Appel à communication / Chronos 6 / février 2004 Titre : « Pour une description sémantique unifiée du présent : l’hypothèse isochronique » Résumé : Malgré de régulières mises au point théoriques, le débat sur les valeurs et usages du présent n’est pas clos. Cela tient à plusieurs raisons. Tout d’abord la question générale du temps peut être approchée de diverses façons : selon des modèles référentiels, discursifs ou pragmatiques (pour un exposé critique détaillé, cf. de Saussure, 2003). Mais l’existence de paradigmes interprétatifs différents n’explique pas tout. Même dans le cadre spécifique de la linguistique textuelle ou de l’analyse de discours il existe des divergences d’interprétation massives. Forts du constat que le présent a des valeurs d’emploi pour le moins variées — Serbat (1988) parle à son propos de temps « caméléon » —, les linguistes proposent des explications tout aussi variées. Pour les uns, le présent est une forme temporelle déictique, marque de la coïncidence entre le moment de l’énonciation et le moment du procès. Pour d’autres, le présent est une forme neutre, sans signifié spécifique, et donc capable d’inscrire un procès dans n’importe quelle époque, voire compatible avec une signification non temporelle. Entre ces deux conceptions opposées prennent place quelques tentatives d’explication sémantique unifiante (cf. les articles de S. Mellet, de H. Chuquet et d’A. Jaubert dans les Cahiers Chronos n° 7, 2001). C’est à ces tentatives que j’aimerais apporter ma contribution en développant l’hypothèse d’un repérage isochronique du présent. Empruntant au grammairien Beauzée (1767) la notion de « simultanéité d’existence », je postule que le présent a pour fonction de marquer une contemporanéité entre le moment du procès et un moment de référence posé ou présupposé dans le texte. Cette position théorique permet d’expliquer les emplois considérés d’ordinaire comme « déviants » ou « figuraux » comme, par exemple le présent « historique » ou le présent « pro futuro » au même titre que les emplois réputés « canoniques ». Affecter à tous les emplois du présent le sème commun d’« isochronie » s’inscrit en outre dans le postulat de Guillaume (1929) que sous l’apparente diversités des emplois attestés d’une forme il existe une « identique relativité » aux autres formes. Dans le cadre de la communication, je propose de me centrer sur l’observation d’un corpus de textes d’historiens. Je tenterai de valider l’hypothèse isochronique en analysant les cas de figure suivants : isochronie avec le moment de l’acte de production du discours historique isochronie avec le raconté (ou axe du déroulement diégétique) isochronie avec le racontant (ou axe du déroulement textuel) isochronie avec une référence temporelle tendant à l’infini Appel à communication / Chronos 6 / février 2004 Références bibliographiques : BEAUZEE N. 1767 (1974), Grammaire générale, Stuttgart-Bad Cannstatt, Friedrich Fromann. CHUQUET H. (1994), Linguistique contrastive et traduction. Le présent de narration en anglais et en français, Ophrys. CHUQUET H. (2001), « Présent, discours rapporté et repérage composite dans les textes de presse », Cahiers Chronos, n°7, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 41-60. GUILLAUME G. (1929), Temps et verbe, Paris, Champion. JAUBERT A. (2001), « Entre convention et effet de présence, l’image induite de l’actualité », Cahiers Chronos, n°7, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 61-75. LEDUC J. (1999), Les Historiens et le temps, coll. Points, Seuil. MELLET S. (1980), «Le présent «historique» ou «de narration»», L’Information grammaticale, no 4, 6-11. MELLET S. (2001), « Valeur aspectuelle du présent : un problème de frontière », Cahiers Chronos, n°7, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 27-39. REVAZ F. (1998), « Variétés du présent dans le discours des historiens », Pratiques, n°100, Metz, 43-61. REVAZ F. (2002), « Le présent et le futur « historiques » : des intrus parmi les temps du passé ? », Le Français aujourd’hui, n°139, 87-96. SAUSSURE L. DE (2003), Temps et pertinence. Eléments de pragmatique cognitive du temps, Bruxelles, de boeck.duculot. SERBAT G. (1988), «Le prétendu présent de l’indicatif : une forme non déictique du verbe», L’Information grammaticale, no 38, 32-35. SEYLAZ J.-L. (1983), «Sur le présent narratif : à la recherche d’une définition formelle», Rivista di letterature moderne e comparate, vol. XXXVI, fasc. 3, Pisa, Pacini Editore. VASSANT A. (1995), «Le présent de l’indicatif français dans ses relations temporelles et «aspectuelles» avec l’imparfait et la passé simple», Le Français moderne, no 2, 113-137. VUILLAUME M. (1990), Grammaire temporelle des récits, Paris, Minuit.