Correction de la dissertation « Des faibles taux d’intérêt sont ils une condition de la croissance économique ? » En mars 2003, d’après le document 2, la BCE a baissé son principal taux directeur d’un quart de point. A cette époque les risques de conflit en Irak pesaient sur le climat économique. Cette baisse du taux d’intérêt avait pour but de « doper » l’activité économique. La BCE a cherché à jouer sur la psychologie des agents économiques, en particulier à améliorer leurs anticipations dont on connaît l’importance sur le climat économique et donc sur la croissance. De la même façon, face à la crise financière de l’automne 2008 les banques centrales ont baissé fortement leur taux d’intérêt dans le but de limiter le recul de la croissance. Le taux d’intérêt est la rémunération du préteur. On raisonne en général en taux réel c'est-à-dire déflaté. C’est la banque centrale qui fixe les taux directeurs auquel elle refinance les banques qui elles même accordent des crédits aux agents économiques. D’autre part les taux d’intérêt à long terme sont fixés par les prêteurs en fonction du risque que présente l’emprunteur. On peut se demander quelle est la relation entre le niveau des taux d’intérêt et la croissance économique ? En théorie une baisse des taux d’intérêt doit favoriser la croissance économique mais on peut se demander si cette baisse est suffisante. Dans une première partie on verra comment un faible niveau des taux d’intérêt est une condition de la croissance économique puis dans une seconde partie on en quoi ce n’est pas une condition suffisante. Un faible niveau des taux d’intérêt permet, en principe, de stimuler l’investissement (A) et la consommation des ménages (B). La relation entre taux d’intérêt et investissement passe tout d’abord par la notion de profitabilité. Comme le montre le document 4 la profitabilité est la différence entre la rentabilité et le taux d’intérêt. La rentabilité d’un investissement est le rapport entre le profit généré par l’investissement et le montant de celui-ci. On distingue la rentabilité économique (EBE/K) et la rentabilité financière (EBE-Frais financier/Capitaux propres). Lorsqu’une entreprise dispose d’une épargne elle a le choix entre consacrer celle-ci au financement de ses investissements et réaliser des placements financiers. Dans ce cas le taux d’intérêt va déterminer la rémunération de ce placement. Lorsque les entreprises ne disposent pas d’une épargne et doivent financer leurs investissements par des emprunts, le taux d’intérêt constitue alors le cout de cet emprunt. Dans les 2 cas les entreprises comparent la rentabilité attendue de l’investissement et le taux d’intérêt. La différence entre les 2 est la profitabilité. Plus celle-ci est élevée, plus les entreprises sont incitées à investir. A rentabilité égale une baisse des taux améliore la profitabilité et donc l’investissement. La baisse des taux d’intérêt incite également les entreprises à s’endetter en faisant jouer l’effet de levier. Celui-ci se définit par le fait que l’augmentation de l’endettement permet d’augmenter la rentabilité financière des investissements. Celui-ci est favorable à la croissance à court terme, car il est une composante de la demande de biens et service et à long terme car il permet d’accroitre le stock de capital fixe. On constate sur le document 4 que la profitabilité était élevée dans les années 70. Elle a diminué à cause d’une augmentation des taux d’intérêt et d’une baisse de la rentabilité jusqu’au milieu des années 80. A partir de cette date elle remonte, dans un premier temps grâce à une augmentation de la rentabilité puis dans un second temps, grâce à une baisse des taux. On peut observer les effets d’une augmentation d’un point des taux d’intérêt sur l’investissement dans le document 1. Dans toutes les économies européennes cela entraine une baisse de l’investissement des entreprises. Par exemple, en France cette hausse diminue l’investissement de 0,7 %la première année, de 1,1 % la seconde et de 0,9 % la troisième. Concernant les ménages il faut rappeler que de faibles taux d’intérêt jouent favorablement sur leurs investissements en logement. Ce recul de l’investissement observé dans le document 1 s’ajoute à celui de la consommation des ménages pour entrainer un recul du PIB. . Ainsi des taux d’intérêt faibles stimulent aussi la consommation des ménages. Pour les ménages le taux d’intérêt déterminent la rémunération de leur épargne financière. Or l’épargne est une des 2 utilisations du revenu disponible. L’autre est la consommation. Les ménages doivent arbitrer entre l’épargne et la consommation. Pour les néoclassiques il s’agit d’un arbitrage entre une consommation future (l’épargne) et une consommation présente. Le taux d’intérêt représente la rémunération du sacrifice de la consommation présente en faveur de la consommation future. Lorsque celui-ci baisse les ménages sont incités à augmenter leur consommation ce qui est favorable à la demande et donc à la croissance. Il faut rappeler que pour Keynes l’épargne constitue une fuite du circuit économique. De plus certains ménages empruntent auprès des banques pour consommer. Une baisse des taux d’intérêt directeurs de la banque centrale peut réduire le coût des crédits à la consommation et inciter les ménages à augmenter leur consommation. Il faut souligner que dans la période faisant suite au fordisme, à cause de la moindre progression des salaires, le crédit à la consommation est devenu un moteur important de la consommation. Aux Etats-Unis la politique monétaire suivie par Alan Greenspan a permis de soutenir la croissance économique. Mais cela s’est fait au prix d’une augmentation très importante de l’endettement des ménages qui à été à l’origine de la crise financière de l’automne 2008. Le document 1 montre que dans tous les pays européen une augmentation de 1 point des taux d’intérêt entraine une diminution de la consommation. Cela est particulièrement vrai au Royaume Uni ou la baisse est de 0,5 % la première année, 0,8 % la seconde et 0,9 % la troisième année. On peut expliquer cette plus grande sensibilité du Royaume Uni par l’importance du crédit à la consommation. Ainsi de faibles taux d’intérêt en favorisant l’investissement et la consommation constituent une condition favorable à la croissance. On peut se demander cependant si c’est une condition suffisante. D’autres déterminants de l’investissement peuvent limiter l’effet de faibles taux d’intérêt. C’est également le cas de la consommation. D’autres facteurs interviennent donc dans la décision d’investir. C’est le cas en particulier de la demande. Les entreprises fixent le niveau de leur production qui permettra de répondre à la demande qu’elles anticipent. C’est ce que Keynes appelle la demande effective. En fonction du niveau de cette demande anticipée elles vont fixer le niveau des investissements nécessaires pour atteindre ce niveau de production. Comme le souligne le document 3, en période de croissance rapide de la demande, des taux d’intérêt élevés peuvent coexister avec un investissement élevé. Dans ce cas le souci principal des entreprises est de répondre à la demande. C’était le cas dans la seconde moitié des années 80 ou les taux d’intérêt et l’investissement ont augmenté simultanément. De même le document 6 montre qu’aux Etats-Unis la corrélation entre taux d’intérêt et taux d’investissement va plutôt à l’encontre de la théorie. Entre 1985 et 1992 le taux d’investissement a baissé de 4,5 points alors que dans le même temps les taux d’intérêt réel sont passés de 4 à 0,2%. Au contraire, entre 1992 et 2002, alors que les taux d’intérêt augmentent de 4 points, le taux d’investissement est passé de 16 à 20 %. Il faut également souligner qu’au niveau du financement, les grandes entreprises peuvent se financer sur les marchés financiers en émettant des actions sans être affecté par des taux d’intérêt élevé. Comme l’investissement, la consommation obéit à d’autres déterminants que les taux d’intérêt. Pour Keynes, la consommation des ménages dépend surtout du niveau du revenu et de la répartition de celui-ci entre la consommation et l’épargne. Cette répartition ne dépend pas du niveau des taux d’intérêt mais plutôt de la confiance dans l’avenir. En fonction de celle-ci les ménages sont plus ou moins incités à réaliser une épargne de précaution. Dans les années 2000, alors que le niveau des taux d’intérêt est plutôt faible, ce qui aurait du inciter la ménages à consommer, la consommation est plutôt morose. Le document 5 distingue 2 périodes. Pendant l’hiver 2001 2002 cette morosité est due à une augmentation du chômage. Les ménages ont peur de perdre leur emploi ce qui les incite à augmenter leur épargne au détriment de leur consommation. Dans la période suivante, en 2003, le chômage a diminué et l’augmentation du pouvoir d’achat aurait du entrainer une relance de la consommation. Cependant les ménages ont continué à constituer une épargne de précaution car ils étaient inquiets face aux réformes du système de retraite. En remettant en question la retraite par répartition cela pousse les ménages à épargner. Cette faiblesse de la consommation a peser sur la croissance malgré le faible niveau des taux d’intérêt. De faibles taux d’intérêt sont donc favorables à la croissance économique car ils agissent sur les 2 composantes essentielles de celle-ci que sont l’investissement et la consommation. Cependant, dans la mesure où ces 2 éléments sont déterminés par d’autres facteurs, ces taux d’intérêt faibles sont insuffisants pour assurer la croissance. La faiblesse des taux d’intérêt a même pu constituer un des éléments déclencheur de la crise financière de 2008 dans la mesure où elle a inciter les ménages américains et les entreprises à s’endetter bien au-delà de leurs possibilités.