Hospital de Montréal et qui tiennent compte de la création en 1975 de l'unité de soins palliatifs), on constate, certes, une augmentation du nombre d'admissions de patients cancéreux (de quelques 2 300 à 2 700), mais parallèlement une diminution de la durée moyenne du séjour terminal en hôpital de 30 à 10,9 jours. Or, les soins à domicile qui s'ensuivent (les soins palliatifs permettant le retour au domicile) s'avèrent nettement moins coûteux. En fait, on constate que les soins "concentrés" sont dispensés sur une durée relativement courte et que finalement l'application de véritables soins palliatifs permet de réduire fortement la durée des hospitalisations. Problèmes de diététique "Lorsque les symptômes les plus pénibles, telles la douleur, les nausées, etc., sont contrôlés, nous sommes amenés à considérer tout les aspects de la vie quotidienne qui contribuent au confort et au plaisir du malade, l'alimentation en fait partie. "L'intérêt doit donc se concentrer sur l'équilibre nutritionnel et sur le plaisir que la nourriture peut apporter au patient. A l'hôpital Notre-Dame de Montréal, la diététicienne s'emploie d'abord à rassurer un patient souvent anxieux à l'idée de manger tel ou tel aliment ou même parfois à la seule pensée de manger (problème de constipation ou de diarrhée) ; elle envisage ensuite la meilleure façon de manger (régime mou, liquide, tube) et supprime ou ajoute certains éléments nutritionnels (surtout des sels minéraux), mais elle décidera du régime en étroite collaboration avec le médecin de l'unité et en veillant à consulter non seulement le malade et la famille mais aussi les infirmières et les bénévoles. Mais il est commode de distinguer, avec Rapin, trois catégories de patients : 1. les patients cancéreux bien nourris ; 2. les patients cancéreux modérément malnutris ; 3. les patients cancéreux gravement malnutris. Les deux premières catégories de malades posent relativement peu de problèmes. Les repas devront être adaptés aux goûts de chacun sous réserve d'assurer un apport protéique et calorique suffisant (végétaux et produits lactés dominent alors l'alimentation) et de tenir compte des habitudes alimentaires et des modifications dans ces habitudes que la vieillesse comme la maladie ne manquent pas d'introduire. Une attention particulière sera portée aux patients "modérément malnutris" en sorte de remédier à un éventuel déficit, tâche rendue difficile par les intolérances et dégoûts alimentaires souvent plus prononcés (l'auteur signale à ce sujet tout l'intérêt des préparations ovolactées qui permettent, et d'assurer l'apport protidique indispensable, et de pallier un déséquilibre dans l'alimentation quotidienne). Les patients "gravement malnutris", quant à eux, posent un véritable problème diagnostique, car il s'agit de déterminer si leur malnutrition est due à l'évolution de la maladie cancéreuse ou si elle est provoquée par une autre cause ; dans ce dernier cas, une réalimentation intensive pourrait faire que le patient rejoigne les deux catégories précédemment décrites. Dans le cas contraire, l'acharnement n'est évidemment pas de mise. Rapin signale d'ailleurs que la majorité de ses patients terminaux ne ressentent plus la soif, et que maintenir systématiquement une hydratation par perfusion pouvait nettement augmenter la souffrance et l'inconfort du patient. Au CESCO, on a renoncé à cette pratique au profit des soins de bouche. Ce cadre posé, il n'est pas rare de voir un malade qui refusait de s'alimenter revenir sur sa décision devant un repas particulièrement bien présenté. C'est de politique délibérée qu'au CESCO de Genève on veille particulièrement à la qualité et à la présentation des repas : tout doit concourir à conserver le plaisir visuel, olfactif et gustatif du patient. Pour cette raison, on cherche à éviter l'alimentation par voie entérale ou parentérale, quitte à compléter un repas insuffisamment copieux par des boissons hyperprotéinées. D'une manière générale la politique en matière de diététique sera tout à fait permissive afin de stimuler, autant qu'il est possible, l'appétit du malade, tant il est vrai qu'éprouver du plaisir à manger, serait-ce pour un malade qui se sait condamné, a toujours un effet positif sur le moral. MTGATT 04 11 2008 113 Les bénévoles La mission des bénévoles est en partie constituée d'une infinité de tâches en apparence modestes comme l'achat d'une paire de pantoufles, la confection d'un petit plat ou comme d'assurer la gestion de la cuisine réservée aux familles. Elle devient essentielle, beaucoup plus délicate et difficile à assumer, quand elle consiste à être présent auprès du malade. Il s'agit, selon Gauvin et Valiquette de l'hôpital Notre-Dame de Montréal, de donner aux patients ces mille et une petites attentions auxquelles ils sont si sensibles en fin de vie : la réponse rapide à l'appel, la présence dans les moments d'angoisse, le verre d'eau fraîche, l'oreiller bien adapté à la position du malade, le numéro de téléphone composé à la place d'un patient trop faible. Le rôle du bénévole est tout à fait décisif quand il s'agit de prêter une oreille attentive à ce que le patient veut encore exprimer avant de quitter le monde. La fonction du volontaire se doit d'être définie avec d'autant plus de précision et de rigueur qu'elle est multiple. Il faut poser en tout premier lieu – et le docteur Abiven insiste beaucoup sur ce point – qu'un volontaire ne réalise jamais de soin. Toute confusion avec le rôle de l'infirmière doit être soigneusement évitée, même s'il semble parfois que le volontaire soit là quand l'infirmière fait défaut, elle qui, manifestement, ne peut être en permanence au chevet du malade et que d'autres tâches appellent. Non, le volontaire n'est pas là comme substitut de l'infirmière mais comme substitut de la famille ou de l'ami. Pour autant il est tenu, comme les autres membres de l'équipe, au secret médical. Celui qui, pour reprendre le mot du docteur Abiven, remplit finalement le rôle de "réintroduire la société dans le monde hospitalier", doit certainement avoir pour qualité essentielle ce qu'il est convenu d'appeler le sens de l'autre. Motivé, il doit l'être, mais par le désir de rendre service à autrui et non par la recherche d'un "bénéfice" personnel tel que rompre sa solitude ou lutter contre une dépression nerveuse. Au dévouement et au respect des opinions des autres, si différentes qu'elles soient des siennes propres, s'ajoutent le tact et la discrétion, autrement dit la capacité à n'intervenir dans la vie d'autrui que dans l'exacte mesure où cette intervention est souhaitée par le patient et sa famille. D'autres qualités s'imposent : la sensibilité, la réceptivité et surtout une très grande capacité d'écoute. Pour une personne qui, progressivement, se détache de la vie et de tous ses attraits, la parole devient essentielle et quelqu'un doit être là pour l'écouter. Mener à bien cette tâche requiert manifestement un bon équilibre psychologique et que les personnes qui s'y dédient soient sélectionnées sur un certain nombre de critères. Markey, coordonnateur des volontaires de l'unité palliative du Royal Victoria Hospital de Montréal, écarte tout volontaire qui : 1. 2. 3. 4. 5. aurait perdu un proche durant l'année écoulée ; aurait présenté un ou plusieurs deuils "pathologiques" ; s'investirait dans la promotion d'une religion ; manifesterait une curiosité morbide ; aurait un cancer en cours de traitement. Passé ce premier filtrage, il est important de penser à acquérir une certaine formation. Le fait d'accepter d'en suivre une est d'ailleurs, en soi, déjà, une indication précieuse de l'intérêt porté à la tâche qu'il ambitionne. Trois points ne demandent pas d'être particulièrement approfondis qui font office d'introduction et sont davantage destinés à situer les soins palliatifs dans leur contexte. Il en est ainsi de l'évolution de la mort en Occident, des origines et du développement des soins palliatifs et de leur philosophie. Seront ensuite abordés les besoins des malades arrivés au stade terminal (contrôle de la douleur et des autres symptômes, prise en compte des besoins psychologiques, sociaux et spirituels) et le stage évoluera vers une véritable formation à l'écoute. La relation d'aide selon Rogers semble particulièrement adaptée à une formation nécessairement rapide qui doit tenir compte du fait, enregistré dans certains pays, que ce type de volontariat ne dure en moyenne que deux ans. Suivi de deuil et organisation pratique des soins palliatifs dans l'unité et à domicile clôtureront une formation de base qui sera suivie de réunions mensuelles où des cas seront discutés. Une fois sélectionné, le volontaire se verra confier des activités à orientation plus spécifiquement sociale : accueil des visiteurs à l'entrée de l'unité, contacts téléphoniques ou épistolaires avec la famille et les amis du patient quand celui-ci est trop faible, présence au chevet du patient, lecture, organisation des jeux, voire baby-sitting pour les enfants de la famille du patient. Mais une part de la MTGATT 04 11 2008 114 "maintenance" du patient dans l'unité lui revient. Il pourra coiffer le patient, faire la manucure, maquiller une patiente, conduire la chaise roulante ou le lit, accompagner le patient dans ses promenades ou lui faire ses courses, organiser les petites fêtes d'anniversaire dans l'unité, mettre de l'ordre dans la pièce commune, la cuisine et les chambres communes (vider la corbeille à papier, arranger les fleurs, les journaux, etc.). On voit à cette énumération un peu fastidieuse qu'un grand nombre de volontaires sera nécessaire. A Paris, dans le service du docteur Abiven, douze patients requièrent trente-cinq volontaires dont chacun vient un jour par semaine à raison de deux volontaires le matin de 8 à 14 heures, deux volontaires l'après-midi de 14 à 20 heures, et un volontaire de 20 heures le soir à 8 heures le matin. Description des soins à domicile Qu'ils dépendent d'une unité hospitalière, comme au St Christopher de Londres ou au Royal Victoria à Montréal, ou qu'ils soient indépendants de toute autre structure comme Continuing Care à Bruxelles, les soins palliatifs à domicile répondent à une seule exigence : maintenir le patient auprès des siens et dans son lieu de vie habituel aussi longtemps que possible. Comme cela se pratique en Grande Bretagne avec les Mac Millan nurses, l'équipe de soins palliatifs se concentre sur la consultation dans le domaine du contrôle de la douleur et des autres symptômes perturbant la fin de vie des malades atteints d'un cancer terminal d'une part et, d'autre part, la coordination entre toutes les personnes qui vont aider le malade et sa famille durant la phase terminale de la maladie. D'un patient à l'autre l'espérance de vie varie considérablement, qui de quelques jours peut atteindre quelques mois, voire se prolonger et dépasser un an. Mais les moyennes reflètent assez bien les durées de prise en charge : 71 jours au Royal Victoria de Montréal, 42 jours à Bruxelles actuellement. On pourrait craindre qu'un environnement défaillant ou insuffisant soit un obstacle insurmontable au maintien à domicile d'un grand malade. : il n'en est rien : l'une des tâches importantes des soins palliatifs à domicile consiste précisément à assurer une coordination maximale entre toutes les bonnes volontés et structures disponibles à l'échelon de la ville et du quartier. Aussi bien les recours aux voisins ou aux volontaires est-il dans de tels cas absolument essentiel. Les résultats sont là, qui font ressortir pour le Royal Victoria de Montréal non seulement que dix à vingt pour cent de leurs patients vivent seuls, mais encore que trente à soixante pour cent de leurs patients âgés sont maintenus à domicile alors que la seule structure familiale vraiment disponible est constituée par un conjoint lui-même âgé, donc rapidement dépassé parles événements. Mais peutêtre le plus simple, pour analyser la structure et le fonctionnement d'un service de soins palliatifs à domicile, est-il de suivre étape par étape ce qui se passe dans un organisme comme le Continuing Care à Bruxelles où d'ailleurs les chiffres en 1988 recoupent à peu près ceux de Montréal : ici vingt pour cent des malades vivent seuls et trente-cinq pour cent appartiennent aux tranches d'âges qui se répartissent entre soixante et quatre-vingts ans, justifiant donc, dans l'un et l'autre cas, une étroite collaboration entre toutes les instances susceptibles d'aider au maintien à domicile du patient. Radiographie d'un service de soins palliatifs à domicile Contrairement à ce qui se passe à Montréal où l'admission en service de soins palliatifs domiciliaires doit être demandée par le médecin traitant du patient, les enquêtes effectuées en Belgique montrent que le recours à Continuing Care est suggéré au patient et à sa famille par divers intervenants. Il peut s'agir tout simplement d'un voisin ou d'un ami voire d'un proche, encore d'un service social de la commune ou de l'hôpital, d'une infirmière elle-même relevant de l'hôpital ou de soins domiciliaires traditionnels, encore, parfois, du médecin généraliste ou du cancérologue. L'idéal serait évidemment qu'une telle initiative relève à chaque fois du médecin traitant. Celui-ci est après tout le mieux placé pur évaluer le moment où le patient n'a plus aucun bénéfice à attendre de la médecine curative. Mais sans doute faut-il mettre sur le compte de la nouveauté de ce type de soins en Belgique qu'il n'en ait pas encore le réflexe. En fait l'expérience montre qu'une prise en charge sera menée à bien si et seulement si la demande émane du patient lui-même et de sa famille ; que la démarche soit le fait d'un ami, par exemple, et l'incursion de l'équipe des soins palliatifs dans la vie privée du malade et de sa famille sera mal vécue ou simplement refusée. Imaginons donc qu'un appel émanant de la famille d'un malade parvienne au secrétariat de Continuing Care. Il revient à l'infirmière responsable de l'équipe de nursing à domicile de désigner dans les plus brefs délais quelle infirmière prendra ce patient en charge. Plusieurs éléments vont concourir à ce choix dont certains dépendront de la situation particulière à la Belgique. Il est en effet MTGATT 04 11 2008 115 souhaitable, et pour prendre cet exemple, que l'infirmière désignée appartienne à la même communauté linguistique (française ou flamande) que le patient. Continuing Care couvre Bruxelles et sa périphérie au sens large ; le choix s'arrêtera de préférence sur une infirmière qui habite à proximité du domicile du malade, tout en veillant, sur un tut autre plan, à ce que les malades soient harmonieusement répartis entre les infirmières, en sorte qu'elles s'occupent d'un nombre à peu près égal de patients et qu'elles se partagent les cas par trop lourds (environnement défavorable sur le plan matériel ou psychologique). L'infirmière choisie doit alors prendre contact avec le médecin traitant pour d'abord, d'un point de vue strictement médical, s'assurer qu'il s'agit bien d'un cas terminal, pour ensuite, et cette fois dans le respect de la déontologie, obtenir son accord quant à l'intervention de l'équipe auprès de son malade. Cette démarche importe au plus haut point : il peut sembler en effet que le service de soins palliatifs à domicile entre en concurrence directe avec le médecin généraliste ou les infirmières de soins à domicile traditionnels. Cette concurrence n'existe pas. Il y a au contraire collaboration puisque le rôle de Continuing Care est seulement consultatif. Pour autant, ni le médecin généraliste, ni les infirmières de soins à domicile traditionnels ne peuvent remplir le rôle de Continuing Care : il y faut des connaissances spécifiques (et qui obéissent à une logique différente de celle qui préside aux soins curatifs) et disposer d'un temps considérable (eu égard aux obligations de la médecin traditionnelle), non seulement au chevet du malade mais aussi pour tout ce qui relève de la coordination des différentes aides à mettre en place. Une première visite dans la famille (ou à l'hôpital si le malade est encore hospitalisé) vise ensuite à évaluer les besoins tant physiques que psychologiques, sociaux ou spirituels. Visite approfondie donc, dont la durée excède généralement une heure et qui consiste en un tour d'horizon complet des problèmes à résoudre, en sorte que l'infirmière soit en mesure d'établir un plan raisonné des soins à venir. C'est alors le moment d'un nouveau contact avec le médecin de la famille afin de décider du traitement de la douleur et lui demander de prescrire les médicaments adéquats. Toutefois, devant une douleur résistant aux thérapeutiques habituelles, elle aura pu prendre l'avis de l'un des médecinsconseils attachés à l'association (le plus souvent un anesthésiste spécialisé dans le traitement de la douleur). Maîtriser la douleur représente sans doute l'aspect le plus spectaculaire de ce type d'intervention, mais, répétons-le, ce n'est là que la partie émergée de l'iceberg. Elle serait tout à fait insuffisante à assurer une bonne qualité de vie au malade et à sa famille si elle ne s'accompagnait de toute une série de mesures. Il faut veiller en premier lieu à contrôler les autres symptômes. A cette fin, l'infirmière de Continuing Care doit s'attacher la collaboration de l'infirmière chargée des soins à domicile traditionnels. Elle fera appel au concours de volontaires dès qu'il s'agira de problèmes d'intendance (approvisionnement du malade et de son entourage, transport) ou d'apporter par leur présence l'aide psychologique indispensable. Chargée de la réalisation pratique du programme de soins palliatifs et de son adaptation aux évolutions de la maladie et plus généralement aux changements enregistrés dans le comportement du malade et des siens, l'infirmière de Continuing Care reste constamment en contact avec les professionnels de la santé, les bénévoles, les personnes qui assurent l'aide morale et spirituelle ou celles dont dépendent certaines facilités sociales (comme les assistantes sociales ou les aides familiales), encore les services qui peuvent éventuellement délivrer une aide financière ou prendre à leur charge la confection des repas. Elle se trouve au centre d'une équipe pluridisciplinaire composée de un ou plusieurs anesthésistes-conseils, d'infirmières ayant suivi une formation complémentaire ou d'une psychologue, sans oublier la responsable des volontaires et la secrétaire de la permanence ; structure complexe qui se réunira une fois par semaine afin d'aborder au cas par cas les problèmes rencontrés sur le terrain. Une consultation en soins Palliatifs Il s'agit cette fois de répondre à toute demande concernant les soins palliatifs de quelque structure qu'elle émane : service hospitalier ou soins à domicile. En effet, un malade atteint d'un cancer terminal, par la pathologie qu'il présente ou plus simplement parce qu'il n'en manifeste pas le désir ou le besoin, ne relève pas forcément de structures telles qu'une unité palliative hospitalière. Ici, une équipe volant de consultation en soins palliatifs est susceptible de combler un vide en la matière et de jouer un rôle extrêmement important. Composée généralement d'un médecin, de une ou plusieurs infirmières, voire d'un nombre restreint de volontaires, cette équipe dépend le plus souvent d'un hôpital qui possède déjà, par ailleurs, une unité palliative (tels le Royal Victoria Hospital de Montréal MTGATT 04 11 2008 116 ou le Royal Marsden Hospital de Londres). Son action plus ponctuelle vise encore le contrôle des symptômes, l'identification des besoins psychosociaux du patient et de sa famille. Mais elle sera consultée pour résoudre tel ou tel problème spécifique posé par un patient à l'équipe qui le prend en charge, pour évaluer l'intérêt d'un transfert en unité palliative ou coordonner le retour du patient à son domicile ou vers un autre centre. Il faut ajouter à ces compétences un type d'intervention au coup par coup que l'on pourrait désigner par l'expression d'"aide non spécifique" à un mourant. Plus informels, les centres de jour pour soins palliatifs On ne peut parler ici de service hospitalier puisqu'il ne s'agit pas de dispenser un traitement médical. Cette formule, qui a connu récemment un grand développement en Grande-Bretagne, ressemble davantage à un lieu de réunion pour malades cancéreux dont la plupart, mais non la totalité, ont atteint le stade terminal de la maladie. Diverses activités y sont possibles (jeux de cartes, artisanat, musique) mais la fonction essentielle de ces centres de jour est sans doute de se constituer en lieu de dialogue où des questions touchant la maladie, les symptômes et comment les juguler, l'existence d'unité palliative ou la possibilité d'organiser des soins à domicile, etc. permettent une transition plus douce vers le stade ultime de la maladie. Equipe mobile de soins palliatifs Cette expérience tentée en France relève à la fois d'un centre de jour pour soins palliatifs et d'une consultation en soins palliatifs auprès des services hospitaliers, des médecins de ville, voire des patients à domicile. Cette expérience est la première implantée à l'Assistance Publique et constitue une innovation puisqu'elle est à la fois, dans le domaine des soins palliatifs, une unité de soins, de consultations, de recherche et de formation des soignants et des familles des patients. Les soins palliatifs confrontés au deuil On ne devrait pas s'étonner que le suivi du deuil fasse partie des soins palliatifs. D'abord et avant toute chose, qu'il nous suffise de rappeler qu'ils ne se sont jamais limités à la seule personne du mourant mais qu'ils intéressent, et ce dès leur mise en place, l'entourage familial tout entier, voire certains des amis proches. On doit encore se souvenir que les soins palliatifs ont toujours voulu répondre, et c'est une des raisons à leur développement, au déni de la mort qui caractérise notre société. Or dénier toute existence, sinon spectaculaire, à la mort ne peut qu'aller de pair avec le désir de supprimer le deuil et ses manifestations. "Dans notre culture, remarque Pincus, la tendance à ne rien savoir de la mort, et même ne pas en avoir le souvenir, est prédominante. La maison où quelqu'un vient de mourir n'est même plus marquée d'un signe distinctif. Alors qu'autrefois toute la communauté villageoise était avertie d'un décès : on sonnait le glas, les volets de la maison étaient fermés, les membres de la famille étaient vêtus de noir". En fait, le refus de la mort n'est jamais aussi patent que dans le renversement des attitudes à l'égard du deuil. Contrairement aux siècles passés où, quels que soient les sentiments éprouvés à l'égard du mort, le deuil était une obligation sociale très astreignante, aujourd'hui, dans presque tout l'occident, il lui est interdit de se manifester au grand jour. Tous se passe comme si l'on éloignait de plus en plus la mort. La famille n'est plus au chevet du mourant ; l'enterrement n'est plus une grande manifestation familiale. Soixante-dix pour cent des personnes que Gorer a pu interroger sur le sujet n'avaient pas assisté à un enterrement depuis cinq ans et il semble que les enfants ne suivent même plus l'enterrement de leurs parents. Non que les survivants fassent preuve d'une frivolité nouvelle autant qu'inattendue. Philippe Aries décèle plutôt, à l'origine de ce phénomène développé dès la seconde moitié du XIXème siècle, une authentique contrainte sociale : il y a là comme un refus de participer aux sentiments de la personne qui subit un deuil, on va même d'ailleurs jusqu'à considérer comme pathologique l'expression publique du deuil. Autant on exigeait des proches qu'ils adoptent un mode de vie différent durant toute la période du deuil (mode de vie très précisément défini et pour un temps dont la durée était fixée par la tradition), autant manifester sa peine n'est plus aujourd'hui signe de sensibilité mais de faiblesse de caractère et seulement toléré chez le survivant (à condition, encore, qu'il n'ait pas le mauvais goût de l'exprimer publiquement). MTGATT 04 11 2008 117 Le point de vue des psychologues Silence sur la mort et refus du deuil constituent un comportement que l'on peut qualifier d'anormal et sont cause de morbidité. Le verdict des psychologues et psychanalystes est ici en complète opposition avec le comportement social en vigueur. L'étonnant est le peu de publicité dont il a bénéficié. Ou peut-être n'y a-t-il à cela rien d'étonnant mais encore, comme le pense Aries, une manifestation tout à fait tangible du déni de la mort. Alors que les conceptions psychanalytiques sur la sexualité et la psychologie infantile ont rencontré un public attentif sinon toujours averti, les conceptions du deuil développées par ces mêmes psychanalystes et psychologues n'ont reçu aucun écho favorable. Fragilisé parle deuil (et l'on sait du strict point de vue médical que le deuil est une période pendant laquelle le sujet est objectivement plus vulnérable à la maladie, au point que les professionnels de la santé se doivent de leur accorder toute leur attention), le survivant l'est encore par l'interdiction qui lui est faite d'exprimer sa souffrance et par la solitude à laquelle il se trouve bien souvent condamné. Le deuil n'est plus en effet une période de recueillement mais bien une période d'isolement. Amis et relations mettent quasiment le survivant en quarantaine ; même le téléphone ne sonne plus. Cette impossibilité d'exprimer ou de partager ses sentiments entraînerait, selon Shaerer et Pillot, de nombreuses dépressions ainsi qu'un risque accru de maladie. Et Parkes de signaler que le recours aux tranquillisants, en l'occasion, ne fait qu'inhiber encore davantage l'expression du deuil, engageant alors le survivant dans un véritable cercle vicieux. Le recours systématique aux tranquillisants et antidépresseurs doit être réservé aux circonstances proprement pathologiques du deuil : tendances suicidaires ou état d'agitation chronique que l'aide des soignants n'aura pas modifiés, dépression excédant la durée "normale" d'un deuil. Hormis ces cas (et c'est un fait qu'il existe des familles et des individus plus vulnérables que d'autres), rompre l'isolement représente une priorité qui est venue s'intégrer tout naturellement à la démarche de ceux qui s'intéressent aux soins palliatifs. Le travail de deuil L'expression "travail de deuil" communément utilisée dans le milieu des soins palliatifs – elle fut introduite par Freud dans son essai – Deuil et Mélancolie – dit bien que le deuil est un parcours obligé, nullement pathologique et qui demande du temps (ce travail est progressif et dure au minimum un an). Il faut : 1. admettre la mort de l'autre ; 2. conserver l'image et le souvenir du disparu en soi ; 3. réorganiser sa vie autour de nouveaux pôles d'intérêt. D'une certaine manière, le deuil sera d'autant mieux conduit qu'il aura été anticipé. Parkes insiste sur l'utilité de cette préparation au deuil telle qu'en a conclu la Harvard Bereavement Study. On a pu constater, en effet, sur un échantillon de veufs des deux sexes, jeunes ou d'âge mûr, davantage de troubles psychologiques et psychosomatiques durant les deux à quatre années suivant le décès chez les veufs qui n'avaient pas eu l'occasion de se "préparer" à leur deuil. Une autre enquête menée par Cameron au Royal Victoria Hospital de Montréal confirme que la "préparation au deuil", en préparant au malheur, diminue la détresse et la révolte consécutives au décès. Dans ce cas précis, l'étude portait sur un groupe constitué par les proches des patients soignés dans des unités traditionnelles du même hôpital ; il s'avère, un an et deux semaines après le décès, que les membres du groupe contrôle montrent de façon significative plus de signes de deuil et de problèmes de comportement que les proches des personnes décédées en unité palliative. Ceux-ci, de leur côté, semblent avoir réorganisé plus harmonieusement leur vie. Comme on le voit, l'ensemble de ces données semble plaider sans restriction en faveur de la prise en charge des proches par les équipes de soins palliatifs. Il est bon, toutefois, sans pour autant revenir sur cette préparation au deuil, d'y introduire quelques nuances. Ainsi Shaerer et Pillot mettentils en garde contre ce qu'ils appellent le "deuil anticipé", processus psychologique qui amènerait certains des membres de l'entourage à trop se détacher du malade, le considérant d'une certaine manière comme "déjà mort". Ce processus irait alors manifestement à l'encontre de la relation intime dont a besoin le mourant. Un autre point doit toujours rester présent à l'esprit, qui oblige cette fois à une prise en charge mais après le décès : certaines personnes, après les funérailles, peuvent se retrouver dans une situation critique et justifier d'une aide ; faute de quoi elles évolueraient vers un deuil morbidé. Tout le problème est alors de détecter les personnes à risque. Parkes propose de prêter une attention toute particulière : MTGATT 04 11 2008 118 1. 2. 3. 4. 5. aux personnes dont le niveau socio-économique est faible ; aux mères qui n'ont pas d'emploi hors du foyer ; aux parents de très jeunes enfants ; à toute personne isolée qui ne peut compter sur un soutien familial quelconque ; à cette autre personne à qui l'entourage, presque trop présent, interdit toute manifestation de deuil ; 6. à celui ou celle encore qui s'est "accroché" au mourant ou qui après sa mort manifeste un attachement excessif au disparu ; 7. à qui montre trop de colère ou d'amertume avant ou après la mort du patient, ou un sentiment constamment ressassé de culpabilité constituant aussi des signes à ne pas négliger. Sur ce point précis, le St Christopher développe une politique systématique centrée plus spécialement sur la personne qui était la plus proche du mort. Les infirmières ne remettent pas un questionnaire aux familles endeuillées mais remplissent elles-mêmes un document (annexe 2) comprenant des échelles d'évaluation. Huit questions sont numérotées de 1 à 5 ou 6. Toute personne qui obtient 19 points ou plus sera suivie durant le deuil. La capacité de la personne clé à s'organiser après le décès est estimée, quant à elle, sur le résultat de la dernière question (4 points ou 5). Il va de soi que cette évaluation reste confidentielle. Prévenir le deuil pathologique Que le deuil puisse induire une pathologie d'ordre psychique, une étude aussi impressionnante que celle réalisée par le Columbia Presbyterian tendrait à le prouver. Il en ressort que l'on trouve la notion d'un deuil précoce deux à trois fois plus fréquemment dans les populations de patients suivis en psychiatrie que dans le reste de la population. Bien entendu, la fréquence statistique d'un élément quel qu'il soit ne suffit pas à lui donner valeur de cause, ce d'autant que la psychiatrie et la psychanalyse nous ont appris à faire la différence entre deuils réel, imaginaire et symbolique. Il n'empêche que la plus grande fréquence d'un deuil dans le passé des malades psychiatriques doit constituer sinon une cause, du moins un facteur déclenchant ou favorisant la survenue de troubles mentaux. En général, démarches administratives et visites des proches occupent suffisamment les premiers jours qui suivent la mort pour que le problème du deuil en tant que tel vienne à se poser avec une réelle acuité. Ce n'est qu'une dizaine de jours plus tard que, la solitude aidant, la personne fragilisée se trouve véritablement confrontée aux manifestations du deuil. On admet qu'une première visite est alors souhaitable (elle se situe par conséquent entre le dixième et le quatorzième jour). Il importe, autant que faire se peut, que le visiteur soit connu de la famille, que sa démarche n'étonne pas et semble s'inscrire dans la suite logique d'une relation amicale. (Il pourra s'agir d'une infirmière, d'une assistante sociale ou d'un prêtre ; cependant, lorsque aucun membre de l'équipe n'est disponible, un volontaire sera sélectionné par le responsable des bénévoles). Cette première visite donne l'occasion de vérifier qu'un soutien extérieur à celui qu'offre l'entourage est justifié, autrement dit que se trouve confirmé le diagnostic de deuil pathologique probable, établi avant le décès. Parfois une aide limitée suffit. On se contente de rassurer : non la douleur ressentie, si violente qu'elle soit, n'est en rien anormale, il est même nécessaire qu'elle trouve à s'exprimer. Généralement, la peine évolue parallèlement au travail de deuil. Qu'un survivant cède à des accès répétitifs de chagrin, il peut être souhaitable de l'encourager à découvrir d'autres horizons, de nouveaux amis ou à se fixer d'autres buts. Qu'en revanche il se refuse au deuil soit par une vie hyperactive, soit en effaçant toute trace du disparu, il devient alors nécessaire de faire comprendre qu'il n'y a aucun danger à éprouver du chagrin, qu'il est même nécessaire de faire en sorte que le deuil ait lieu et de conserver un lien avec le mort par le truchement d'objets tels que des photos et des souvenirs. Le deuil au quotidien MTGATT 04 11 2008 119 On devine combien guider un deuil demande de tact et de prudence. Pour éviter l'émergence d'une pathologie, J.W. Worden, du Massachusetts Hospital de Boston, conseille de s'en tenir à quatre objectifs principaux : 1. 2. 3. 4. amener l'endeuillé à accepter la mort de l'être aimé (il ne reviendra pas) ; placer dans le logement un ou plusieurs objets qui rappellent le disparu ; donner à l'endeuillé la possibilité d'exprimer sa peine ; et l'amener à réinvestir ses énergies dans d'autres relations. Sur le terrain, les difficultés peuvent paraître insurmontables. Le survivant doit faire face à de nombreux problèmes, que ce soit dans le domaine matériel tel qu'assumer les activités du défunt ou dans le domaine de la santé. Crainte pour sa propre vie suite aux symptômes physiques ressentis, séquelles psychologiques normales du chagrin (insomnies, tachycardie, anorexie) ou dues à l'intensité du chagrin parfois accompagné de sentiments de panique ou d'idées suicidaires. Crainte encore d'une dépression. Difficulté psychologique aussi à supporter le poids de la peine des autres membres de la famille, particulièrement pénible pour le survivant d'un couple avec enfants en bas âge. Impossibilité pour certains d'exprimer leur culpabilité ou leur colère. Sentiment de solitude et d'isolement chez d'autres, dû à l'incapacité de l'entourage à parler de la mort ou du disparu. Non seulement Yorkstone a fait le relevé de ces difficultés, ais il a en plus recensé les besoins essentiels des endeuillés. Exprimer son deuil est encore et toujours le premier impératif. C'est dire que le survivant doit pouvoir parler de ce qu'il a vécu (maladie, décès, funérailles, souvenirs). Il doit savoir que culpabilité et colère sont habituelles quitte à diriger son agressivité contre les membres de l'équipe soignante. On s'aperçoit à l'occasion que parler de "travail de deuil" rend compte d'une réalité tangible qu'il faut respecter : un déménagement ou un changement de métier trop précoces, des visites prolongées chez des amis ou dans la famille de façon à retarder le retour dans une maison vide, autant de solutions de rechange offertes au deuil, qui auraient pour conséquence d'en arrêter ou retarder la progression et dont, par conséquent, il faudra "protéger" le survivant. Mais celui-ci aura besoin, plus simplement, qu'on mette à sa disposition un certain nombre d'aides pratiques. Une bouée de sauvetage, tel un numéro de téléphone ou tout autre moyen de contact, peut s'avérer essentielle à celui que le deuil a rendu vulnérable et qui, bien souvent, est incapable de formuler spontanément une quelconque demande. Aussi paradoxal que cela semble, il peut être nécessaire d'accorder à certains survivants la "permission" de mettre un terme à leur chagrin. La sortie du deuil reste, d'ailleurs, une période délicate au cours de laquelle certains problèmes spécifiques (comme de s'adapter à de nouveaux rôles) vont exiger une aide ponctuelle et il ne faudrait surtout pas négliger cette date cruciale que représente le premier anniversaire du décès. Une visite est alors la bienvenue qui a le double avantage d'être très appréciée et de permettre une évaluation des progrès réalisés par l'endeuillé. Un dernier élément revêt une importante toute particulière. Le chagrin des enfants pour ne pas s'exprimer comme celui des adultes risque toujours de passer inaperçu et de ne pas être partagé par le reste de la famille. Resté irrésolu, ses conséquences à terme sur l'équilibre psychologique de l'enfant peuvent être redoutables et c'est une des missions essentielles de l'équipe soignante que savoir le détecter et proposer, si nécessaire, une aide adaptée. La pathologie du deuil Il ne s'agit plus de prévenir mais de guérir. Une première difficulté réside dans le diagnostic de ces états. Certes le deuil est une réaction normale au décès d'un proche et son expression loin d'être tenue pour pathologique doit être encouragée, ne serait-ce que pour briser le cercle de la solitude et permettre précisément la résolution de ce deuil ; mais tout soignant doit savoir aussi que le deuil, comme Parkes prend soin de nous le rappeler, est une cause importante de suicide et d'autant plus importante à connaître qu'elle peut être prévenue. Parkes recommande d'ailleurs de dépasser toute crainte vis-à-vis du suicide et de ne pas hésiter à aborder ce problème très directement. Plusieurs études ont en effet mis en évidence que la plupart des suicidaires parlent de leur projet : encore fautil qu'un interlocuteur soit là pour les entendre et prévenir un geste définitif. Toute la pathologie du deuil est d'ailleurs marquée par le sceau du définitif. Ainsi colère et culpabilité posent un problème d'autant plus difficile à résoudre que la colère s'adresse à un absent et que, coupable, le survivant se tient au-delà de tout pardon puisque est mort celui qui pouvait pardonner. Le risque est grand dès lors de le voir se punir lui-même ou son entourage par un deuil MTGATT 04 11 2008 120 sans fin. Les professionnels ou volontaires qui suivent ces personnes doivent en quelque sorte leur servir de miroir tout en y mettant une connotation d'encouragement et d'espoir. Mais il faut sans doute faire la part de la personnalité du survivant dans sa réaction au deuil. Celui qui de tout temps a développé une tendance à l'auto déprécation ou dont on peut dire qu'il n'a jamais connu de véritable passion ou qu'il a "peu de motivations", pour celui-là le deuil peut devenir un prétexte à un repli sur soi et il se présentera désormais comme quelqu'un qui n'a pas le courage de recommencer à vivre. L'essentiel est pourtant de se convaincre – et les groupes de soutien organisés dans les services de soins palliatifs sont là pour en apporter la preuve – que suicide, colère et culpabilité, retranchement de toute vie sociale, sont des symptômes qui, dans une très large mesure, peuvent être prévenus ou réduits. Aussi le but de ces groupes est-il de provoquer le processus d'adaptation ou de le débloquer lorsque celui-ci a été entravé par des sentiments de culpabilité. LECTURES CONSEILLEES Le malade, le médecin et l'institution face à la mort. ABIVEN M., Conférence organisée par le Centre d'Etudes Bioéthiques, Université Catholique de Louvain, Bruxelles, 23 octobre 1987. L'homme devant la mort, la mort ensauvagée. ARIES Ph., Paris, Seuil, Points histoire, 1987, 344 p. L'hôpital à vif. CREPU M., HOUDY A., Editions Autrement, Série Mutations, N° 109, Septembre 1989. L'unité de soins palliatifs à l'hôpital Notre-Dame. DUCHESNE D., L'Union Médicale du Canada, 1984, 113 ; 926. L'équipe hospitalière. Le malade et sa famille face aux difficultés des phases terminales. PARKES M., Londres, St Christopher's Hospice, 1978, in Verspieren P., Documents de travail, Cours publics, Bruxelles, Centre d'Etudes Bioéthiques, novembre et décembre 1985, 1-34. Manuel de soins palliatifs Coordonné par Jacquemin D. Dunod, Paris, 2001 Cours publics sur le traitement médical et soin des grands malades et des mourants : questions déontologiques et éthiques. VERSPIEREN P., Centre d'Etudes Bioéthiques, Louvain-en-Woluwe, 3.11-10.12.1985, 34 p. SITES A CONSULTER SFAP http://www.sfap.org MTGATT 04 11 2008 121 PRISE EN CHARGE PALLIATIFS DES SYMPTÔMES EN SOINS M. LUU et MT GATT 2004 MTGATT 04 11 2008 122 INTRODUCTION Chez le patient atteint d’une maladie grave évoluée, les symptômes autres que la douleur sont fréquents et peuvent eux aussi diminuer la qualité de vie du patient par l’inconfort qu’ils engendrent mais également par l'inquiétude qu'ils provoquent. Les consensus sur le traitement de certains symptômes sont en voie d’élaboration mais nous avons ici moins de référentiels que pour le traitement de la douleur. 1 - PRINCIPES GENERAUX DE TRAITEMENT La prise en charge des symptômes doit être globale, pluridisciplinaire et respecter les souhaits du patient. L’intention de l’équipe est d'améliorer la qualité de la vie du patient et non pas de prolonger sa vie à tout prix. Une évaluation rigoureuse de ces symptômes permet d’adapter au mieux les objectifs médicaux et infirmiers dans une approche technique et relationnelle: 1 – Faire préciser quel est le symptôme le plus pénible pour le patient. 2 - Rechercher sa cause et mettre en route le traitement étiologique approprié. 3 - Eviter les traitements pénibles ou disproportionnés en tenant compte du rapport bénéfice/risque. Le patient doit pouvoir participer à la prise de décision si une information claire lui a été donnée. 4 - Evaluer l'efficacité du traitement et en prévenir les effets indésirables. 5 - La prévention de l'apparition d'un symptôme reste primordiale. 2 - TROUBLES RESPIRATOIRES 2 – 1 - DYSPNEE Définition La dyspnée est une souffrance décrite par le patient comme la perception désagréable d’un manque d’air. Ce symptôme est très angoissant pour le patient, mais aussi pour son entourage. Si la dyspnée se prolonge elle s’accompagne de douleurs musculaires sous-costales. L’intensité du ressenti n’est pas proportionnelle à la gravité de la lésion causale. Traitements 1 - Etiologiques Les causes de la dyspnée sont multiples et intriquées en phase terminale. Sa prévalence varie suivant les séries avec des extrêmes allant de 21 à 78.6%. La localisation du cancer peut expliquer cette disparité, de même que la préexistence d'une pathologie respiratoire. La dyspnée peut être en rapport avec la maladie cancéreuse elle-même, secondaire aux traitements anti-cancéreux ou être liée à l'atteinte de l'état général (anémie, cachexie), à une embolie pulmonaire, une surinfection pulmonaire, à des pathologies pulmonaires et cardiaques sous-jacentes, à une acidose, à une hypoventilation (Tableau I). MTGATT 04 11 2008 123 Tableau I: Traitements étiologiques Epanchement pleural Péricardite Lymphangite Atteinte endo-bronchique Anémie intense Embolie pulmonaire Insuffisance cardiaque Infection pulmonaire Pathologie abdominale Ponction, talcage Ponction, chirurgie Corticothérapie à forte doses Laser, cryothérapie, prothèse Transfusion O2, fibrinolyse, anticoagulant Digitalo - diurétiques Antibiothérapie Ascite (ponction) 2 - Symptomatiques - Les opioïdes La morphine est très souvent utilisée pour le traitement symptomatique de la dyspnée du cancéreux en phase avancée. Si les doses sont adaptées, elle n'entraîne ni aggravation de l'hypoxie et/ou de hypercapnie, ni dépression respiratoire. En revanche, même si le patient n'apparaît pas toujours nettement plus confortable aux yeux de l'entourage, elle diminue la sensation pénible de dyspnée. Les doses utilisées vont de 2.5 à 5 mg/4 heures en sous-cutané, à augmenter en fonction de la clinique. Si le malade est déjà sous morphine, on augmente la dose de 30 à 50% pour soulager la dyspnée. Des bolus peuvent être utilisés à la demande. Il est à noter que la morphine est particulièrement intéressante dans les dyspnées d'origine cardiovasculaire (infarctus du myocarde, œdème aigu du poumon et l'embolie pulmonaire) du fait de ses effets cardiovasculaires. - Les anticholinergiques diminuent les sécrétions bronchiques et ont un effet bronchodilatateur. Elle peut également s'administrer en sous-cutané ou en intra-veineux ( ampoules de 0.125 et 0.500 mg), à la dose initiale de 0.25 à 0.50mg toutes les 4 heures ou de 0.75 à 2.50mg en perfusion SC ou IV sur 24 h, les posologies sont à adapter selon l'évaluation clinique. Le patch délivre 1mg de scopolamine base sur 72 heures, il existe un temps de latence de 6 heures et une élimination lente au cours des 24 heures qui suivent le retrait du patch. La scopolamine est sédative, mais elle peut parfois entraîner un état d'agitation paradoxal ou un delirium. L'atropine est moins sédative et s'administre par voie parentérale (SC ou IV) à la dose de 0.4 à 0.6 mg toutes les 4 à 12 heures. Ces traitements doivent être utilisés avec prudence chez les personnes âgées. - Les corticoïdes ont comme indication principale la compression tumorale des voies aériennes, le syndrome de la veine cave supérieure, la lymphangite carcinomateuse, le bronchospasme sévère et l'œdème pulmonaire post-radiothérapique. Un test thérapeutique est recommandé avec 2 à 4 mg/kg de méthylprednisolone répartis en 2 à 4 doses quotidiennes, puis les posologies sont réduites progressivement. - Les anxiolytiques type benzodiazépines sont indiqués lorsque les mesures générales sont insuffisantes à calmer l'angoisse du malade. A coté de leur action sur l'angoisse, ils entraînent un relâchement musculaire, une somnolence et une amnésie rétrograde. Ils sont utilisés à petites doses, soit par voie orale (diazépam 2.5 à 5 mg/8 h) en adaptant progressivement la posologie soit par voie parentérale (midazolam administré en bolus ou en continu par voie IV ou SC à la dose de 0,05 à 0,2 mg /kg). - L'oxygènothérapie est indiquée en cas d’hypoxie dans la dyspnée aiguë et dans le traitement au long cours de certaines formes de dyspnée non néoplasique. Dans les autres situations, surtout en cas d'hypoxie, elle ne sera conservée au long cours que si l'amélioration clinique est nette. Cependant, même si son utilisation soulage en fait moins souvent que les autres traitements symptomatiques, elle peut avoir un effet rassurant pour le malade, si elle est laissée à sa disposition pour qu'il s'en serve "à la demande". MTGATT 04 11 2008 124 3 - Mesures générales Un certain nombre de mesures générales peuvent limiter l'angoisse du malade et de ses proches. La présence d'un proche et/ou la proximité des soignants pouvant répondre à tout moment (chambre ouverte à coté du poste de soin) est utile. Il faut permettre au malade d’exprimer ses angoisses, être à son écoute, lui donner les explications dont il a besoin, tant sur les raisons de la dyspnée, que sur les traitements entrepris et les résultats attendus. L'ambiance de la chambre doit être paisible, la pièce bien aérée. L'air de la chambre est humidifié en cas de toux sèche et pénible. En cas de sécheresse buccale par respiration par la bouche, des soins de bouche y sont associés. Le malade doit être positionné de façon confortable, assis avec des oreillers. On peut l'encourager à respirer plus lentement et les mesures de distraction le permettent. La kinésithérapie respiratoire joue un rôle essentiel dans le traitement de la dyspnée en phase palliative et terminale , elle doit être adaptée à l'état du malade. 2 - 2 - TOUX Définition La toux est provoquée par plusieurs facteurs qui peuvent exister chez un même patient. Elle est très souvent associée à la dyspnée dont elle aggrave la perception. Il s’agit d’un phénomène réflexe. Le traitement doit être autant que possible étiologique et s’aider de toutes les ressources de l’équipe pluridisciplinaire. L’apport de la kinésithérapie ou des soins infirmiers est fondamental. Etiologies les plus fréquentes (Tableau II) Tableau II : Etiologies de la toux NON CANCEREUSES CANCEREUSES Infection aiguë / chronique BPCO/asthme Irritation (tabac) Inhalation gastrique (SLA) Iatrogène (IEC) Oedème pulmonaire Tumeur endobronchique Atteinte pleurale Lymphangite Iatrogène (poumon radique) Les circonstances d’installation définissent la toux aiguë ou chronique, les caractéristiques sont la toux sèche, la toux productive (patient pouvant expectorer) ; la toux productive (patient ne pouvant pas expectorer). Les circonstances de survenue sont précieuses pour l’orientation diagnostique : au changement de position (pleurésie), déclive (abcès du poumon), bitonale (paralysie récurrentielle), le matin et la nuit (bronchite chronique) Traitements Le traitement doit être étiologique (antibiotiques pour une infection, diurétiques dans l’insuffisance cardiaque). Il n’exclut pas le traitement symptomatique associé. Lorsque le traitement étiologique n’est pas ou n’est plus efficace, il ne reste que le traitement symptomatique à adapter. Il comporte : - les antitussifs opiacés avec codéine : hémytroloxamine, codéine et sodium benzoate (Pulmonase), codéine camphosulfonate (Néocodion) ou sans codéine : avec codéthyline , avec pholcodine, avec dextrometorphane MTGATT 04 11 2008 125 - les antitussifs non opiacés et non antihistaminiques : clobutinol chlorhydrate (Silomat), pholcodine (Respilene) les antihistaminiques anticholinergiques : dexchlorphéniramine, les antihistaminiques non anticholinergiques : cromoglycate de sodium (Lomudal®) les antisécrétants comme la scopolamine qui diminuent le volume des sécrétions du patient qui ne peut plus expectorer. les mucolytiques : bromhexine (Bisolvon), carbocystèine (Rhinatiol) les bronchodilatateurs avec théophylline, de type sympathomimètiques bêta-2 les AINS par voie générale ou par inhalation buccale les anxiolytiques , benzodiazépines de courte durée d’action : oxazépam (Séresta), tranquillisants : hydroxyzine (Atarax)) Au cours de l’agonie, il ne faut pas prescrire de fluidifiant et essayer la codéine 15 à 25 mg toutes 4 heures si la voie orale est possible, sinon préférer la morphine 3 à 5mg toutes les 4 heures en SC. Les mêmes mesures d’ordre général que pour la dyspnée doivent être prises. 3 - TROUBLES DIGESTIFS 3 - 1 NAUSEES ET VOMISSEMENTS Peu de données existent concernant l'incidence des nausées et vomissements dans les cancers avancés. Les nausées et vomissements entraînent un grand inconfort et bloquent la communication. S'ils ne sont pas maîtrisés, les vomissements peuvent avoir des conséquences préjudiciables : le malade peut refuser de poursuivre le traitement (chimiothérapie, morphiniques), l'absorption des médicaments devient aléatoire, une déshydratation peut s'installer plus ou moins rapidement. Les causes sont multiples et les traitements doivent être adaptés au mécanisme mis en jeu Etiologies Les nausées et les vomissements peuvent avoir pour étiologies : les désordres gastrointestinaux, les nausées et vomissements chimiquement induits par troubles métaboliques ou de cause iatrogènes), l'hypertension intracrânienne, les troubles vestibulaires et les facteurs psychologiques (Tableau III). Plusieurs causes peuvent être associées, la qualité des vomissements aidera au diagnostic. MTGATT 04 11 2008 126 Tableau III : Principales causes des nausées et des vomissements au cours des cancers en phase avancée Causes gastriques et oesophagiennes reflux gastro-oesophagien gastrite iatrogène causes infectieuses et mycosiques cancer de l'estomac compression externe de l'estomac stase gastrique Causes iatrogènes chimiothérapie morphine et morphiniques anti-inflammatoires non stéroïdiens oestrogènes Troubles métaboliques insuffisance rénale hypercalcémie insuffisance hépatique terminale Hypertension intracrânienne Facteurs psychologiques Constipation - occlusion intestinale Stimulation pharyngée par sécrétions abondantes Physiopathologie Les nausées et vomissements sont la conséquence de la stimulation du centre du vomissement situé dans la réticulée mésencéphalique. Ce centre peut être activé, soit directement, soit par la stimulation de la zone gâchette, du cortex cérébral et des méninges, de l'appareil vestibulaire, du pneumogastrique et du système sympathique du tractus gastro-intestinal. Les nausées et vomissements chimiquement induits sont dus à la stimulation des chémorécepteurs de la zone gâchette et, pour certains médicaments, du système vagal ou/et sympathique du tractus gastro-intestinal. Le cortex cérébral et les méninges sont stimulés en cas de méningite, d'hypertension intracrânienne, mais également par des facteurs d'ordre psychologique comme l'anxiété. L'appareil vestibulaire est impliqué dans le mal des transports et les pathologies vestibulaires. Le pneumogastrique et le sympathique du tractus gastro-intestinal sont stimulées en cas d'irritation, de distension, de compression gastrique, d'obstruction intestinale et de constipation. La stimulation de ces différentes structures impliquées dans les nausées et vomissements se fait par l'activation de récepteurs particuliers. Au niveau de la zone gâchette, ce sont des récepteurs dopaminergiques (DA2) et sérotoninergiques (5HT3) et au niveau du centre du vomissement, des récepteurs cholinergiques muscariniques et histaminiques (H1). L'acétyl-choline est le principal neurotransmetteur labyrinthique impliqué dans les nausées et vomissements dus au mal des transports. Traitements Ils sont avant tout étiologiques. Le choix d'un anti-émétique sera guidé par le mécanisme physiopathologique. Il faut parfois associer plusieurs anti-émétiques pour contrôler les nausées et vomissements réfractaires. - les anti-émétiques Les anti-émétiques centraux agissent en bloquant un ou plusieurs types de récepteurs impliqués dans les nausées et vomissements. MTGATT 04 11 2008 127 - les neuroleptiques (halopéridol : Haldol®; prochlorpérazine : Largactil®) sont les plus puissants bloqueurs des récepteurs dopaminergiques de la zone gâchette. L'halopéridol (1.5 à 5 mg/6 - 8 h PO ou 2 à 10 mg/8 - 12 h SC) est tout particulièrement efficace en cas de vomissements morphinoinduits. Le métoclopramide (Primpéran®) et le dompéridone (Motilium®) peuvent également être utilisés. En plus de leur action sur la zone gâchette, ils agissent sur le tractus digestif en normalisant le péristaltisme de l'oesophage et de l'estomac et en favorisant la vidange gastrique par relâchement du sphincter pylorique. - les anti-histaminiques (dimenhydrinate Dramamine®, prométhazine Phénergan®) et les anticholinergiques (scopolamine, atropine) agissent sur le centre du vomissement. Ils sont utilisés pour les vomissements d'origine vestibulaire et l'hypertension intracrânienne. La scopolamine (hyoscine) est également efficace dans les nausées et vomissements morphino-induits. - les corticoïdes sont efficaces dans différents types de vomissements mais leur mécanisme d'action n'est pas connu. - les antagonistes spécifiques des récepteurs 5HT3 de la sérotonine comme l'ondansétron (Zophren®) et le granisétron (Kytril®) agissent sur le pneumogastrique et la zone gâchette. Ils sont indiqués dans les vomissements induits par les chimiothérapies et la radiothérapie. Bien qu'ils soient peu utilisés en phase palliative, il peut être intéressant de les associer à l'halopéridol en cas de nausées et vomissements réfractaires. - Les anxiolytiques dans les nausées d’étiologie psychogène. A côté des traitements médicamenteux, un certain nombre de mesures spécifiques ont leur utilité : - l'anxiété pouvant être une des causes des nausées et vomissements, l'écoute du malade, des explications, la réassurance rendent inutiles l’utilisation de moyens médicamenteux. - l'environnement doit être calme avec une bonne aération afin d'éviter les odeurs désagréables. Le malade doit être positionné sur le côté. Un rinçage de la bouche est effectué après chaque vomissement. - des boissons gazeuses fraîches doivent lui être proposées selon ses goûts et en petites quantités de façon répétée (10 ml à la fois). De même, les repas doivent être pris dans le calme, fractionnés, bien présentés, sans odeur (tiède ou froid). 3-2 ATTEINTES BUCCALES Certaines lésions buccales sont très douloureuses altérant le confort du patient, empêchant l'alimentation et gênant la communication avec l’entourage. La bouche permet aussi d’embrasser: comment le faire quand l’haleine est fétide ? Il est nécessaire de sensibiliser les équipes soignantes et les familles à l'importance des soins de bouche en fin de vie. Bouches sèches, bouches sales C'est souvent le seul signe de déshydratation que perçoit le malade, aggravé par la respiration par la bouche et par un certain nombre de traitements comme les antidépresseurs, les diurétiques, la morphine. A l'examen, les muqueuses et les lèvres sont sèches et la langue dépapillée, rouge, parfois "rôtie". Les sécrétions salivaires sont épaisses, plus ou moins sales et en petite quantité. Les soins de bouche doivent être pratiqués régulièrement et systématiquement après les repas avec une solution adaptée (Tableau IV). Il faut également nettoyer dents et/ou prothèses. MTGATT 04 11 2008 128 Tableau IV : Solution pour soins de bouche NaCl 0,9% stérile Nystatine suspension buvable (100 000 UI/ml) Hydrosol polyvitaminé ® Bicarbonate de sodium 100 ml 4 ml 2ml 300mg La sècheresse buccale peut être atténuée par l'utilisation de spray d'eau minérale, les glaçons, l'absorption d'eau tonique ou de jus de fruit glacés et éventuellement la salive artificielle (Artisial spray®). La vaseline permet de protéger les lèvres. L'anétholtrithione (Sulfarlem S25®) qui stimulent les glandes salivaires peut être utile. En cas de bouche sale, le malade peut mâcher des morceaux d'ananas qui, en raison de la présence d'une enzyme protéolytique, contribue également à nettoyer la bouche. En cas d'aphtes, des bains de bouche composés de 1 mg de bétaméthasone (Célestène®) dissout dans de l'eau ainsi que des comprimés à faire fondre dans la bouche ( Oropivalone® ou Immudon®) peuvent être proposés. Les douleurs buccales peuvent être soulagées par des bains de bouche au sucralfate (Ulcar®) : 2 sachets dans un verre d'eau ou à l'acétylsalicylate de lysine (Aspégic®) : 1 g dans 1/2 verre d'eau (sauf bouche hémorragique). la bouche mycotique est souvent le fait d’un Candida Albicans, mais chez les malades immunodéprimés, d'autres candida résistants aux antifongiques peuvent être retrouvés. L'examen retrouve un érythème diffus de la langue et de la cavité buccale, associé à des dépôts blancs nacrés, parfois confluents. La mycose buccale est très souvent associée à une mycose oesophagienne aggravant les troubles alimentaires. Chez les patients atteints de SIDA en phase terminale, la mycose est constante nécessitant un traitement intensif Le traitement d'une mycose associe un antifongique local sous forme de bains de bouche ( mélange de sérum bicarbonaté 1.4% : 500 ml et de Fungizone suspension® : 3 flacons), de gel (Daktarin Gel®, 3 fois /j) ou de suspension (Mycostatine suspension®, 4 fois /j) à un antifongique par voie générale (fluconazol Triflucan® 50 mg : 1 à 2 cp par jour pendant 2 semaines). la bouche ulcérée Chez les patients atteints de SIDA, il s'agit le plus souvent d'une atteinte herpétique récurrente. Les vésicules évocatrices ont le plus souvent disparu. Cette bouche ulcérée est très douloureuse, elle s'accompagne de signes généraux et nécessite des antiviraux par voie générale. L'ulcération neutropénique, chimio- ou radio-induite est ulcéro-nécrotique et très douloureuse. Les antalgiques majeurs par voie générale doivent être employés ; les soins locaux doivent être réalisés avec des produits au PH neutre telle la polyvidone iodée (Bétadine buccale diluée)et lidocaïne (Xylocaine). En situation de phase terminale de patients atteints d'hémopathie maligne, nous utilisons avec un effet antalgique très rapide, des bains de bouche aux corticoïdes. la bouche hémorragique Elle est le fait de la thrombopénie ou des lésions tumorales endo-buccales. Le saignement inquiète beaucoup le patient et son entourage. Aux soins de bouche habituels doivent être adjoint un hémostatique local, l'alginate de Calcium (Coalgan). les lésions tumorales Les soins de bouche, ici, ont pour objectif de diminuer la douleur et de combattre la surinfection toujours présente. Il faut associer de la Xylocaine et /ou des corticoïdes pour leur effet antalgique à la solution de bain de bouche classique. Une antibiothérapie de complément contre les germes MTGATT 04 11 2008 129 GRAM+ et les anaérobies peut s’avérer nécessaire pour limiter les mauvaises odeurs pénibles pour le patient et l'entourage. 3 - 3 CONSTIPATION La constipation est une source d'inconfort pouvant compromettre les activités quotidiennes, voire sociales du malade. Elle peut causer des douleurs abdominales et rectales, exacerber nausées et vomissements, majorer une dyspnée, être à l'origine d'une confusion. Elle est une cause fréquente d'anorexie. Pour l’évaluer, il faut faire préciser au patient ses habitudes, la date et le volume des dernières selles. Il faut savoir y penser devant tout changement de rythme ou de consistance des selles voire devant de fausses diarrhées ou l'aggravation d'une constipation préexistante. L'examen clinique comportera un toucher rectal dès que le malade n'est pas allé à la selle depuis 3 jours, à la recherche d'un fécalome. Le syndrome occlusif constitue le principal diagnostic différentiel. Etiologies L'étiologie de la constipation est multifactorielle. Les causes les plus fréquentes sont l'immobilité, les analgésiques opioïdes, une hydratation et une alimentation insuffisantes. Les autres facteurs peuvent être en rapport avec le cancer lui-même comme l'hypercalcémie, une obstruction par une tumeur intra-abdominale, une compression médullaire avec perte de la sensibilité rectale, un syndrome du cône terminal avec abolition du réflexe de défécation, des facteurs locaux comme des hémorroïdes, une fissure ou encore un dysfonctionnement endocrinien. En dehors des morphiniques, d'autres médicaments comme les anti-émétiques, les anticholinergiques, les sels d'aluminium, les antiinflammatoires non stéroïdiens peuvent être également impliqués. Le rôle de la faiblesse, de la confusion, de la difficulté pour atteindre les toilettes ne doit pas être sous-estimé. Traitements Le traitement est avant tout préventif, dès qu'il existe des facteurs favorisants comme un alitement prolongé, un traitement morphinique. Il repose sur les règles hygiéno-diététiques, régime alimentaire à résidus avec jus de fruits et boissons abondantes; activité physique même si elle se limite au lever pour aller à la selle; massage abdominal et respiration abdominale. Si ces mesures s'avèrent insuffisantes, un laxatif doit être prescrit. En cas de prévention, le choix se porte le plus souvent sur les agents osmotiques comme le lactulose (Duphalac®) ou les lubrifiants comme l'huile de paraffine (Lansoyl®). En cas de constipation rebelle, l'association de laxatifs à modalité d'action différente peut être nécessaire, par exemple, un agent osmotique, le lactulose (Duphalac®) et un stimulant direct comme le séné (Sénokot®, Tamarine®). Dans certains cas, il est nécessaire de recourir de façon discontinue aux laxatifs par voie rectale. Chez les malades en phase palliative, les mucilages sont peu utilisés car ils nécessitent une bonne hydratation, parfois difficile à obtenir. Une étude contrôlée a montré l'efficacité de la naloxone (Narcan®) par voie orale dans la constipation morphino-induite. Malgré une prévention bien conduite, la constipation peut s'installer, nécessitant un traitement local. Il est guidé par les résultats du toucher rectal. En cas de rectum plein et de matières molles, il faut stimuler le colon par un stimulant direct comme le bisacodyl (Contalax®). Les matières dures sont ramollies par des suppositoires de glycérine, un lavement huileux, un lavement de dihydrogénate phosphate de sodium (Normacol®). En cas d'inefficacité, il s'agit d'un fécalome qu'il faut évacuer manuellement sous prémédication (anxiolytique, antalgique). En cas de rectum vide, il faut éliminer une occlusion puis pratiquer une évacuation du recto-sigmoïde à l'aide d'un grand lavement huileux qui sera gardé si possible toute la nuit. La sonde est montée jusqu'à 15-20 cm dans le rectum. En absence de résultats alors que les matières sont palpables dans le sigmoïde, le lavement est répété 24 heures plus tard, complété par un laxatif stimulant, séné ou bisacodyl, par voie orale. En cas d'apparition de coliques, le laxatif stimulant est diminué et associé à un laxatif osmotique. 3 - 4 LE HOQUET MTGATT 04 11 2008 130 Définition Le hoquet est un spasme clonique, réflexe du diaphragme et des muscles respiratoires accessoires. Il survient par périodes courtes habituellement mais peut devenir très gênant lorsque les épisodes sont rapprochés ou subintrants. Etiologies Le hoquet est lié à une distension gastrique ou une irritation diaphragmatique. Chez le patient en phase terminale, les causes du hoquet sont: - la distension gastrique - l'irritation du nerf vague par un processus tumoral au niveau du cou ou du thorax - l’irritation du nerf phrénique par un processus tumoral au niveau du cou ou du médiastin Traitements La persistance du hoquet est très pénible pour le patient et entrave son sommeil et son alimentation. Pour le faire disparaître il faut utiliser : - des moyens non médicamenteux stimulant la région nasopharyngée en faisant boire de l'eau glacée, en faisant éternuer, en stimulant la muqueuse avec une sonde nasogastrique. Si le hoquet est lié à une stase gastrique, l’estomac doit être vidangé au moyen d’une sonde gastrique. Les manœuvres d'hyperventilation, la technique de Valsalva peuvent également être proposées - les traitements médicamenteux : chlorpromazine 25 à 50 mg 3 fois par jour PO ou IV, halopéridol 5m/j PO, SC ou IV baclofène midazolam après échec des neuroleptiques et du baclofène, 0.05 à 0.2 mg/kg en IV ou SC 3- 5 OCCLUSION INTESTINALE L'occlusion intestinale est une complication fréquente des cancers en phase avancée. Les carcinomes primaires les plus fréquemment impliqués sont recto-coliques avec une incidence variant de 10 à 28.4%. Pour les cancers extra-intestinaux, on retrouve les tumeurs ovariennes avec une incidence de 5.5 à 42%, suivis par les cancers gastriques, pancréatiques, mammaires et les mélanomes. Les obstructions pelviennes sont le plus souvent secondaires à la radiothérapie pour cancers primitifs de la vessie ou du col utérin. La clinique est variable, fonction de la localisation. En cas d'obstruction haute (gastroduodénale), le début est habituellement aigu avec nausées et vomissements au premier plan, douleurs abdominales parfois peu marquées et absence de distension. Ces deux derniers signes sont au premier plan en cas d'obstruction du grêle. En cas d'occlusion colique, le début peut être plus insidieux, sur quelques semaines ou mois, avec aggravation progressive ou occlusions spontanément résolutives au début. Les douleurs abdominales à type de colique apparaissent initialement associées à une constipation ou de la diarrhée en cas d'occlusion partielle colique basse. La distension abdominale peut être importante, mais tardive ainsi que les nausées et vomissements. Etiologies L'occlusion peut être en rapport avec une obstruction mécanique par obstacle intrinsèque, extrinsèque, une adhérence, une carcinose péritonéale. Elle peut être fonctionnelle par envahissement tumoral de la paroi intestinale, dysfonctionnement autonome paranéoplasique ou par envahissement du plexus cœliaque, iléus ou tout simplement par constipation sévère en rapport avec les traitements médicamenteux (morphiniques, anti-cholinergiques...), des troubles hydro-électrolytiques (hypokaliémie). MTGATT 04 11 2008 131 Elle est souvent le résultat de plusieurs facteurs qui doivent être identifiés, car ils influeront sur la thérapeutique. Traitements Le traitement doit être adapté à chaque malade. Il tient compte des antécédents digestifs, de l'existence d'une ou plusieurs étiologies en cause, du pronostic, du désir du malade. Il faut se poser la question de l'opportunité d'un traitement chirurgical en demandant précocement un avis. Il dépend de l'état du malade, des traitements antérieurs, radiothérapie sur l'abdomen et/ou le pelvis, associée ou non à une chimiothérapie, de l'existence d'une lésion curable comme des adhérences bénignes, une bride ou d'une occlusion localisée permettant une colostomie. Il est également indispensable de s'enquérir des souhaits du malade, sachant que chez les malades en phase avancée, les résultats de la chirurgie palliative pour occlusion d'origine métastatique sont grevés d'une morbidité et d'une mortalité post-opératoire importantes. Il existe des contre indications à la chirurgie relatives et absolues qu'il faut connaître (Tableaux 5 et 6). Tableau V : Contre indications absolues à la chirurgie • • • • • • Laparotomie récente montrant qu’un autre geste chirurgical ne serait pas possible. Chirurgie abdominale antérieure a montrant une dissémination métastatique. Implication de l’estomac dans sa partie proximale. Carcinose péritonéale prouvée radiologiquement avec étude de contraste montrant un trouble sévère de la motilité. Palpation de masses diffuses intra-abdominales. Ascite qui réapparaît rapidement après drainage. Tableau VI : Contre indications relatives à la chirurgie • • • • • • Métastases extra-abdominales produisant des symptômes difficiles à soulager (ex dyspnée). Maladie maligne extensive extra-abdominale non symptomatique Mauvais état général. Mauvais état nutritionnel Grand âge en association avec cachexie Radiothérapie prévue de l’abdomen MTGATT 04 11 2008 132 Dans la majorité des cas, le traitement est médical : - l'aspiration naso-gastrique constitue le traitement d'urgence de la distension abdominale, des nausées et vomissements et des douleurs abdominales. Elle permet la décompression de l'estomac et/ou de l'intestin. les troubles hydro-électrolytiques doivent être corrigés et l'hydratation maintenue par perfusion intra-veineuse. La période d'observation permet de pratiquer des investigations et discuter une éventuelle chirurgie palliative. Si la chirurgie n'est pas envisagée, une tentative d'ablation de la sonde nasogastrique est réalisée 24 à 48 heures après le début du traitement ou dès que les symptômes sont contrôlés. Le traitement symptomatique est administré préférentiellement par la voie sous-cutanée, continue ou discontinue. Pour lutter contre les nausées et vomissements, le métoclopramide est efficace, mais doit être évité en cas d'obstruction complète du fait du risque de majoration des coliques. Les antiémétiques type halopéridol (Haldol) constitue alors le médicament de choix (2 - 5 mg /12 h en SC). Le contrôle des vomissements peut également être réalisé en réduisant le volume des sécrétions gastro-intestinales par la hyoscine butylbromide (Scoburen), 40 à 120 mg/j par voie SC ou IV continu, l'octréotide, analogue de la somatostatine (Sandostatine®), 0.2 - 0.9 mg/j en SC. Le prix de ce dernier ne permet pas de l'utiliser en première intention. Les coliques abdominales peuvent céder à l'arrêt des laxatifs stimulants et des anti-émétiques prokinétiques comme le métoclopramide, associés si nécessaire aux antispasmodiques type scopolamine sous forme de patch ou en sous-cutané. Les douleurs abdominales continues relèvent de la morphine. Les corticoïdes peuvent être tentés avec 1 à 4 mg/kg/j de méthyl prednisolone, la plus petite dose efficace est recherchée ensuite. En cas d'occlusion basse, le malade peut tout à fait conserver une alimentation qui sera fonction de ses goûts. Celle-ci est réintroduite progressivement dès que les symptômes sont contrôlés. Pour les malades non opérables dont la distension abdominale et les nausées et vomissements ne sont pas soulagés par le traitement médical, une gastrostomie percutanée de décharge est proposée pour éviter l'aspiration continue par sonde naso-gastrique. Le malade peut alors continuer à boire et parfois à ingérer quelques aliments. Les épisodes de distension sont soulagés par l’ouverture de la gastrostomie. 4 - NUTRITION ET HYDRATATION Les problèmes d'hydratation et de nutrition des patients en fin de vie sont le quotidien pour les médecins travaillant auprès de patients cancéreux ou atteints de SIDA en phase terminale, mais également en gériatrie. 4.1 NUTRITION Définition La fonction de la nutrition ne peut se réduire à une simple absorption calorique pour assurer la survie, il s'y associe la notion de plaisir, de convivialité et de partage, fortement liés au désir de vie. De fait les prises de décisions ne reposent pas seulement sur les calculs des bilans, mais sont fortement marquées par la personnalité du prescripteur et celle du patient et peuvent être source de conflits. En phase terminale, les décisions ne doivent pas être prises par une seule personne, le médecin doit entendre la ou les demandes du patient qui doit rester le principal acteur des soins et en discuter avec l'entourage et l'équipe soignante. MTGATT 04 11 2008 133 Cette nutrition n'a pas pour but de faire prendre du poids au patient, elle doit empêcher la fonte musculaire et préserver une meilleure autonomie physique. Elle doit être non contraignante (perfusions pendant la nuit), elle ne doit pas être un obstacle au retour à domicile. Elle est régulièrement évaluée. En phase avancée, l'amaigrissement est retrouvé dans 77% des cas et l'anorexie dans 67% des cas. La ré-alimentation ou la ré-hydratation par la bouche peut être compromise par des symptômes associés, tels que nausées et vomissements, troubles de la déglutition, obstacle sur les voies digestives, troubles psychiques sévères, état comateux. Une atteinte buccale par une candidose, fréquente et douloureuse, peut aggraver les symptômes. La cachexie favorise la dépendance, l'alitement diminue la résistance de la personne aux infections et constitue une des causes de décès des patients. Evaluation du patient La stratégie alimentaire va être définie en fonction de la situation clinique et psychologique du patient et nécessite un bilan comportant : - l’interrogatoire du patient pour rechercher l'ancienneté et la sévérité de la perte de poids, la dénutrition est définie par une perte de poids de plus de 10 % du poids habituel, l’importance de cette perte de poids pour le patient et sa signification. Il faut faire préciser ses goûts et ses aversions alimentaires, dépister les carences les plus évidentes. L'interrogatoire permet de définir si la dénutrition est le fait de l'anorexie, si celle-ci est sélective ou si elle s’accompagne d’une dysphagie. Il permet d’évaluer les symptômes associés, douleurs, nausées ou dyspnée, facteurs d’anorexie et/ou de dysphagie. - l’examen clinique peut mettre en évidence les signes de dénutrition, maigreur, amyotrophie et des signes de déshydratation. Il comprend un examen attentif de la cavité buccale à la recherche d'une cause locale aggravante. - le bilan biologique comporte le dosage de l'albumine. - le bilan alimentaire, mis en place par les diététiciennes, les infirmières et les aides soignantes ou à domicile par l'entourage, permet de quantifier sur 48 heures les ingestats du patient et de préciser ses préférences. Traitements Les propositions thérapeutiques vont dépendre de l'état clinique du patient, du stade évolutif de sa maladie, du contexte psychologique et des contraintes techniques et économiques La prise en charge est pluridisciplinaire, elle nécessite en institution la formation et la motivation de tous les acteurs de soins autour du patient ainsi que celle des cuisiniers ; à domicile, la formation des auxiliaires de vie et des aides ménagères est tout aussi importante. L'alimentation par la bouche fait partie des plaisirs que le patient peut souhaiter conserver le plus longtemps possible. Les repas sont pour la famille des moments précieux à partager avec le patient. L'alimentation et l'hydratation orales restent la forme privilégiée d'intervention nutritionnelle L'équipe soignante ou l'entourage du patient va privilégier les solutions les plus simples et adaptées aux goûts et aux habitudes alimentaires du patient. Elle est aidée en cela par l’équipe de diététique. Conseils alimentaires : - fractionner les repas et proposer des collations, - privilégier l'apport successif des mets en petites quantité MTGATT 04 11 2008 134 - éviter les aliments à odeurs fortes - installer confortablement le malade dans une atmosphère conviviale - soigner la préparation et la présentation des repas - enrichir les aliments en protéines par du lait de poule, des poudres hyper-protéinées - les aliments le plus souvent acceptés sont lactés et/ou sucrés - chez le patient nauséeux, préférer les aliments froids moins odorants - la texture pâteuse est plus facile à déglutir chez les patients qui ont des lésions buccales. Penser également à diminuer le nombre de comprimés et gélules que les patients sont supposés prendre en début de repas. Possibilités médicamenteuses - les corticoïdes (prednisone, prednisolone ou méthylprednisolone PO) ont un effet orexigène à des doses de 0,25 à 0.50 mg/kg/j équivalent de prednisolone, le bénéfice d’un tel traitement n’est pas maintenu au delà de 4 semaines, le bénéfice à poursuivre ce traitement doit être réévalué - L’acétate de médroxyprogestérone est indiqué comme orexigène, à la posologie de 500mg/j en une prise à 1000mg/j en deux prises. L’utilisation de l’acétate de mégestrol est justifiée pour ralentir ou atténuer la perte de poids ainsi que l’anorexie chez des patients atteints de cancer avancé, la posologie initiale est 160 mg/j, elle peut être doublée voire triplée si la réponse est insuffisante. En cas d’amélioration la poursuite du traitement au delà de tris mois est justifiée. Le facteur limitant d’un tel traitement est le risque thromboembolique élevé et les conséquences esthétiques chez la femme (pilosité). Modalités L'assistance nutritionnelle doit rester exceptionnelle et son efficacité régulièrement réévaluée. Elle n’est pas indiquée si l’index de Karnofsky est inférieur à 50. Elle doit être proposée : - pour franchir un cap en attendant que des symptômes gênant l'alimentation orale soient jugulés - parce que l'atteinte de la filière digestive haute est définitive - pour compenser des pertes digestives intenses, diarrhées du patient VIH, fistules digestives néoplasiques, équivalent de grêle court ou syndrome de malabsorption. Alimentation entérale Elle peut être indiquée chez les patients ayant un obstacle sur la filière digestive haute, qui gardent une bonne autonomie, et acceptent les contraintes physiques et psychologiques d'un tel geste. Il est préférable de réaliser une gastrostomie d'alimentation, la sonde naso-gastrique est déconseillée. Cette technique permet un apport calorique qui doit être suffisant autour de 35-40 kcal/Kg/jour, et équilibré. Le débit de la nutrition est régulier et lent pour éviter les sensations de malaises et de nausées ainsi que les diarrhées provoquées par un débit trop rapide. Il est parfois nécessaire de brancher les nutriments la nuit pour donner plus d'autonomie au patient en sachant que c’est au dépend des rythmes biologiques naturels et avec certains risques décrits plus loin. Les accidents graves ne sont pas rares, liés au reflux dans les poumons avec pneumopathies d'inhalation (50% de décès). Les incidents sont nombreux, fuite par l'orifice de la gastrostomie, infections cutanées, érosion de paroi, obstruction du tube, migration intra-abdominale, pneumopéritoine, iléus réflexe. Alimentation parentérale La nutrition parentérale stricte est onéreuse et n’est pas dénuée de risques infectieux et hépatiques (stéatose). Elle nécessite un accès veineux par cathéter central tunnelisé, des conditions d'asepsie particulièrement strictes et un débit de perfusion stable. Le patient reçoit une éducation en complément. Les indications à la phase terminale restent exceptionnelles. MTGATT 04 11 2008 135 Le principe d’une alimentation entérale artificielle ou parentérale n’exclut pas le maintien, dans la mesure du possible, d’une alimentation par la bouche pour conserver au patient les plaisirs de l’oralité. 4.2 HYDRATATION Les perfusions par voie veineuse doivent rester exceptionnelles en raison du risque infectieux, de la surveillance nécessaire et du capital veineux souvent très diminué. Ces perfusions sont souvent gênantes et quelquefois douloureuses, elles peuvent être arrachées par le patient et la contention alors envisagée n'est pas acceptable en phase terminale. Néanmoins, si le patient est porteur d'un cathéter central ou d'une chambre implantable, cette voie peut être utilisée, d’autant plus si le malade le demande. Les perfusions sous cutanées sont à privilégier. Modalités La voie de perfusion sous-cutanée (hypodermoclyse) était tombée en désuétude dans les années 60, elle connaît actuellement un regain d'intérêt en raison de sa facilité de mise en route et de son innocuité qui en font une méthode privilégiée pour le domicile et pour les patients en phase avancée. La mise en place d'une perfusion sous-cutanée nécessite d'introduire en sous cutané une canule ou un micro-perfuseur à ailette sur les faces latérales du thorax, de l'abdomen ou la face latérale des cuisses en évitant les régions œdèmatiées. L'aiguille est fixée par un adhésif transparent permettant de visualiser le point d'injection et elle n'est changée qu’à l’apparition d’un érythème ou d’un œdème. Les solutés utilisés sont isotoniques, sérum salé à 0,9 % ou sérum glucosé à 2,5 % avec 4,5 g de NaCl par litre. Le débit de perfusion habituellement admis est de 1ml/mn, certains auteurs utilisent parfois des débits plus élevés de 25ml/mn, avec plusieurs sites d'injection. La tolérance est bonne et les complications sont rares à type de cellulite ou d’ecchymose. Indications La fréquence de l’insuffisance de la fonction rénale à ce stade de la maladie, associée à la déshydratation par manque d’apport et l’utilisation de la morphine pour le soulagement des douleurs expose à la survenue de confusion mentale. L’hydratation sous cutanée prévient ce risque qui constitue une source de stress majeur pour le patient et son entourage. Cas particuliers - aux patients ayant une atteinte de la filière digestive haute par un cancer ORL ou oesophagien, il faut proposer une alimentation par gastrostomie. - aux patients présentant un syndrome occlusif chronique ou une malabsorption, seule une alimentation parentérale stricte peut être envisagée. - les patients ayant une nutrition parentérale complète ou entérale par gastrostomie, cette modalité doit être poursuivie tout en étant éventuellement allégée, surtout en cas d'intolérance. - le patient est à la phase agonique : le décès peut survenir dans les 48 heures, le dosage de l'albumine n'est pas nécessaire. L'alimentation peut être maintenue par la bouche si le patient le désire. L'hydratation et l'alimentation artificielle ne sont plus de mise, elles sont même déconseillées, augmentant l'encombrement bronchique et éloignant la famille qui n'ose s'approcher d'un « patient avec des tuyaux ». 5- ATTEINTES CUTANEES 5- 1 . ESCARRES MTGATT 04 11 2008 136 L’escarre est une lésion cutanée ischémique liée à la compression des tissus mous entre un plan dur et des saillies osseuses. Ces lésions sont aggravées par la macération et l’immobilité. La fréquence est estimée à 20%. Traitements - Le traitement de la rougeur : supprimer la pression en changeant de position toutes les 2 à 3 heures, utiliser un film semi-perméable ou un hydrocolloïde transparent. Les massages, les frictions ou les applications de glaçons et d’air chaud ne sont pas autorisés. - Les principes de nettoyage de la plaie et de son pourtour : utiliser du sérum physiologique, l’utilisation d’antiseptiques n’a pas d’indication, la plaie ne doit pas être asséchée. - Le traitement de la phlyctène : évacuer le contenu et maintenir le toit de la phlyctène, recouvrir avec un pansement hydrocolloïde ou un pansement gras. - Le traitement de l’escarre constituée : - la détersion est nécessaire sur les plaies nécrotiques et/ou fibrineuses. Elle peut être mécanique, en évitant de faire saigner ou mal, ou aidée par un pansement tel que alginates ou hydrogel. - le recouvrement de la plaie par un pansement permet de maintenir un milieu local qui favorise la cicatrisation spontanée. Le choix du pansement s’appuie en particulier sur l’aspect de la plaie (sèche, exsudative, hémorragique, malodorante) et sa couleur. - Le traitement de l’escarre infectée : l’infection est à distinguer de la colonisation bactérienne. La colonisation bactérienne est quasi constante dans les plaies chroniques. Elle est utile à la cicatrisation et doit être contrôlée par un nettoyage et une détersion soigneux des tissus nécrotiques. L’infection d’escarre se caractérise comme suit : - deux des symptômes doivent être présents : rougeur, sensibilité ou gonflement des bords de la plaie ; - et l’une des observations suivantes : germe isolé de la culture du liquide obtenu par aspiration ou biopsie du bord de l’ulcère ; germe isolé par hémoculture. L’infection, suspectée sur des signes locaux, est affirmée au-delà de 105 germes/ml (ou gramme de tissu) sur les prélèvements (liquide de ponction, de biopsie) et/ou hémoculture. L’intérêt des antibiotiques ou des antiseptiques locaux en l’absence de diagnostic d’infection d’escarre n’a pas été démontré. - Le traitement chirurgical : la chirurgie est nécessaire en cas de nécrose tissulaire importante, d’exposition des axes vasculo-nerveux, des tendons ou des capsules articulaires, d’exposition de l’os et d’infection. La chirurgie est contre-indiquée chez le sujet âgé porteur d’escarres pluri-factorielles ainsi qu’en l’absence de mise en place ou d’efficacité des mesures de prévention des récidives. L’acte chirurgical doit être encadré d’une préparation médicale et de soins postopératoires particulièrement rigoureux. Ces soins portent sur la surveillance de l’état cutané local, l’aspect de la plaie et des sutures, une mise en décharge en utilisant un support, un équilibre nutritionnel et hydroélectrolytique. - Le traitement de la douleur de l’escarre La douleur de l’escarre peut être spontanée ou non, brutale et inattendue, limitée aux soins, aux changements de position ou aux mobilisations, ou présente en continu. La douleur n’est pas corrélée à la taille de l’escarre. Il est recommandé d’évaluer régulièrement la douleur pour mieux orienter la prise en charge. L’analyse de la douleur comprend une évaluation : - de ses causes (soins de la plaie, mobilisations, changements de position) ; - de son intensité : par une auto-évaluation par le patient lui-même en utilisant une échelle validée (échelle visuelle analogique, échelle numérique, échelle verbale simple) complétée d’une MTGATT 04 11 2008 137 observation clinique (posture, faciès, gémissements, attitude antalgique, limitation des mouvements). Chez le patient incapable de communiquer, l’observation clinique décrite ci-dessus ou l’utilisation d’une échelle telle que Doloplus ou ECPA est préconisée ; - de son retentissement sur le comportement quotidien et l’état psychologique du patient. Il est recommandé d’utiliser des antalgiques selon la stratégie en trois paliers recommandée par l’OMS. Un changement de palier est nécessaire lorsque les médicaments du palier précédent, correctement prescrits, ne sont plus efficaces. Toutefois, des douleurs intenses lors des soins d’escarre peuvent justifier l’utilisation d’emblée d’un antalgique de palier III (morphine). Dans tous les cas, il ne faut pas rester plus de 24 à 48 heures sur un palier qui s’avère inefficace. Un traitement antalgique en continu peut être nécessaire. Une évaluation régulière des effets du traitement antalgique et des effets secondaires doit être effectuée jusqu’à obtention d’une antalgie efficace. Des mesures complémentaires telles que installation confortable, nettoyage de la plaie par lavage, choix de pansements permettant l’espacement des soins et choix des moments des soins avec le patient permettent de minimiser le phénomène douloureux. - Le traitement des escarres en phase palliative Les escarres traduisent la dégradation de l’état général des patients, le traitement des escarres déjà constitués ne peut être que palliatif, la cicatrisation n’est guère envisageable. Les traitements visent à diminuer les phénomènes douloureux et les odeurs déplaisantes. Plusieurs objectifs sont poursuivis dans ce contexte où prime l’approche globale et individualisée du patient : - prévenir la survenue de nouvelles escarres ; - limiter au maximum l’extension de l’escarre et éviter les complications et les symptômes inconfortables ; - traiter localement l’escarre en étant attentif au confort du patient ainsi qu’au soulagement de la douleur ; - maintenir le patient propre et diminuer au maximum l’inconfort physique et psychique lié à l’escarre. L’utilisation de supports d’aide à la prévention et au traitement de l’escarre permet la diminution des phénomènes douloureux. Les décisions concernant le traitement de la maladie, la prise en charge des symptômes, la prévention et le traitement de l’escarre doivent être fondées sur l’analyse du rapport bénéfices-risques de chacune des options en termes de capacité à soulager la souffrance et à préserver au maximum la dignité et la qualité de vie de la personne, et sur les préférences du patient. La coordination des différents intervenants auprès du patient et la continuité des soins sont essentielles. 5 - 2 PRURIT Le prurit est une sensation cutanée qui donne envie de se gratter. Le prurit peut être très gênant voire pénible lorsqu'il est étendu ou intense, il peut gêner le sommeil et entraîner des lésions de grattage. Physiopathologie Le prurit et la douleur paraissent emprunter les mêmes voies neurologiques. Les médiateurs impliqués sont nombreux, histamine, sels biliaires, prostaglandines E. Les opiacés peuvent aggraver le prurit. Etiologies Les étiologies sont nombreuses et éventuellement associées : 1. Causes cutanées : essentiellement la sécheresse de la peau ; mais aussi toutes les causes dermatologiques (eczéma, infections) 2. Causes iatrogènes : - mécanismes allergiques (béta-lactamines...) - histamino-dépendant (morphiniques..) MTGATT 04 11 2008 138 3. Causes métaboliques : Cholestase, insuffisance rénale, insuffisance hépatique, maladie de Hodgkin 4. Causes néoplasiques et paranéoplasiques : syndromes myélo-prolifératifs Examen L'examen des téguments recherche les causes locales ou générales du prurit. L’interrogatoire essaie d'identifier des causes liées aux soins, décapage trop agressif de la peau, produits susceptibles d'être allergisants, et celles dues aux traitements pris par le patient. Traitements Des mesures générales doivent être prises : couper les ongles des mains, éviter les bains chaud répétés, les savons agressifs et graisser la peau après la toilette en utilisant des émollients (Cerat frais de Galien, Biafine. Le traitement médicamenteux comporte : - des anti-histaminiques, hydroxyzine (Atarax ) 25 à 50 mg/j - en cas de cholestase , cholestyramine (Questran ) 4g, 3 fois par jour, un drainage biliaire peut être discuté en fonction du stade évolutif du patient. une corticothérapie, betaméthasaone (Célestène) ou déxaméthasone (Decadron ou Soludécadron ) - Paroxétine (Deroxat 10 à 20 mg/j) 5-3 HYPERSUDATION L'hypersudation est due à des facteurs multiples, infection, tumeurs sécrétant des substances qui perturbent les centres thermorégulateurs, médicaments agissant également sur ces centres, comme la morphine. Traitements - Si les sueurs sont en rapport avec une infection, c’est le traitement anti-infectieux qui sera le traitement de première intention. - Quand les sueurs sont liées à la maladie cancéreuse et en cas d’échec des AINS la thioridazine peut être utilisée à la dose de 10 à 25 mg/j en une prise jusqu’à un maximum de 50 mg/j tout en prenant le risque de torsade de pointes. - Peuvent être également utilisés, la scopolamine, l'indométhacine à raison de 25mg/j PO et methylprednisolone à 1mg/kg /j. la 6 - SYNDROMES CONFUSIONNELS Les syndromes confusionnels peuvent être aigus ou chroniques. Le délirium est un syndrome confusionnel aigu, se caractérisant par des manifestations psychiques dont l'origine est organique, métabolique ou iatrogène. Selon les études, la prévalence des syndromes confusionnels chez les malades cancéreux varie de 25 à 40 % et atteint 85% en phase terminale. La confusion crée angoisse et désarroi chez le patient et dans l'environnement familial et soignant. Ces symptômes constituent un obstacle au maintien à domicile et provoquent des réactions inadaptées de la part des soignants comme l'isolement du malade, sa contention ou une sédation excessive. Présentation clinique et diagnostic Le diagnostic du syndrome confusionnel est en premier lieu clinique et repose sur des critères précis qui ont été décrits dans le DSM IV (American Psychiatric Association,1996). MTGATT 04 11 2008 139 Le début est aigu avec une évolution fluctuante dans la journée. Le malade présente une désorganisation de la pensée avec des propos incohérents, inappropriés, des troubles de l'attention et de la mémoire. Il s'y associe une désorientation, une perturbation du cycle veille - sommeil, une activité psychomotrice perturbée (stupeur, agitation). La conscience est obnubilée et des anomalies de la perception (interprétations erronées, illusions ou hallucinations) sont notées. Les troubles du comportement vont parfois créer des tableaux de persécution ou d’euphorie ou d'angoisse extrême. Pour la détection et la quantification du syndrome confusionnel un Mini Mental Test (MMT) ou un test TELECOM est réalisé. Le diagnostic différentiel doit être fait avec une démence qui peut néanmoins se compliquer d'une confusion (Tableau V). De même, Les symptômes précoces de confusion peuvent être confondus avec une anxiété, une dépression, une psychose. L'avis du psychiatre est souvent nécessaire. Tableau VII : Différences entre confusion aiguë ou délirium et démence DEBUT ETAT DE CONSCIENCE TROUBLES COGNITIFS DIMINUTION DE L'ATTENTION PERCEPTION PERTURBEE HALLUCINATIONS PROPOS INCOHERENTS EVOLUTION REVERSIBILITE CONFUSION AIGUË aigu ou subaigu perturbé globaux toujours DEMENCE progressif non perturbé mémoire au début parfois fréquente fréquentes fréquents fluctuante souvent réversible rare rares rares lentement progressive irréversible Etiologies Les causes sont multiples, certaines peuvent être facilement corrigées (Tableau VI). D'autre sont à considérer après avoir éliminé les précédentes, tout en sachant que plusieurs causes peuvent être intriquées. Ce sont le changement d'environnement (perte des repères), les symptômes non contrôlés tels que rétention d'urines, constipation, douleur, prurit. Tableau VIII : Principales causes de syndrome confusionnel chez les malades en phase avancée du cancer - organiques : tumeur cérébrale primitive ou secondaire, anoxie cérébrale, infection, syndrome para-néoplasique. - métaboliques : hyponatrémie, hypo- ou hypercalcémie, hyperkalièmie, insuffisance rénale, insuffisance hépatique, hypoglycémie, hypovitaminose. - médicamenteuses : anticholinergique, halopéridol, morphiniques, barbituriques, corticoïdes, chimiothérapie, sevrage brutal en barbituriques, benzodiazépines ou corticoïdes. - radiothérapie - alcool (intoxication, sevrage) - maladie psychiatrique Traitements Le traitement est avant tout étiologique. Un bilan sanguin est pratiqué à la recherche d'un trouble métabolique qui doit être corrigé. Les médicaments non indispensables sont arrêtés ou diminués. Les plus faibles doses efficaces sont recherchées pour ceux qui sont indispensables. Dans les cas où ils existent, les médicaments alternatifs sont tentés (rotation d’opioïdes, changement d'antiinflammatoires non stéroïdiens). Les symptômes non contrôlés sont recherchés et traités. MTGATT 04 11 2008 140 Médicaments symptomatiques Les neuroleptiques sont utilisés dans les formes hyperactive des syndromes confusionnels qui associent agitation, avec ou sans hallucinations, myoclonies ou hyperalgies. L'halopéridol est utilisé à faibles doses par voie IV ou SC au début du traitement, surtout chez les malades en mauvais état général ou très âgés, les posologies sont variables et doivent être adaptées à la clinique. L’utilisation de la lévomépromazine et de la chlorpromazine est plus limitée compte tenu des risques d’hypotension et de sédation trop importants. Le syndrome extrapyramidal induit par les neuroleptiques ne doit pas être traité par antiparkinsonien dopaminergique mais par anticholinergique. Mesures générales Un certain nombre de mesures générales doivent être envisagées afin de favoriser une prise de conscience de la réalité chez le patient. Une surveillance constante ainsi que des mesures de sécurité sont nécessaires pour éviter au patient de se nuire. Les soignants doivent être rassurants, attentifs et si possible toujours les mêmes, afin de favoriser les repères temporo-spaciaux. La chambre doit être calme, bien éclairée ou dans une semi-clarté et la nuit, une veilleuse est allumée. Dans la chambre, doivent figurer un calendrier, un réveil et des objets familiers appartenant au malade. Les stimulations excessives sont à éviter ainsi que la multiplication des intervenants. Tout bruit ou équipement inhabituel est expliqué au patient. La marche, la lecture et la participation du malade doivent être favorisés. La(es) cause(s) de la confusion et les mesures prises sont à expliquer au patient , dans la mesure du possible, et à ses proches, ainsi qu’aux soignants. Conclusion L’énumération des symptômes pénibles pour le patient en fin de vie peut paraître fastidieuse, incomplète et peut-être trop schématique. En pratique, les situations cliniques sont souvent complexes, les symptômes sont souvent intriqués et les patients polymédicamentés. Il est donc nécessaire de prendre le temps de réaliser une évaluation pluridisciplinaire rigoureuse et dévaluer régulièrement les stratégies mises en place. L’écoute du patient et de ses proches est indispensable pour prendre au mieux les décisions LECTURES CONSEILLEES AGUILAR J et al La perfusion sous cutanée : réhydrater le sujet âgé à domicile. Prescrire, 1996 ;16 :788-91 AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION - DSM-IV (1996) Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. 4ème édition (version internationale, Washington DC, 1955). Traduction française par J.D. Guelfi et al., Masson, Paris. JACQUEMIN D. Manuel de soins palliatifs, Dunod , Paris, 2001 RIPAMONTI C. and BRUERA E. Dyspnea : pathophysiology and assessment. J. Pain Sympt. Manag., 1997, 13, 220 - 232. WALLER A., CAROLINE N. Handbook of Palliative Care in Cancer, Butterworth-Heinemann USA,1996. AGENCE FRANÇAISE DE SECURITE SANITAIRE DES PRODUITS DE SANTE MTGATT 04 11 2008 141 Recommandations de bonne pratique - Soins palliatifs courants hors antalgiques - Octobre 2002 Spécificité d’utilisation des médicaments CONFERENCE DE CONSENSUS. Prévention et traitement des escarres de l’adulte et du sujet âgé, Paris 15 -16 novembre 2001 MTGATT 04 11 2008 142 DÉCISIONS ÉTHIQUES EN SOINS PALLIATIFS T. MARMET 2003 M. T. GATT 2008 143 1. Les repères déontologiques et pragmatiques 1.1. Le code de déontologie français Dans sa version du décret 95-1995 (paru au Journal Officiel du 8 septembre 1995), le code de déontologie fournit des repères plus précis que dans les versions antérieures, tant à la question de l'acharnement thérapeutique que de la limitation des soins. Nous citerons l'article 2 relatif au respect de la personne, de la vie humaine et de a dignité ; l'article 8 mobilisant le discernement du médecin quant aux avantages et inconvénients des investigations et thérapeutiques possibles ; l'article 35 qui insiste sur la loyauté de l'information fournie au patient et l'article 36 qui rappelle l'impérieuse nécessité d'obtenir un consentement éclairé. En ce qui concerne la question des soins palliatifs et de la prise en charge de la douleur, le nouveau code de déontologie introduit deux articles 37 et 38 qui sont une avancée très significative pour les fins de vie : - L'article 37 indique : "en toute circonstance, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances - L'article 38 précise : "le médecin doit accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments, de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique" ; assurer par des soins et mesures appropriées, la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. Il n'a pas le droit de provoquer délibérément la mort". Les articles que nous avons ainsi mis en exergue, illustrent les liens privilégiés qu'entretient le code de déontologie avec la morale de conviction : respect de la vie, de la dignité de la personne humaine, de son autonomie, de son individualité tut en faisant place à une morale téléologique en se référant notamment dans les articles 8 et 37 aux principes de futilité et de proportionnalité. 1.2. Les repères pragmatiques Pour ouvrir la discussion nécessaire avec le patient et sa famille avant toute prise de décision, nous proposons d'anticiper ce dialogue en apportant des réponses à trois questions pour laquelle nous proposerons la mobilisation de principes reconnus. 1.2.1. L'intentionnalité de la décision : Il s'agit, dans cette première interrogation, de répondre à la question : "Pourquoi cette décision ?". Il est deux manières de répondre à la question pourquoi ? : - - L'une consiste à mobiliser la locution conjonctive "parce que". Cette réponse introduit certainement la cause, le motif de la décision, mais de façon plutôt justificative. Rappelons que le terme employé seul marque le refus ou l'impossibilité de répondre. A vouloir trop justifier ou trouver une cause à la décision, le risque existe de se retrouver dans l'impossibilité de formuler une réponse à l'ultime pourquoi du patient. L'autre façon de répondre mobilise la locution conjonctive "pour que". Elle introduit de façon plus claire le but, l'intention et comporte également la potentialité d'introduire la conséquence de la décision. Appliquées à la décision d'une nouvelle chimiothérapie dans une situation de cancer polymétastatiques, on mesure que les réponses du type : "Parce que le patient demande quelque chose ? Parce qu'il faut faire quelque chose ? Parce que l'on ne peut pas rester sans rien faire ? Parce qu'il faut maintenir l'espoir du patient…" n'ouvrent pas sur le même type de délibérations qu'une réponse du type : "Pour que les effets attendus de cette chimiothérapie contribuent au confort physique et psychologique du patient". 144 Pour faciliter la réponse à la question "pourquoi ?", nous proposons de mobiliser les principes suivants : - Le principe de bienfaisance, pré requis hippocratique : "D'abord, ne pas nuire". Chacune de nos décisions doit attester activement de la référence à l'obligation de faire le bien au sens physique, moral et métaphysique ; - Le principe du double effet : c'est un principe de procédure qui aide la décision en se demandant si un effet nuisible peut être acceptable. Pour l'invoquer, le soignant doit avoir l'intention d'un effet désirable et des motivations claires, mais il reconnaît la possibilité d'un effet indésirable et inévitable. Il existe une différence éthiquement consistante entre prévoir un effet négatif et avoir l'intention de le produire. Il repose sur 4 conditions : Le traitement est au moins neutre, sinon bénéfique, mais peut avoir aussi bien des conséquences positives que négatives ; L'intention du clinicien est l'effet bénéfique (par exemple, soulager la douleur), mais l'effet négatif prévisible (possibilité de raccourcir la vie) peut être inévitable ; L'effet négatif n'est pas nécessaire à la réalisation de l'effet positif désiré ; Il existe des raisons suffisantes (soulagement de la douleur) pour accepter le risque lié à l'effet négatif. 1.2.2. La finalité de la décision Nous allons nous attacher à répondre à la question "pour qui cette décision ?". Il s'agit de bien s'assurer que la décision désigne clairement le patient comme le bénéficiaire du résultat attendu. Il convient de prévenir la mise en œuvre de toutes les décisions qui in fine répondent à la souffrance de la famille ou des équipes soignantes de n'avoir rien à faire ou rien à dire face à un patient en situation critique. Trois principes peuvent être mobilisés pour répondre à cette question : - Le principe de futilité : la futilité des décisions doit se mesurer en fonction des objectifs cliniques pour chaque patient considéré dans son individualité physique, psychique, sociale et spirituelle. Il convient, ici, d'établir une distinction claire entre deux composantes du principe de futilité : les effets physiologiques et les bénéfices escomptés. Certains traitements sont futiles parce qu'ils ne pourraient produire l'effet physiologique voulu chez le patient, c'est ainsi que sur la base des essais cliniques et des expériences cliniques la probabilité est souvent infinitésimale qu'une chimiothérapie mette un terme à un processus cancéreux au stade métastatique. D'autres traitements peuvent être futiles parce qu'ils ne permettent pas d'atteindre des objectifs cliniques de soins même s'ils peuvent prolonger la vie biologique. Par exemple si l'objectif des traitements est de restaurer une certaine indépendance au patient en fin de vie, sont futiles les traitements qui le condamnent à dépendre d'appareils de maintien de vie. Il est ainsi justifié de suspendre ou de ne pas mettre en œuvre tous traitements médicamenteux ou toute aide technique qui, au mieux, n'entraînerait que des effets physiologiques sans bénéfices réels en terme de qualité de vie. - Le principe de proportionnalité propose que les traitements et investigations disponibles soient contre-indiqués lorsque les techniques mises en œuvre imposent des contraintes ou des souffrances au patient qui sont hors de proportion avec les bénéfices qu'il peut en recevoir. Il s'agit, ici, de parfaitement maîtriser les effets adverses ou iatrogènes des décisions qui pourraient être prises en récusant celles qui vont induire une souffrance surajoutée ou le bénéfice d'une seule prolongation de la durée de vie. Les traitements spécifiques et/ou de prolongation de vie peuvent être abandonnés si d'autres formes de traitements, notamment celles issues de la pratique des soins palliatifs, permettent d'assurer au patient un certain bien-être. 145 - Le principe du respect inconditionnel de l'autonomie du patient : ce principe nous amène à considérer en permanence le patient dans une position de sujet capable de choisir ce qui est bon pour lui et les risques qu'il est prêt à courir. Ce principe mobilise un pré requis qui est celui du partage loyal de l'information avec le patient, afin d'obtenir son consentement éclairé. Le rôle des soignants et du médecin, en particulier, est de livrer au patient avec tact et discernement les éléments d'informations qui lui permettent de choisir la décision la plus adaptée à sa situation. Dans la situation où le patient n'est plus en mesure de communiquer, de comprendre et de s'exprimer, le respect de l'autonomie du patient se heurte à cette incapacité. La décision va alors dépendre de l'interaction entre la famille et l'équipe soignante. Un des critères essentiels à cette décision est d'essayer alors d'évaluer ce qu'aurait voulu le patient s'il avait été capable de s'exprimer. Les proches qui connaissent bien le patient, peuvent suggérer à l'équipe médicale comment il aurait voulu être traité, notamment dans le cas d'une maladie terminale. 1.2.3.La responsabilité de la décision Le dernier questionnement est centré sur les réponses à la question " Avons-nous le droit de prendre cette décision". Cette question interroge la loi, la compétence du médecin, sa responsabilité dans les coûts qu'il engage, mais aussi la difficile question de la compétence du patient chaque fois que ses fonctions supérieures sont altérées. Pour y répondre, nous proposons de mobiliser les principes suivants : - Le principe d'humilité : il interroge la capacité du médecin qui va prendre in fine la décision, à maîtriser l'ensemble des connaissances, des pratiques et des bonnes attitudes que le développement de la médecine a profondément diversifiées. Ce principe recommande de recourir à l'interdisciplinarité. C'est une invitation à recourir aux médecins référents des problématiques rencontrées. C'est aussi une invitation chaque fois que se pose une question décisionnelle difficile, d'avoir recours au bases de données, notamment celles produites par l'evidence based medecine ("médecine basée sur des faits prouvés") ; - Le principe d'équité qui recommande de respecter ce à quoi les individus ont droit. Il s'articule avec les principes d'égalité, des valeurs de liberté et d'une inaliénable dignité de l'homme (la dignité est, ici, entendue dans son sens absolu comme la hauteur que je dois reconnaître en l'autre fondatrice du fait qu'il est une personne humaine). Ce principe sous-tend une dimension légale. C'est l'occasion de rappeler que seule la loi autorise les soignants, dans un cadre institutionnel précis, à soigner les patients et que tous les actes sortant de ce cadre peuvent faire l'objet de poursuites pour coups et blessures. La loi nous impose donc des interdits catégoriques, pour autant, il ne s'agit pas de s'abriter derrière la loi pour éviter les discussions loyales avec les patients et leurs familles. - Le principe de justice propose de distribuer honnêtement bénéfices, risques et coûts. La réflexion éthique ne peut faire l'impasse sur la nécessité d'évaluer le coût humain et matériel de toute décision. Les moyens dont nous disposons pour assurer les soins ne peuvent croître de façon indéfinie. Si la limitation des soins, pour des raisons économiques, ne peut s'imposer comme principe premier à nos décisions, nous portons la responsabilité d'aider les patients à choisir les réponses les plus efficientes dans leur rapport coût/efficacité. - Le principe de sollicitude pose le respect inconditionnel de l'égalité des individus quelle que soit leur altérité. Nous le mobilisons tout particulièrement pour les patients incompétents en raison de l'altération de leurs fonctions supérieures, lorsque la discussion ne va pouvoir s'instaurer qu'entre l'équipe soignante et la famille. 146 2. Depuis le 22 avril 2005 la loi Leonetti renforce les droits des malades en fin de vie A - En application de cette loi, le Comité Consultatif National d'Ethique en 2005 propose ces recommandations en cas de refus de soins 1- Promouvoir le sentiment et des attitudes de reconnaissance mutuelle ; en dehors d'une situation d'extrême urgence le médecin ne doit jamais imposer une solution thérapeutique ; il ne doit pas non plus adopter une attitude de fuite, d'abandon ou de chantage. Sa responsabilité professionnelle est celle du maintien du soin en respectant au maximum les décisions d'un malade qui doit pouvoir comprendre, lui aussi, les obligations morales de celui qui le soigne. 2- Tout faire pour éviter que les décisions importantes ne soient prises qu'en situation critique. Que ce soit sur le plan médical, somatique ou psychiatrique, il faut, toutes les fois où cela est possible, anticiper au maximum les situations, afin d'éviter que surgissent des conflits graves lors de la décision de mise en œuvre d'un nouveau traitement, susceptible de provoquer un refus. 3- Ne pas céder à l'obsession médico-légale du concept de "non-assistance à personne en péril" qui ne doit pas occulter une relation médecin-malade fondée avant tout, sur la confiance dans l'aide que ce médecin peut apporter au malade, même s'il faut aussi que le médecin puisse se protéger de situations rares mais toujours possibles par une mention écrite de ce refus. 4- Etre conscient qu'une information doit, dans toute la mesure du possible, être progressive, évolutive en fonction du temps, tenant compte d'éventuels phénomènes de sidération psychique et au besoin réévaluée. 5- Etre sensible au fait qu'une information est l'expression de faits ou d'opinions explicités de façon apparemment objective, fondés sur un savoir porté par une personne, mais qu s'adressent à la subjectivité d'une autre personne. Une information ne peut donc jamais être purement objective, car la subjectivité de l'émetteur et celle du récepteur interagissent dans le processus de communication et modifient en permanence les conditions de l'échange. 6- Etre conscient que, dans la rencontre de deux libertés, la compassion comporte le piège de l'abus d'autorité. Les médecins doivent en être conscients et être formés à l'écoute de l'expression, de la liberté du malade, comme l'a rappelé le CCNE dans son avis n° 84 sur la formation à l'éthique médicale ; l'appréciation du degré d'autonomie doit être évolutive en fonction du temps. 7- Ne pas présumer l'absence totale de liberté pour éviter de prendre en compte un refus de traitement ; ne pas profiter pour le médecin de cette situation de vulnérabilité. Respecter cette personne vulnérable en l'informant de façon telle 147 qu'elle comprenne les enjeux sans chantage, ni indifférence. On ne peut vouloir faire toujours le bien d'une personne contre son gré au nom d'une solidarité humaine nécessaire et d'une obligation d'assistance à personne en péril . 8- Réfléchir à une nouvelle compréhension de la déontologie médicale qui tienne compte de l'évolution culturelle d'une revendication croissante à l'autonomie. Le caractère déraisonnable d'une obstination devrait pouvoir être aussi jugé par le malade et non par le médecin seul. 9- Comme toujours en situation de crise, recourir non seulement à un deuxième avis, mais aussi à un processus de médiation ou à une fonction médiatrice, pour ne pas laisser seuls face à face le médecin et le malade ou le médecin et une famille. C'est à ce titre que les tierces personnes peuvent faire prendre conscience, au malade et au médecin de la reconnaissance qu'ils peuvent avoir mutuellement, et de ce que cela implique. La notion de personne de confiance inscrite dans la loi de mars 2002 prend ici toute sa signification. L'importance des psychologues, voire des psychiatres et du personnel soignant, ne peut être que soulignée. L'objectif est en effet, non seulement d'accueillir une parole de refus comme réellement signifiante, mais aussi de juger du degré d'aliénation éventuelle. Pour autant, il ne s'agit pas de s'en remettre à un tiers de la responsabilité de décision, mais d'aider la personne au gouvernement d'ellemême. 10- Accepter de passer outre un refus de traitement dans des situations exceptionnelles tout en gardant une attitude de modestie et d'humilité susceptible d'atténuer les tensions et de conduire au dialogue. Même s'il est impossible de fixer des critères, des situations peuvent être envisagées où il serait permis d'effectuer une telle transgression, quand des contraintes de temps mettent en cause la vie ou la santé d'un tiers. Ainsi : - les situations d'urgence ou d'extrême urgence où la médecine se trouverait en situation d'avoir à répondre dans l'instant en présence d'une personne inconsciente ou à laquelle il est en pratique impossible de demander, dans l'instant, un accord. La présence d'un tiers, même détenteur d'une déclaration anticipée, ne constitue pas un élément décisif. - un accouchement en urgence mettant en jeu la vie d'un enfant à naître. L'éthique dans ce domaine ne doit pas constituer le paravent d'une fausse bonne conscience respectueuse à l'excès de l'autonomie. - les situations où la sécurité d'un groupe est en jeu, comme lors du cas de menace d'épidémie grave où la liberté d'un individu doit être jugée de manière responsable à l'aune du devoir de solidarité envers son prochain. 11- Respecter la liberté individuelle tant qu'elle ne s'approprie pas la liberté d'autrui. Le refus d'une césarienne ou d'une transfusion doit pouvoir être entendu en dehors des situations d'urgence. Le refus de traitement clairement exprimé par une personne majeure ayant encore le gouvernement d'elle-même ne peut être que respecté, même s'il doit 148 aboutir à sa mort. Soigner une personne, ce n'est pas prendre en compte chez elle seulement l'aspect médical mais l'unité même de sa personne. Venir en aide à une personne n'est pas nécessairement lui imposer un traitement. C'est ici tout le paradoxe parfois méconnu par la médecine qui doit accepter d'être confrontée à une "zone grise" où l'interrogation sur le concept de bienfaisance reste posée" ("Refus de traitement et autonomie de la personne" Avis n° 87 du 14 avril 2005 du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé). 149 B - La Loi LEONETTI Code de la Santé publique1 Première partie. Protection générale de la santé Livre Ier. Protection des personnes en matière de santé Titre Ier. Droits des personnes malades et des usagers du système de santé Loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie2 L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit : Chapitre préliminaire Droits de la personne (Articles L1110-1 à L1110-11) Article L1110-5 Al.1 : Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. Al.2 : Les dispositions du premier alinéa s'appliquent sans préjudice de l'obligation de sécurité à laquelle est tenu tout fournisseur de produit de santé, ni des dispositions du titre II du livre Ier de la première partie du présent code. Al.3 : Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. « Interdiction et définition de l’obstination déraisonnable »3 Article 1 Après le premier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. » Traitements pour lutter contre la souffrance administrés au malade en fin de vie Article 2 Le dernier alinéa de l'article L. 1110-5 du code de la santé publique est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 1111-2, la personne de confiance visée à l'article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. » 1 Nous avons reproduit en regard du texte de la loi (colonne de droite) les articles du Code de la Santé publique et du code de l’action sociale et des familles dans lesquels ils s’insèrent (colonne de gauche). 2 NOR: SANX0407815L. J.O n° 95 du 23 avril 2005 page 7089. 3 Pour la claire compréhension du texte de loi, il nous paru utile d’y ajouter les intertitres sous lesquels la Commission spéciale de l’Assemblée nationale en a examiné les articles. Voir le. Rapport n° 1929 de l’Assemblée Nationale, G. Gorce, J. Leonetti. L’intertitre de l’article 2 a été modifié pour tenir compte de sa rédaction et des discussions présentées dans le rapport La Rédaction 150 Al.4. Les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu'à la mort. Article L1110-10 Al.1. Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. Article L1111-4 Al.1 : Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Al.2 : Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables. Al.3 : Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. Al.3 : Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. Al.4 : Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des « Droit de la personne d’interrompre tout traitement » Article 3 Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, les mots : « un traitement » sont remplacés par les mots : « tout traitement ». « Procédure de refus de traitement applicable à la personne consciente qui n’est pas en fin de vie » Article 4 Le deuxième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique est complété par quatre phrases ainsi rédigées : « Il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable. Celle-ci est inscrite dans son dossier médical. « Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. » « Procédure de limitation ou d’arrêt de traitement applicable à la personne inconsciente qui n’est pas en fin de vie » Article 5 Après le quatrième alinéa de l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. » 151 conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables. […] Chapitre Ier Information des usagers du système de santé et expression de leur volonté (Articles L1111-1 à L1111-9) « Procédure de limitation ou d’arrêt de traitement applicable à la personne consciente en fin de vie » Article 6 Après l'article L. 1111-9 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-10 ainsi rédigé : « Art. L. 1111-10. - Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, décide de limiter ou d'arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l'avoir informée des conséquences de son choix. La décision du malade est inscrite dans son dossier médical. « Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. » « Directives anticipées » Article 7 Après l'article L. 1111-9 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-11 ainsi rédigé : « Art. L. 1111-11. - Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l'arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment. « A condition qu'elles aient été établies moins de trois ans avant l'état d'inconscience de la personne, le médecin en tient compte pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement la concernant. « Un décret en Conseil d'État définit les conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées. » « Personne de confiance » Article 8 Après l'article L. 1111-9 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-12 ainsi rédigé : « Art. L. 1111-12. - Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause et hors d'état d'exprimer sa volonté, a désigné une personne de confiance en application de l'article L. 1111-6, l'avis de cette dernière, sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur tout autre avis non médical, à l'exclusion des directives anticipées, dans les décisions d'investigation, d'intervention ou de traitement prises par le médecin. » 152 « Procédure de limitation ou d’arrêt de traitement applicable la personne inconsciente en fin de vie » Article 9 Après l'article L. 1111-9 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-13 ainsi rédigé : « Art. L. 1111-13. - Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin peut décider de limiter ou d'arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne, après avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et consulté la personne de confiance visée à l'article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne. Sa décision, motivée, est inscrite dans le dossier médical. « Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10. » « Expression de la volonté des malades en fin devie » Article 10 I. - Après l'article L. 1111-9 du code de la santé publique, il est inséré une division ainsi rédigée : « Section 2. - Expression de la volonté des malades en fin de vie ». II. - Avant l'article L. 1111-1 du même code, il est inséré une division ainsi rédigée : « Section 1. - Principes généraux ». III. - Dans la première phrase de l'article L. 1111-9, les mots : « du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « de la présente section ». Sixième partie. Établissements et services de santé Livre Ier. Établissements de santé Titre Ier . Organisation des activités des établissements de santé Chapitre IV. Contrats pluriannuels conclus par les agences régionales de l'hospitalisation (Articles L6114-1 à L6114-5) Article L6114-1 Al.1 : Les agences régionales de l'hospitalisation concluent avec les établissements de santé, les groupements de coopération sanitaire et les autres titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 des contrats pluriannuels 153 d'objectifs et de moyens d'une durée de cinq ans. […] Article L6114-2 Les contrats mentionnés à l'article L. 6114-1 déterminent les orientations stratégiques des établissements, groupements de coopération sanitaire et titulaires d'autorisations sur la base des schémas d'organisation sanitaire. Ils précisent la ou les missions d'intérêt général mentionnées à l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale auxquelles l'établissement concerné participe et ses engagements relatifs à la mise en oeuvre de la politique nationale d'innovation médicale et de recours, ainsi que ses autres engagements donnant lieu à un financement par la dotation prévue à l'article L. 162-22-14 du même code. […] « Contrats pluriannuels conclus entre les agences régionales de l'hospitalisation et les établissements de santé » Article 11 Après le premier alinéa de l'article L. 6114-2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Ils identifient les services au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs et définissent, pour chacun d'entre eux, le nombre de référents en soins palliatifs qu'il convient de former ainsi que le nombre de lits qui doivent être identifiés comme des lits de soins palliatifs. » « Contenu du projet médical » Article 12 Titre IV Après l'article L. 6143-2-1 du code de la santé publique, il est inséré Établissements publics de santé un article L. 6143-2-2 ainsi rédigé : Chapitre III Conseil d'administration et « Art. L. 6143-2-2. - Le projet médical comprend un volet "activité directeur (Articles L6143-1 à palliative des services. Celui-ci identifie les services de l'établissement L6143-8) au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs. Il précise les mesures qui doivent être prises en application des dispositions du contrat pluriannuel mentionné aux articles L. 6114-1 et L. 6114-2. « Les modalités d'application du présent article sont définies par décret. » Code de l’action sociale et des familles Livre III. Action sociale et médico-sociale mise en oeuvre par des établissements et des services Titre Ier. Établissements et services soumis à autorisation Chapitre Ier. Dispositions générales Section 2. Droits des usagers (Articles L311-3 à L311-9) Article L311-8 Pour chaque établissement ou service social ou médico-social, il est élaboré un projet « Soins palliatifs dans les établissements médico-sociaux » Article 13 I. - Après la première phrase de l'article L. 311-8 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Le cas échéant, ce projet identifie les services de l'établissement ou du 154 d'établissement ou de service, qui définit ses objectifs, notamment en matière de coordination, de coopération et d'évaluation des activités et de la qualité des prestations, ainsi que ses modalités d'organisation et de fonctionnement. Ce projet est établi pour une durée maximale de cinq ans après consultation du conseil de la vie sociale ou, le cas échéant, après mise en oeuvre d'une autre forme de participation. Chapitre III. Droits et obligations des établissements et services sociaux et médicosociaux. Section 3.Contrats ou conventions pluriannuels (Articles L313-11 à L313-12) Article L313-12 I. - Les établissements assurant l'hébergement des personnes âgées mentionnées au 6º du I de l'article L. 312-1 du présent code et les établissements de santé dispensant des soins de longue durée visés au 2º de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique qui accueillent un nombre de personnes âgées dépendantes dans une proportion supérieure à un seuil fixé par décret ne peuvent accueillir des personnes âgées remplissant les conditions de perte d'autonomie mentionnées à l'article L. 232-2 que s'ils ont passé avant le 31 décembre 2005, ou avant le 31 décembre 2006 pour les établissements mentionnés à l'article L. 633-1 du code de la construction et de l'habitation une convention pluriannuelle avec le président du conseil général et l'autorité compétente de l'État, qui respecte le cahier des charges établi par arrêté ministériel, après avis des organismes nationaux d'assurance maladie et des représentants des présidents de conseils généraux. service social ou médico-social au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs et précise les mesures qui doivent être prises en application des dispositions des conventions pluriannuelles visées à l'article L. 313-12. » II. - Les modalités d'application du présent article sont définies par décret. Article 14 Le I de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée : « La convention pluriannuelle identifie, le cas échéant, les services au sein desquels sont dispensés des soins palliatifs et définit, pour chacun d'entre eux, le nombre de référents en soins palliatifs qu'il convient de former ainsi que le nombre de lits qui doivent être identifiés comme des lits de soins palliatifs. » Article 15 En application du 7° de l'article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, une annexe générale jointe au projet de loi de finances de l'année présente tous les deux ans la politique suivie en matière de soins palliatifs et d'accompagnement à domicile, dans les établissements de santé et dans les établissements médico-sociaux. La présente loi sera exécutée comme loi de l'État. Fait à Paris, le 22 avril 2005. Jacques Chirac Par le Président de la République : Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin Le ministre des solidarités, de la santé et de la famille, Philippe Douste-Blazy Le garde des sceaux, ministre de la justice,Dominique Perben Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Thierry Breton Le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement, JeanFrançois Copé 155 LECTURES CONSEILLEES - Code de Déontologie Médicale SITES - Université de Rennes/Bioéthique (H. ALLAIN et al. Laboratoire de Expérimentale et Clinique, 2 avenue Léon Bernard 35043 RENNES CEDEX). Espace ethique AP HP : http://www.espace-ethique.org Pharmacologie 156