EMMANUELLE COUTEAU I - LA MIXITE, EN COLLECTIVITE, UNE RICHESSE POUR TOUS 1. Enfants valides et enfants en situation de handicap a) Une construction identitaire au-delà des différences Définition IMC et vécu pendant croissance Développement enfant Winnicott, Piaget Se reconnaître pour mieux savoir qui on est b) Egalité des chances, le droit de tous les enfants à la socialisation Loi handicap Intégration à la société c) Une action précoce Périnatalité, prévention, annonce du handicap, orientation en CAMSP. 2. Parents d’enfants valides et parents d’enfants en situation de handicap a) Rompre l’isolement des familles : la collectivité comme lieu de rencontre et de soutien à la parentalité accueil en établissement moins de 3 ans, 3 à 6 ans le travail de l’EJE auprès des parents b) Développer le lien social entre les parents la halte un lieu de rencontre sans frontière L’enfant à la source de ces relations Aménagement espace et temps pour permettre à ces relations de naître et de s’enrichir c) Un autre regard sur l’enfant Un regard professionnel éducatif Replacer l’enfant dans son statut d’enfant d) Mettre en avant les compétences parentales Redonner une place de parents Les parents co-éducateurs Ce qu’on sait des épreuves données à vivre aux parents d’enfants IMC 3. L’équipe éducative et l’équipe paramédicale a) Diversité et complémentarité Description et explication de l’état de l’équipe des compétences présentes et de leur contribution à l’éducation globale b) Rôle de l’EJE pour une mise en synergie des compétences cohérence, complémentarité, articulation, cohésion du groupe, créer une dynamique, II – L’ENFANT FEDERATEUR DE L’EQUIPE EDUCATIVE MIXTE COMMENT TRAVAILLER EN EQUIPE POUR UNE QUALITE D’ACCUEIL MIXTE ? 1. Un savoir commun, la garantie d’un accueil respectueux de tous a) Savoir global Dire comment le compléter et le mettre en commun b) Savoir-faire : la formation des professionnels Quelles sont-elles, quelles sont vos remarques ? c) les représentations de l’enfant à l’œuvre (dont parents ?) Connaissance de l’enfant L’enfant handicapé, un enfant avant tout 2. L’intérêt de l’enfant a) Echanges et communication b) Partenaires et solidaires c) Autonomie 3. De la richesse de créer en équipe a) Inventivité et créativité c’est à l’équipe de s’adapter à la spécificité du public b) Le positionnement de l’EJE au sein de l’équipe Garant du pôle éducatif III – UN PROJET D’ACCUEIL de JEUNES ENFANTS IMC et VALIDE ET L’ACCOMPAGNEMENT DES PARENTS ? 1. Une prise en charge humanisante a) Le projet d’accueil individuel b) La halte-garderie : lieu d’échange et de parole 2. Le travail social de l’EJE a) Le travail en réseau b) Une action participative et partenariale La halte-garderie mixte Le Chalet est gérée par une association de parents d’enfants handicapés, l’APETREIMC (Association Pour l’Education Thérapeutique et pour la Réadaptation des Enfants Infirmes Moteurs Cérébraux). Cette association fondée depuis bientôt 30 ans à l’initiative de M. Le Metayer et du professeur G. Tardieu, a pour but de promouvoir l’éducation spécialisée, les soins et la réadaptation des enfants infirmes moteurs cérébraux en favorisant leur contact avec des enfants valides. L’accueil des jeunes enfants en collectivité est donc un des champs d’action de l’association. La halte-garderie accueille des enfants de 6 mois à 4 ans dont 1/3 d’enfants en situation de handicap. Elle a pour vocation d’offrir les mêmes chances à tous les enfants. L’équipe réunit pour cela des compétences multiples, éducatives et paramédicales, afin de s’adapter au mieux aux différences et spécificités de chaque enfant et famille. Mon stage à responsabilité éducative vient s’inscrire dans ce cadre institutionnel et plus précisément au cœur de la dimension sociale, culturelle mais bien avant tout humaine du handicap. En effet, depuis le décret d’août 2000, l'accueil des enfants porteurs de handicap ou atteint de maladie chronique est spécifié comme une mission des structures d'accueil petite enfance. Ce texte a été renforcé par la loi du 11 Février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui stipule que la poursuite d’une scolarité en milieu ordinaire est un droit pour tous, enfants valides ou présentant un handicap. La législation et les mentalités en matière d’intégration des personnes en situation de handicap a beaucoup évolué depuis ces trente dernières années dont le grand tournant amorcé en 1975 avec la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées marquait le premier pas vers la prise en compte du handicap en France. Cependant, qu’en est-il sur le terrain ? Dans quelle mesure ces orientations législatives ont-elles un impact direct sur la vie des enfants porteurs de handicap et leurs familles ? En France, de nombreux projets sont mis en œuvre pour facilité la vie des personnes en situation de handicap dès le plus jeune âge. Cependant, si l’on se réfère à l’ensemble des pays, membres de la Communauté Européenne, avec notamment l’exemple de la Suède, la France accuse un retard certain en matière de prise en charge du handicap. Ce constat fait apparaître une insuffisance des moyens des institutions publiques s’expliquant par ce que l’on pourrait nommer ‘la faillite de l’Etat Providence’. Ainsi, c’est l’initiative privée qui prend le relais et participe à l’élaboration et la mise en oeuvre de projets portant sur l’accueil en collectivité des jeunes enfants porteurs de handicap. En effet, à Paris dans le cadre du Contrat Enfance signé entre la ville et la CAF, grâce à des aides financières, de nombreuses structures associatives spécialisées réservant un tiers de leurs places aux enfants handicapés ont pu voir le jour. Ainsi, la Maison Dagobert dans le 12éme arrondissement, accueille des enfants de 1 à 6 ans ayant un handicap, moteur, sensoriel, des enfants déficients intellectuels ou polyhandicapés, ainsi que des enfants autistes. Cet exemple est loin d’être isolé, il existe d’autres établissements comme la Souris Verte à Lyon qui se sont engagés à offrir un accueil collectif de qualité pour tous les enfants. En tant que future EJE je me sens impliquée professionnellement et personnellement dans l’intégration collective des enfants porteurs de handicap. Il est pour moi essentiel de penser l’accueil de tous les enfants au-delà de leurs différences car handicapés ou non ce sont des enfants avant tout. Travailler comme éducatrice c’est accompagner l’enfant dès le plus jeune âge dans la découverte du monde qui l’entoure, des autres et ainsi lui permettre de devenir un sujet à part entière. Ainsi, en partenariat avec les familles nous leur offrons la possibilité d’explorer la richesse de leurs potentialités et d’exprimer ce qu’ils sont. Etre éducatrice c’est accepter l’enfant dans la globalité et le respect de son être. J’ai un rôle important à jouer dans la construction identitaire de l’enfant et c’est en qualité de travailleur social et agent de socialisation que je dois permettre à chaque enfant de trouver sa place. L’intégration des individus à la société commence dès le plus jeune âge, c’est pourquoi l’accueil des enfants en situation de handicap m’apparaît être une composante inhérente de mon métier. En offrant la possibilité à ces enfants de faire l’expérience de la collectivité parmi d’autres enfants semblables et différents nous leur donnons l’opportunité de trouver leur place dans un groupe. I - LA MIXITE, EN COLLECTIVITE, UNE RICHESSE POUR TOUS 4. Enfants valides et enfants en situation de handicap a) Une construction identitaire au-delà des différences Définition IMC et vécu pendant croissance Tout d’abord, il me semble essentiel avant toute démarche d’analyse de l’infirmité motrice cérébrale de contextualiser historiquement mon propos dans le but d’offrir une vision plus globale et une meilleure compréhension. Ainsi, avant de parler d’infirmité motrice cérébrale il convient de s’intéresser de façon générale à la notion de handicap. Ce travail de recherche et de définition des mots clé est un pré-requis nécessaire voir obligatoire car il participe à la constitution d’un savoir indispensable à toute pratique professionnelle. Qu’est-ce qu’un handicap ? Qu’est-ce qu’un handicapé ? De nombreuses définitions existent, la dernière en date est donnée par la loi du 11 février 2005 portant sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. » D’après la Classification internationale des handicaps, on nomme ainsi : " toute personne souffrant d’une déficience – aspect lésionnel – ou d’une incapacité – aspect fonctionnel – qui limite ou interdit toutes activités considérées comme normales pour un être humain. " Ces définitions marquent une évolution certaine dans l’acceptation contemporaine et l’attitude de la société à l’égard des personnes handicapées. Le terme de personnes handicapées a remplacé ceux d’infirmes, d’anormaux, d’aliénés, de retardés, d’inadaptés, etc. Selon l’étymologie, le terme handicap, créé en 1827, vient des Irlandais et prend son origine dans le domaine des courses de chevaux sur pelouse (turf). Décomposé, handicap signifie « hand in cap » c’est-à-dire « main dans le chapeau » et désigne une méthode destinée à choisir un gagnant ou une position. La notion de handicap décrite ainsi correspond à une volonté d’égaliser les chances entre les concurrents en désavantageant ou en annulant leur avantage. Cette manière de penser le handicap n’a plus cours à l’heure actuelle. Désormais, un handicap est synonyme d'un « désavantage, d'une infériorité qu'on doit supporter » d’après la définition du petit robert datée de 1950. Et selon ce même dictionnaire, en 1957 un handicapé est une « personne qui présente un handicap physique ou mental. Cette définition ne laisse planer aucun doute quant à la considération de ces personnes marquées par leur incapacité. C’est à elles seules de supporter le poids de leur infériorité, il n’est plus question de participation citoyenne pour compenser cette situation inégale. C’est dans ce contexte que Jacques CÔTE1 écrit dans son article Situation de handicap1 « Si le mot handicap avait gardé son sens propre, nous nous trouverions devant la situation paradoxale suivante: les personnes handicapées seraient non pas celles qui sont déficientes, mais celles qui ne le sont pas. Ce sont les personnes normales qui supporteraient le handicap du poids même de leur supériorité. Ce sont elles qui porteraient les incapacités ou les inaptitudes des autres. Cela ne serait que juste dans une société véritablement humaine où l'on s'attend à ce que les plus forts portent les plus lourds fardeaux et qu'ils prennent en charge les individus incapables de porter quoi que ce soit (...). Répétons le, dans une telle société idéale, le handicap retomberait sur les épaules du plus fort comme dans les épreuves sportives ». Il faudra attendre la fin du 20ème siècle, pour voir s’amorcer une évolution des mentalités. Les travaux du Dr Philip WOOD marquent une véritable avancée dans la définition du handicap qu’il qualifie comme la conséquence des maladies sur la personne, en les analysant selon trois plans : la déficience, l’incapacité et le désavantage. Par ailleurs, sous le terme handicap sont regroupées différentes catégories comme le handicap moteur dont l’infirmité motrice cérébrale fait partie. L’infirmité motrice cérébrale résulte d’une lésion cérébrale précoce survenue dans la période se situant autour de la grossesse ou au cours de la petite enfance (avant 2 ans) et ayant des conséquences diverses et variées sur le développement moteur de l’enfant. C’est le neurologue Guy TARDIEU qui s’intéressa en premier à ce type de handicap. Ses travaux ont permis une véritable reconnaissance pour ces enfants qui étaient jusque-là considérés comme déficients intellectuels. 1 Jacques Côté, Ph.D.,Centre de recherche Université Laval-Robert-Giffard. Cet article est paru dans la revue Réseau international CIDIH et facteurs environnementaux, 5(1):35-39 Les enfants présentant un trouble moteur d’origine cérébrale sont essentiellement atteints dans leur motricité. Cependant, d’autres fonctions cérébrales peuvent être concernées, en associant d’autres troubles au trouble moteur, comme des difficultés dans la représentation sensorielle chez les hémiplégiques, des problèmes de perception au niveau du regard. Ces troubles associés engendrent des difficultés supplémentaires et des retards dans les apprentissages moteurs. Il est à noter que pour la plupart des enfants atteints d’infirmité motrice cérébrale, la lésion n’a pas endommagé les capacités intellectuelles pour leur permettre de poursuivre une scolarisation. Cependant, ce sont bien souvent les troubles assortis au trouble moteur qui empêchent ces enfants d’accéder au circuit scolaire classique. En effet, l’intégration de ces enfants à l’école est réduite voire impossible dans certains cas tant l’atteinte motrice est lourde et pèse sur le quotidien de l’enfant. Au cours de mon expérience au sein de la halte garderie d’accueil mixte, j’ai pu me rendre compte de la réalité de la vie de ces enfants au quotidien. Leur handicap nécessite une prise en charge thérapeutique importante qui consiste essentiellement en des séances de rééducation motrice. La structure où les enfants sont accueillis présentent une spécificité, un pôle éducatif et un pôle paramédical coexistent dans les mêmes locaux. De ce fait, les enfants bénéficient d’une prise en charge globale. D’une part, des professionnels de la petite enfance composés d’éducateurs de jeunes enfants et d’auxiliaires de puériculture. D’autre part, une équipe paramédicale constituée de kinésithérapeutes, orthophonistes et ergothérapeutes. Les consultations médicales représentent une part importante dans le déroulement de la vie des enfants atteints d’infirmité motrice cérébrale. Il est en effet préférable d’intervenir au plus tôt, dès le plus jeune âge, non pas pour réparer car le handicap est irréversible mais pour faire en sorte de faciliter le quotidien des enfants en développant d’autres stratégies pour apprendre des gestes qui deviendront des automatismes. Ce concept d’autonomisation a été impulsé par Jean-Michel LE METAYER qui est à l’origine du développement de l’éducation thérapeutique pour les enfants infirmes moteurs cérébraux. « L’éducation neuromotrice thérapeutique consiste en cette mise en situation de l’enfant pour que des shèmes apparaissent en dépit des réactions motrices désorganisées. Elle ne vise pas à la réalisation passive du mouvement, elle fait appel à la participation active de l’enfant. »2 Le projet de la halte-garderie est de permettre à ces enfants de vivre pleinement leur enfance en leur garantissant une continuité dans la découverte et l’expérimentation du monde extérieur et les soins liés au handicap. Intégrer des enfants handicapés en collectivité, c’est leur offrir la possibilité de se connaître, se reconnaître et ainsi de construire leur propre identité. Bien qu’il soit né « différent », l’enfant porteur de handicap est un enfant parmi d’autres. Pour grandir et s’épanouir, il a besoin de jouer, d’expérimenter, de s’ouvrir aux autres et au monde qui l’entoure. C’est de cette confrontation avec la réalité extérieure qu’il intériorisera sa réalité intérieure. Développement enfant Winnicott et Piaget C’est au travers du regard que l’enfant se construit et devient peu à peu un sujet à part entière. C’est en premier dans les yeux de sa mère que l’enfant se voit et qu’il se sent exister. La mère tient un rôle fondamental, elle est le miroir dans lequel l’image de l’enfant se reflète. Winnicott décrit cette relation fusionnelle comme la Préoccupation Maternelle Primaire(dans quel livre il en parle ?)c’est à dire que le moi de la mère vient soutenir le moi du bébé en lui offrant une réponse juste et adaptée à ses besoins. C’est un état de symbiose où la mère est connectée avec son enfant en permanence, elle veille sur lui, elle est à son écoute. Comme le dit justement Winnicott un bébé seul ne peut exister, il serait alors condamné à une mort certaine. Pour DOLTO, « l’enfant vit plus du désir que l’on a de communiquer avec le sujet qu’il est que de soins, bien sûr le minimum vital étant assuré ». Le bébé ne peut pas vivre tout seul, il est dans un état de dépendance absolue à l’égard de son environnement incarné par l’objet maternant. Par conséquent, il existe un lien très particulier unissant le bébé et sa mère qui va lui permettre de construire le sentiment continu d’exister. Ainsi, la qualité des soins maternels contribue à l’émergence de ce sentiment et participe au développement psychologique et moteur de l’enfant. S’il en est privé, cela peut constituer une menace vitale et conduire à ce que SPITZ qualifie d’hospitalisme. Cet état est Extrait du livre de Janine LEVY, Le bébé avec un handicap, de l’accueil à l’intégration, p 72. 2 dû à la séparation précoce d’avec la mère, et à son non remplacement par un substitut convenable. C’est en comparant deux types d’institutions accueillant des nourrissons qu’il est parvenu à la conclusion que l’environnement exerçait une influence considérable sur le développement de l’enfant. Pour grandir, l’enfant a besoin que ses besoins corporels soient satisfaits, au même titre que ses désirs affectifs et sociaux. C’est pourquoi je pense qu’il est nécessaire que chaque enfant, handicapé ou pas, fasse l’expérience de la collectivité pour apprendre à se connaître et à vivre ensemble. (La notion de regard prend une place considérable dans la construction identitaire de l’enfant, c’est dans les yeux de sa mère qu’il prend naissance, et c’est au contact de ses pairs qu’il devient un être social). L’enfant a besoin de vivre parmi les siens, au sein de sa famille mais aussi auprès d’autres enfants. C’est par le processus de séparation et d’individuation3 qu’il accède à la possibilité de dire « je ». Apprendre à se séparer c’est offrir à l’enfant un espace où il va pouvoir faire ses propres expériences et découvrir la richesse de ses potentialités. 3 Concept développé par la psychanalyste M. Malher.