Subordination et corrélation en allemand

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Colette CORTES
C.I.E.L. (Université Paris 7)
[email protected]
Subordination et corrélation en allemand
L'application des tests de Oswald Ducrot à un très grand nombre de subordonnées de
l'allemand permet de proposer (C. Cortès 1988) un classement des subordonnées allemandes
dépendant d'une structure verbale en quatre grands types de subordonnées selon leurs
caractéristiques syntaxiques et / ou pragmatico-sémantiques .
Les caractéristiques de chaque type de subordonnée, dont un exemple est proposé plus bas,
sont résumées ci-dessous :
Type 1
Subordonnées dites
complétives
Type 2
Subordonnées dites
circonstancielles, répondant
à une question partielle (tps,
manière, cause, etc.)
Type 3
Subordonnées dites circonstancielles, ne répondant
pas à une question partielle
Type 4
Subordonnées dites incises
Caractéristiques morphologiques du
subordonnant et du corrélat
d≠ ob ≠ wCorrélat possible (es, das)
d≠ w- etc.
Corrélat possible (dann, deshalb...)
d≠ ob ≠ w- ≠ Ø etc. (Si Ø, verbe en
2ème position). Corrélat possible,
homonyme des connecteurs
argumentatifs (doch, so...)
w- Pas de corrélat, mais lien lexical
par le verbe de la subordonnée
Caractéristiques pragmatiques et
syntaxiques de la subordonnée
Subordonnée liée, intégrée à la
valence du verbe principal (fonction
d'actant)
Subordonnée liée, non intégrée à la
valence du verbe principal (fonction
de circonstant)
Subordonnée non liée à visée
argumentative. Nombreux marqueurs
d'assertion (ja auch...)
Subordonnée non liée à visée
commentative ou corrective
Chaque type de subordonnée est caractérisé par :
- la place du verbe (position finale, s'il y a un subordonnant / première position si le
subordonnant est absent)
- le type de subordonnant , ou, s'il y a lieu, l'absence de subordonnant,
- le type de corrélat, ou, s'il y a lieu, l'absence de corrélat,
- la place de la subordonnée dans la phrase,
- la détermination des éléments contenus dans la subordonnée (détermination du sujet, choix
des temps verbaux, aspect, présence de modalisateurs), etc.
Il ressort de cette analyse que chaque type de subordonnée se caractérise comme un ensemble
de marquages complexes et que l'étude du contexte dans son ensemble (y compris de la
macro-structure textuelle) est indispensable pour définir la fonction de la subordonnée.
L'accent sera mis sur quelques phénomènes de corrélations entre principale et subordonnée :
- Avec les subordonnées de type 1 (dites complétives), le corrélat est la trace de l'ancrage
dans le système valenciel du verbe de la principale de la subordonnée, qui est soit thématisée,
soit rhématisée. Il s'agit d'un pronom simple (es, das) lorsque la subordonnée est en fonction
sujet ou objet, ou de la combinaison d'un pronom et d'une préposition (darum, daran.)
lorsque la subordonnée est en fonction d'objet prépositionnel.
(Type 1 : exemple de complétive avec corrélat) In der jetzigen Lage geht es darum, dass unser Land in
einer sehr schwierigen Situation eine handlungsfähige Regierung braucht. S0 1 / 116 (Actuellement, ce
qui importe, c'est que notre pays, qui connaît une situation très difficile, a besoin d'un gouvernement
capable d'agir.)
- Avec les subordonnées de type 2 (dites circonstancielles), le corrélat est la trace de l'ancrage
dans la principale d'un circonstant qui répond à une question partielle (quand, pourquoi,
comment...). Il s'agit encore d'un anaphorique à fonction de circonstant formé d'un élément
pronominal en da- et d'une préposition.
(Type 2 : exemple de circonstancielle avec corrélat) Dustin Hoffman war nicht nur
deshalb beeindruckend in dem Film „Rain Man“, weil er sich so tief in die Rolle eines Autisten versetzen
konnte, sondern weil er tatsächlich schwere Probleme mit der Wahrnehmung von Wirklichkeit hat. S97
4/38 (Dustin Hoffman était impressionnant dans le film "Rain Man" non pas seulement pour cette raison
qu'il a su s'investir si profondément dans le rôle d'un autiste, mais parce qu'il a réellement de gros
problèmes pour percevoir la réalité.)
- Avec les subordonnées de type 3 (qui ne sont pas rangées, dans cette approche, parmi les
circonstancielles mais sont appelées "argumentatives"), la valeur pronominale du corrélat
n'est plus aussi évidente. Les articulateurs que l'on trouve avec les subordonnées de type 3
sont souvent homonymes de connecteurs ou de marqueurs discursifs. Nous nous poserons la
question de savoir quel est leur statut.
(Type 3 : exemple d'argumentative avec un corrélat homonyme d'un connecteur) Ist unser
Planetensystem durch ein Wunder entstanden? Keineswegs. Obwohl wir noch nicht alle Einzelheiten
über seine Entstehung wissen, ist doch klar, dass es in Verbindung mit der Entstehung der Sonne
geschehen ist. S0 52/120 (Notre système planétaire est-il le résultat d'un miracle? Nullement. Bien que
nous connaissions pas encore tous les détails de sa création, il est pourtant évident que cet événement
est en lien avec la naissance du soleil.)
- Enfin avec les subordonnées de type 4 (appelées "commentatives ou correctives"), il n'y a
pas de corrélat. En revanche, on observe que le subordonnant est toujours marqué par le
morphème w-, et qu'il peut être remplacé par le morphème correspondant en d- si et
seulement si la structure hypotaxique fait place à la structure parataxique correspondante (cf.
ici le passage de l'hypotaxe à la parataxe dans la traduction).
(Type 4 : exemple de commentaire nécessairement sans corrélat ni connecteur) : Wenn er brav ist, wofür
alles spricht, wird er, einundsechzigjährig, im Jahr 2015 entlassen. (S'il est bien sage - et tout le laisse à
penser- il sortira de prison en 2015, à l'âge de 61 ans)
Il apparaîtra que les tests proposés par Oswald Ducrot nous renseignent en fait sur l'unité du
complexe <corrélat + subordonnée> pour les subordonnées liées de types 1 et 2, pour
lesquelles le corrélat est à traiter syntaxiquement comme un trace de la subordonnée liée, qui
peut ensuite être thématisée ou rhématisée selon les besoins.
Pour les subordonnées non liées de type 3, les tests de Ducrot nous montrent que nous avons
affaire à une rupture de la construction syntaxique, mais la structure hypotaxique est
néanmoins choisie pour témoigner d'une unité de la démarche sur le plan argumentatif : la
subordonnée (présupposée) apporte un argument pour ou contre une thèse posée et défendue
dans la principale. Ici, le corrélat, homonyme d'un connecteur, ne saurait précéder la
subordonnée : il introduit toujours la principale lorsque la subordonnée est antéposée,
soulignant la manière dont la subordonnée encadre et sous-tend la visée argumentative de la
principale.
Pour les subordonnées non liées de type 4, il n'y a jamais de corrélat, car le commentaire
proposé dans la subordonnée est délibérément présenté comme hétérogène à la principale (ou
aux éléments de la principale qu'il prend pour objet). La forme anaphorique en d-, qui a
donné la matière des corrélats dans toutes les constructions liées, est ici disponible pour
marquer le commentaire parataxique correspondant, en général introduit par le coordonnant
und.
Si les subordonnées de l'allemand ne forment nullement une classe homogène, une fonction
commune correspond néanmoins à ce que nous avons appelé corrélats : ces éléments servent
bien à souligner la jonction entre subordonnée et principale, qu'il s'agisse de renforcer le lien
syntaxique pour les subordonnées de type 1 et 2, ou le lien argumentatif pour les
subordonnées de type 3.
Il reste à s'interroger sur la question de savoir si ces éléments de jonction (ou leurs
homonymes) jouent un rôle identique ou différent dans les structures parataxiques
correspondantes.
Colette Cortès : Subordination et corrélation
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Sur le plan théorique, une comparaison sera faite entre les travaux de Wolfgang Raible
(1992) et Georges Rebuschi (2000) qui proposent tous deux un modèle intégratif de "cojonction généralisée" et nous verrons que, si les résultats de l'étude des corrélats en allemand
confirment bien l'hypothèse d'un continuum de la construction hypotaxique à la construction
parataxique sur le plan pragmatique, ils posent néanmoins un problème difficile pour
l'élaboration d'un traitement syntaxique unifié de phénomènes qui s'étendent sur un très large
éventail, de l'intraphrastique au transphrastique et de la phrase au texte.
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Colette Cortès : Subordination et corrélation
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