vache folle - Cité des Sciences et de l`Industrie

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Vache Folle : La Foire Aux Questions
En relation avec l’exposition “En période de vaches folles”
Sous la responsabilité de Science Actualités
Mise à jour : 31 mai 2001
Ce document se propose de passer en revue divers sujets liés à l'E.S.B. et aux conséquences de cette
maladie des bovins pour la santé publique humaine. Il est présenté sous la forme de réponses à 85
questions, regroupées selon dix thèmes :
En dix thèmes
1. L'E.S.B., maladie de la "vache folle"
2. L'E.S.B. à travers le monde
3. Les tests de dépistage de l'E.S.B.
4. Les voies de transmission
5. Les farines animales
6. La nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob
7. Les mesures de protection de la santé publique
8. Les prions
9. Le mouton et les autres espèces animales
10. Les enseignements (provisoires) de la crise
Dans cette version intégrale, les réponses aux questions posées ont été développées pour constituer
une base solide et fiable d’information.
Les termes écrits en caractères gras concernent des sujets qui renvoient à d'autres questions.
Conseil scientifique : Dominique Dormont
Rédaction : Philippe Dorison
Rédaction en chef : Alain Labouze
Pour approfondir : l’exposition “En période de vaches folles”
Le site Internet de la Cité des Sciences : www.cite-sciences/travail
Vache Folle : La Foire Aux Questions
1. L'E.S.B., maladie de la "vache folle"
Qu'est-ce que c'est ?
Ces initiales désignent l'Encéphalopathie Spongiforme Bovine, une maladie à évolution lente dont
les symptômes peuvent se développer sur une période allant de quelques semaines à plusieurs mois.
Elle s'attaque au système nerveux central des bovins et leur est toujours fatale. Dans certaines
parties du cerveau des animaux atteints, on repère des trous, ou spongioses, qui tirent leur nom de la
ressemblance des tissus malades avec une éponge. Cette maladie appartient à la famille des
E.S.S.T. (Encéphalopathies Subaiguës Spongiformes Transmissibles), tout comme la tremblante
du mouton, apparue au milieu du 18ème siècle.
Comment reconnaître l'E.S.B. ?
Le diagnostic clinique établi par les vétérinaires tient compte de nombreux symptômes possibles,
notamment une certaine anxiété ou agressivité de l'animal, et souvent une sensibilité exacerbée aux
stimulations lumineuses et sonores. Des troubles locomoteurs peuvent aussi apparaître, comme par
exemple l'hypermétrie, l'animal ayant tendance à faire de très grands pas, ou encore à "marcher
comme un cheval". Mais dans certains cas, les symptômes peuvent régresser voire disparaître dans
la phase finale de la maladie. De manière générale, le diagnostic clinique de l'E.S.B. est difficile car
les symptômes et surtout leur enchaînement peuvent varier notablement d'un animal à l'autre. Pour
expliquer cette variabilité, on peut supposer que l'ordre dans lequel les zones cérébrales sont
touchées n'est pas toujours le même, mais ce n'est qu'une hypothèse.
Quoi qu'il en soit, le diagnostic formel ne peut être établi qu'après la mort de l'animal, par
observation de prélèvements réalisés dans le cerveau. La maladie apparaît en moyenne cinq ans
après l’infection, et la mort survient en quelques semaines.
Quelle est l'origine de l'E.S.B. ?
Il n'y a pas de certitude. Une hypothèse est que la tremblante du mouton aurait traversé la barrière
des espèces pour se transmettre aux bovins. C'est la théorie qui a été la plus largement retenue à la
fin des années 80, mais elle n'est pas prouvée. Une autre hypothèse est que l'E.S.B. aurait toujours
existé de façon sporadique et très rare, et qu'elle aurait dégénéré en épizootie par recyclage des
cadavres infectés (ou même d'une seule carcasse !) à travers les farines animales. En effet, des cas
ponctuels de maladies pouvant évoquer l'E.S.B. avaient déjà été observés dans le passé, notamment
un en Haute-Garonne qui avait donné lieu à une publication dans une revue vétérinaire en 1883.
Comment est-elle devenue une épizootie ?
Par l'utilisation des farines de viandes et d'os. Que l'origine vienne d'un mouton ou d'une vache ne
fait à ce sujet pas de différence. Le changement de mode de production de ces farines en Angleterre,
en 1980, a certainement joué un rôle dans ce processus. Conçu pour baisser les coûts de production
et améliorer la qualité des protéines produites, le nouveau procédé s'est accompagné d'un
abaissement des températures de traitement qui aurait permis à l'agent infectieux de se développer
plus largement. Mais en 1999, les conclusions du rapport Phillips laissaient entendre que même
sans ce changement de méthode de fabrication, la maladie aurait pu se diffuser.
Une autre cause importante de l'explosion de cette maladie tient dans le principe même de la
fabrication industrielle des farines animales, qui font intervenir un mélange à grande échelle, aussi
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appelé "poolage". C'est ainsi qu'une petite quantité de matière infectieuse parvient à se disséminer
dans de grands volumes.
Ces techniques de "poolage" avaient déjà été mises en cause lors des affaires du sang contaminé et
de l'hormone de croissance.
Comment s'est produite la contamination en France ?
Elle a eu lieu en deux temps.
Les premiers animaux français infectés avaient été très probablement contaminés par des farines
anglaises, ce qui correspond aux tout premiers cas apparus, entre 91 et 95. Cette contamination
aurait dû s'arrêter aux animaux nés fin 89, lorsque l'importation de farines anglaises a été interdite.
Mais on peut supposer que des importations illicites ont continué, prolongeant ainsi cette première
vague.
Ensuite, il est fort probable que les cadavres d'animaux français malades d'E.S.B. aient été recyclés
dans la fabrication de farines françaises, provoquant la deuxième vague de la maladie en France,
d'autant qu'à cette époque les matières à risque spécifié n'étaient pas retirées du circuit de
fabrication des farines.
Dans la première moitié des années 90, l'E.S.B. apparaissait comme un problème purement anglais,
qui ne touchait la France que de façon anecdotique. Malgré la création dès 1990 d'un réseau de
surveillance passive par les vétérinaires sanitaires, la maladie était en général peu connue et on ne
la prenait peut-être pas suffisamment au sérieux.
Des animaux malades ont donc pu passer inaperçus et participer à l'expansion de l'épizootie.
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2. L'E.S.B. à travers le monde
Quelle est son étendue en France ?
Les graphiques montrent qu'elle est en phase d'expansion et son maximum n'a peut-être pas encore
été atteint. En mai 2001, on recense 315 cas en tout, dont 74 ont été détectés par des tests réalisés
avant l'apparition des signes cliniques, et 19 par les tests systématiques sur les bovins de plus de 30
mois.
Toutefois, il est possible que certains cas soient passés inaperçus, surtout dans la première moitié
des années 90.
Quelle est l'étendue de l'E.S.B. en Europe ?
Le pays le plus touché est évidemment le Royaume-Uni qui, avec plus de 180 000 cas depuis 1985
recense plus de 99% des bovins atteints en Europe. La plupart des autres pays européens sont aussi
atteints, notamment la France, l’Irlande, la Suisse et le Portugal. Jusqu'à la fin de l'an 2000, les deux
seuls pays à avoir lancé des campagnes de dépistage actif par des tests rapides étaient la Suisse et la
France, ce qui a tendance à augmenter le nombre des cas qui y ont été repérés.
Mais début 2001, les tests se sont élargis à l'ensemble de l'Europe et on a vu apparaître des cas en
Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne et Italie. Il faudra donc un certain temps avant de savoir
quelle est l'incidence réelle de la maladie sur l'ensemble de l'Europe.
Seul l'extrême Nord de l'Europe (Suède et Norvège) semble épargné mais ici encore, rien ne peut
être affirmé avant de plus amples études.
Quelle est l'étendue de l'E.S.B. dans le monde ?
A priori, cette maladie semble pour le moment circonscrite à l'Europe, mais il serait imprudent de
l'affirmer avec certitude. En effet, des exportations de bovins et de farines anglaises, allemandes et
françaises ont eu lieu vers de nombreux pays. Mais aucun pays en dehors de l'Europe ne semble
s'être doté de moyens de surveillance comparables.
Y a-t-il des pays épargnés par l'E.S.B. ?
En Europe, probablement pas. Dans le reste du monde, peut-être certains pays comme la Nouvelle
Zélande... Mais il faut être prudent avant de l'affirmer. Par exemple aux États Unis, des encéphalopathies
sont en train d'apparaître chez des animaux sauvages, semble-t-il en assez grand nombre. En parallèle, les
autorités sanitaires américaines ont fait quelques tests pour prouver qu'il n'y avait pas d'E.S.B. sur leur
territoire. Mais la méthode qu'ils ont appliquée aurait probablement échoué à trouver des cas même en
Angleterre au milieu des années 80 !
Le risque de voir apparaître l'E.S.B. en Amérique du Nord n'est pourtant pas nul. En effet, il existe
de la tremblante aux Etats-Unis et le changement de procédé de fabrication des farines anglaises,
incriminée pour son rôle probable dans l'explosion de l'épizootie provenait d'un brevet américain.
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Pourquoi certains pays chercheraient-ils à cacher des cas d’E.S.B. ?
Il est évident que la présence de l'E.S.B. dans un pays est une très mauvaise nouvelle sur le plan
commercial, surtout pour des pays exportateurs de viande et de sous-produits bovins. Parmi ces
sous-produits, l'un d'entre eux a une importance particulière : le sérum de veau fœtal. Il est très
utilisé dans l'industrie pharmaceutique, notamment pour la préparation des vaccins et les
biotechnologies. L'infection de ce produit en cas de maladie d'une vache n'a pas été prouvée mais, à
titre de précaution, seuls les pays réputés exempts d'E.S.B. sont autorisés à en fournir. Il s'agit
notamment de la Nouvelle Zélande, l'Australie, le Canada et les États-Unis.
3. Les tests de dépistage de l'E.S.B.
Deux campagnes de tests s'appliquent en parallèle aux bovins. Elles ont des points communs mais
aussi des différences.
La campagne de tests lancée en 2000 en France
Dans quel but ?
Avant tout, il s'agit d'une démarche de recherche qui vise à mieux connaître l'ampleur de l'E.S.B. en
France. Elle crée un réseau de surveillance active qui vient compléter le réseau de surveillance
passive déjà en place depuis 1990. Ce réseau passif a pour but de rapporter tous les cas d'E.S.B.
repérés par un diagnostic clinique des symptômes de la maladie. Il s'appuie sur un réseau de
vétérinaires coordonnateurs qui, à raison de un par département, sont nommés pour centraliser et
valider toutes les suspicions émises par leurs confrères lors de leurs visites aux éleveurs.
Quelle cible ?
Ces tests s'appliquent aux bovins de plus de 24 mois dits "à risque", ce qui recouvre plusieurs cas de
figure :
- les animaux morts à la pâture ou à la ferme, que la cause de cette mort soit identifiée ou non.
- Les animaux euthanasiés ou abattus d'urgence pour cause de blessure ou de maladie.
Ces tests ne sont donc pas pratiqués de façon aléatoire mais dans les populations bovines les plus
susceptibles de présenter des cas d'E.S.B., de façon à en détecter le plus grand nombre possible.
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Quels moyens ?
Ces tests visent un échantillon de 48 000 bovins sur le territoire français, dont 40 000 sur les trois
régions du Grand Ouest (Bretagne, Basse-Normandie et Pays de Loire, soit 12 départements) et 8
000 sur les autres départements.
Le nombre de tests a été fixé par un calcul statistique en fonction de la prévalence supposée de la
maladie (de 0,1 à 3 pour mille), de l'importance du cheptel bovin (un peu plus de 20 millions de
têtes en France) et de la précision souhaitée pour la mesure.
A ces 48 000 examens sont venus s'ajouter les autres tests pratiqués chez les animaux détruits au
titre du principe de précaution, qui veut que lorsqu'un test est positif tous les autres animaux du
même troupeau soient abattus. Il faut noter que cette mesure complémentaire a été mise en
application quelques semaines après le début de la campagne de tests et que plusieurs centaines de
bovins ont été tués et incinérés sans que leur cerveau ne soit examiné.
Quels résultats ?
Des résultats partiels ont été publiés fin 2000. Ils laissent apparaître une prévalence de la maladie de
2,1 pour mille en moyenne, qui se situe donc dans le haut de la fourchette prévue. Ils permettent
aussi de déterminer des catégories de bovins chez lesquels la présence de la maladie est plus ou
moins fréquente.
Ainsi, la proportion d'animaux positifs atteints est de 4,1 pour mille chez les animaux euthanasiés,
mais n'est que de 1,3 pour mille chez les animaux morts de mort naturelle. Ce taux est aussi variable
selon les années de naissance : 90% des animaux positifs sont nés entre 1993 et 1995.
Ces résultats intermédiaires permettent de dégager des tendances, mais portent encore sur des
effectifs trop faibles pour fournir des certitudes scientifiques. En toute rigueur, ils ne concernent
que les régions étudiées et ne peuvent être étendus à l'ensemble du pays.
Cette première évaluation démontre aussi l'importance de ce nouveau réseau de surveillance active
qui permet de dépister des bovins n'ayant pas encore manifesté des signes cliniques et ne pouvant
donc pas être repérés par le réseau passif.
En guise de conclusion intermédiaire de cette étude, l'AFSSA (Agence française de sécurité
sanitaire des aliments) en tire comme enseignements que les bovins les plus susceptibles de
présenter un danger pour la consommation humaine sont ceux de plus 48 mois et ceux abattus
d'urgence.
Il faut noter que les résultats concernant les animaux des troupeaux dont sont issus les cas, abattus
au titre du principe de précaution, ne sont pas considérés dans ces résultats mais feront l'objet d'une
étude complémentaire.
Au terme de ces études, les données recueillies devraient fournir des arguments scientifiques pour
ou contre l'abatage systématique des troupeaux dans lesquels un animal est atteint.
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Les tests mis en route en Europe en 2001
Dans quel but ?
Leur principal objectif est d'apporter une sécurité accrue au consommateur et de lui redonner
confiance en éliminant de la chaîne alimentaire la plus grande quantité possible de bovins en phase
d'incubation de l'E.S.B.
Ces tests, en s'appliquant graduellement à toute l'Union Européenne, devraient aussi permettre de
faire la lumière sur la situation dans des régions ou des pays demeurés officiellement indemnes
d'E.S.B. de façon quasi miraculeuse.
Ils devraient donc aider à obtenir une photographie plus réaliste de la maladie à l'échelle du
continent.
Quelle cible ?
Ces tests s'appliquent à tous les bovins de plus de 30 mois, au moment où ils sont conduits à
l'abattoir, en l'absence de tout signe de santé défaillante.
Les animaux de cet âge qui pour une raison ou une autre ne subiraient pas ce test devraient donc être
écartés de la consommation et détruits.
Quels moyens ?
La Commission européenne finance une partie de ces tests, à hauteur de 15 euros ( environ 100 FF)
par test, soit environ 20% du prix de revient moyen. Pour le reste, chaque pays doit mettre en place
les moyens complémentaires, y compris sur le plan logistique et en terme de choix des laboratoires
agréés à traiter les prélèvements.
En France, une fois pris le régime de croisière, ce programme devrait représenter jusqu'à 20 000
tests par semaine.
Quels résultats ?
Ce programme est en cours en France, et en phase de démarrage dans certains pays de l'Union
Européenne. Les résultats qu'il pourrait fournir ne sont donc à envisager qu'au conditionnel.
On peut s'attendre à l'apparition de cas encore plus fréquents, notamment dans les zones
géographiques où la maladie ne paraît pas s'être développée jusqu'alors.
Toutefois, ces tests ne pourront pas empêcher certains animaux en phase d'incubation de l'E.S.B.
d'être inclus dans la chaîne alimentaire. En effet, la détection de l'infection n'est possible que dans
les derniers mois du développement de la maladie, qui dure en moyenne 5 ans. Il est donc tout à fait
vraisemblable que certains bovins, notamment âgés de 30 à 40 mois, apparaissent négatifs au test
alors qu'ils sont en période d'incubation mais que l'infection au niveau de leur cerveau n'est pas
encore assez concentrée pour être mesurée. Le degré d'infectiosité de ces animaux devrait
cependant être moins élevé que chez leurs congénères plus âgés et, sous réserve d'un maintien
efficace de la politique de retrait des abats et autres matières à risque, le bilan global de ce dépistage
devrait s'avérer plutôt positif pour la protection de la santé publique.
Un autre résultat espéré et partiellement atteint est le retour de la confiance des consommateurs
envers la viande bovine.
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Autres questions sur les tests de dépistage
Quels sont les tests rapides validés en Europe ?
Le test Biorad a été mis au point par le CEA et développé par la société américaine Biorad France.
Prionics est un test suisse de la société Prionics AG, produit et commercialisé en France par le
laboratoire AES, en Bretagne. C'est celui-ci qui a été choisi pour la campagne d'étude de 48 000
tests démarrée en France mi-2000.
Le test irlandais Enfer (Enfer Technolgy Ltd) est le troisième à être homologué par la Commission
européenne.
Cinq autres tests sont actuellement en cours d'examen, proposés par les organismes suivants :
1. ID-Lelystad, Pays-Bas.
2. Imperial College of Science Technology and Medicine, Royaume-Uni.
3. The Institute of Neurodegenerative Diseases / University of California, San Francisco
(IND/UCSF), États-Unis.
4. PerkinElmer Life Sciences, Royaume-Uni.
5. Prionics AG (ELISA), Suisse.
Et aussi un complément au test CEA France qui pourrait permettre une distinction entre l'E.S.B. et
la tremblante.
Comment ont-ils été choisis ?
La Commission européenne a reçu dix dossiers émanant de producteurs de tests. Les quatre plus
prometteurs sur le papier ont été évalués en vraie grandeur sur une série de 1400 échantillons
provenant d'animaux sains et malades : 1064 échantillons prélevés sur 1000 animaux sains et 336
réalisés à partir d'animaux confirmés atteints par l'E.S.B.
Quelle est la fiabilité de ces tests rapides ?
Trois des quatre tests ont identifié correctement tous les échantillons qui leur étaient présentés "en
aveugle". Le quatrième test a reconnu 70% des animaux malades et 90% des animaux sains. Il n'a
pas été retenu.
Globalement, les tests choisis se sont avérés plus sensibles que ceux employés pour la détection
d'autres maladies comme la brucellose ou la tuberculose, même lorsque ceux-ci sont utilisés dans
les phases avancées de ces maladies.
Des essais de "dilution" ont aussi été menés. Ils consistent à tenter de repérer les particules
infectieuses mélangées à des concentrations de plus en plus faibles avec des tissus sains. Le test
Biorad-CEA a été le plus performant pour cette épreuve en se montrant capable de repérer des
prions dans un cerveau infecté, broyé et dilué à 1%. Le test Prionics avouait ses limites dans ce
domaine à des concentrations environ 10 fois supérieures et les performances du test Enfer se
situaient entre les deux.
Quel est le principe des tests de dépistage de l'E.S.B. ?
Le principe général est l'utilisation d'un anticorps spécifique, capable de réagir à la protéine prion.
A ce niveau, que cette protéine soit la cause réelle de la maladie ou qu'elle n'en soit qu'un marqueur
est de peu d'importance.
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Cette méthode peut subir quelques modifications pour la rendre plus rapide à mettre en œuvre et
faciliter son application en grande série, notamment dans le cas des tests rapides, mais elle reprend
les principes utilisés de manière générale en biochimie pour reconnaître et caractériser les
protéines.
La difficulté, dans le cas de la protéine prion, est de reconnaître la forme pathologique à l’origine de
l’E.S.B. de la forme saine dont tous les mammifères sont porteurs. En effet, les anticorps utilisés ne
sont pas capables de différencier ces deux formes. La solution utilisée consiste à éliminer d'abord
les protéines prions saines de l'échantillon en les attaquant par une enzyme. Cette réaction est celle
qui a lieu naturellement dans l'organisme mais elle ne s'applique pas aux protéines pathologiques,
devenues résistantes à l'élimination. Si des prions infectieux sont présents, ils seront donc les seuls
à ne pas être détruits par l'enzyme et seront alors repérés par l'anticorps.
Les tests rapides sont appliqués à des prélèvements réalisés dans le tronc cérébral et ils fournissent
leurs résultats en quelques heures.
Les particularités de chaque test tiennent en général à l’utilisation d'anticorps spécifiques
différents, chacun pouvant être ensuite observé à sa façon.
Ces tests sont-ils le seul moyen de détecter l'E.S.B. ?
Non, les tests décrits plus haut sont des "tests rapides". Ils ne sont pas considérés comme des
méthodes de référence et doivent ensuite être confirmés par immunohistochimie (examen de
coupes histologiques des cerveaux) ou par "Western-blot".
Dans cette dernière technique, la protéine associée à son anticorps spécifique se déplace par
électrophorèse dans un gel et y laisse une empreinte qui est fonction de sa composition chimique
(principalement de sa masse moléculaire) et lui tient lieu de signature.
Cette technique est utilisée de façon très classique en biochimie. Elle est par exemple pratiquée
pour repérer d'autres protéines spécifiques qui apparaissent dans la maladie d'Alzheimer.
Un des buts de la campagne de 48 000 tests réalisés en France est d'ailleurs de comparer les
résultats du test rapide Prionics retenu avec la méthode plus classique du Western-blot
Il faut remarquer que les tests rapides ne permettent pas de détecter l'infection plus tôt que les autres
méthodes. Simplement, ils sont pour des raisons techniques utilisables en grande série, ce qui n'est
pas le cas des autres méthodes.
Que demander de plus à ces tests ?
Détecter l'infection plus tôt. Pouvoir repérer dès que possible les animaux en incubation pendant
cette longue période qui peut durer jusqu'à 5 ans avant que les symptômes n'apparaissent.
On pourrait envisager de faire des mesures dans les intestins et surtout l'iléon, qui est le premier
organe infecté mais à un niveau trop faible pour être détecté par les moyens actuels. Cette méthode
a déjà donné quelques résultats, mais uniquement dans des cas d'infections expérimentales,
obtenues avec de hautes doses de matière infectante.
Des pistes prometteuses commencent à s'ouvrir dans ce domaine, notamment grâce aux travaux
d'une équipe de chercheurs suisses, qui ont réussi à "amplifier" les prions pathologiques présents
dans certains tissus, de façon à les rendre détectables. La présence de la maladie pourrait ainsi être
confirmée à un stade beaucoup plus précoce de sa période d'incubation.
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Mais l’idéal serait surtout d’arriver à faire des tests chez des animaux vivants, par des prélèvements
non invasifs, par exemple dans le sang ou les urines. Pour l'instant, on ne sait pas le faire.
On pourra peut-être y arriver d'abord chez les moutons, pour un test ante-mortem de la tremblante,
car l'infection se disperse plus largement que chez les bovins et se manifeste aussi en dehors du
système nerveux central.
À terme, on espère disposer d'un test permettant un dépistage massif de tous les bovins vivants et
parvenir ainsi à éradiquer rapidement la maladie.
Une autre voie de recherche concerne la mise au point d'un test permettant de dépister l’infection
chez les humains.
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4. Les voies de transmission
Est-on sûr de connaître toutes les voies de contamination ?
Non, rien n'est certain dans ce domaine.
Si les farines animales ont été clairement identifiées comme le vecteur principal de contamination,
responsables du passage de la maladie à "l'échelle industrielle" et de l'explosion de l'épizootie, rien
ne prouve qu'elles soient seules capables de transmettre la maladie. Il paraît même probable que
d'autres voies existent. Certaines sont évoquées comme la transmission de la vache au veau,
l'infection par les lacto-remplaceurs, la transmission par le sang (ce que les données
épidémiologiques ne confirment pas actuellement).
D'autres voies de contamination sont peut-être encore totalement inconnues. On peut imaginer
qu'elles soient en rapport avec une dissémination des agents infectieux dans l'environnement et on
les regroupe en général sous le terme générique de "troisième voie".
Pourquoi des cas de contamination après l'interdiction des farines animales ?
C'est le débat que relance chaque contamination d'un animal dit NAIF (Né Après l'Interdiction des
Farines).
Les raisons de cette contamination peuvent être multiples : importations frauduleuses,
contaminations accidentelles par des mélanges d'aliments destinés à d'autres animaux.
L'application incomplète ou détournée des mesures légales relatives aux farines animales pourrait
être à l'origine de nombreuses contaminations. Cette constatation soulève le problème récurrent de
l'efficacité de toutes les mesures de précaution, quelles qu'elles soient : ces dernières ne dépendent
pas uniquement de la justesse de la décision réglementaire mais surtout de la qualité de leur
application et de la rigueur des contrôles qui viennent les vérifier.
Mais d'autres types de contamination ont aussi pu se produire, qui n'auraient rien à voir avec les
farines de viande et d'os. À ce sujet, les conjectures sont plus nombreuses que les certitudes. Elles
s'appliquent aussi à la tremblante du mouton. Car bien que cette autre ESST soit connue depuis plus
de deux siècles, on ne pense pas encore avoir identifié toutes les voies par lesquelles elle est
susceptible de se propager.
La vache contamine-t-elle son veau ?
On a pu observer des cas qui laisseraient supposer que des bovins aient été contaminés à leur
naissance ou avant. Mais le peu de cas observés et l'état actuel des recherches ne permettent pas
d'aboutir à des conclusions formelles. En outre, une étude britannique a montré que, dans la
dernière année de la période d’incubation de la mère, il y avait un risque de 5% de transmission de
la mère au veau ; cette transmission ne semble pas s’effectuer in utero.
Cette interrogation est peut-être plus importante qu'il n'y paraît car une transmission en cours de
gestation laisserait supposer un risque sur le sérum fœtal bovin, largement utilisé dans l'industrie
pharmaceutique. À titre de précaution, seuls quelques pays sont autorisés à fournir ce sérum, car ils
sont réputés être totalement exempts de cas d'E.S.B.
Le sang est-il vecteur de contamination ?
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Des expériences faites chez des moutons ont montré que parfois l’E.S.B. pouvait se transmettre par
transfusion de sang total (1 mouton dans une expérience ayant porté sur 19 moutons transfusés).
Ces résultats ouvrent des voies de recherche plus qu'ils n'apportent de certitudes, car dans l'état
actuel de la technique, on n'est pas capable de détecter le prion pathologique dans le sang. Mais il
pourrait donc s'y trouver, en quantité trop faible pour être mesurée mais suffisante pour transmettre
la maladie.
Ce risque de contamination par le sang peut paraître anecdotique dans le cadre des troupeaux de
bovins ou d'ovins car les échanges de sang entre animaux ont bien peu de chance de se produire
sans intervention humaine. Il laisse en revanche planer une menace sur de possibles transmissions
de la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob par transfusion sanguine entre humains.
Ce risque a été évoqué à maintes reprises et il est pris au sérieux.
Les lacto-remplaceurs sont ils contaminants ?
Ces produits sont utilisés comme aliment de complément pour les jeunes bovins en période de
sevrage. Ils sont devenus nécessaires suite à l'utilisation de compléments protéiques dans le régime
alimentaire des vaches. Que ces protéines soient d'origine animale ou végétale, elles sont données
aux laitières pour leur permettre de produire de plus grandes quantités d'un lait beaucoup plus riche
en protéines, ce qui correspond à la demande de l'industrie agroalimentaire. Mais le lait ainsi
enrichi est indigeste pour les veaux et génisses et il les rend malades. D'autre part, les
lacto-remplaceurs bénéficiant de subventions, cela coûte plus cher à un éleveur de laisser un veau
téter sa mère alors qu'il vend le lait que de l'alimenter avec ces produits.
Ces aliments de sevrage sont enrichis de graisses animales ; en théorie, si des graisses d’origine
bovine sont utilisées, il n'est pas impossible qu'ils soient un des vecteurs de transmission de l'E.S.B.
Qu'entend-on par "troisième voie" ?
On regroupe sous ce terme l'ensemble des voies de contamination inconnues à ce jour. Elles
pourraient par exemple être en rapport avec la dissémination de l'agent infectieux dans
l'environnement, qui pourrait devenir responsable d'une contamination par la terre, l'herbe,
pourquoi pas l'eau ? À ce stade, toutes les suppositions sont possibles.
On peut citer à ce sujet des travaux réalisés par Carleton Gajdusek, prix Nobel de médecine pour
ses travaux sur le Kuru. Il a montré que des matières infectées par le prion pathologique et enfouies
dans la terre étaient toujours contaminantes trois ans plus tard.
Toutes ces possibilités concernant la "troisième voie" sont au cœur des inquiétudes qui planent sur
le stockage et l'élimination des farines animales et plus généralement sur le traitement des déchets
issus de la filière bovine.
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5. Les farines animales
De quoi sont faites les farines animales ?
Contrairement à ce que leur nom pourrait laisser penser, ces "farines" n'ont aucun rapport avec le
blé ou d'autres céréales. Ce terme, couramment employé pour les désigner, fait uniquement
référence à l'aspect de ce produit, qui se présente comme une poudre.
De façon générale, les Farines de Viande et d'Os (F.V.O.) sont obtenues à partir de déchets
d'abattoir et d'équarrissage : carcasses d'animaux (bovins, ovins ou autres) dont la viande a été
prélevée, abats et sous-produits non commercialisés pour la consommation humaine.
C'est souvent plus de la moitié du poids d'un animal d'élevage qui doit ainsi être éliminée.
Ces déchets sont broyés et cuits, ce qui réduit déjà considérablement leur volume et leur poids en
éliminant la plus grande partie de l'humidité qu'ils contiennent. La poudre obtenue en fin de cuisson
est un mélange très riche en protéines. Les "recettes" de ces produits peuvent varier selon les
fabricants. Elles sont en général l'objet de brevets et le détail de leur production entre souvent dans
le cadre du secret industriel.
Avant le début des années 80, l'Angleterre utilisait un procédé qui faisait appel à un solvant dans le
but d'éliminer les graisses. Pour se débarrasser de ce solvant, il fallait ensuite porter le mélange à
haute température. Un brevet importé des États-Unis a permis d'éviter cette étape.
Résultat : une économie en solvant, moins de dépenses en énergie et des protéines de meilleure
qualité.
Conséquence annexe : l'apparition de l'épizootie d'E.S.B. quelques années plus tard, très
probablement amplifiée par cette baisse des températures de cuisson.
Aujourd'hui, la plus grande partie des fabricants semble s'être ralliée, sous la pression des pouvoirs
publics, à la norme de cuisson édictée par l'industrie allemande : 133° sous une pression de 3 bars
pendant 20 minutes.
Pourquoi avoir donné des farines animales aux vaches ?
Ces farines n'ont jamais constitué la base de l'alimentation des bovins. Elles ne sont utilisées qu'en
petites quantités, elles-mêmes mélangées à d'autres constituants qui composent les "correcteurs
azotés", apparus au vingtième siècle pour améliorer la rentabilité de l'élevage bovin.
Le but était d'augmenter la production de lait et de renforcer son taux en protéines.
L'élevage intensif demande aux vaches de produire environ deux fois plus de lait qu'elles ne le font
naturellement. Mais pour cela, il leur faudrait consommer de grandes quantités d'herbe ou de
fourrage, que leurs estomacs ne sont pas capables d'ingérer. Il est donc nécessaire de leur fournir un
complément en protéines, qui peuvent être d'origine végétale ou animale. La solution des protéines
animales a été retenue depuis le début du vingtième siècle, elle présentait l'intérêt de régler au
passage un problème d'élimination de déchets encombrants.
Ces pratiques se justifiaient à leurs débuts par le souci de satisfaire les besoins alimentaires de la
population. Aujourd'hui, la menace vient plutôt de la surproduction, ce qui a conduit à instaurer des
quotas. Les compléments protéiques servent maintenant à augmenter la rentabilité des élevages : on
produit autant de lait avec moins d'animaux.
Certains en tout cas s'interrogent : faut-il continuer dans cette voie ?
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Toutes les vaches ont-elles consommé des farines animales ?
Non, une partie importante du cheptel français n'a sans doute jamais consommé de ces farines. Leur
but étant de stimuler la production de lait, elles ont été données aux vaches laitières plutôt qu'aux
animaux de races à viande. C'est probablement pour cela que la majeure partie des cas d'E.S.B.
concerne des vaches laitières (93,3% contre 6,7% de vaches allaitantes). Mais d'autres facteurs
pourraient aussi expliquer cette relative absence d'E.S.B. dans les troupeaux allaitants, notamment
l'abattage plus précoce des animaux élevés pour leur viande.
Pour autant, les troupeaux allaitants ne sont pas totalement indemnes d'E.S.B. et certains éleveurs
ont vu un cas apparaître dans leur cheptel alors qu'ils étaient persuadés de ne jamais avoir utilisé de
farines animales. Ce qui laisse ouvertes les suspicions de mélanges accidentels d'aliments ou
encore de fraudes sur leur composition, sans oublier toutes les autres possibilités de contamination,
connues ou inconnues à ce jour.
Depuis quand met-on en cause les farines animales ?
Dès 1988, les farines animales sont interdites en Grande Bretagne pour l'alimentation des
ruminants. Étonnamment, l'importation de ces farines hautement suspectes reste autorisée en
France pendant encore un an, jusqu'à fin 89. Il faut attendre fin 94 pour que toutes les farines
animales, même françaises, soient interdites aux ruminants français. Ensuite, ces farines continuent
à être produites pour les autres animaux (principalement porcs et volailles). Et c'est en 1996 que les
abats à risques en sont exclus. À partir de ce moment, les deux chaînes de production de farines
animales doivent être séparées, sans risquer de se croiser. D'un côté, les farines destinées à
l'alimentation des animaux non ruminants : elles ne doivent pas contenir de matières à risque
spécifié, ce qui veut dire qu'elles ne sont constituées que de matières dont la consommation est
autorisée même pour les humains. En parallèle, d'autres farines sont produites à partir des déchets
d'équarrissage qui incluent toutes les matières à risque. Elles sont vouées à la destruction et leur
transformation en farines n'est qu'une étape intermédiaire qui vise à les rendre moins encombrantes
et plus faciles à incinérer.
Ces deux filières de production doivent être parfaitement séparées et ne pas cohabiter dans les
mêmes usines.
Qui plus est, des normes sont établies pour la cuisson de ces farines : 133° sous 3 bars pendant 20
minutes. Un traitement qui semble suffisant pour stériliser des matières d'un degré d'infection
moyen.
Toutes ces précautions étant prises, les farines fournies aux porcs et volailles devaient être sûres et
ne devaient même pas présenter de risque pour les bovins si par erreur ils en ingéraient de petites
quantités.
Pourquoi une interdiction totale des farines animales fin 2000 ?
Si toutes les mesures précédentes concernant les farines animales avaient été parfaitement
appliquées, cette interdiction ne se justifierait pas vraiment.
Il est donc possible de voir cette mesure comme un aveu d'impuissance à sécuriser l'utilisation des
farines de viande. Une interdiction totale est probablement plus facile à appliquer et surtout à
contrôler.
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Autre intérêt de cette mesure, à supposer qu'elle soit scrupuleusement suivie : elle pourrait
permettre avec quelques années de recul de vérifier si d'autres causes de contamination ne sont pas
aussi à rechercher ou si cette interdiction permet d'en finir avec le développement de la maladie.
Enfin, si l'on observe le "cercle vicieux" qui préside à la propagation de la maladie, on s'aperçoit
que toutes les mesures envisageables pour tenter d'enrayer cette mécanique avaient déjà été prises.
Cette interdiction apparaissait donc comme la seule mesure possible pour aller plus loin dans la
lutte contre la maladie.
Quoi qu'il en soit, il est très probable que si cette mesure avait été prise une douzaine d'années plus
tôt, elle aurait empêché dans de grandes proportions la diffusion de l'E.S.B. Mais son coût très élevé
aurait-il été accepté par les opinions publiques ? En tous cas, il ne l'a pas été par les décideurs
politiques européens.
Pourquoi avoir tant tardé à prendre cette décision ?
Tout d'abord, on pouvait craindre de se retrouver devant le problème complexe et coûteux de
l'élimination de tous les déchets d'équarrissage. Les sommes annoncées pour régler cette question
se chiffrent en milliards d'euros et si ces mesures sont aujourd'hui acceptées par les gouvernements
et l'opinion publique, c'est parce qu'elles apparaissent comme une précaution sanitaire
indispensable.
D'autre part, les farines animales sont une source de protéines bon marché, particulièrement
précieuses dans des industries à faible rentabilité comme l'élevage porcin. Leur élimination se
traduira nécessairement par une augmentation du coût de production de certaines viandes. A ce
niveau, la libre circulation des marchandises en Europe a rendu plus difficiles les décisions dans ce
domaine, car un pays qui les auraient appliquées seul empêchait ses éleveurs de se retrouver sur un
pied d'égalité avec ses concurrents des autres pays. Et la plupart des pays d'Europe qui s'estimaient
non touchés par l'E.S.B., notamment l'Allemagne, ont pesé de tout leur poids pour empêcher que de
telles mesures ne soient prises.
Les mesures de précaution successives ont-elles été bien appliquées ?
C'est tout le problème et on peut supposer que cette application a souvent été imparfaite, pour de
nombreuses raisons : difficultés techniques, fraudes, manque de zèle, rentabilité...
Difficulté aussi de mettre en place des contrôles fréquents et systématiques pour vérifier le respect
des règlements.
Ainsi, de forts soupçons pèsent sur des importations illégales de farines anglaises après leur
interdiction. Une information judiciaire a été ouverte à ce sujet mais le dossier semble complexe.
De même, le retrait des matières à risque n'est pas toujours facile à réaliser scrupuleusement. Par
exemple, il est bien difficile en abattoir d'éliminer totalement la moelle épinière, du moins tant que
l'on procède à une découpe par le milieu de la colonne vertébrale.
En outre, il n'est pas prouvé que la séparation des filières de fabrication des farines animales ait pu
être mise en place dans les délais prescrits.
Enfin, en cas de manquement à ces règlements ayant conduit à des contaminations, il est quasiment
impossible de l'établir rétrospectivement. La traçabilité des éléments contenus dans les aliments
pour animaux est en pratique impossible à assurer, surtout si dans le cadre d'une enquête, on doit
remonter 4 à 6 ans en arrière pour chercher à savoir ce qui a pu rendre une vache malade.
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6. La nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob
La maladie de Creutzfeld-Jakob, qu'est ce que c'est ?
C'est une maladie du système nerveux central qui a été identifiée au début des années 20. Son issue
est toujours fatale et on peut la classer dans les E.S.S.T.. Elle apparaît chez un peu plus de 1
personne par million et par an. Elle existe sous trois formes.
La forme dite sporadique est la plus fréquente et représente 85 à 90% des cas. Son apparition n'est
expliquée par aucune cause directe et elle touche en général des personnes âgées de plus de 60 ans.
La forme génétique est beaucoup plus rare (10 à 15% des cas) et s'explique par une mutation dans le
gène codant la protéine prion normale.
La forme iatrogène est liée à la contamination par un acte chirurgical ou médical. L'exemple le plus
connu, surtout en France, est la contamination par l'hormone de croissance dite extractive : 76
personnes ont développé la maladie pour cette cause. Pendant une période, cette hormone était
obtenue à partir de cerveaux de personnes décédées et certaines étaient, sans qu’on le sache,
porteuses de l’agent de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Depuis, on a appris à fabriquer cette
hormone par génie génétique.
La nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, qu'est ce que c'est ?
Cette maladie ressemble beaucoup à la maladie de Creutzfeldt-Jakob, mais elle en diffère par un
certain nombre de points qui ont permis de la classer comme une nouvelle maladie. Tout d'abord,
elle est susceptible de toucher des patients beaucoup plus jeunes, parfois même des adolescents, et
elle dure plus longtemps. L'infection se diffuse dans de plus nombreuses parties de l'organisme
(amygdales, appendice,...) que dans le cas de la maladie de Creutzfeld-Jakob où sa présence reste
confinée dans le cerveau.
Mais surtout, l'examen du cerveau laisse apparaître une signature bien particulière sous la forme de
"plaques florides", agrégations particulières de protéines prions pathologiques qui causent la mort
des neurones. Elles forment des plaques amyloïdes comme dans le cas de la maladie d'Alzheimer
mais la protéine qui les compose est différente. Cet examen est le seul qui aujourd'hui permette
d'établir un diagnostic formel mais il ne peut malheureusement être réalisé qu'après la mort du
patient.
Les symptômes peuvent varier d'un patient à l'autre et les premières atteintes sont parfois
confondues avec des problèmes psychologiques susceptibles d'accompagner un état dépressif. En
se développant, la maladie attaque les fonctions cérébrales et empêche le patient de communiquer,
de se mouvoir, de s'alimenter. Le décès survient au bout de 14 mois en moyenne, mais la durée de la
maladie peut parfois dépasser 2 ans. . Avant la déclaration des premiers symptômes, aucune
technique ne permet aujourd'hui de reconnaître une personne en cours d'incubation. En effet,
l'organisme ne développe pas de réponse immunitaire à la maladie, ce qui rend le diagnostic
particulièrement difficile.
Existe-t-il d'autres maladies humaines voisines ?
La plus connue est le Kuru, qui a tué environ 2000 personnes chez les Foré, en Papouasie Nouvelle
Guinée, dans les années 50. Elle a été étudiée par Carleton Gajdusek qui a reçu un prix Nobel en
1976 pour ces travaux. Il a prouvé que cette maladie était liée à des rites funéraires intégrant des
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pratiques cannibales au cours desquelles notamment le cerveau était consommé. Aucun Foré né
après 1959, année d'interdiction de ces rites, n'a développé la maladie.
Quels enseignements a apporté l'étude du Kuru ?
Les études de Carleton Gajdusek ont mis en évidence la présence d'un "agent transmissible non
conventionnel", que l'on pensait alors être un virus à incubation lente. Elles ont permis de repérer le
mode de transmission de cet agent par voie orale. Globalement, elles ont apporté des connaissances
fort utiles dans l'étude actuelle des maladies à prions. Aujourd'hui encore, l'étude du Kuru fournit
des enseignements, notamment sur la durée possible d'incubation de la maladie. Certains patients
ont mis plus de 40 ans à la déclarer.
Est-on sûr que l'E.S.B. est bien la cause de la nouvelle variante de la maladie de
Creutzfeldt-Jakob ?
La seule certitude absolue ne serait obtenue qu'en infectant volontairement des humains. Mais cette
forte présomption s'appuie sur un faisceau de preuves que personne apparemment ne remet en
cause. Par exemple, des souris infectées par des patients ayant développé la nv-MCJ et par des
vaches ayant eu l'E.S.B. développent exactement la même maladie. La même expérience réalisée
chez des primates a fourni les mêmes conclusions, mais s'est déroulée sur un temps beaucoup plus
long.
Cette maladie est-elle contagieuse ?
Elle n’est pas contagieuse, mais transmissible, ce qui est tout à fait différent. On peut vivre des
années de manière très proche avec une personne infectée sans aucun risque d'être soi-même
contaminé. En dehors des pratiques cannibales responsables de l'épidémie de Kuru, la transmission
peut se faire par contact du système nerveux avec des éléments infectés. Ce peut par exemple être le
cas lors d'actes chirurgicaux où un instrument aurait touché une zone infectée et aurait ensuite été
utilisé chez un autre patient.
La transfusion sanguine présente-t-elle des risques ?
Aucune des études faites dans le cas de la maladie de Creutzfeldt-Jakob classique n’a conclu à un
risque transfusionnel ; en revanche, les expériences visant à rechercher la présence de l’agent
infectieux dans le sang des patients atteints de la nouvelle variante de la maladie de
Creutzfeldt-Jakob sont en cours, ce qui fait qu’il est trop tôt pour conclure à l’absence de risque
transfusionnel.
A titre de précaution certains pays ont décidé de retirer de la liste des donneurs de sang les
personnes ayant effectué un séjour prolongé dans des pays à forte incidence d'E.S.B., notamment au
Royaume Uni ou en France.
Ce risque lié à la transfusion est difficile à évaluer, car les personnes qui pourraient être en
incubation de la maladie sont impossibles à reconnaître. En revanche, le fait d'exclure de trop
nombreux donneurs de sang par une application extrême du principe de précaution ferait courir un
autre risque sanitaire par manque de sang dans les hôpitaux.
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Chez combien de patients a été diagnostiquée la nv-MCJ ?
Au 31 août 2001, 106 cas ont été recensés au Royaume-Uni, dont 2 décès en attente de confirmation
et 5 patients vivants. On compte aussi de façon certaine un décès en Irlande, et trois en France,
auxquels il convient d'ajouter un quatrième cas français, probable mais non encore confirmé.
Combien de personnes mourront de la nv-MCJ ?
Impossible de le prédire, surtout en France où le nombre de cas déclarés est trop faible pour servir
de base à une étude épidémiologique. Les projections anglaises ne sont guère plus précises :
l'incertitude sur la durée d'incubation de la maladie a conduit à explorer 5 millions de scénarios
différents. Au final la fourchette est très large. Elle fait état d'un maximum de 136 000 cas au total
sur le prochain siècle pour des durées d'incubation qui se rapprochent de l'espérance de vie
humaine. Mais en tablant sur une durée d'incubation moyenne de 30 ans, l'extension probable de
l'épidémie redescend à 6000 cas.
A quel risque a été exposé le consommateur français ?
Il est difficile de l'évaluer avec précision, mais sa majeure partie vient probablement des
importations d'abats britanniques de 1988 à 1994. Ces importations étaient inférieures à 400 tonnes
par an jusqu'en 1987 et elles ont décuplé en 1988. Elles ont continué à augmenter régulièrement
pour atteindre plus de 8000 tonnes par an en 1993 et 1994. Ces années correspondent au plus grand
nombre de cas d'E.S.B. au Royaume Uni. Les importations concernent des abats à haut risque
d'infection, dont la consommation était interdite Outre Manche. La façon dont ces abats ont pu être
consommés en France ne peut pas être connue avec précision, mais on peut supposer qu'ils ont été
intégrés à des préparations à base de viande comme des steaks hachés, certaines sauces, des
raviolis, etc.
Quelle est la durée d'incubation ?
On ne sait pas. La seule manière d'en avoir une idée sera sans doute la surveillance épidémiologique
mais ses résultats ne donneront probablement pas de réponse précise avant au moins une vingtaine
d'années. En attendant, les projections épidémiologiques réalisées par des bio-mathématiciens
britanniques prennent pour hypothèse des durées d'incubation moyennes pouvant dépasser 60 ans.
Quel est le seuil d'infectiosité du prion pathologique chez l'homme ?
On ne sait pas. On suppose qu'il est très faible. Ici encore, la seule manière de le mesurer serait
d'infecter volontairement des humains ! A titre de comparaison, on sait qu'un gramme de cervelle
infectée suffit à contaminer un bovin. On pourrait supposer qu'il en faut une quantité plus grande
pour contaminer un homme car la maladie doit dans ce cas franchir la barrière d'espèce. Mais cela
n'est absolument pas prouvé.
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Sommes-nous tous égaux devant cette maladie ?
Tous les cas apparus jusqu'à maintenant concernent des individus qui ont une caractéristique
génétique commune. Cette caractéristique est d'ailleurs assez répandue car elle concerne 40% de la
population. Mais il est probable que le fait de ne pas avoir ce caractère ne rend pas insensible à la
maladie. Cela pourrait simplement allonger la période d'incubation. C'est en tout cas ce qui a été
observé dans le cas de la MCJ iatrogène, liée à l'injection d'hormone de croissance extractive
contaminée.
On peut aussi se poser la question des habitudes alimentaires : les personnes touchées par la
maladie sont-elles, par exemple, de gros mangeurs de viande ? Une étude épidémiologique a été
faite dans ce sens en Grande Bretagne, mais elle n'a pas livré de conclusions probantes et il n'a pas
été possible de faire un lien entre pratiques alimentaires et risque de développer cette maladie.
Peut-on soigner la maladie de Creutzfeldt-Jakob ?
La maladie de Creutzfledt-Jakob, sous toutes ses formes, a toujours été considérée comme
incurable. L'année 2001 apporte toutefois certains espoirs d'approches thérapeutiques qui restent à
confirmer.
Dans un premier temps le prix Nobel Stanley Prusiner a proposé l'utilisation conjointe de deux
médicaments déjà existants : un anti-paludéen (la quinacrine) et un anti-psychotique (la
chlorpromazine). Ces deux composés, déjà présents sur le marché, présentent donc l'avantage
notable de pouvoir être utilisés immédiatement. Administrés à deux patientes atteintes de la
nv-MCJ, ils auraient produit des effets encourageants. De nombreuses questions restent en suspens
sur leur réelle efficacité contre cette maladie mais ils indiquent une direction de recherche qui ne
demande qu'à être poursuivie.
Dans un autre domaine, l'équipe dirigée par les Prs. Aguzzi et Heppner de l'Université de Zurich a
publié des travaux prometteurs sur la production d'anticorps qui s'attaqueraient aux prions
pathologiques sans réagir avec les prions normaux. Des recherches qui demanderont encore
probablement de longs développements avant de pouvoir donner lieu à une application mais qui
laissent supposer que le système immunitaire pourrait, par une stimulation adéquate, apprendre un
jour à se défendre contre les prions.
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7. Les mesures de protection de la santé publique
L'embargo sur le bœuf britannique se justifie-t-il encore ?
Malgré le nombre encore important de vaches malades au Royaume Uni, il n'est pas prouvé que la
viande consommée en Angleterre soit aujourd'hui plus "dangereuse" que celle consommée en
France. Mais ici encore, les certitudes scientifiques sont difficiles à acquérir.
Ainsi, dans un rapport de novembre 1999, le Comité Scientifique Directeur Européen avouait ne
pas pouvoir trancher entre deux options.
- soit considérer que les conditions proposées par le Royaume Uni pour reprendre ses
exportations de viande désossée (*) étaient satisfaisantes et qu'aucune preuve que ces viandes
puissent présenter un risque à la consommation ne pouvait être avancée
- soit repousser de 12 à 24 mois la décision concernant la levée de l'embargo, afin de recueillir
des données supplémentaires.
Presque un an plus tard, en septembre 2000, le comité concluait que rien ne prouvait que la
consommation de carcasses entières de veaux britanniques, abattus entre 6 et 9 mois, puisse
représenter un risque.
De nouveaux avis seront probablement rendus après la publication d'études en cours en
Grande-Bretagne, qui visent à éclaircir certains points sur l'état actuel de la maladie dans le cheptel
britannique.
(*) Quelques-unes unes de ces conditions : les bovins dont la viande serait éligible à l'exportation
doivent être âgés de moins de 30 mois et nés dans des exploitations épargnées par l'E.S.B. depuis
plusieurs années. Leur mère doit avoir survécu au moins 6 mois après leur naissance sans présenter
de signes d'E.S.B. Et bien évidemment, les matières à risque spécifié doivent être scrupuleusement
écartées.
Que sont les MRS (Matières à Risque Spécifié) ?
Ce sont les parties de l'organisme d'un animal appartenant à une espèce susceptible d'être touchée,
et dans lesquelles on a pu détecter une infection par le prion à un stade ou un autre de la maladie.
Elles comprennent notamment le cerveau, la moelle épinière, les yeux, les intestins et surtout leur
extrémité (l'iléon) ainsi que la rate et le thymus. La liste de ces matières, qui doivent
impérativement être éliminées, évolue constamment au fur et à mesure des avancées de la science.
Ainsi, bien que la moelle des os (à ne pas confondre avec la moelle épinière) ne soit pas considérée
comme infectieuse, il est question d'interdire prochainement tous les os de bovins dans la
préparation des gélatines alimentaires. L'objectif de cette mesure n'est pas d'écarter la moelle
osseuse, mais les vertèbres : elles pourraient être contaminées par des tissus nerveux proches.
En revanche, aucun changement n'est prévu dans la fabrication des produits cosmétiques qui
utilisent des graisses bovines purifiées. Ces filières de préparation ne semblent pas poser de
problème.
Autre partie du bœuf qui a suscité certaines inquiétudes : la côte à l'os, morceau proche de la moelle
épinière. Ce problème pourrait être résolu en changeant la technique de découpe dès l'abattoir.
Quant au lait et au muscle (viande rouge), ils sont supposés être sans danger pour la consommation.
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Un doute sur l'innocuité de la viande rouge est fréquemment évoqué, du fait que les muscles
contiennent des tissus nerveux qui seraient donc susceptibles de véhiculer l'infection. De plus, on
ne sait pas si la non-détection du prion dans la viande et le lait prouve son absence ou le manque de
sensibilité des tests. Et au cas où le prion y serait présent à faible concentration, on ne sait pas si
cette quantité risquerait d'infecter les humains. A priori, les scientifiques estiment que non.
En tout cas, les tentatives de contamination d'animaux de laboratoires par des injections de broyats
de muscle n'ont jamais permis d'observer le développement de la maladie.
Est-on certain d'écarter les vaches malades de l'alimentation humaine ?
Non, et c'est pourquoi les abats à risque ont dû être retirés. On estime à environ 750 000 le nombre
de vaches malades qui auraient été consommées au Royaume Uni. Un chercheur anglais a évalué à
une centaine le nombre de vaches en incubation qui auraient pu entrer dans la chaîne alimentaire en
France au cours de l'an 2000.
L'abattage systématique est-il justifié scientifiquement ?
C'est surtout une mesure qui vise à rassurer le consommateur et qui a été décrétée à une période où
le nombre de cas d'E.S.B. en France était très faible. Peu de données scientifiques existent pour
justifier ou disqualifier ce principe.
On a pu observer qu'au Royaume-Uni, où l'abattage systématique n'a pas été pratiqué, on a compté
en moyenne quatre vaches atteintes par ferme, et jusqu'à 50 dans certains cas. Les deux tiers des
troupeaux anglais ont connu plus d'un cas d'E.S.B., ce qui peut paraître logique dans le sens où
toutes les vaches d'un même troupeau ont probablement consommé les mêmes aliments. Ces
constatations abondent en faveur de l'abattage total, mais l'épizootie a atteint de tels sommets en
Grande-Bretagne que la comparaison avec d'autres pays est difficile. A contrario, les études faites
en Suisse laissent supposer que dans un troupeau dont une vache est atteinte, les autres animaux qui
risquent de l'être font partie de la même cohorte de naissance (même âge plus ou moins un an), ce
qui est un argument en faveur de l'abattage sélectif. Mais ces études portent sur un trop petit nombre
de cas pour permettre d'en tirer des conclusions à l'échelle d'un pays comme la France.
Les résultats complets de la campagne de 48 000 tests devraient à cet égard fournir des données
plus complètes et surtout adaptées à la situation française. D'autant que, quelques semaines après le
début de cette étude, il a été décidé de tester également tous les animaux ainsi abattus au titre du
principe de précaution.
Cette décision a été prise sous la pression des éleveurs qui tenaient à connaître le statut par rapport
à l'E.S.B. de leurs troupeaux détruits. Elle n'a malheureusement pas concerné les premiers cheptels
abattus.
Pourquoi tant de difficultés à harmoniser les décisions en Europe ?
L'Union Européenne n'a pas été créée pour gérer des risques sanitaires mais pour faciliter les
échanges commerciaux. Tout ce qui risque de contrarier ou de déséquilibrer ces échanges est donc
extrêmement difficile à aborder dans ces structures. Ainsi, plusieurs pays dont l'Allemagne se sont
longtemps opposés à un moratoire généralisé sur les farines animales car, s'estimant exempts
d'E.S.B., ils refusaient de se priver de cette source de protéines à bon marché. De plus, l'ouverture
du marché unique début 93 a rendu beaucoup plus difficiles les contrôles d'importations et
d'exportations. Ce qui implique que, pour être efficaces, de telles mesures doivent être prises à
Cité des Sciences et de l'Industrie.
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l'échelle de l'Europe. Mais ce n'est pas la vocation de la Commission Européenne, et on en revient
au début du paragraphe...
Les scientifiques peuvent-ils aider à prendre les bonnes décisions ?
Plus ou moins... Leur avis est uniquement consultatif et les retombées des mesures qu'ils peuvent
préconiser dépendent énormément de la qualité de leur application, ce qu'ils ne peuvent absolument
pas maîtriser.
En revanche, il est aujourd'hui bien difficile aux hommes politiques de prendre des décisions dans
de tels domaines sans la caution d'experts. Mais les données scientifiques ne sont en général pas le
seul paramètre retenu par les décideurs qui font aussi entrer en ligne de compte des données
économiques et politiques.
Finalement, la gestion du risque et la communication vers le public sont entre les mains des seuls
décideurs politiques.
Le public a-t-il été correctement informé sur ces questions ?
Non, et les éleveurs non plus. D'abord le sujet est complexe, il touche des maladies mal connues,
pour lesquelles il y a beaucoup de points d'interrogation. D'autre part, les communications des
scientifiques sont illisibles par le grand public dans leur forme d'origine. Il faudrait un effort de
communication pour les "traduire" et les diffuser, y compris vers la presse. Les scientifiques ne sont
pas formés à ce travail et les politiques préfèrent souvent "filtrer" les informations pour ne pas créer
de panique. Avec un effet boomerang que l'on a pu mesurer à l'automne 2000, où l'angoisse du
public était grandement alimentée par le manque de compréhension.
Toutes les précautions ont-elles été prises à temps ?
Probablement pas. Il y a eu des temps de retard. Et surtout un certain laxisme dans leur application.
Mais peut-être certaines des décisions prises n'étaient-elles pas applicables dans la pratique. À ce
sujet, on peut se référer au rapport Phillips qui étudie de façon approfondie la gestion de cette crise
au Royaume-Uni. En France, une enquête connue sous le nom de rapport Mattéi a fait un travail
similaire, axé surtout sur les suspicions de fraudes et d'importations illicites. On peut aussi citer le
rapport du Sénat, paru en mai 2001, qui ravive la polémique sur l'interdiction tardice des farines
animales.
En outre, un certain nombre d'enquêtes judiciaires sont en cours.
La traçabilité est-elle une vraie garantie ?
Dans certains cas, elle peut apporter une sécurité, mais elle ne résout pas tout. D'abord, elle n'est pas
pratiquée dans tous les pays, ce qui pose problème dans un marché ouvert. D'autre part, un certain
nombre de produits composés et transformés y échappent totalement. Ici encore les techniques de
mélange et de répartition utilisées par l'industrie sont en cause. Et bien sûr, ce sont dans ces produits
que risquent de se trouver des tissus potentiellement infectés, parfois tout simplement par
négligence ou manque de zèle.
Quel est l'enjeu des précautions prises face à la nv-MCJ ?
Le coût des mesures prises peut paraître disproportionné par rapport au risque sanitaire. Le principe
de précaution tel qu'il est mis en œuvre ici pose question, surtout si l'on pense que les personnes qui
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développeront la nv-MCJ sont déjà infectées. On peut donc se demander si plutôt que la santé
publique on ne cherche pas à protéger ici :
1) les décideurs politiques qui redoutent un nouveau scandale comparable à celui du sang
contaminé.
2) l'avenir économique de la filière bovine.
Évidemment, il ne peut y avoir de réponses simples à ces questions.
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8. Les prions
Qu'est-ce qu'un prion ?
C'est, en théorie, une protéine qui existe à la surface des cellules et dont le rôle, probablement lié à
la communication entre les cellules, n'est pas bien connu. Cette protéine est facilement éliminée par
l'organisme dans son état normal mais chez les malades elle devient très résistante et n'est plus
détruite par les enzymes qui se chargent naturellement de son "recyclage". Elle s'agrège alors par
paquets de 10 000 à 100 000 unités environ qui causent la mort des neurones. Le mot "prion" dérive
de l'abréviation de "protéine infectieuse".
Est-on capable d'observer les prions ?
Non. Leur taille rend leur observation directe quasiment impossible. A ce jour, seule la structure
cristallographique d'un prion de levure (très différent des prions de mammifères à l’origine des
E.S.S.T.) a pu être observée dans un cyclotron (accélérateur de particules). Mais cette expérience ne
semble pas avoir été menée sur des prions humains, qu'ils soient sains ou pathologiques.
Le prion est-il la cause ou une conséquence de la maladie ?
Il y a plusieurs théories mais celle de l'Américain Stanley Prusiner, qui a obtenu le prix Nobel en
1997 pour ces travaux, est la plus largement admise aujourd'hui. Elle considère que le prion
pathologique est l'agent infectieux, que cette protéine est à elle seule la cause de la maladie, sans
avoir besoin de recourir à la participation d'un virus ou autre micro-organisme. Cette approche est
tout à fait révolutionnaire car elle vient en contradiction de tout ce qui était connu jusqu'alors en
biologie.
Toutefois, malgré la solidité de ce modèle et son acceptation généralisée, aucune preuve définitive
n'est venue l'étayer. Et certaines équipes de chercheurs continuent à penser qu'il existe un autre
agent infectieux qui n'a pas été découvert, le prion n'étant qu'un marqueur de la maladie.
La majorité de la communauté scientifique ne partage pas cette hypothèse car, de manière générale,
on considère que la biologie est aujourd’hui très efficace pour déceler les virus, quand ils sont
présents.
Comment un prion devient-il pathologique ?
On ne sait pas très bien. La différence entre un prion normal et un prion pathologique tient très
probablement à leur forme dans l'espace, à la façon dont les acides aminés qui les constituent (et qui
sont exactement les mêmes pour les deux prions) sont repliés dans l’espace. Il semble qu'un prion
mal conformé soit capable de transmettre ce défaut de structure à d'autres prions sains, les poussant
à changer de forme. Mais les détails de la réaction restent obscurs. On suppose que d'autres
éléments entrent en jeu dans ce mécanisme, sans vraiment savoir lesquels.
Comment les prions pathologiques arrivent-ils jusqu'au système nerveux central ?
Le chemin emprunté par les agents infectieux pour se diriger vers le cerveau n'est pas parfaitement
élucidé et sa description demeure en partie du domaine de l'hypothèse.
Dans un premier temps, les particules infectieuses entrent dans le tube digestif. Les protéines
pathologiques étant devenues résistantes et s'étant agrégées en paquets, elles ne peuvent pas être
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détruites au cours de la digestion comme le seraient les protéines saines. On pense que ces protéines
se "répliquent" dans les tissus lymphoïdes associés au tube digestif, c'est à dire qu'elles y propagent
l'infection et y transforment des protéines saines en prions pathologiques. Ces protéines mal
conformées remontent ensuite par les nerfs vers le système nerveux central où l'infection continue à
se propager et cause la mort des neurones.
Connaît-on la structure dans l'espace des prions humains ?
Depuis 1996, on connaît celle de la protéine prion normale, composée notamment de trois hélices.
Mais on ne connaît pas avec certitude la forme du prion pathologique. On suppose qu'au moins une
des hélices a été remplacée par des feuillets plissés. On suppose aussi qu'il pourrait y avoir plusieurs
repliements différents de la protéine pathologique, ce qui expliquerait la présence de plusieurs
"souches" de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Pourquoi chercher à découvrir la structure dans l'espace du prion pathologique ?
Ce serait un grand pas en avant pour la recherche. En mettant en évidence cette ou ces structures
anormales, on aurait une meilleure idée du mécanisme moléculaire qui préside à leur apparition. En
sachant à quel niveau de la molécule se produit ce mauvais repliement, on pourrait même espérer
trouver un moyen de le corriger ou d'empêcher la transformation.
Pourquoi si peu de résultats concrets dans les recherches sur les prions ?
La forme pathologique de la protéine est très difficile à purifier et donc à étudier. La taille de l’agent
infectieux (à l'échelle moléculaire) en rend l'observation directe presque impossible. Les études sur
les modèles animaux sont longues en raison de la durée d'incubation. Elles sont aussi rendues
complexes par le fait qu'il faut infecter beaucoup d'animaux pour en voir certains développer la
maladie. Autre problème : l'infectiosité du prion oblige à prendre des précautions expérimentales
très importantes.
Les crédits de la recherche sur les prions sont-ils suffisants ?
En France, le gouvernement a annoncé qu’ils seront multipliés par 3 pour passer de 70 à 210
millions de francs par an à partir de 2001. Une somme à comparer aux quelque 500 millions de
francs récoltés par le Téléthon 2000. D'autre part, cette recherche est relativement récente, car avant
1996 elle ne faisait pas partie des programmations prioritaires. On peut donc considérer qu'elle part
avec un certain handicap. En Grande-Bretagne, la tradition de recherche sur ce sujet est plus
grande, car ce pays a depuis très longtemps été infecté par la tremblante du mouton. Elle est aussi
certainement assez active aux Etats-Unis, mais une partie importante de son financement venant
d'organismes privés, il est difficile d'évaluer l'enveloppe qui lui est allouée.
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9. Le mouton et les autres espèces animales
Quelles espèces animales sont touchées par les E.S.S.T. (encéphalopathies
subaiguës spongiformes transmissibles) ?
Si l'E.S.B. est l'E.S.S.T. la plus "célèbre", elle n'est pas la seule. Bien avant elle, la tremblante du
mouton est apparue en Europe au milieu du 18ème siècle et a ensuite été largement exportée. On l'a
soupçonnée d'avoir été à l'origine de l'épizootie d'E.S.B., par l'intermédiaire de cadavres de
moutons recyclés dans des farines animales. Mais ce n'est pas prouvé et l'infection originelle aurait
aussi pu provenir d'un cas sporadique d'E.S.B. méconnu de la médecine vétérinaire. Observée
depuis plus de deux siècles, la tremblante du mouton n'a manifestement jamais traversé la barrière
des espèces pour contaminer l'homme.
En revanche, l'E.S.B. a été capable de contaminer des chats, probablement par le biais de nourriture
contenant des abats. Environ 80 chats ont ainsi été touchés en Angleterre au début des années 90
par cette Encéphalopathie Spongiforme Féline.
Des visons, aux États-Unis, ont été frappés d'une maladie similaire, désignée sous les initiales de
TME (Transmissible Mink Encephalothy). L'origine de cette contamination résidait probablement
dans des carcasses d'ovins et de bovins utilisées pour nourrir les visons dans les élevages. Elle se
développait rapidement car les visons étant carnivores, ils mangent les cadavres de leurs
congénères morts dans leur élevage.
D'autres ruminants sont touchés en Amérique du Nord : élans, cerfs et wapitis. Si les wapitis vivent
parfois en élevage, les cerfs et les élans sont des animaux sauvages et les études épidémiologiques
les concernant sont difficiles à réaliser. On évalue pourtant que la proportion d'animaux touchés
dans le Wyoming oscille entre 6 et 15%. L'origine de cette maladie pourrait aussi se trouver dans les
farines animales qui sont parfois mises à la disposition de ces animaux en période d'hivernage.
Cette maladie du "Dépérissement Chronique des Cervidés" (ou CWD : Chronic Wasting Disease)
pose une question importante : est-elle ou non transmissible à l'homme ? Trois chasseurs de moins
de trente ans sont morts de maladie de Creutzfeldt-Jakob en 1998, notamment dans l’Utah. Le lien
éventuel entre ces malades et le CWD est en cours d'évaluation.
L'E.S.B. risque-t-elle de contaminer les moutons ?
Il a été prouvé en laboratoire que l'agent bovin de l'E.S.B. est capable d'infecter les moutons par
voie orale. Ils développent alors une maladie très difficile à différencier de la tremblante mais qui
pourrait avoir des conséquences beaucoup plus néfastes pour l'homme. Jusqu'à présent, cette
contamination par l'agent E.S.B. n'a jamais été observée en milieu naturel, dans des troupeaux.
Mais les similitudes entre les deux maladies demandent un effort de surveillance très intense pour
s'assurer que les moutons ne développent pas cette E.S.B. des ovins. En effet, bien que cela n'ait pas
été la règle générale, on ne peut pas exclure que des moutons aient consommé des farines animales.
D'autre part, en raison, en particulier, du renforcement des structures de surveillance, le nombre de
cas de tremblante en France en l'an 2000 a augmenté, ce qui doit d'autant plus appeler à la vigilance.
Quelle menace représenterait cette maladie des moutons ?
Contrairement à la tremblante, elle pourrait fort bien passer à l'homme car elle est causée par le
même agent infectieux que l'E.S.B. qui a démontré sa capacité de nuisance pour l'humain. Qui plus
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est, si la maladie des bovins reste circonscrite au système nerveux et ne semble pas infecter des
tissus comme les muscles, il n'en irait pas forcément de même pour l'E.S.B. des ovins. Une plus
grande partie de l'organisme serait touchée, notamment des ganglions. Il faudrait alors se résoudre à
une destruction totale des animaux et non pas seulement à un retrait de Matières à Risque Spécifié.
L'éventualité de l'apparition de cette variante d'E.S.B. est suffisamment sérieuse pour retenir
l'attention de l'AFFSA qui a publié un rapport à ce sujet en juillet 2000 et un avis en février 2001.
Elle inquiète aussi l'Agence de sécurité alimentaire britannique qui appelle à un contrôle serré de
tous les cas de tremblante.
La fièvre aphteuse a-t-elle un rapport avec l’E.S.B. ?
Au plan sanitaire et biologique, il s’agit de deux maladies qui n’ont aucun point commun et,
notamment, la fièvre aphteuse ne se transmet pas à l’homme.
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10. Les enseignements (provisoires) de la crise
Peut-on désigner des “ coupables ” ?
Cela paraît extrêmement difficile.
Certains éleveurs ont probablement pris le risque d'acheter des farines à bon marché au début de
leur interdiction au Royaume-Uni. D'autres ont peut-être tardé à déclarer des cas de vaches
suspectes. D'autres encore ont pu, à leur insu, nourrir leurs animaux avec des aliments infectés suite
à des mélanges entre compléments alimentaires.
Mais globalement, ils ont surtout subi un système productiviste qui leur montrait clairement
comment faire pour améliorer leurs revenus et fournir des produits répondant à la demande du
marché.
Il y a certainement eu aussi des importations illégales et des manques de rigueur dans la fabrication
de certains aliments. Mais les animaux déclarant la maladie plusieurs années après avoir été
infectés, il est en général impossible d'établir un lien direct de cause à effet. Comme dans le cas des
techniques de "poolage", les erreurs ou fraudes qui ont pu se produire s'ajoutent entre elles pour se
redistribuer sur l'ensemble du pays, ou même du continent.
La vraie responsabilité de la maladie et de ses conséquences pour l'homme est sans doute à
rechercher dans un modèle global de société plutôt que chez des personnes physiques ou morales
bien identifiées.
En intensifiant l'élevage et surtout en demandant aux vaches de produire beaucoup plus de lait
qu'elles ne peuvent le faire en ne mangeant que du fourrage, on a rendu nécessaires les correcteurs
alimentaires et les apports supplémentaires en protéines.
A chaque étape de cette crise, ce qui peut apparaître rétrospectivement comme une erreur coupable
a été ressentie à l'époque comme un moyen intelligent d'augmenter la productivité et la rentabilité.
Reste la gestion politique de ce dossier, qui fait l'objet de nombreux rapports, plus ou moins
controversés.
Faut-il revoir les filières de production ?
Cette crise peut être vue comme celle d'un système de production alimentaire : elle concerne toute
la filière bovine et les principes d'exploitation de tous les produits bovins. Il s'agit d'une industrie
qui a fait de gros efforts pour comprimer ses coûts de production en quelques dizaines d'années,
dans le but, fort louable à la base, de fournir toute la population en viande et produits laitiers à un
prix abordable. Dans de nombreux pays, pour atteindre ces objectifs, l'élevage bovin a dû entrer
dans une ère industrielle et devenir intensif. Et la révolution agricole a réussi au-delà même de ses
buts premiers, allant jusqu'à créer une situation proche de la surproduction. Mais le virage était pris,
et la logique de productivité optimale a continué de se développer sans faire machine arrière.
La crise de la "vache folle" est venue projeter un autre éclairage sur ce tableau et de nombreuses
voix s'élèvent aujourd'hui pour demander le retour à un élevage plus raisonné. De nombreux
acteurs de la filière bovine se disent prêts à remettre en question leurs pratiques et à réfléchir à
d'autres méthodes de production. Il faudra attendre quelques années pour voir si, au-delà des
déclarations d'intention visant à rassurer le consommateur, les leçons de cette crise ont vraiment été
tirées.
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Demain, que mangeront les bovins ?
L'interdiction totale des farines animales pose un certain nombre de questions, dont celle de leur
remplacement dans l'alimentation du bétail. Si la solution la plus évidente consiste à utiliser des
protéines végétales, elle bute cependant sur certains écueils. En effet, les accords signés dans le
cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce (O.M.C.) encadrent très strictement les aides que
chaque pays peut consentir à ses agriculteurs pour la production de céréales oléagineuses. Et la
France risque de se voir contrainte d'importer de grandes quantités de ces protéines végétales, dont
une bonne partie pourraient être élaborées à partir de céréales OGM (Organismes Génétiquement
Modifiés).
Les conséquences à long terme de l'utilisation des OGM sont à ce jour totalement inconnues et la
mise en pratique du principe de précaution se trouve ici prise entre deux feux.
Il y aurait peut-être pourtant une solution pour contourner ces difficultés : renoncer à supplémenter
l'alimentation des bovins en protéines et accepter que les vaches se contentent de produire leur
quantité de lait "naturelle".
Mais évidemment, cette option serait une entrave à la productivité.
Que penser des techniques de "poolage" ?
Ces techniques de mélange à grande échelle sont une des caractéristiques de la démarche de
production industrielle. Elles sont malheureusement à la base des trois principales "affaires" de
sécurité sanitaire de cette fin de siècle : le sang contaminé, l'hormone de croissance et la vache folle.
Très satisfaisantes en terme de rentabilité, ces techniques, parfois obligatoires pour la production de
certains médicaments, ne posent pas de problème tant qu'elles opèrent sur des matières
parfaitement saines. Dans le cas où des matières peu infectieuses viennent à y être introduites par
accident, quelques problèmes peuvent se poser mais l'effet de dilution a tendance à limiter les
risques.
Il en va tout autrement lorsque des matières fortement infectieuses se trouvent introduites dans ce
type de circuit de fabrication. Dans ce cas, la dilution dans un grand volume ne réduit pas le danger
mais, au contraire, elle le disperse et l'amplifie considérablement. C'est ainsi que l'on a pu calculer
que pour un seul bovin contaminé par l'E.S.B. et introduit dans la chaîne alimentaire humaine, ce
sont jusqu'à 200 000 consommateurs qui peuvent être exposés au risque.
Il y a là un véritable sujet de débats entre experts, industriels et scientifiques sur le rapport prix de
revient / risque sanitaire que ces procédés de fabrication induisent.
Quel est l'enjeu de la programmation des recherches scientifiques ?
La recherche scientifique recouvre des domaines de plus en plus larges et seuls certains des champs
d'investigation présentent des perspectives de rentabilité immédiate ou tout simplement visible.
Certains autres secteurs, y compris dans la biologie, peuvent paraître "exotiques" et peu porteurs de
retombées à court ou moyen terme. Or, toute recherche ayant besoin d'un financement, des choix
sont régulièrement faits sur l'attribution de ces enveloppes et on assiste à une concentration des
moyens sur les sujets qui laissent attendre des bénéfices proches, que ce soit en termes financiers ou
de santé publique.
L'affaire de la "vache folle" vient nous montrer les dangers de cette planification. En effet, avant
1996, bien peu de crédits étaient alloués à la recherche sur les maladies à prions, et ce malgré le prix
Nobel de Carleton Gajdusek. L'urgence des problèmes posés a évidemment eu pour conséquence
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un rééquilibrage des budgets et le prix Nobel attribué à Stanley Prusiner en 1997 prouve l'intérêt
que la communauté scientifique continue à manifester pour ce sujet.
Mais il faudra attendre un certain nombre d’années avant de recueillir les fruits de la dynamique
positive qui est aujourd'hui en marche. En effet, les maladies à prions sont très complexes et les
recherches demandent des expériences souvent très longues avant de produire des résultats fiables.
Les médias sont-ils adaptés à la communication scientifique ?
On a aussi découvert au cours de ces crises successives que la communication véhiculée par les
médias traditionnels n'était pas vraiment efficace pour répondre aux questions du public sur un
sujet aussi complexe. C'est d'autant plus notable que la place consacrée par ces médias au problème
de la "vache folle" était considérable, pour ne pas dire envahissante. Cette couverture très large du
sujet n'a pourtant pas complètement permis aux consommateurs d'avoir une véritable idée de la
situation et des enjeux, et un effet de psychose s'est développé à une période où la plus grande partie
du risque encouru appartenait au passé.
Les raisons de cette inadéquation sont certainement multiples et elles pourraient faire l'objet de
nombreuses études. Pour alimenter ce débat, qui devra probablement être largement développé
dans les années à venir, on peut simplement citer une contradiction. Un sondage paru fin 2000
révélait la grande confiance accordée aux scientifiques par le public (environ 46% contre 2 à 3% de
confiance envers les hommes politiques). Or, les avis, opinions et explications des scientifiques
sont difficilement relayés vers le grand public, notamment par les médias audiovisuels qui
disposent de peu de "créneaux" de diffusion pour donner le temps de développer des explications
complexes. En résumé, le discours scientifique se prête mal au formatage de la diffusion télévisée.
Il y a probablement là le sujet d'une réflexion à entreprendre sur les moyens à mettre en œuvre pour
permettre aux scientifiques de s'adresser au grand public d'une façon régulière et compréhensible
par tous.
L'Europe peut-elle apprendre à gérer des risques sanitaires ?
Le projet d'une agence sanitaire européenne est probablement une initiative intéressante dans ce
domaine. Il lui faudra le temps d'être mise en place puis de prendre son rythme de fonctionnement
avant de faire les preuves de son efficacité. De nombreuses questions peuvent se poser à ce sujet,
concernant son indépendance, ses éventuels pouvoirs, autres que consultatif et sa capacité à venir
contrarier des intérêts commerciaux et industriels, d'autant plus forts et complexes qu'ils sont
différents pour chacun des pays de l'Union. Ce projet est pourtant le seul espoir actuel de voir
l'Europe élargir sa compétence à d'autres sujets que l'arbitrage des conflits concurrentiels.
Comment sont analysés et traités les risques sanitaires ?
De manière générale, l'analyse d'un risque sanitaire se fait en trois temps : évaluation, gestion et
communication.
L'évaluation comprend l'identification des dangers, leur caractérisation, l'évaluation de l'exposition
du public à ce danger et la caractérisation du risque. Toute cette étape d'évaluation est de la
responsabilité des scientifiques et elle peut être plus ou moins complexe selon le problème
considéré.
La gestion du risque, y compris le contrôle de l'application des mesures décidées se fait sous la
seule responsabilité des décideurs politiques. La remontée d'information vers les scientifiques,
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notamment sur la qualité de la mise en œuvre des mesures, n'est pas toujours facile. C'est pourtant
un point très important pour le suivi dans le temps de l'évaluation du risque. Les scientifiques en
sont souvent réduits à faire des hypothèses dans ce domaine, ce qui a tendance à réduire la précision
de leurs évaluations.
Quant à la communication sur le risque, elle fait un peu figure de pomme de discorde dans ce
dispositif. Les décideurs politiques, en tant que gestionnaires du risque, voudraient être les seuls à
la maîtriser. Mais les scientifiques pensent qu'ils sont concernés par cet aspect et voudraient de plus
en plus être partenaires de cette relation avec le public.
Se posent alors plusieurs problèmes qui tiennent à la compétence des scientifiques en matière de
communication et à leur accès aux médias et aux relais d'opinion. Ici encore, une vaste réflexion
devra probablement être menée pour aboutir à un système satisfaisant.
Comment percevons-nous les risques sanitaires ?
Face à un risque sanitaire, nous réagissons généralement en fonction de plusieurs "facteurs
d'indignation" qui tiennent à différents critères :
- La proximité : soit le risque nous paraît proche de nous, soit nous le voyons avec une certaine
distance, de façon quasi abstraite.
- L'acceptation : soit ce risque paraît nous être imposé contre notre volonté, soit nous pensons le
prendre de façon volontaire et librement consentie.
- Le bénéfice : soit ce risque nous semble pouvoir apporter un bénéfice à autrui et non à soi-même,
soit il nous semble "gratuit", ou mieux encore porteur d'un bénéfice potentiel pour nous.
- La maîtrise : soit nous nous sentons totalement démunis face à la maîtrise de ce risque, soit nous
nous estimons capable d'avoir une action positive sur la menace qu'il représente.
- L'origine : soit ce risque est induit par des activités humaines, soit il peut être classé dans les
risques naturels.
- La technique : soit le risque est inhérent à une technique qui nous est totalement inconnue, soit il
se rattache à un environnement technologique qui nous est familier.
Dans l'énumération ci-dessus, la première option citée est toujours celle qui nous créera le plus
d'angoisse. On comprend alors mieux certains phénomènes de psychose lorsque l'on voit que dans
le cas de la "vache folle", tous les éléments penchent dans le sens de la plus grande anxiété.
Contrairement par exemple au cas des accidents de la route, beaucoup plus meurtriers mais dont
l'appréhension se rattache bien souvent à la deuxième éventualité de cette liste.
Deux autres éléments viennent expliquer la réaction de peur qui s'est largement développée face à
la "vache folle" : nous abordons là un sujet très intime puisse qu'il concerne la nourriture, donc des
matières que nous faisons pénétrer à l'intérieur de notre corps. Et aussi, de façon plus générale, le
principe d'analyse d'un risque en terme de probabilité, qui est une approche parfaitement
scientifique mais très éloignée de notre perception intuitive.
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