L’héritage du programme du CNR et de ses valeurs éternelles d’universalité Ce programme intitulé « Les jours heureux » a été élaboré dans la clandestinité pour reconstruire la France dans un esprit de progrès, de justice, de démocratie et pour fonder une République nouvelle. Il est le fruit de l’esprit de la Résistance de lutter jusqu’au bout pour l’intérêt du pays. Il constitue l’un des évènements les plus marquants du XXème siècle, qui reste d’actualité dans la situation complexe d’aujourd’hui. Le 27 mai 1943, 17 hommes menacés de mort par la barbarie nazie, sont réunis au 43, rue du Four, à Paris. Plusieurs ne verront pas la Libération. Jean Moulin préside la réunion et il y a là des représentants des principaux réseaux de résistance et de toutes les forces politiques républicaines : communistes, gaullistes, socialistes, chrétiens-démocrates et des deux grands syndicats : CGT et CFTC. La direction du MEDEF de l’époque n’est pas admise dans la discussion à cause de son comportement sous l’Occupation. De Gaulle leur a dit à la Libération « Je n’ai pas vu beaucoup d’entre vous à Londres pendant la Résistance ». Ces hommes résistants, en risquant leur vie pour préparer l’avenir, écrivent un programme dont les grandes lignes sont les suivantes : a) Sur le plan économique : Instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ; Une organisation rationnelle de l’économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général et affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l’image des Etats fascistes ; Le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques (nationalisations, notamment des grandes entreprises dirigées par des collaborateurs de l’occupant). Liberté de la presse ; Droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires. Participation des travailleurs à la direction de l’économie. Statut de la Fonction publique pour un véritable service public d’intérêt général. b) Sur le plan social : Le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ; Un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ; La garantie du pouvoir d’achat national par une politique tendant à une stabilité de la monnaie ; La reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale, Un plan complet de Sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’Etat ; La sécurité de l’emploi, la règlementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier; L’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs…par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance contre les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage…et par la réalisation d’un plan d’équipement rural ; Une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ; La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires ; c) Une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales ; Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instaurée par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation. Le « modèle social français » est né en grande partie à ce moment là et a démontré que la liberté, l’égalité et la fraternité ne peuvent exister qu’accompagnées par le progrès social. A l’occasion du 70ème anniversaire de la création du CNR, l’historien Michel ETIEVENT a donné une conférence sur les chemins croisés de deux hommes, complices de luttes, qui ont su donner au siècle précédent le goût de la solidarité et de la dignité : Marcel PAUL et Ambroise CROIZAT. Marcel PAUL, enfant abandonné sur un banc, a été tour à tour secrétaire général de la fédération CGT de l’Energie, ministre communiste de la production industrielle du Général de Gaulle, conseiller de Paris, initiateur des secours d’urgence et des crèches, fondateur d’EDF-GDF et du statut des électriciens et gaziers. Ambroise CROIZAT, fils de manœuvre, secrétaire de la fédération CGT des métaux, député de Paris, ministre communiste du travail à la Libération, a été le bâtisseur de la Sécurité Sociale, le créateur de la retraite pour tous, le fondateur de la médecine du travail, des comités d’entreprise, des conventions collectives. Robert CHAMBEIRON, secrétaire général adjoint du CNR en 1944 citait le Général de GAULLE s’adressant à l’assemblée consultative provisoire à Alger en 1943 : « La France veut que cesse un régime économique dans lequel les grandes sources de richesse nationale échappaient à la nation, où les activités principales de la production et de la répartition se dérobaient à son contrôle, où la conduite des entreprises excluait la participation des organisations de travailleurs et de techniciens, dont cependant elle dépendait. Il ne faut plus qu’on puisse trouver un homme ni une femme qui ne soient assurés de vivre et de travailler dans des conditions honorables de salaire, d’alimentation, d’habitation, de loisirs, d’hygiène et d’avoir accès au savoir et à la culture ». Il faut se souvenir aussi que le CNR a proposé le Général de GAULLE comme dirigeant, pour mettre en échec le projet de Roosevelt de faire de la France un protectorat. Nous sommes les héritiers et les porteurs de ces valeurs universelles. Aujourd’hui nous avons un immense besoin de progrès économique et social, de démocratie et de souveraineté nationale et pour cela le peuple doit agir en force pour reprendre le pouvoir à la Finance qui s’approprie en grande partie les richesses nationales issues du travail et porte atteinte à la souveraineté nationale. Nous devons pour cela rassembler tous ceux qui veulent à nouveau construire une société où « l’humain » retrouve sa place centrale et où l’intérêt général prime sur les intérêts particuliers d’une minorité. Il est extrêmement important de souligner qu’une proposition de loi a été adoptée au Sénat le 28 mars 2013 à 346 voix contre 2, instaurant le 27 mai comme journée nationale de la Résistance, 70 ans après la réunion de mise en place du Conseil national de la Résistance. Un article de la loi fait référence à la responsabilité de l’éducation nationale dans le devoir de mémoire. L’objectif de cette journée de commémoration est de transmettre les valeurs progressistes et éternelles du programme du CNR et de mettre en garde sur ce qui pourrait se renouveler avec la crise économique et la montée de l’extrême droite. Nous pouvons lire dans Mémoires Vivantes : « Si le programme du CNR, à la pointe du progrès économique et social, a pu s’appliquer à partir de 1944 dans un pays ravagé par la guerre, on ne voit pas pourquoi, dans une France et une Europe regorgeant de richesses, des changements de même ampleur ne seraient désormais qu’une aimable utopie incompatible avec les dites contraintes financières ». Le Patronat, par l’intermédiaire des politiques de droite, n’a jamais cessé de s’attaquer aux acquis de la Libération. Dans l’éditorial du magazine Challenges en octobre 2007, Denis KESSLER, ancien vice-président du MEDEF, écrivait : « Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ». Un appel lancé le 10 mars 2004 par d’anciens résistants, faisait un parallèle entre le néolibéralisme et les puissances d’argent dénoncées par le CNR. Cet appel se terminait par le slogan « Créer, c’est résister. Résister, c’est créer ». Lucie et Raymond AUBRAC, Stéphane HESSEL, Lise LONDON, Georges SEGUY, Germaine TILLION font partie des illustres signataires. En 2010, Stéphane HESSEL écrit dans son opuscule « Indignez-vous ! » : « C’est tout le socle des conquêtes sociales de la Résistance qui est aujourd’hui remis en cause ». Aussi, comme en 1943, nous avons le devoir solennel de lancer l’appel : « En avant pour le combat, en avant pour la victoire afin que VIVE LA FRANCE ! », une France pacifique, rétablie dans son indépendance politique et économique, dans sa puissance, dans sa grandeur et dans sa mission universelle.