Théorie en Sciences-Politiques Prologue On avait connu Hélène Thomas en habit léopard l'an dernier. Revu en grande prêtresse de la sociologie politique au 1er semestre, le léopard a malheureusement été abattu par des propos indécents. Mme Thomas, patronyme dont la consonance maghrébine n'est plus à prouver, a été elle aussi victime de propos racistes. Le racisme, c'est mal, et le respect, ça change l'école. En substitut, voici le cours de la sous-fifre de Raphou. Cours introductif La science-politique est une discipline contemporaine, apparu au début du XXème siècle, et qui ne s'est développé institutionnellement en France qu'après la WWII. => création de la Fondation Nationale des Sciences-Politiques => création d'une chaire au CNRS Elle apparaît dès lors comme discipline scientifique, sans pour autant qu'elle est un caractère intellectuel très affirmé. Le but est de s'émanciper des cadres institutionnels du droit public, la volonté est alors l'autonomisation à l'égard de ce droit public poil à la bite. Elle fait l'objet de grands débats et de nombreuses polémiques. Or comme l'affirment Déloye et Voutat (Hybridation de la SP, ouvrage : Faire de la SP), la SP est une discipline éclatée, ou ni la question de son objet, ni celle de sa spécificité vis-à-vis des autres sciences sociales n'est clairement défini => une concurrence disciplinaire sur les objets en différentes sciences sociales. Dans le champ scientifique, la SP est concurrencée par des disciplines qui traitent tout aussi légitiment du politique, comme la sociologie, l'anthropologie, le droit... Pas d'objet en propre, et pas d'outil non plus propres, mais ces moyens d'investigation sont ceux des sciences de l'Homme en général. L'analyse politique transcende les divisions disciplinaires. Déloye et Voutat engagent en fait la SP à ne pas hésiter à jouer la carte de la transdisciplinarité en nouant des alliances avec d'autres disciplines. => croiser les regards Comme Mattei Dogan et Robert Pahre, L'innovation dans les sciences sociales, il y a importance de la marginalité créatrice, paye ta citation : « le patrimoine scientifique d'une discipline se forge aussi par la diffusion de concepts, d'une science à l'autre, par l'emprunt de méthodes, et par l'influence des théories hors de leurs domaines d'origine. ». Il y a nomadisation des concepts (et ta soeur elle se nomadise ?), passant d'une discipline à l'autre. De science en science, on aboutit à toute définition d'une discipline par une méthodologie spécifique (okey). Bonfils-Mabillon, Bruno Etienne, la SP est-elle une science ? « le découpage du savoir en disciplines scientifiques impose la définition en termes de champ scientifique ». On entre dans une autre problématique sur les rapports de force entre disciplines. La position de Etienne Etienne Etienne est de recourir aux concepts de centre / périphérie. (voir lien) Pour que la SP existe, il faut considérer les phénomènes politiques comme distincts des autres activités sociales, il faut une relative autonomie, un espace spécifique. Dès lors, il faut définir ce qu'est la politique. Etudions l'aspect androgyne de cette notion. Ce cours est intéressant, c'est pas comme si on avait pas déjà vu ça au 1er semestre. (marre du « déjà vu ») => distinction entre le et la politique. De très nombreuses significations ont été attribuées. Arrêtons nous sur celui qui fait d'une politique un domaine de l'activité sociale et de la politique l'actualisation de ce domaine, c-a-d ses activités, ses normes, ses procédures. Ce qui fonde le domaine du politique, c'est un invariant, une double-logique de la permanence du conflit et l'impératif de cohésion, c-a-d reproduction d'un ordre social. Donc le politique renvoie à l'organisation d'une domination qui sera susceptible de contenir par la force les antagonismes, dans les limites compatibles avec la reproduction de l'ordre social = éviter que le groupe n'éclate. Le politique, c'est la contrainte organisé, la régulation des conflits et connote la notion de pouvoir... Pour que cette contrainte soit efficace, il faut qu'il y ait un minimum de consentement de la part des dominés // question de légitimité. Le domaine du politique, c'est le domaine de la légitimation de la domination par association de notions comme la violence, avec des symboles, des normes, des valeurs supposées fonder la société. Car qui dit reproduction de l'ordre social dit représentation de cet ordre, or qui dit représentation dit symbole : imaginaire, passion, émotions (Braud, l'Emotion en politique). Jean Leca, article issu du Traité de SP, « le politique est une énigme protéiforme sans cesse transformé, jamais résolu ». Notamment car cette énigme est prédéterminée par des conventions sociales instables. Les politiques sont largement influencés par les pratiques sociales : par exemple les manifestations sont devenues des phénomènes politiques. Les pratiques sociales assignent au politique des significations qui varient dans le temps et dans l'espace. Aucun problème de société n'est pourtant intrinsèquement politiques, mais n'importe lequel peut le devenir. Exemple : écologie, avortement. Ce travail de requalification (Jacques Lagroye, La Politisation) de faits a priori étrangers à l'ordre politique, qu'on appelle « politisation », souligne l'importance de la désignation par la société elle-même comme de faits étant politiques => travail d'étiquetage, car pas d'objet politique en-soi, mais tout peut le devenir. La SP compte parmi ses précurseurs Platon, Hobbes, Voiseux, Machiavel... Mais c'est avec les débuts de la sociologie que prend forme la SP. Durkheim et Weber ont contribué à donner à la SP des bases sociologiques et scientifiques solides. Chez Emile Durkheim, les faits politiques sont redevables des déterminismes sociaux et doivent être reliés à la totalité sociale pour être expliqués. On dit souvent qu'il n'y pas de vision autonome de l'objet politique chez Durkheim, la SP étant absorbée. Bernard Lacroix, Durkheim & le Politique, montre qu'en fait la vocation originelle d'Emile est celle d'un politiste. Selon Lacroix qui fait aussi de beaux sacs, l'objet de cette sociologie n'est autre que l'objet politique lui-même. Il n'est pas circonscrit à l'Etat mais se rattache à la société en tant que productrice de règles. Pour Durkheim, toute société est irréductiblement gauloise et productrice de normes et contrôle de leur respect. Comme il l'écrit dans Le Suicide, « la société est un pouvoir qui règle les individus ». Le pouvoir est moins incarné par l'Etat que diffus dans toute l'étendu de la société. Donc le pouvoir n'est pas une région isolable, mais c'est simplement un effet de fonctionnement du sociable. L'héritage d'Emile serait donc un héritage de SP. Marx le barbu quant à lui opère une rupture dans le cours de la SP, mais on le sait ses écrits sont dominés par des préoccupations militantes voire polémiques qui d'un point de vue de la SP en affaiblissent le portée. En effet, une exigence de neutralité axiologique (Weber) est censée animer le politiste => exigence de distance // objet étudié afin de séparer les sciences des activités plus normatives, plus spéculatives, comme la philosophie ou la morale. Et si le politiste se demande comme cela fonctionne, pour le philosophe les questions centrales sont « qu'est-ce-qu'un bon gouvernement ? Comme assurer le bonheur, la jouissance et la justice ? ». Le problème de l'éthique est au centre de l'approche philosophique de la SP. D'une part des discours axés sur des jugements de valeur, et de l'autre il y a élucidation des processus politiques, donc une démarche interprétative qui se contente de décrire. Comme dirait Weber, il y a le devoir-être et ce qui est. Chaque fois que l'Homme intervient avec des jugements de valeur, il cesse de comprendre. Cet impératif de neutralité est devenu l'article de foi 1er des tables de la loi qui régissent l'enseignement de la recherche en sciences sociales. Mais en la matière, il n'y a pas d'unanimité sur les usages. Alain Touraine préconise l'interventionnisme sociologique, en faveur d'une cause. Leo-Strauss a émis des critique. Il ne révèle pas de vérité ultime, elle est despotique. Les grands questionnements sont donc évacués, et en l'occurrence il n'y a pas de vérité absolue et définitive en science, il n'y a que de nouveaux problèmes. L'explication des phénomènes sociaux et politiques ne sera jamais enfermé dans un système clos et définitif. La théorie en SP n'est donc qu'un discours sur un discours (ah). C-a-d un discours sur l'univers politique, qui est un univers de représentation sur le langage. La SP et l'univers politique sont donc tout 2 des faits de langage, il faut faire attention au risque de télescopage entre les 2 univers, et on va voir ce qui sépare les sciences sociales de l'idéologie. Dans l'idéal, les sciences sociales sont censées avoir une représentation sur la base du désintéressement. La SP, comme critique sociale, désenchante le réel, prend ses distances avec la vie, avec le sentiment moral. C'est donc davantage de l'ordre du diagnostic. Au contraire, l'idéologie est plutôt de l'ordre de l'engagement, et elle recourt à des moyens que la science sociale évite, elle mobilise le sentiment moral pour inciter à l'action. Comme dirait Clifford Geertz, l'idéologie comme d'ailleurs la religion sont des systèmes culturels. Et l'idéologie crée du sens et façonne la vie politique. Elle établit et défend des modèles de croyance et de valeurs, le but est de donner sens à la vie politique, et surtout en temps de crise, sorte de carte conceptuelle qui permet d'ordonner le monde. Sunil Khilnani, Un nouvel espace pour la pensée politique qui date de 1990 (année faste), élabore 3 types de théories sociales (qui fonctionne aussi pour les films porno) : la théorie sociale amateur la théorie sociale professionnelle la théorie sociale officielle => tous les acteurs ont une compétence. Comme dirait Anthony Giddens, La Constitution de la Société, cette compétence des acteurs sociaux, c'est « tout ce que les acteurs connaissent ou croient de façon tacite ou discursive sur les circonstance de leurs actions et de celles des autres et qu'ils utilisent dans la production et la reproduction de l'action ». Les rapports entre connaissances ordinaire / savante du monde sociale ne sont pas rigides. Les théories des sciences sociales s'entrelacent plus ou moins avec les théories des acteurs sociaux. A côté de la théorie amateur de Monsieur ToutLeMonde, il y a la théorie officielle qui est un mode de compréhension produit par ceux qui émettent le discours légitime sur la société. Et cette théorie consiste en une imposition de sens. A côté de tout ceci, il y a la théorie professionnelle, celle du politologue. La SP élabore des théories qui sont distancées de celles des acteurs sociaux. Elle construit un monde de processus, et les procédures et les référents dont le politologue va se servir sont différenciés de ceux qui caractérisent le monde de la vie. Le scientifique claudique puisqu'il construit un monde empirique, mais partage le monde de la vie avec les autres. Weber propose de comprendre le sens subjectivement visé, le scientifique interprète le monde social et il va recourir pour se faire à une sorte de métalangage. Et souvent le langage utilisé par le scientifique tente de dépasser les singularités, pour unifier les divers. Les chercheurs sont des métis sociaux qui agissent à l'intersection de 2 idiomes, le leurs et celui des acteurs. J'en peux plus je craque. Revenons sur la spécificité du discours scientifique, qui n'est pas une plate description. Weber et son idéal-type => concept d'analyse qui ne se présente pas à l'état-pur. La réalité historique ne se laisse pas emprisonner dans le conceptuel. Le réel est toujours plus riche que les concepts qui tentent d'en rendre compte. L'équivocité des concepts nécessite de préciser dans quel sens on prend les mots. Selon Weber, on construit ces concepts aux seuls fins de recherche. Comment obtient-on un idéal-type ? Pour former un tableau de pensée de type homogène. C'est le seul critère de validité qui doit lui être appliqué => fécondité euristique, c-ad de son efficacité, ce qui aide à la découverte, pour la connaissance des relations entre les phénomènes sociaux et culturels. Mais il faut prendre garde à ne pas réifier ces idéal-types sous peine de perdre cette fécondité, ne pas faire de ses constructions à la signification méthodique des forces agissantes réelles. L'idéaltype n'est qu'un guide dans la construction des hypothèses pour mettre à jour les phénomènes singuliers d'un fait. Les différents critères du discours scientifique. Le produit doit être contrôlable inter-subjectivement, il doit pouvoir être discuté. Karl Popper, une théorie pour être scientifique doit pouvoir être fausse. Une théorie trop vague pour pouvoir être réfutée ou susceptible de répondre à toutes les objections n'est pas scientifique, précisément car elle cesse d'être contrôlable par l'inter-subjectivité. Il faut pouvoir les soumettre à l'épreuve de falsifiabilité, ou de réfutation => préciser à quelles conditions de vérification empirique deviendrait fausse pour la considérer comme établi dans le cas inverse. La science construit une vérité relative, si la science est un savoir, c'est un savoir révisable. La science manifeste un inachèvement essentiel dans son progrès et qui se dépasse constamment pour aller plus loin. => la science construit, et ne se borne pas à constater. L'empirisme naïf, qui est l'épistémologie classique du sens commun, affirme que les théories sont inutiles puisqu'il suffit de constater. Mais les faits ne prennent précisément un sens que par rapport à une théorie qui leur attribue une place et leur confère un caractère pertinent. Comme dirait Popper dans la Société ouverte et ses ennemis, l'analyse scientifique est sélective, la science est un coup de projecteur sur le réel. Cette approche de Popper se distingue de celle qui consiste à dire que la vérité n'est qu'à ramasser. Un courant empiriste a dominé, le béhaviorisme, mettant l'accès sur la collecte et la description des faits telle que cela est imposé. Les concepts ne sont pas utiles. Des techniques (enquêtes, sondages, inaugurés par Boas et Malinowski), ont été développé. => mais rejeté pour des raisons épistémologiques, qui défendent l'idée que les faits sont en eux-mêmes non intelligibles si l'observation n'est pas fécondée par une analyse initiale. Cela renvoie à la totalité des phénomènes mais isolent certains de leurs aspects. La SP progresse par effort de contextualisation, qui prend la forme de la typologie, c-a-d le fait de dégager dans un ensemble donné certains traits caractéristiques pour déterminer des types. La théorie en sciences sociales est un faisceau de concepts et de questions pertinentes, permettant d'identifier les phénomènes, de les classer, d'établir des comparaisons éclairantes dans l'espace et dans le temps. C'est un ensemble de propositions qui forme système, en référence à des données. Mais en sciences sociales, le terme théorie signifie autre chose. Il signifie un paradigme, c-a-d selon la définition de Boudon un « ensemble de propositions ou d'énoncés méta-théoriques, portant moins sur la réalité sociale que sur le langage à employer pour traiter de la réalité sociale ». . approche fonctionnelle de Malinowski (Boas) perçoit la société comme un ensemble de besoins indispensables servis par des instituons. La fonction est la réponse d'une institution à une demande ou un besoin de la société. Par exemple : armée pour défendre le pays. Robert Merton, sociologue US corrige ce fonctionnalisme, en indiquant que chaque élément ne remplit pas forcément une fonction et que certains sont inutiles. => Social theory and social structure : pour expliquer un phénomène social, il est utile de considérer ces fonctions patentes ou manifestes, et ses fonctions latentes, étant entendu que certaines instituons peuvent être affonctionnelles, d'autres fonctionnelles par rapport à certains groupes, ou dysfonctionnelles => tout n'est pas fonctionnel quoi. Les fonctions patentes sont les conséquences objectives contribuant à l'ajustement du système et elles sont comprises et voulues par les participants, contrairement aux fonctions latentes qui elles, ne sont ni comprises, ni voulues. Ce paradigme est un ensemble d'énoncés sur la manière selon laquelle le sociologue doit fonctionner visant à expliquer tel ou tel aspect de société. Ces énoncés sont donc méta-théoriques car ils constituent un discours sur la théorie relative à la théorie sociale. Merton applique ce paradigme dans une théorie, celle des machines politiques. Selon lui l'existence de la machine politique du parti démocrate US s'explique car elle remplit une fonction latente d'assurance sociale vis-à-vis de la partie la plus défavorisée de son électorat.