III. le reveil russe

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DIMENSION CIVILE
DE LA SECURITE
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Original : anglais
Assemblée parlementaire de l’OTAN
SOUS-COMMISSION
SUR LA
GOUVERNANCE DEMOCRATIQUE
LES FORCES DU CHANGEMENT ET DE LA CONTINUITE
EN RUSSIE :
IMPLICATIONS AU NIVEAU NATIONAL ET
INTERNATIONAL
PROJET DE RAPPORT
LUCIO MALAN (ITALIE)
RAPPORTEUR*
Secrétariat international
*
13 avril 2012
Aussi longtemps que ce document n’a pas été approuvé par la Commission sur la dimension
civile de la sécurité, il ne représente que les vues du rapporteur.
Les documents de l’Assemblée sont disponibles sur son site Web, à l’adresse, http://www.nato-pa.int
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TABLE DES MATIERES
I.
INTRODUCTION ......................................................................................................... 1
II.
III.
VLADIMIR POUTINE ET LA « VERTICALE DU POUVOIR » ..................................... 2
LE REVEIL RUSSE ? .................................................................................................. 6
A. LE PROCESSUS ELECTORAL .......................................................................... 6
B. LA GENESE DU MOUVEMENT DE PROTESTATION ...................................... 7
C. LA REPONSE DU GOUVERNEMENT ............................................................... 9
1.
Le train de réformes de Dmitri Medvedev ................................................... 9
2.
Le programme politique de Vladimir Poutine ............................................ 10
IV.
LES IMPLICATIONS POUR LA POLITIQUE ETRANGERE DE LA RUSSIE ............ 10
V.
CONCLUSIONS ........................................................................................................ 12
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 14
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I.
1
INTRODUCTION
1.
La Russie de 2012 est-elle la même que celle de 2011 ? Le pays est dirigé par les mêmes
personnes – qui s’échangent les fonctions de président et de Premier ministre – et la Douma
comprend toujours les quatre mêmes partis. Il y a peu de chances pour que la politique intérieure
ou étrangère de la Russie change radicalement. Et pourtant, on ne peut pas nier que l’état d’esprit
de la population et le paysage politique intérieur ont profondément évolué. Au cours des quelques
derniers mois, la société civile russe a fait preuve d’une force considérable et d’une capacité à se
mobiliser en très grand nombre, du jamais vu dans la Russie de M. Poutine. On pourrait même
aller jusqu’à dire que le modèle traditionnel de la politique et de la gouvernance russes est en train
de changer : la perception byzantine selon laquelle le gouvernement se situe au-dessus du peuple
est remplacée par l’idée européenne selon laquelle le gouvernement est au service du peuple.
L’émergence de la classe moyenne et l’utilisation croissante des technologies modernes
d’information et de communication sont les principaux catalyseurs du changement.
2.
Même si le tandem politique de Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev – avec leur parti Russie
unie – est appelé à rester au pouvoir pendant encore quelques années au moins, le système
politique russe fait déjà l’objet de profonds réaménagements. Il y a quelques mois,
Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev décrivaient la structure politique russe comme « idéale » et
ne prévoyaient pas le rétablissement de l’élection directe des gouverneurs de régions avant « un
siècle » ; aujourd’hui, en revanche, la Douma examine un ensemble de réformes présidentielles
qui auront, en principe, pour conséquence de défaire le système politique mis en place si
méthodiquement par M. Poutine depuis son arrivée au pouvoir en 2000.
3.
L’évolution démocratique qui a lieu en Russie relève de la responsabilité de la population
russe. Toutefois, il est important pour la communauté internationale de suivre ces événements en
raison des répercussions qu’ils pourraient avoir sur la politique étrangère de la Russie ainsi que
sur l’architecture politique et sécuritaire de la région et du monde. Le dialogue et la coopération
avec la Russie ont indéniablement de l’importance dans un certain nombre de domaines tels que
la stabilisation de l’Afghanistan, la non-prolifération des armes de destruction massive, la lutte
contre le terrorisme, la piraterie et le trafic de stupéfiants, ainsi que, depuis peu, le rétablissement
de la paix et de la stabilité dans la région MOAN, notamment en Syrie.
4.
Le grand principe de la politique du « nouveau départ » avec la Russie est que le fait
d’aborder les questions de la démocratie et des droits de l’homme ne doit pas empêcher la
coopération concrète sur des projets spécifiques d’intérêt mutuel. Pour autant, il paraît difficile de
dissocier complètement l’évolution intérieure de la Russie et la politique internationale. Les
relations entre les Etats-Unis et la Russie sont par exemple altérées par le « projet de loi
Magnitski » soumis au Congrès américain. Ce projet, du nom d’un avocat russe anticorruption qui
a été arrêté et a trouvé la mort suite aux tortures qu’il aurait subies en prison, vise à imposer des
sanctions aux fonctionnaires russes soupçonnés d’avoir participé à cette affaire. Le Parlement
européen a adopté une résolution similaire sur la question. Un autre sujet de profond agacement
pour Moscou est le texte de loi américain, connu sous le nom d’amendement Jackson-Vanik, qui,
hérité de la Guerre froide, conditionne les relations commerciales entre les Etats-Unis et la Russie
à la politique de cette dernière en matière de droits de l’homme. D’un autre côté, les dirigeants
russes évoquent eux-mêmes l’influence de la politique des autres pays sur leur situation intérieure,
en faisant régulièrement référence au prétendu rôle de l’Occident, et des Etats-Unis en particulier,
dans l’incitation et l’apport d’un soutien aux rassemblements antigouvernementaux en Russie. Les
déclarations selon lesquelles les manifestants étaient payés par le département d’Etat américain
semblent avoir eu l’effet inverse de celui escompté, à savoir l’amplification du mouvement de
protestation.
5.
L’objectif du présent rapport est de passer en revue les derniers événements survenus en
Russie depuis les élections parlementaires et présidentielle, afin de mieux comprendre les
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2
mutations que ce partenaire important de l’Alliance est en train de connaître et quelles implications
elles pourraient avoir sur la coopération OTAN-Russie. Bien que respectant totalement le droit
souverain de la Russie à décider elle-même de son système politique et de ses orientations, le
rapporteur souhaite vivement que ce pays évolue vers plus d’ouverture, d’intégration, de respect
des droits de l’homme fondamentaux et d’amélioration des procédures électorales.
II.
VLADIMIR POUTINE ET LA « VERTICALE DU POUVOIR »
6.
La présente section a pour but de donner un bref aperçu du système politique mis en place
depuis 10 ans. La centralisation du pouvoir opérée en Russie sous les présidents Poutine et
Medvedev doit être observée sous l’angle de la présidence Eltsine. Les années 90 évoquent pour
de nombreux Russes de mauvais souvenirs : chute de l’empire, conflits perdus, appauvrissement
de la population, ascension des oligarques et augmentation record de la fraude et de la corruption.
Sous le président Eltsine, le peuple russe jouissait d’un niveau de liberté jamais vu auparavant, de
droits civiques et de possibilités nouvelles, mais le bilan démocratique n’était pas parfait : les
méthodes employées pour assurer la réélection du président en 1996 ont été douteuses.
M. Eltsine a commencé son mandat sous les traits d’un courageux et charismatique dirigeant, mais
10 ans plus tard, son impopularité était au plus haut, notamment à cause de sa santé défaillante et
de son style de gouvernance en dents de scie.
7.
Contrairement à d’autres pays d’Europe centrale et orientale, où la transition a coïncidé avec
une libération nationale, en Russie la majorité de la population n’a pas compris ce qui pouvait
justifier ses souffrances lors des douloureuses réformes économiques. La démocratie et le
libéralisme étaient associés à la rigueur économique et à l’injustice. A la fin des années 90, le pays
était mûr pour accueillir quelqu’un comme Vladimir Poutine, c’est-à-dire un homme fort, capable
d’apporter la stabilité et la discipline, fût-ce aux dépens des avancées démocratiques de son
prédécesseur.
8.
M. Poutine a été aux yeux des Russes un bon dirigeant, surtout lors de son premier mandat.
L’économie a été relancée, en partie sous l’effet naturel de l’arrivée à maturité et de la stabilisation
du nouveau système économique mis en place dans les années 90, et en partie grâce au recours
à de nombreux économistes libéraux tels que le Premier ministre Mikhaïl Kasyanov, le conseiller
économique auprès du président Andreï Illarionov, le ministre des Finances Alexeï Kudrin et le
ministre du Développement économique German Gref. Un système d’imposition favorable aux
entreprises a été instauré et des mesures ont été prises pour réduire l’ampleur de « l’économie
parallèle ».
9.
Le problème est que, dans le même temps, M. Poutine a progressivement mis en place une
« verticale du pouvoir », c’est-à-dire une chaîne d’autorité hiérarchique destinée à s’assurer que
toutes les structures du pouvoir lui vouaient loyauté et allégeance. L’influence des économistes
libéraux s’est petit à petit amenuisée, et des membres de l’équipe Poutine à Saint-Pétersbourg et
au service de sécurité de la Fédération de Russie (FSB) ont été nommés à des postes clés :
Dmitri Medvedev (ancien vice-Premier ministre, président de la Russie jusqu’au 6 mai 2012, puis
au-delà de cette date, Premier ministre), Igor Sechin (actuel vice-Premier ministre et prétendu
leader des « siloviki », qui occupent les structures militaires, sécuritaires et policières),
Nikolaï Patrushev (actuel directeur du FSB), Sergueï Ivanov (ancien ministre de la Défense et
actuel chef de l’administration présidentielle) et quelques autres (Roxburgh, 2012).
10. Sous Boris Eltsine, les relations entre le président et le parlement étaient tendues. Il avait été
contraint de faire des compromis, comme par exemple de nommer en 1998 un cabinet de
gauche – dirigé par Yevgeny Primakov – après que son candidat, Viktor Tchernomyrdin, ait été
rejeté à deux reprises par la Douma. Sous Vladimir Poutine, en revanche, le Parlement russe a été
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d’un soutien sans failles au chef de l’Etat, approuvant fidèlement toutes les grandes initiatives
législatives du gouvernement.
11. Le nombre de partis a radicalement baissé dans les années 2000, sous l’effet de
l’augmentation du nombre minimal de membres – porté à 50 000 (puis à 45 000) – dans la moitié
au moins des 83 circonscriptions électorales russes, de l’incitation des partis à fusionner et du
refus d’enregistrer les partis dont les programmes ou les statuts étaient soi-disant en contradiction
avec la Constitution russe. Le 13 avril 2011, la Cour européenne des droits de l’homme de
Strasbourg a vivement critiqué la loi russe sur les partis politiques en la qualifiant de draconienne,
et établi que la dissolution en 2007 du parti républicain, dirigé par Vladimir Ryzhkov, était injustifiée
(Abdullaev, 2011).
12. Suite à ce « remaniement des partis », orchestré, selon l’opposition, par le chef adjoint de
l’administration présidentielle, l’influent Vladislav Surkov (vice-Premier ministre depuis 2011), le
nombre de partis a été ramené à sept, dont quatre représentés à la Douma. Le parti
pro-gouvernemental, Russie unie, jouit d’une confortable majorité à la Douma (deux bons tiers en
2007-2011), et presque tous les gouverneurs de régions s’en réclament. C’est le parti du pouvoir
par excellence, même s’il a essayé ces dernières années de se donner une image idéologique en
adoptant le concept de « conservatisme russe ». Les autres partis représentés au parlement –
Russie juste, le parti démocratique libéral de Vladimir Zhirinovsky et le parti communiste – disent
refléter respectivement les idées sociales-démocrates, nationalistes et communistes.
13. Ce qui a le plus manqué ces dernières années dans le système politique russe est la
présence d’un parti démocrate libéral véritablement indépendant. Le seuil électoral fixé à 7 % a
empêché au seul parti libéral indépendant encore en lice – Yabloko – d’être représenté à la
Douma. Si quelques représentants autonomes de l’opposition libérale – tels que
Vladimir Ryzhkov – ont été élus députés en 2003 grâce au scrutin uninominal existant dans
certaines circonscriptions, lors des élections de 2007 et 2011, ce type de scrutin a été supprimé, et
seules des listes de parti ont pu concourir. Les partis politiques créés par des démocrates comme
Boris Nemtsov, M. Ryzhkov, M. Kasyanov et Garry Kasparov n’ont pas pu se faire enregistrer. Les
radicaux indépendants de droite comme de gauche, dont le controversé Eduard Limonov et son
parti national-bolchevique, n’ont pas réussi non plus à obtenir l’enregistrement de leurs partis. Les
voies parlementaires ordinaires leur étant inaccessibles, ces hommes politiques n’ont eu d’autre
choix que de se lancer dans le « militantisme de rue ».
14. Parallèlement à cette dynamique de construction d’un pouvoir vertical, M. Poutine a aboli en
2004 l’élection directe des gouverneurs de régions. Cette décision a été prise suite aux attaques
terroristes de Beslan, et présentée comme une mesure nécessaire pour lutter contre le terrorisme
en ayant plus de contrôle sur la fiabilité et l’efficacité des administrateurs. L’élection directe des
maires a été, elle aussi, progressivement supprimée. A Moscou, ville connue pour sa diversité et
où le militantisme politique est une tradition de longue date, les techniques électorales ont permis
de s’assurer que les 35 sièges du Parlement municipal soient occupés par 32 représentants de
Russie unie et 3 communistes (Russia Today, 2011).
15. La consolidation du pouvoir opérée par Vladimir Poutine s’est également manifestée par des
actions « coup de poing » à l’encontre des oligarques et des médias leur appartenant. Deux
grandes chaînes de télévision russes – la NTV de Vladimir Gusinsky et l’ORT de Boris
Berezovsky – ont été rachetées par l’Etat. M. Berezovsky (le plus puissant oligarque de la période
Eltsine et une personnalité très influente puisqu’il aurait orchestré l’accession de Poutine aux
fonctions de Premier ministre puis de président) et M. Gusinsky (dont la NTV était saluée pour son
professionnalisme et son indépendance par rapport au Kremlin) ont été contraints de s’exiler à
l’étranger. L’exemple le plus connu est évidemment celui de Mikhail Khodorkovsky, qui était
autrefois l’homme le plus riche de Russie et qui apportait son soutien aux partis d’opposition. Son
cas est devenu le symbole d’une inculpation motivée par des raisons politiques. Alors que sa peine
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de prison arrivait à son terme, un second procès a eu lieu contre lui et, en 2010, sa peine a été
prolongée jusqu’en 2017. M. Khodorkovsky a été déclaré prisonnier d’opinion par Amnesty
International (Amnesty International, 2011).
16. Si de nombreux Russes se sont félicités des actions menées contre les hommes les plus
riches du pays, les opposants à Poutine prétendent que les oligarques d’autrefois ont simplement
été remplacés par d’autres. L’opposition exige notamment des explications sur les raisons de
l’enrichissement considérable de certains hommes d’affaires (tels que M. Timchenko,
M. Kovalchuk et les frères Rotenberg) qui fréquentent personnellement M. Poutine
(Arkadi Rotenberg serait par exemple son partenaire d’entraînement au judo)
(Kramer et Herszenhorn, 2012).
17. Les actions dont sont victimes les médias se reflètent dans « le classement de la liberté de la
presse » élaboré par l’organisation Freedom House : alors qu’elle y était classée dans la catégorie
« Partiellement libre » pendant la période 1994-2002, la Russie a été reléguée dans la catégorie
« Pas libre du tout » pour toutes les années qui ont suivi (2003-2011). Le score obtenu par la
Russie s’est en outre fortement détérioré, passant de 40 en 1994 à 60 en 2002, puis à 81 en 2011,
sachant que sur une échelle de 0 à 100, le score le plus élevé correspond à la liberté de la presse
la plus faible. Toutes les grandes chaînes de télévision du pays présentent les dirigeants sous un
jour favorable. La station de radio très connue Ekho Moskvy passe souvent pour être la seule
source d’informations indépendante ayant une forte influence sur la population, alors qu’en vérité,
sa position est tout aussi fragile du fait que son actionnaire majoritaire est Gazprom (Siruk et
Shevtsova, 2012).
18. L’étape supplémentaire franchie par Vladimir Poutine pour consolider son régime a été
l’adoption en 2005 d’une loi sur les ONG, considérée par ses détracteurs comme un outil visant à
écraser l’opposition politique. Les ONG sont le symbole d’une société civile naissante, et le texte –
qui oblige ces organisations à s’enregistrer, à fournir des informations sur leurs résultats et à
produire des états financiers soumis au contrôle d’une agence spécialisée, au risque d’être
dissoutes – suscite des inquiétudes quant à la liberté démocratique. La loi instaure également un
contrôle strict des sources de financement étrangères des ONG. Depuis son adoption, des milliers
d’ONG ont été harcelées, se sont vues refuser l’enregistrement ou ont été dissoutes (Elder, 2012).
19. La consolidation du pouvoir par M. Poutine a toutefois ses limites et certaines « lignes
rouges » ne sauraient être franchies. Si les « siloviki » peuvent aider à conserver la mainmise sur
le pays, les « libéraux » comme M. Medvedev ou M. Kudrin sont également nécessaires pour
rassurer les partenaires occidentaux de la Russie et mettre en œuvre des réformes économiques,
certes impopulaires, mais indispensables. La nouvelle élite russe a des liens étroits avec
l’Occident, où elle possède des comptes bancaires et des biens immobiliers, va passer ses
vacances et envoie ses enfants étudier. Les dirigeants russes ne peuvent se permettre d’être
classés dans la même catégorie que les chefs d’Etat des Républiques d’Asie centrale ou du
Bélarus. Par ailleurs, selon les observateurs, l’utilisation de méthodes autoritaires et l’absence de
cadre juridique pour l’opposition ainsi que d’échange entre les autorités et le peuple risquent de
créer une situation explosive, voire révolutionnaire. D’un autre côté, la libéralisation du système est
susceptible d’entraîner la perte du pouvoir si des élections démocratiques sont organisées. La
façon dont les dirigeants actuels gèrent ce dilemme déterminera l’avenir de la Russie.
20. De manière générale, la Russie a enregistré ces 12 dernières années toute une série de
progrès importants. Vladimir Poutine a réussi à remettre son pays sur les rails après l’instabilité
des années 90, les obligations financières internationales laissant place à une croissance
économique régulière. Sous ce dernier, le PIB de la Russie a doublé et la croissance a été
particulièrement forte pendant la période de prospérité 2000-2008, au cours de laquelle la hausse
du PIB a été en moyenne de 7 % par an. Bien que la crise financière mondiale ait durement frappé
le pays, le taux de croissance du PIB réel est estimé à 4,8 % pour 2011, ce qui est bien meilleur
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5
que dans la plupart des pays européens. En revanche, pour ce qui est du développement humain
(c’est-à-dire les différents aspects de la qualité de vie), la Russie n’a pas connu de grande
amélioration. Selon l’indice du développement humain de 2011, la Russie se classe au 66e rang
(alors qu’elle occupait en 2002 la 57e place) (PNUD, 2011).
21. Bien que le pays continue de se chercher une place dans le monde – ce qu’il a toujours fait
au cours de l’Histoire – via sa participation à diverses organisations internationales telles que le G8
(et plus récemment l’OMC), M. Poutine lui a redonné la conscience de sa grandeur et un certain
amour-propre. Dans l’esprit du peuple, il est associé à la stabilité, raison pour laquelle il demeure
de loin – malgré les récentes manifestations – l’homme politique le plus populaire en Russie.
22. Le pays n’en est pas moins confronté à d’immenses défis. Le plus grand de tous est
peut-être celui de la corruption, qui est présente presque partout, du secteur public au secteur
privé en passant par la police. Selon l’indice de perception de la corruption publié par
Transparency International pour 2011, la Russie se classe au 143e rang sur 183 pour ce qui est du
degré de corruption perçu dans le secteur public. Les hauts dirigeants connaissent bien l’ampleur
du problème : comme l’a indiqué Dmitri Medvedev, la corruption est « un enjeu systémique, une
menace pour la sécurité nationale, un problème qui engendre la défiance de nos concitoyens dans
la capacité de l’Etat à instaurer l’ordre et à les protéger » (Anders et Kuchins, 2009).
23. Le degré élevé de corruption a créé un climat délétère pour les entreprises, qui entraîne une
importante fuite de capitaux hors de la Russie. M. Poutine lui-même a pointé du doigt ce problème
en indiquant que le Kazakhstan voisin arrivait à la 47e place dans un classement de la Banque
mondiale sur les conditions proposées aux entreprises, alors que la Russie se classe au
120e rang. Ce haut niveau de corruption a également provoqué une vague d’émigration motivée
par « l’injustice » et « l’insécurité » qui règnent dans le pays. Le fait que ceux qui émigrent soient
souvent les plus qualifiés crée une véritable « fuite des cerveaux » qui risque d’aggraver encore
davantage la crise démographique que connaît déjà le pays. Comme on peut le lire dans un article
provocateur du Moscow Times : « Lorsque M Poutine était au pouvoir, la population russe a
diminué de 2,5 %, alors que le nombre de bureaucrates a augmenté de 42 %. » (Latynina, 2011).
24. Pour lutter contre la corruption, les autorités ont recours à des mesures administratives et
punitives. Or, l’opposition affirme que les origines de la corruption se trouvent dans la nature
même de la « verticale du pouvoir », dans la mesure où les fonctionnaires et les bureaucrates sont
responsables uniquement devant leurs supérieurs mais pas devant le peuple, où les tribunaux sont
perméables à la pression politique, et où les médias ne sont pas suffisamment indépendants pour
jouer le rôle de « quatrième pouvoir ».
25.
Une autre difficulté à laquelle le pays doit faire face tient à son type d’économie – fondée
sur l’exploitation des ressources naturelles – et à sa grande dépendance à l’égard du prix du
pétrole. Cette absence de diversification économique est très dangereuse et peut avoir des
conséquences dramatiques sur la croissance. Hormis les preuves avérées d’abondance des
ressources naturelles et de faiblesse de la croissance économique (ce que l’on appelle la
« malédiction des ressources naturelles »), l’économie est très vulnérable aux variations du cours
du pétrole (comme par exemple en 2008, où cela a entraîné une chute du prix du gaz, le lien entre
ces deux ressources étant très étroit). L’abondance des ressources a en outre tendance à
favoriser la corruption et les comportements de cupidité (Anders et Kuchins, 2009). La croissance
économique semble être moins dynamique que durant le premier mandat du président Poutine. De
l’avis de certains experts, avec le prix du pétrole au même niveau qu’au début des années 2000, la
croissance économique en Russie serait catastrophique, signe que l’économie est moins
efficiente.
27. Dans ce contexte économique, les dirigeants russes ont décidé d’accroître massivement le
budget de la défense, ce qui a déclenché les critiques et même la démission de l’une des grandes
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personnalités de la Russie de l’après-Eltsine, à savoir le ministre des Finances et vice-Premier
ministre Alexeï Kudrin, connu pour les politiques financières réfléchies qu’il a menées. C’est lui qui
a été l’instigateur du Fonds de stabilisation ayant permis d’amortir l’impact de la crise financière
mondiale sur le pays. Le Kremlin prévoit d’augmenter le budget militaire de 65 milliards de dollars
à l’horizon 2014, ce qui l’amènera à 3 % du PIB (Nielsen, 2011). Certains se sont dits inquiets de
la faisabilité budgétaire d’une telle décision et du fait que cet argent ne soit pas affecté à d’autres
secteurs tels que l’éducation ou la santé.
28. Un autre problème qu’il convient de citer est la multiplication, ces dix dernières années, des
« catastrophes causées par l’homme », qu’il s’agisse par exemple d’accidents maritimes (le
naufrage en 2011 du bateau fluvial Bulgaria), de crashs d’avions (un Tu-134 en 2011, un Tu-154
en 2010 et un Boeing 737 en 2008) ou d’explosions (la mine de Raspadskaya en 2010). Les
pots-de-vin et le haut degré de corruption ont une part de responsabilité dans ces tragédies, dans
la mesure où le système ne met pas en avant les compétences et où l’argent peut servir à
contourner les règles de sécurité (Latynina, 2011).
29. Même si les dirigeants adoptent des mesures pour compenser la dépendance à l’égard des
ressources naturelles (le Fonds de stabilisation s’est avéré efficace pour gérer les recettes
pétrolières) et créer un climat favorable aux entreprises, il reste encore beaucoup à faire. Tandis
que la modernisation a été le fer de lance de la présidence Medvedev, la récente campagne
électorale de Vladimir Poutine a accordé une place majeure aux investissements dans les
nouvelles technologies et à la réduction de la présence de l’Etat dans les entreprises. Les
détracteurs estiment cependant que pour que la modernisation économique porte ses fruits, elle
doit aller de pair avec une profonde réforme politique.
III.
LE REVEIL RUSSE ?
A.
LE PROCESSUS ELECTORAL
30. On dit souvent que l’élection de la Douma en décembre 2011 s’est jouée entre deux partis :
Russie unie et tous les autres. La popularité de ce parti était clairement sur le déclin, et le fait de le
rebaptiser « Front populaire panrusse » ne lui a pas permis de dépasser le seuil psychologique
important de 50 % des votes (même si le parti a bien obtenu la majorité à la Douma). Les trois
autres partis représentés au parlement ont consolidé leur position aux dépens de Russie unie : le
parti social-démocrate Russie juste s’est particulièrement bien défendu en doublant presque son
nombre de sièges, notamment parce qu’une grande partie de l’électorat libéral pro-européen a
choisi de voter pour lui.
31. Les élections parlementaires de 2011 ont généralement été décrites par les grandes
organisations russes et internationales (OSCE/BIDDH, Conseil de l’Europe, Parlement européen,
Golos – organisation civile russe de surveillance des élections) comme non conformes aux normes
internationales en matière d’élections démocratiques. Dans son rapport final, l’OSCE/BIDDH a
considéré que les conditions pré-électorales – bien que techniquement bien gérées – ne
permettaient pas l’instauration d’une confrontation électorale équitable, dans la mesure où certains
partis politiques s’étaient vus refuser l’enregistrement et où le manque d’indépendance de
l’administration des élections favorisait le parti au pouvoir. Selon ce rapport, « la qualité du
processus s’est considérablement détériorée au cours de l’opération de comptabilisation […]. Des
violations de procédure et des manipulations ont eu lieu. Les observateurs ont également relevé
des cas d’entrave à leurs activités. »
32. L’élection présidentielle du mois de mars 2012 a eu lieu dans une atmosphère complètement
différente car la société civile russe s’était massivement mobilisée et était déterminée à jouer un
rôle. Pour autant, le choix qui était offert à la population russe se limitait aux vétérans de la
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politique : Vladimir Poutine, Genady Zyuganov, Vladimir Zhirinovsky et Sergeï Mironov (selon
certains observateurs, le parti Russie juste aurait pu obtenir beaucoup plus de voix, voire menacer
sérieusement la victoire de M. Poutine, s’il avait choisi la députée Oksana Dmitryeva, très
appréciée du grand public, au lieu de M. Mironov). Le seul visage nouveau de ce scrutin était le
milliardaire Mikhail Prokhorov, qui a proposé un programme libéral tout en refusant de critiquer
sévèrement M. Poutine ou M. Medvedev. Malgré le mépris indéfectible des Russes pour les
oligarques, Prokhorov a obtenu un bon score, en arrivant troisième.
33. Vladimir Poutine a obtenu officiellement 63,64 % des voix et sa victoire a été reconnue
autant par l’opposition russe « systémique » que par la communauté internationale. Des
organisations indépendantes comme Golos et certains leaders de l’opposition « non systémique »
ont eux-mêmes admis que M. Poutine avait gagné les élections, même s’il est possible que le
nombre de voix effectivement obtenues ait été nettement plus faible. Il n’empêche que dans le
camp de l’opposition, certains refusent de reconnaître la légitimité du nouveau président en
invoquant des faits suspects : ainsi, le nombre de citoyens ayant le droit de voter depuis leur
domicile (en raison de leur handicap, par exemple) s’est inexplicablement accru de 1,6 million au
cours des trois mois qui ont séparé les élections parlementaires de l’élection présidentielle. Les
résultats officiels de l’élection paraissent également peu plausibles dans certaines Républiques du
Nord-Caucase comme la Tchétchénie, où le taux de participation ainsi que le pourcentage de voix
en faveur de Poutine avoisinent les 99 %.
34. D’après les conclusions préliminaires de l’OSCE/BIDDH, le déroulement du vote à l’élection
présidentielle était globalement satisfaisant dans 95 % des bureaux visités. Comme déjà
mentionné, la situation s’est considérablement détériorée lors de la comptabilisation des voix. Pour
autant, le véritable problème était que le processus électoral « favorisait un candidat » :
dysfonctionnements dans la procédure d’enregistrement des candidats, couverture médiatique
inégale et partiale et utilisation des ressources de l’Etat en faveur de l’un des candidats.
35. Les autorités ont procédé à quelques améliorations du processus électoral, notamment en
installant des caméras dans l’ensemble des bureaux de vote. Les conditions de travail des
observateurs se sont également améliorées, en particulier à Moscou où, en raison du nombre
élevé de scrutateurs, le vote et la comptabilisation des voix ont été généralement conformes aux
normes européennes (coïncidence ou non, le score de Vladimir Poutine à Moscou était beaucoup
moins important – 46 % – que dans le reste du pays).
B.
LA GENESE DU MOUVEMENT DE PROTESTATION
36. Avant décembre 2011, les rassemblements de l’opposition en Russie étaient rares et peu
suivis. Les libéraux et les radicaux de gauche faisaient régulièrement l’objet d’une interdiction de
se réunir ou de manifester dans le centre de Moscou et, lorsque ces rassemblements avaient lieu,
une unité de police spéciale intervenait pour disperser et arrêter les manifestants en faisant
souvent usage de la force. Quelques personnalités connues, dont le champion mondial d’échec
Garry Kasparov et l’ancien vice-Premier ministre Boris Nemtsov, ont passé plusieurs jours en
prison. L’opposition « non systémique » a cependant été marginalisée et il est clair qu’elle a
bénéficié de peu de soutien parmi la population. Ses leaders ont pendant des années été interdits
de passer sur les grandes chaînes de télévision – la source d’information préférée de la plupart
des Russes.
37. Dans ce contexte, l’ampleur du mouvement de protestation qu’a connu la Russie suite aux
élections parlementaires de décembre 2011 était totalement inattendue, au même titre que le
printemps arabe a pris par surprise la plupart des experts. Avec le recul, on peut dire que le désir
de changement en Russie est allé en s’intensifiant ces dernières années, et qu’il a suffi d’un
déclencheur pour qu’il se transforme en une vague massive de manifestations. Selon les
observateurs, c’est l’annonce, le 24 septembre 2011, par M. Poutine et M. Medvedev de leur
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intention d’intervertir leurs rôles après les élections qui a servi de déclencheur et qui a, sans que
l’on y prête attention, mobilisé les opposants au gouvernement. On sait qu’un grand nombre de
ceux qui se sont ensuite ralliés au mouvement de protestation s’étaient sentis violemment insultés
par cette annonce et l’avaient jugée cynique et irrespectueuse pour les citoyens.
38. Le « réveil russe » est cependant bien différent du « printemps arabe », déclenché
principalement par les exigences socio-économiques d’une population connaissant une croissance
rapide. En Russie, les manifestants étaient issus de la nouvelle classe moyenne vivant en milieu
urbain ; il s’agissait généralement d’individus « jeunes, instruits, férus d’Internet et ayant peu de
souvenir de l’ère soviétique et presque aucun de la peur des Soviets » (Trenin, 2011). Ce sont des
gens qui « ont atteint leur majorité dans un monde offrant des possibilités de réussite
professionnelle », et qui « en sont venus à soutenir des causes, la plupart apolitiques, pour
compenser l’inefficacité du gouvernement » (Lipman et Petrov, 2012). Ces manifestants
représentent l’ensemble du spectre idéologique – depuis les libéraux jusqu’aux ultranationalistes –
et ils sont descendus dans la rue en tant que citoyens, Moscovites, et non en tant que membres de
partis.
39. L’une des particularités des manifestations en Russie est que plusieurs personnalités
publiques – hommes politiques, artistes ou journalistes – ont été à l’avant-garde des mouvements
de protestation, prenant part aux rassemblements et prononçant des discours. Cela a sans doute
contribué à susciter l’intérêt et le soutien des citadins moyens et à les inciter à rejoindre le
mouvement. Les personnalités les plus éminentes sont notamment le militant anticorruption et
gourou de la communauté des bloggeurs Alekseï Navalny, les célèbres écrivains Boris Akunin et
Dmitri Bykov, le journaliste de renom Leonid Parfenov, le leader du légendaire groupe de rock
DDT Yuri Shevchuk, la militante écologiste bien connue Yevgenia Chirikova, et même la « Paris
Hilton russe », Ksenya Sobchak, fille de l’ancien maire de Saint-Pétersbourg Anatoly Sobchak, qui
a aidé Vladimir Poutine à lancer sa carrière politique.
40. Pour ce qui est des hommes politiques, les libéraux « non systémiques » M. Kasyanov,
M. Nemstov et M. Ryzhkov sont ceux qui ont le plus occupé le devant de la scène. Les
nationalistes russes comme Vladimir Tor ont également été entendus. Cela étant, certains
membres des partis représentés au parlement, en particulier de Russie juste, ont également
participé aux rassemblements. L’homme le plus riche de Russie, le multimilliardaire
Mikhail Prokhorov (candidat à l’élection présidentielle du mois de mars) a lui aussi pris part aux
manifestations, de la même manière que l’ancien ministre des Finances M. Kudrin. En tant que
proche de M. Poutine – même s’il est un ardent critique du parti Russie unie – M. Kudrin pourrait
servir d’intermédiaire entre les protestants et les autorités (Trenin, 2011).
41. Internet a été un important facilitateur du mouvement de protestation. Si la télévision reste la
principale source d’information, l’utilisation d’Internet et l’essor des médias sociaux tels que
Facebook, Vkontakte, livejournal et youtube s’accroissent à une vitesse considérable. Selon un
sondage réalisé par le Centre Levada (en hiver et au printemps 2011), 38 à 43 % des personnes
de plus de 18 ans utilisent Internet « régulièrement », un pourcentage multiplié par quatre depuis
la période 2003-2004. L’avocat de 35 ans Alekseï Navalny est peut-être le premier homme
politique qui ait été créé presque exclusivement grâce à Internet. Son site RosPil (un condensé de
« Rossiya » (Russie) et « raspilivat », mot d’argot désignant le partage d’argent volé entre les
fonctionnaires de l’Etat) est consacré à la dénonciation de la corruption au sein de l’Etat. Le fait
que ce site, ainsi que d’autres, aient fait l’objet de plusieurs attaques de pirates informatiques est
peut-être le signe qu’Internet est en train de devenir la nouvelle plate-forme crédible pour l’exercice
de la politique en Russie.
42. Suite aux élections parlementaires de décembre 2011, de nombreuses manifestations ont eu
lieu dans la plupart des grandes villes de Russie. Si la ville de Moscou est celle qui a enregistré le
plus grand nombre de manifestants, d’autres centres urbains comme ceux de Saint-Pétersbourg,
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Ekaterinbourg, Nizhny Novgorod, Kazan et Novossibirsk ont également été le théâtre
d’importantes mobilisations. Des rassemblements de moindre ampleur ont été organisés dans les
jours qui ont suivi les élections, et plusieurs manifestants (dont Alekseï Navalny) ont été arrêtés
par la police. Des manifestations monstres ont ensuite eu lieu les 10 et 24 décembre, ainsi que le
4 février. Les deux dernières auraient mobilisé plus de 100 000 personnes. Après l’élection
présidentielle, le mouvement de protestation a perdu de sa virulence car la légitimité de la
réélection de Vladimir Poutine était beaucoup moins remise en question, y compris au sein de
l’opposition.
43. Les raisons qui ont poussé les gens à manifester étaient initialement une réaction au
présumé trucage des élections parlementaires de décembre, caractérisées par un haut niveau de
fraude. Dans un premier temps, les manifestants ont exigé, entre autres, l’annulation des résultats
électoraux, la démission du chef de la commission électorale centrale, l’organisation de nouvelles
élections et la libération des prisonniers politiques. Par la suite, le mouvement de protestation s’est
amplifié, à la fois numériquement et en termes d’exigences, avec pour unique cri de ralliement
l’opposition au président Poutine et à son parti. L’un des principaux inconvénients des
protestations de masse est qu’elles n’offrent pas de réelle alternative en matière de candidats et
de programme. La cohabitation des libéraux et des ultranationalistes suscite également des doutes
quant à la possibilité de trouver un terrain d’entente pour concevoir un programme alternatif solide
et trouver un leader qui puisse le porter.
C.
LA REPONSE DU GOUVERNEMENT
44. La vague des protestations populaires qui ont eu lieu suite aux élections parlementaires de
2011 a obligé les dirigeants à réagir et à proposer des réformes pour calmer le jeu. M. Poutine et
M. Medvedev ont tous les deux, à des degrés divers, fait des concessions et promis de libéraliser
la politique. Des gestes positifs ont bel et bien eu lieu, comme par exemple la reconnaissance du
problème, l’autorisation d’une plus grande liberté pour les médias et la volonté d’engager le
dialogue avec l’opposition. Les manifestations ont ainsi été montrées à la télévision et les critiques
à l’égard de Poutine ont été entendues sur plusieurs chaînes (Duncan, 2012). Après des années
d’interdiction, les leaders de l’opposition libérale sont apparus sur les grandes chaînes de
télévision.
45. Ces gestes d’ouverture n’ont malheureusement pas été sans revers. La radio indépendante
Echo Moskvy a reçu l’ordre de fermer sa régie. Des remaniements similaires ont eu lieu dans
d’autres médias comme la radio City FM et la télévision NTV (Weaver et Belton, 2012). Des
poursuites financières et juridiques ont été engagées par les autorités contre le journal d’opposition
Novaya Gazeta et la chaîne de télévision indépendante Dozhd. Une série d’arrestations ont
également été opérées à la suite des manifestations, dont celles d’Alekseï Navalny – emprisonné
pendant deux semaines – et de Sergueï Udalstov (du Front de gauche) – qui a également
entrepris une grève de la faim (Balmforth, 2012).
1.
Le train de réformes de Dmitri Medvedev
46. La réponse de Dmitri Medvedev a été rapide et étonnamment radicale. Le président a en
effet proposé une réforme profonde du système politique russe, dont le rétablissement des
élections directes des gouverneurs, la simplification des règles d’enregistrement des partis
politiques (les 45 000 signatures exigées pour qu’un parti puisse s’enregistrer étant ramenées à
seulement 500), la réduction draconienne du nombre de signatures requises pour s’inscrire
comme candidat à l’élection présidentielle (300 000 au lieu de 2 millions), le rétablissement du
scrutin uninominal dans certaines circonscriptions et la création d’une chaîne de télévision
publique indépendante. Plus récemment, juste après l’élection présidentielle, M. Medvedev a
également demandé au procureur général de Russie de vérifier la légalité de la condamnation de
M. Khodorkovsky. Le président a également rencontré des leaders de l’opposition « non
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systémique » pour s’entretenir de la modernisation du système politique national. Il a en outre
présenté comme il se doit des projets de loi s’y rapportant qui devraient être adoptés
prochainement au parlement.
47. Pour les détracteurs, les réformes libérales de Dmitri Medvedev sont soit trop ambitieuses,
soit pas assez. S’agissant par exemple du nombre de membres requis pour enregistrer un parti, ce
nombre a varié d’un extrême à l’autre : le nouveau seuil des 500 membres est incroyablement bas
et entraînera l’apparition d’une myriade de petits partis, ce qui discréditera de manière générale le
système de partis. Les regroupements électoraux ne seront manifestement pas autorisés. Quant à
l’élection directe des gouverneurs, il est possible que ce que l’on appelle le « filtre présidentiel »
soit mis en place – comme l’a laissé entendre M. Poutine – pour empêcher à des indésirables de
présenter leur candidature.
2.
Le programme politique de Vladimir Poutine
48. Lors de sa campagne présidentielle, Vladimir Poutine a exposé dans une série d’articles
publiés dans les grands journaux russes son point de vue sur la politique à adopter pour régler les
problèmes auxquels la Russie est confrontée. Ce fut sa manière de répondre aux manifestants et
de présenter son programme électoral.
49. Comme on le voit dans ces articles, M. Poutine juge sa politique dans le domaine de
l’économie et des affaires étrangères très réussie. Il admet malgré tout qu’il y aura des difficultés,
notamment en ce qui concerne la diversification économique, la modernisation et la mise au point
d’un mécanisme de mobilité sociale. Pour atteindre ces objectifs, des investissements massifs
devront être réalisés dans l’éducation et la recherche-développement, et le climat des affaires –
aujourd’hui très médiocre – devra être rendu plus attractif pour les investisseurs étrangers.
L’allègement de la présence de l’Etat dans l’économie est également au programme, mais le
Premier ministre d’alors a également fait un certain nombre de promesses populistes, comme
l’augmentation des taxes sur les produits de luxe ainsi que des impôts pour les plus riches, de
manière à recueillir des fonds qui permettront d’accroître les retraites et les rémunérations des
enseignants, médecins, anciens combattants et autres catégories sociales. La faisabilité d’une
hausse des salaires pour pratiquement tout le monde en même temps que l’augmentation du
budget de la défense est mise en doute par les détracteurs de M. Poutine. Selon certains experts,
dont Philip Hanson, pour que M. Poutine puisse réaliser les changements qu’il propose, il faudrait
que le prix du pétrole atteigne au moins 130 dollars le baril (Hanson, 2012).
50. Sur le plan de la politique intérieure, M. Poutine a indiqué clairement que la démocratie doit
se développer au sein même de la Russie et ne pas être simplement « calquée sur un modèle
extérieur ». Il a exprimé son soutien au train de réformes politiques de Dmitri Medvedev et a même
suggéré de renforcer les pratiques démocratiques par le biais de l’administration en ligne.
M. Poutine a également fait part de sa volonté d’établir un dialogue avec les leaders de
l’opposition, en notant toutefois qu’ils manquaient de programme clair.
IV.
LES IMPLICATIONS POUR LA POLITIQUE ETRANGERE DE LA RUSSIE
51. Le retour de Vladimir Poutine au Kremlin ne va sans doute pas entraîner de
bouleversements majeurs de la politique étrangère de la Russie. La communauté euro-atlantique
et la Russie vont probablement poursuivre leur coopération sur des questions concrètes d’intérêt
commun, mais elles conserveront des points de vue différents sur certains sujets de portée
régionale et mondiale. Les relations OTAN-Russie ont connu ces dix dernières années des hauts
(le rapprochement consécutif au 9 septembre 2001, le « nouveau départ ») et des bas (la défense
antimissile, la guerre du mois d’août 2008), mais elles n’étaient pas faciles non plus sous la
présidence Eltsine (guerre au Kosovo, élargissement de l’OTAN). On peut, sans se tromper,
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supposer que la Russie du président Poutine continuera d’être pour l’Alliance un partenaire
difficile, mais pragmatique.
52. Les priorités de Vladimir Poutine en ce qui concerne la politique étrangère et de défense ont
été présentées dans les articles publiés avant son élection, ainsi que dans un article paru en
octobre 2011 dans le journal Izvestia, qui traitait spécifiquement du projet de création d’une Union
eurasienne. Selon le président Poutine, les fondements de la politique étrangère de la Russie
doivent être ses propres intérêts nationaux ainsi que le caractère inviolable de la souveraineté de
son Etat. Il a insisté sur l’importance de l’existence d’un mécanisme de décision collective au
niveau mondial et a mis en garde contre la tentation de mettre la Russie devant le fait accompli. Il
faisait là référence à l’OTAN et à ses intentions de déployer un système de défense antimissile en
Europe, en dépit de la ferme opposition de la Russie.
53. Le leader russe promet par ailleurs de redoubler d’efforts pour renforcer le potentiel militaire
de son pays. Il projette d’affecter pas moins de 23 000 milliards de roubles (quelque 800 milliards
de dollars) à l’innovation et la modernisation de l’industrie militaire et de la défense russe au cours
des 10 prochaines années. L’idée est d’équiper toutes les branches de l’armée avec la technologie
militaire la plus récente. M. Poutine a promis qu’il n’abandonnerait en aucun cas la capacité de
dissuasion stratégique de la Russie, et qu’elle serait même renforcée. Il appelle également à un
renforcement des capacités de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), afin qu’elle
serve de « garant de la stabilité en Eurasie ». L’ambassadeur de la Russie auprès de l’OTAN,
Dmitri Rogozin – connu pour ses idées radicales – a été nommé vice-Premier ministre à la défense
et la sécurité.
54. Vladimir Poutine met particulièrement l’accent sur le principe de non-ingérence dans les
affaires intérieures. Il considère que le concept « d’aide humanitaire » est souvent utilisé comme
prétexte par l’Occident pour promouvoir ses intérêts économiques au détriment de ceux de la
Russie, en particulier au Moyen-Orient. Dans cet esprit, il a confirmé sa vive opposition à toute
intervention internationale en Syrie.
55. S’agissant de l’Afghanistan, le leader russe a fait observer que les opérations militaires
dirigées par l’OTAN n’avaient pas réussi à stabiliser le pays et a critiqué l’installation par les
Etats-Unis de bases militaires dans la région sans disposer d’un mandat bien défini. Il est en
revanche favorable à la poursuite de la coopération en matière de lutte antiterroriste.
56. En ce qui concerne l’UE, il insiste sur l’importance de la mise en place le plus tôt possible
d’un système de visa gratuit. Il vante par ailleurs les mérites des relations économiques et
commerciales mais semble toujours préférer les relations bilatérales avec différents pays
européens plutôt que les relations collectives avec l’UE dans son ensemble.
57. Les relations avec ses voisins immédiats restent la priorité numéro un de la Russie. En
octobre 2011, le Premier ministre Poutine a proposé la création d’une Union eurasienne, sur le
modèle affiché de l’Union européenne. L’Union douanière entre la Russie, le Bélarus et le
Kazakhstan est entrée en vigueur le 1er juillet 2011. Six mois après seulement, un Espace
économique commun (EEC) a été instauré entre ces trois pays, avec une législation unifiée et la
libre-circulation des capitaux, des services et de la main-d’œuvre. Vladimir Poutine préconise
l’abolition future des contrôles aux frontières, sur le modèle de l’espace Schengen. Son projet est
de faire de l’Union eurasienne « une puissante organisation supranationale capable de devenir l’un
des piliers du monde moderne et de servir de passerelle entre l’Europe et la dynamique région
Asie-Pacifique ».
58. Poutine refuse toute comparaison entre l’Union eurasienne et l’Union soviétique et fait
observer que la liberté de mouvement de l’EEC est bien différente de l’inscription des citoyens au
registre des domiciles qui était en vigueur du temps de la seconde. Il affirme que l’Union
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eurasienne est un projet ouvert et que d’autres partenaires, en particulier les Etats membres de la
CEI, sont les bienvenus ; il précise toutefois que « l’on ne va ni obliger ni encourager personne » et
que ce sont à ces Etats de décider eux-mêmes d’adhérer au projet en tenant compte de leur
propre intérêt. Il prétend que c’est une « fausse contradiction » pour les pays voisins de se tenir à
l’écart des projets d’intégration de l’espace post-soviétique sous prétexte qu’ils sont
pro-européens, car l’Union eurasienne ne sera en opposition avec personne. Néanmoins,
contrairement à l’Union européenne, elle ne pourra être dirigée que par un pays, la Russie, en
raison de son poids politique, économique, démographique et historique.
59. L’Etat le plus important qui pourrait éventuellement se joindre à la Russie est évidemment
l’Ukraine. Ses relations avec l’Union européenne ayant été gravement ternies par les poursuites
engagées contre l’ex-Premier ministre Iulia Timoshenko, le gouvernement ukrainien pourrait bien
envisager d’adhérer à l’Union douanière. Il est possible que l’action judiciaire menée contre
Mme Timoshenko pousse l’Ukraine à se rallier à la Russie plutôt qu’à l’Union européenne, malgré
les messages répétés du gouvernement de M. Yanukovych, qui rappelle que l’avenir de l’Ukraine
se trouve dans l’intégration européenne.
60. La création d’une Union eurasienne n’est souvent pas prise au sérieux, compte tenu du
nombre de projets de collaboration qui ont déjà été lancés au sein de l’ex-Union soviétique.
Pourtant, selon certains articles de presse, le président Poutine y est très attaché et pourrait en
faire la pièce maîtresse de son troisième mandat. Il pourrait ainsi, plutôt que de faire cavalier seul,
négocier au nom de cette Union eurasienne des accords économiques (comme par exemple la
création d’une « zone de libre-échange de Lisbonne à Vladivostok »), où l’Union européenne serait
théoriquement à égalité.
V.
CONCLUSIONS
61. La Russie connaît indéniablement de profonds bouleversements internes. Le parti Russie
unie a toujours la majorité à la Douma et Vladimir Poutine est de retour au Kremlin, mais les
dirigeants russes ont perdu leur aura d’invincibilité. Le président est de plus en plus perçu comme
un haut fonctionnaire, désigné par le peuple et responsable devant lui, plutôt que comme un père
de la nation tout-puissant. C’est en fait un changement de taille dans le milieu politique russe, qui
est en train de se « normaliser » avec l’émergence d’une certaine dose de compétition, de débat et
d’activité civique. Le développement de la classe moyenne et l’arrivée à maturité de la société
civile sont des évolutions historiques en Russie, dont l’importance est peut-être encore difficile à
appréhender totalement à ce stade.
62. Dans ce contexte, la Russie devra faire face à des défis de taille, en particulier celui de la
modernisation. Le problème persistant de la dépendance à l’égard des exportations de
marchandises et des prix devrait aller en s’intensifiant. Sachant que les deux tiers des exportations
russes et presque la moitié de leurs recettes fédérales dépendent du prix du pétrole, toute
variation de ce prix a une incidence sur l’état actuel des comptes (Aleksashenko, 2012). Si le cours
du pétrole tombe au-dessous des 130 dollars le baril, avertissent de nombreux économistes, les
engagements pris par les dirigeants devant leurs citoyens risquent d’être très difficiles à tenir. Pour
être durable, la modernisation nécessite des changements systémiques et des réformes politiques
comme le renforcement de l’Etat de droit, de la responsabilisation et de la transparence des
institutions publiques, ainsi que des garanties concernant les droits de propriété.
63. D’autre part, la baisse démographique commence à avoir des répercussions sur le bien-être
du pays. Selon l’éminent économiste russe Aleksashenko, l’économie du pays pourrait perdre
jusqu’à 20 % de sa main-d’œuvre au cours des 20 prochaines années. Cette tendance risque de
créer le cercle vicieux suivant : les jeunes et les capitaux fuient à l’étranger, la crise sanitaire et
démographique crée un poids supplémentaire sur la société et la production baisse encore
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davantage. Les dirigeants actuels sont bien conscients du problème : en 2010, le président
Medvedev en avait fait le thème central de son discours annuel à la nation.
64. Résoudre la décroissance démographique par une immigration plus importante n’est pas
réaliste, car il faudrait beaucoup de migrants (un afflux net de 500 000 travailleurs par an est
préconisé pour la période 2012-2025) (Aleksashenko, 2012). D’autre part, le discours nationaliste
et xénophobe gagne clairement du terrain en Russie. S’il est discutable que le nationalisme soit en
train de devenir une force avec laquelle il faut compter (selon les libéraux, la menace nationaliste
est amplifiée par les autorités pour justifier le fait que le régime actuel doit être un rempart contre
l’extrémisme), en revanche le gouvernement et l’opposition essaient bel et bien de s’attirer la
sympathie du mouvement nationaliste (le premier en nommant Rogozin à un poste haut placé, et
la seconde en invitant les nationalistes à se joindre à ses rassemblements).
65. L’avis des experts politiques diverge quant à la façon dont Vladimir Poutine s’y prendra pour
résoudre les problèmes précités. Certains craignent qu’il n’ait recours à des mesures autoritaires,
notamment la répression des manifestations éventuelles et l’intensification de la présence
policière. L’analyste de renom Lilia Shevtsova indique que « le seul changement que l’on risque de
voir de la part de M. Poutine est une évolution vers plus d’autoritarisme » (Shevtsova, 2011).
66. D’autres analystes estiment au contraire que M. Poutine pourrait bien engager une série de
réformes et entamer le dialogue avec l’opposition, de manière à clore sa mandature sur une note
élégante et respectueuse. Ils prédisent que le nouveau cabinet ministériel comprendra des
représentants du front libéral. Vladimir Poutine aura toutefois beaucoup de mal à changer le
système qu’il a lui-même créé en raison des intérêts énormes acquis par son entourage immédiat,
qui fera donc obstacle aux changements.
67. La communauté euro-atlantique respecte la souveraineté de la Russie, et l’intérêt qu’elle
porte aux évolutions qui se produisent dans ce pays ne doit pas être pris pour de l’ingérence. Il est
toutefois important, pour les pays de l’OTAN, que la Russie demeure un partenaire stable et fiable.
Le fait que cette puissance militaire et nucléaire pluriethnique connaisse l’agitation et le chaos
serait le pire scénario qui soit pour la région et pour le monde.
68. Cela étant, il est important de comprendre que, dans le contexte du réveil croissant de la
conscience civique en Russie, un « resserrement de la vis » ne peut qu’entraîner une nouvelle
vague de protestations et de mécontentement parmi la population. Si le pays connaît une
récession économique, à la frustration de la classe moyenne des grandes villes – sensible aux
réformes – pourraient s’ajouter les exigences des masses populaires des provinces, ce qui ferait
peser sur les actuels dirigeants une pression encore plus forte. La libéralisation progressive mais
décisive du système politique – dans une volonté de n’exclure personne – paraît être la seule voie
possible vers une action politique civilisée et une véritable stabilité. Le rapporteur appelle donc de
ses vœux l’instauration d’un dialogue entre tous les grands acteurs politiques russes et se félicite
des efforts accomplis récemment pour démocratiser le système politique. Le dialogue avec la
Russie reste un élément essentiel pour la sécurité euro-atlantique. Il doit donc se poursuivre et
s’accroître. Notre relation avec la Russie doit être constructive, sincère et fondée sur des intérêts
communs, mais la question des valeurs et des principes démocratiques chère à l’Alliance ne doit
pas pour autant être évitée.
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