CHAPITRE 1 : Sociologie politique de la démocratie représentative. Séances 6, 7, 8, 9. INTRODUCTION I La sociologie politique classique de sociologie post tocquevillienne la démocratie représentative : une Quel est son objet (A ) et comment l’actualiser (B) ? A. Son objet 1 L’étude de la politique en démocratie comme compétition ouverte et pacifiée 2 Socio-histoire de l’invention de l’espace public moderne 3 La démocratie représentative, produit d’une révolution politique ? B. Comment actualiser cette vision tocquevillienne ou étudier le lien de représentation du point de vue de tous les représenté(e)s 1 La démocratie représentative repose sur la croyance des citoyens dans la représentation 2 L’impensé du modèle égalitaire tocquevillien : la question de l’esclavage devenu le problème noir puis le problème des minorités aux Etats-Unis : 3 Comment étudier les impensés de la démocratie représentative et ses arrières -cours, II Qu’est-ce qui fonde et fait durer ce pacte de la représentation ? A La socialisation politique. 1 De la socialisation en général à la socialisation politique républicaine en particulier. a. Les lieux, les modes et les temps de la socialisation politique et ses effets (transmission des préférences idéologiques) b. Le rôle de l'école dans la fabrication des citoyens et de la transmission de la culture civique nationale 2 Mais aussi qu’est-ce qui fait la force des représentants comment on fait les chefs et s’établit la domination politique démocratique B Le triomphe des urnes sur la rue 1 Comment s’acquiert le savoir faire pratique du métier d’électeur? 2 La sacralisation de l’acte de vote III Qu’est-ce qui la menace ? A Les dangers traditionnels et anciens 1 La fracture politique : La haine du parlementarisme 2 Une fracture politique liée à la fracture sociale. B les dangers d’effondrement ou d’implosion 1 Fin des Etats-nations. a. Les Etats-nations eux-mêmes peuvent se déliter et perdent leurs « bijoux de famille ». b. De plus, Renan dit que les états nations disparaitront. Dès lors la menace est l'Europe. 2 La fin de la démocratie ou ses limites... pour un plan science po presque classique " La démocratie ce sera quand les cuisinières pourront être chefs d'Etat." LENINE « Et les épouses de Lénine, Trosky, Staline ? Elles sont d’anciennes militantes pré-révolutionnaires. Il n’est donc pas question de les envoyer à la cuisine. Elles continuent à collaborer mais leur activité est politiquement subalterne. L’épouse de Lénine Nadiejda Kroupskaïa s’occupe d’éducation… et de l’épuration des bibliothèques comme Maxime Gorki nous l’apprendra. La femme de Trotski ou de Kamenev- je ne sais plus laquelle des deux, car Kamenev a épousé la sœur de Trotski- travaille dans les musées. Celle de Staline, Nadiajda Allilouïva, appartient au// secrétariat de Lénine. Mais il n’y a pas de femmes au Comité Central. Vous vous rappelez le mot de Lénine : « Chaque cuisinière doit apprendre à gouverner l’Etat ». Nous tournions cela en la plaisanterie suivante : « Combien y-a-t-il de cuisinières au Comité central ? ». Réponse : « Aucune ». Boris Souvarine in Boris Souvarine, Mikhail Geller, Régis Gayraud, Sur Lénine, Trotski et Staline - 1990 - Soviet Union - 59 pages, 23 et 25 INTRODUCTION Dans ce chapitre il s’agit d’envisager la démocratie représentative du point de vue des sciences sociales et plus particulièrement de la sociologie. Quels modèles d’analyse de la démocratie représentative propose la sociologie politique ? En quoi diffèrent –ils de l’analyse juridique ou économiste de la démocratie ou encore de l’approche des historiens, des philosophes ? On verra au deuxième semestre dans un chapitre miroir de celui-ci à la façon dont la théorie politique pense la démocratie représentative y voyant le régime politique révolutionnaire, irrésistible et providentiel auquel Tocqueville le premier nous initie. « Une grande révolution démocratique, s'opère parmi nous: tous la voient, mais tous ne la jugent point de la même manière. Les uns la considèrent comme une chose nouvelle, et, la prenant pour un accident, ils espèrent pouvoir encore l'arrêter; tandis que d'autres la jugent irrésistible, parce qu'elle leur semble le fait le plus continu, le plus ancien et le plus permanent que l'on connaisse dans l'histoire. Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Livre 1 1832 §1 et 2 Tocqueville propose une description sociologique de la démocratie américaine et il en fait la théorie en même temps. Mais quelle sociologie et quelle théorie ? Elles ont ceci de commun que pour être heuristique, pour nous contemporaines et contemporains du XXIème siècle, qui vivons dans un monde globalisé, il faut que nous les lisions en dé(ethno)centrant son regard de sociologue du politique, pour voir ce qu’il ne voit pas vraiment ou ne veut pas voir (disregard voir plus loin) et n’écrit qu’entre les lignes, car son regard d’homme du 19ème siècle qui part aux Amériques pour étudier les prisons (c’est un prétexte, quoique…) et le conduit à brosser un tableau complet de la démocratie représentative comme modèle social et politique est daté et situé soit ethnocentré et phallocentré. La démocratie de Tocqueville comme modèle de société et comme modèle culturel (au sens de civilisationnel) § 5 et 6 Parmi les objets nouveaux qui, pendant mon séjour aux États-Unis, ont attiré mon attention, aucun n'a plus vivement frappé mes regards que l'égalité des conditions. Je découvris sans peine l'influence prodigieuse qu'exerce ce premier fait sur la marche de la société; il donne à l'esprit public une certaine direction, un certain tour aux lois; aux gouvernants des maximes nouvelles, et des habitudes particulières aux gouvernés. Bientôt je reconnus que ce même fait étend son influence fort au-delà des mœurs politiques et des lois, et qu'il n'obtient pas moins d'empire sur la société civile que sur le gouvernement: il crée des opinions, fait naître des sentiments, suggère des usages et modifie tout ce qu'il ne produit pas. Faire une sociologie de la démocratie représentative en 2008 c’est donc décentrer l’approche et relire les classiques de la sociologie électorale (de Siegfried au CEVIPOF en passant par F. Goguel) et de l’anthropologie électorale et ce qu’ils disent du lien de représentation en partant des principaux/les intéressées les representé(e) s qu’ils participent à l’exercice attendu de désignation des représentants ou non soit qu’ils s’abstiennent soit qu’ils en soient exclus et ce qu’ils pensent alors de la démocratie représentative nous intéressent beaucoup dans une perspective de sociologie politique qui va de Weber à Gayatri Spivack en passant par Bourdieu et Gaxie I La sociologie politique classique de sociologie post tocquevillienne la démocratie représentative : une Quel est son objet (A ) et comment l’actualiser (B) ? A. Son objet 1 L’étude de la politique en démocratie comme compétition ouverte et pacifiée La sociologie politique des élections étudie la politique dans son sens féminin, au sens de la politique-domaine d’Aron. Il s’agit de la politique comme domaine de conflit verbal où les compétiteurs rivalisent par les mots: les adversaires s’affrontent à coups de discours et de traits d’esprit qui peuvent être mortels dans la société de cour au sens propre comme au sens figuré (cf le film Ridicules). Les discours ont comme caractéristiques d'être performatifs : ils sont des actions. Quand on arrête de se servir de discours, on passe à la guerre. Clausewitz dit ainsi que la guerre est le prolongement de la politique par d’autres moyens. Ainsi, il retient une définition que l’on peut considérer comme obsolète. La définition de la politique qu'il utilise est celle de la définition antique de la cité démocratique. Clausewitz considère donc que la guerre est le prolongement de la politique et inversement. Cette définition grecque est obsolète du point de vue de la sociologie du politique car elle suppose un espace unique qui rassemble tous les citoyens et seulement eux : l'agora. Or l’agora est le rassemblement d'une minorité. Même l’idée que la démocratisation des régimes politiques (Arendt, Elias, Tocqueville, Habermas) passe par la constitution d'un espace public, de forums multiples réels (discussions et débats publics) ou virtuels qui se constituent, non pas comme l’agora en un lieu physique unique pour une minorité d’hommes libres de la même classe, mais à l’intersection de plusieurs catégories sociales différentes (noblesse d'épée, noblesse de robe, bourgeoisie, et « neveux de Rameau » (Diderot) écrivains et savants va-nu-pieds, précepteurs tels Pangloss dans Candide, ou précepteurs de cour Bossuet -précepteur de M. le Dauphin- Descartes - protégé à la cour de Suède- Rousseau -au gouvernement de Genève peint sous les traites de son vicaire Savoyard-) semble obsolète. 2 Socio-histoire de l’invention de l’espace public moderne Certes le XVIIIème siècle européen invente des espaces publics, les cafés et salons, où, par exemple on parle littérature, prétexte pour que des littérateurs parlent de l'actualité sociale, politique avec la bourgeoisie commerçante ou des serviteurs de l’Etat... Notre démocratie viendrait de cette construction d’un espace public, qui se veut égalitaire, en termes de paroles, dans une société inégalitaire et donc qui permettrait de construire du débat, de la politique-conflit (ou domaine). C’est un peu de cela dont parle Elias en évoquant la socialisation du monopole du monde étatique pour définir la démocratisation de l’Etat absolutiste. C’est le moment où le monarque absolu ne peut pas faire autrement que de redistribuer une partie des bénéfices qu’il tire de la gestion du monopole fiscal et de la contrainte physique légitime des retombées économiques des traités internationaux qu’il a signés, contraint qu’il est après Louis XIV de faire la paix (même contre son gré). Au moment où on est dans le l'absolutisme royal connaît son apogée, on bascule de l’absolutisme à la démocratisation. Pourquoi? Par exemple la guerre ou la paix deviennent intérêt social et économique, Intérêt du royaume certes mais aussi celui des bourgeois d'affaire, c'est donc aussi un intérêt privé socialisé et non seulement celui du roi. Ce passage vers la constitution d'intérêts privés en intérêt économiques collectif (avant l’intérêt général) qui commençant à peser dans la balance des décisions, pousse le roi à diriger en tenant compte de ces intérêts, constitue la base de la future théorie de l'intérêt général. Le premier théoricien de l’intérêt général est Rousseau. Il définit l’intérêt général comme naissant du fait qu’on socialise, qu’on rend commun des intérêts qui sont des intérêts privés d’une partie de la population : la bourgeoisie économique. Et ce faisant on les promeut en intérêt général. Par quelle magie cela s'opère-t-il? D'une part on le voit à travers les théorisations du contrat social de Rousseau, mais aussi Locke (et les doubles droits fondamentaux qui s'appuient l'un sur l'autre : la propriété privée et l'Habeas Corpus). Mais on peut aussi citer : Vittoria, Las Cases, Spinoza, Grotius, Pufendorf. Il faut produire sur la base de ces théories des croyances. Ce n’est pas tant les théories du Contrat social, avec l’intérêt de chacun perçu au sens de l’intérêt de tous (sens commun). Il faut des lois positives qui garantissent ce contrat, concrétisent sous forme politique ces théories du Contrat social (Locke, Rousseau, Hobbes, etc. cf cours second semestre). Mais il faut aussi, et c'est sans doute le plus important, une révolution. Mais laquelle? Une révolution économique qui s’opère avec l’affirmation d’un nouveau modèle de production et ce faisant de société : le mode de production capitaliste (Marx). Dans les termes de Sieyès) il s’agit d’une révolution juridique cela veut dire abolir les privilèges et fonder d'un nouveau système qui promeut l'égalité en droit pour tous et abolit les ordres sociaux) qui mène à la révolution sociale (donc après le changement de la norme fondamentale). (La révolution politique selon les termes de Sieyès et Montesquieu). 3. La démocratie représentative, produit d’une révolution politique ? Une révolution des esprits et politique. Pourquoi la perçoit-on comme cela? Car nous avons appris à l'école la vision de François Furet sur la Révolution française, qui relègue aux oubliettes la thèse des Annales et de l’Ecole marxiste (Matthiez, Labrousse Porchnev, Soboul…) de causes essentiellement économiques (crises frumentaires notamment) de la Révolution et du moment Sans Culottes. « Les historiens progressistes de la Révolution française, de Jean Jaurès à Albert Soboul, ont … pris leur distance avec le qualificatif d’historien marxiste. Dans son dernier entretien, Albert Soboul (1987) précise: « Je ne pense pas qu’il y ait une histoire marxiste et une histoire qui ne le soit pas ». Il y a l’Histoire tout court ». Sans doute, l’Histoire tout court est marxiste à ses yeux lorsqu’il précise : « Je proteste contre le discrédit auquel on a voué le marxisme à l’heure actuelle et qui, à mon avis, ne s’adresse qu’à un marxisme fermé, dogmatique et sectaire ». Cependant il n’en reste pas moins que les historiens progressistes de la Révolution française refusent d’opposer la méthode marxiste à la méthode de l’historien. Ils considèrent le marxisme seulement comme une méthode critique de recherche et de réflexion, positionnée en complément de la méthode de l’historien. L'apport de l'historiographie Un tel décalage entre la lecture marxiste de la Révolution française et l’attitude proprement historienne explique le caractère souvent vague et général des références aux textes marxistes dans l’historiographie de la Révolution française au nom du refus de ce qu’Albert Soboul appelle le marxisme littéral, donc au titre du caractère jugé fragmentaire des analyses de Marx relatives à la Révolution française. L’œuvre de Marx, auteur qui n’est pas considéré par les historiens professionnels comme un historien de la Révolution française, voire comme historien tout court, n’est donc abordée que sous l’angle méthodologique. Paradoxalement, ce sont les coups de boutoir de l’historiographie « révisionniste » (Furet, 1978), dans le contexte de l’effondrement du communisme réel, donc du renoncement de la connexion entre jacobinisme et bolchevisme, qui ont favorisé le retour aux textes de Marx sur la Révolution française (Furet, 1986). (…)François Furet s’en tient principalement à la part la plus critique de l’analyse de la Révolution française chez le jeune Marx, c’est-à-dire à tout ce qui concerne le jacobinisme comme « illusion du politique ». Il souligne ainsi le caractère autoréférentiel et abstrait du discours jacobin, sa déconnexion par rapport à la société civile dans sa tendance à l’hypertrophie du politique. (…) Dans cette perspective critique, le jacobinisme est rapporté plus raisonnablement à un groupe social, la bourgeoisie, véritable « idéaliste politique » (Marx), et à des notions (liberté, égalité, nation, etc.) qui sont autant d’idéalités politiques, d’êtres imaginaires de discours pris dans la dramaturgie de l’illusion de la démocratie antique. Mona Ozouf (1989) et Lucien Jaume (1989) définissent alors, dans la voie ouverte par François Furet, le discours jacobin comme « un discours imaginaire de la Révolution sur elle-même », sans lui dénier pour autant son caractère démocratique. Selon Lucien Jaume, l’art politique jacobin retravaille en permanence les catégories héritées de 1789, principalement celles d’individu, de citoyen, de souveraineté et de représentation, associant des « éléments archaïques » hérités de la monarchie et des « traits novateurs » à valeur émancipatrice. Furet, François (1975), Penser la Révolution française, Paris: Gallimard. Furet, François (1986), avec la collaboration de Lucien Calvié, Marx et la Révolution française, Paris: Flammarion. Guilhaumou, Jacques, (2002), Sieyès et l’ordre de la langue. L’invention de la langue politique moderne, Paris : Kimé. Guilhaumou Jacques, (1999), ‘Marx, Sieyès et le moment constituant (1789)’, Actuel Marx, 26: 173-188. Jaume Lucien, (1989), Le discours jacobin et la démocratie, Paris, Fayard. Ozouf, Mona (1989), L’homme régénéré. Essais sur la Révolution française, Paris: Gallimard. Pasquino, Pascale (1998), Sieyès et l’invention de la Constitution, Paris: Odile Jacob. Jacobinisme et marxisme. Le libéralisme politique en débat. – Notions par Jacques Guilhaumou, CNRS/UMR Triangle, ENS-LSH Lyon, http://revolution-francaise.net/2006/10/01/68-jacobinismeet-marxisme-le-liberalisme-politique-en-debat. La Révolution française est une révolution de grands esprits sans côté pragmatique, une révolution d’intellectuels, des théoriciens déconnectés de la réalité. Selon Furet emboîtant le pas à Tocqueville les intellectuels français ont ainsi animé la révolution avec des idéaux utopiques irréalisables. La révolution est avant tout une révolution des esprits, mais pas forcément une révolution politique efficace pour atteindre la démocratie souhaitée à la différence de la Révolution américaine pragmatique dans ses fins comme dans sa réalisation ou dans ses concepteurs. « Ce qui arrive dans le monde intellectuel n'est pas moins déplorable. Gênée dans sa marche ou abandonnée sans appui à ses passions désordonnées, la démocratie de France a renversé tout ce qui se rencontrait sur son passage, ébranlant ce qu'elle ne détruisait pas. On ne l'a point vue s'emparer peu à peu de la société, afin d'y établir paisiblement son empire; elle n'a cessé, de marcher au milieu des désordres et de l'agitation d'un combat. Animé par la chaleur de la lutte, poussé au-delà des limites naturelles de son opinion par les opinions et les excès de ses adversaires, chacun perd de vue l'objet même de ses poursuites et tient un langage qui répond mal à ses vrais sentiments et à ses instincts secrets ». Tocqueville Introduction démocratie en Amérique L 1 Puisque de la monarchie absolue on est passé à la démocratie représentative fondée sur un nouvel espace public fragmenté, il faut donc produire de « l'opium des peuples », de la croyance, ce qui fait exister sociologiquement la communauté de citoyens animés par le fantasme de la démocratie comme régime promouvant et garantissant la norme égalitaire. B. Comment actualiser cette vision tocquevillienne ou étudier le lien de représentation du point de vue de tous les représenté(e)s 1. La démocratie représentative repose sur la croyance des citoyens dans la représentation C’est la croyance des représentés dans l’existence de représentants, représentants, censés être leurs égaux, qui les gouverneraient en essayant d’atteindre le bien-être collectif en suivant la volonté générale. C’est la croyance des individus d’avoir d’autres individus qui leurs sont semblables et qui vont les remplacer, les relayer pour atteindre le bien commun de tous à leur place car ils vont dédier leurs efforts à cela. Car a démocratie représentative repose non pas sur l'imposition d'une autorité des représentants sur les représentants mais sur le consentement (Weber), la capacité à croire à la possibilité d’existence de tels représentants qui font primer l’intérêt général en vue du bien collectif et de notre bonheur individuel. Les théories de l’intérêt général sont « l’évangile de la démocratie représentative ». Mais qui croit cela? « Les dominés » économiquement qui se font berner par les déclarations des droits en croyant sinon qu’elles sont faites pour eux du moins qu’elles s’appliqueront à eux aussi, répondrait Marx. Faire la sociologie politique classique de la démocratie représentative c'est tout d'abord étudier les électeurs. C'est donc analyser les mécanismes de la croyance (sa fabrication, sa légitimation...), les mécanismes à travers lesquels se manifestent la croyance, et les effets des mécanique de la croyance en la possibilité de l’existence d'un régime démocratique représentatif. On va ainsi étudier les mécanismes de fabrication de cette croyance. Voilà pourquoi Siegfried est le premier sociologue politique, puisqu’il essaie de comprendre ce qu’ont dans la « tête » les hommes qui vont voter dans 16 départements différents, ce qui explique que ces mâles de plus de 21 ans résidant depuis plus de 5 ans au même endroit vont voter, se « propulsent ou se traînent » dans les bureaux de vote. On recherche des régularités. Comme les expliquer mais aussi comment expliquer le mécanisme du vote régulier qui fait qu’on peut les repérer ces régularités ? Bourdieu parle de processus de croyance qui repose sur le pouvoir symbolique « magicomythique ». Avant d'en arriver à parler de processus « magico-mythique » il a fallu s'interroger sur l'électeur, se demander pourquoi est-il prêt à croire en cette croyance, et à faire un acte qui relève du « prophétique » faire exister le régime comme tel alors qu’il n’existe pas. → pouvoir symbolique « magico-prophétique », voir version longue 2. L’impensé du modèle égalitaire tocquevillien : la question de l’esclavage devenu le problème noir puis le problème des minorités aux Etats-Unis : Quels sont les mécanismes de défense des penseurs de la démocratie comme régime et comme modèle de société face aux questions qui mettent en cause le principe d’égalité démocratique et même de démocratie comme reposant sur l’égale garantie des droits et des libertés à tous les citoyens ou comme la nomme Tocqueville sur l’égalité des conditions sociales dans une société de classes. Excursus en pointillé en encadrés successifs Un président Noir à la maison blanche : les sous-bassements racistes de la rhétorique journalistique et les questions qu’ils posent à la notion de représentation politique. Ce qui nous a amené à un commentaire d’actualité sur les présidentielles américaines et les USA. → définition de « métis », version longue Si Montesquieu évoque les problèmes relatifs aux Noirs avec humour (première conception du problème) pour échapper aux remarques (De l’Esprit des lois), Tocqueville s’en sort par le déni (ce qui va nous permettre d'aborder deux concepts freudiens déni et dénégation). Dans le chapitre V du livre XV sur 31, De l'Esprit des Lois, traité de sociologie politique que Montesquieu publie en 1748, et dans lequel il tente d'analyser comment le climat, les mœurs, l'économie, les lois ... ont influé sur les différents régimes politiques qui se sont succédés dans l'Histoire. l'auteur se feint d'être l'avocat de l'esclavage des noirs. Il propose ainsi en neuf paragraphes bien séparés, neuf arguments. Cependant une lecture plus attentive permet de distinguer quelques vices de forme dans le raisonnement proposé. → Pour cette lecture plus attentive voir version longue (je vous conseille d'aller le lire). François Furet répète que Tocqueville a une conception sociologique de la démocratie : il met en avant l’égalité des conditions sociales. Premiers § de l’introduction du livre 1 « Parmi les objets nouveaux qui, pendant mon séjour aux États-Unis, ont attiré mon attention, aucun n'a plus vivement frappé mes regards que l'égalité des conditions. Je découvris sans peine l'influence prodigieuse qu'exerce ce premier fait sur la marche de la société; il donne à l'esprit public une certaine direction, un certain tour aux lois; aux gouvernants des maximes nouvelles, et des habitudes particulières aux gouvernés. Bientôt je reconnus que ce même fait étend son influence fort au-delà des mœurs politiques et des lois, et qu'il n'obtient pas moins d'empire sur la société civile que sur le gouvernement: il crée des opinions, fait naître des sentiments, suggère des usages et modifie tout ce qu'il ne produit pas. Ainsi donc, à mesure que j'étudiais la société américaine, je voyais de plus en plus, dans l'égalité des conditions, le fait générateur dont chaque fait particulier semblait descendre, et je le retrouvais sans cesse devant moi comme un point central où toutes mes observations venaient aboutir. Alors je reportai ma pensée vers notre hémisphère, et il me sembla que j'y distinguais quelque chose d'analogue au spectacle que m'offrait le nouveau monde. Je vis l'égalité des conditions qui, sans y avoir atteint comme aux États-Unis ses limites extrêmes, s'en rapprochait chaque jour davantage; et cette même démocratie, qui régnait sur les sociétés américaines, me parut en Europe s'avancer rapidement vers le pouvoir. De ce moment j'ai conçu l'idée du livre qu'on va lire. (…) Mais voici les rangs qui se confondent; les barrières élevées entre les hommes s'abaissent; on divise les domaines, le pouvoir se partage, les lumières se répandent, les intelligences s'égalisent; l'état social devient démocratique, et l'empire de la démocratie s'établit enfin paisiblement dans les institutions et dans les mœurs. Tocqueville se sort du problème de l’égalité absolue fondamentale mise à mal par la division Blancs/Noirs/ Indiens et par l’esclavage en passant par ce que Freud appelle le déni qui est différent de la dénégation. La dénégation (deuxième conception) reviendrait à dire dans le cas de Tocqueville : je sais bien qu'il y a un problème, mais pour pouvoir faire mon étude sur le meilleur régime possible et donc de la démocratie en Amérique, je suis obligé d'escamoter ce problème, de le passer sous silence. Lui, il dénie (troisième conception) c'est à dire selon Freud cela revient à dire « je n'en veux rien savoir » et ainsi le seul Noir que l’on voit dans la fresque immense et complète de Tocqueville, c’est une nourrice noire. Quatrième mécanisme : celui défini et désigné par Sartre à travers le concept de mauvaise foi. Dans l'Etre et le Néant, 1943 donc écrit pendant la guerre quand Sartre est revenu de sa drôle de guerre à lui, Sartre prend l'exemple du garçon de café qui joue au garçon de café (sera développé au deuxième semestre en théorie des idées politiques). Obama aurait donc joué au candidat noir du moins dans les yeux des journalistes Si l'homme est ce qu'il est, la mauvaise foi est à tout jamais impossible et la franchise cesse d'être son idéal pour devenir son être; mais l'homme est-il ce qu'il est et, d'une manière générale, comment peut-on être ce qu'on est, lorsqu'on est comme conscience d'être ? Si la franchise ou sincérité est une valeur universelle, il va de soi que sa maxime «il faut être ce qu'on est» ne sert pas uniquement de principe régulateur pour les jugements et les concepts par lesquels j'exprime ce que je suis. Elle pose non pas simplement un idéal du connaître mais un idéal d'être, elle nous propose une adéquation absolue de l'être avec lui-même comme prototype d'être. En ce sens il faut nous faire être ce que nous sommes. Mais que sommes-nous donc si nous avons l'obligation constante de nous faire être ce que nous sommes, si nous sommes sur le mode d'être du devoir être ce que nous sommes ? Considérons ce garçon de café . Il a le geste vif et appuyé, un peu trop précis, un peu trop rapide, il vient vers les consommateurs d'un pas un peu trop vif, il s'incline avec un peu trop d'empressement, sa voix, ses yeux expriment un intérêt un peu trop plein de sollicitude pour la commande du client, enfin le voilà qui revient, en essayant d'imiter dans sa démarche la rigueur inflexible d'on ne sait quel automate, tout en portant son plateau avec une sorte de témérité de funambule, en le mettant dans un équilibre perpétuellement instable et perpétuellement rompu, qu'il rétablit perpétuellement d'un mouvement léger du bras et de la main. Toute sa conduite nous semble un jeu. Il s'applique à enchaîner ses mouvements comme s'ils étaient des mécanismes se commandant les uns les autres ; sa mimique et sa voix même semblent des mécanismes; il se donne la prestesse et la rapidité impitoyable des choses. Il joue, il s'amuse. Mais à quoi donc joue-t-il ? Il ne faut pas l'observer longtemps pour s'en rendre compte : il joue à être garçon de café « L'Être et le Néant (1943), 1ère partie, chap. II Stoler reprendra ce concept et parlera du « disregard » comme regard impérialiste : comprend la mauvaise foi (« je sais mais ce n'est pas mon problème »), le désintérêt voire la mise à distance de questions gênantes et donc la gêne vis à vis des personnes qu’elles concernent pour (pour Tocqueville les noirs nés aux EU et les indiens sont-ils des américains ou des « natives » ? les esclaves noirs sont –ils des citoyens ou des hommes) voire le mépris . Disregard (for person, feelings) manque m de considération; (of order, warning, danger etc) mépris m; (of the law, convention) inobservation f; ∎ he showed a flagrant disregard for the rules il a fait preuve d'un mépris flagrant pour le règlement; ∎ to show complete disregard for the feelings of others ne pas du tout prendre les sentiments des autres en considération; ∎ with complete disregard for her own safety au mépris total de sa vie Harraps unabridged Rappel : aux Etats-Unis, il y a 7 habitants sur 1000 (2,1millions en 2001) qui sont en prison. Sur l’ensemble des prisonniers, il y en a 9 sur 10 qui ne sont pas WASP. → statistiques, voir version longue Pour conclure ce premier point : Faire la sociologie politique des électeurs, c’est faire la sociologie politique de ce contrat social qui se réalise dans la démocratie participative et dans cette croyance du peuple. Mais aussi de ceux qui sont exclus non seulement du contrat dans la réalité politique mais aussi des travaux de sociologie politique dont les savants se trouvent aussi pris tels Tocqueville au XIXème siècle dans le disregard. 3. Comment étudier les impensés de la démocratie représentative et ses arrières -cours, Comment étudier les jardins secrets de la démocratie représentative qui ne sont pas des jardins des délices (Braud) ni de supplices d’ailleurs mais souvent des limbes où sont fantômisés les objets du disregard . Faites moi penser à revenir sur ce livre de P Braud .Le jardin des délices démocratiques, pour une lecture psycho-affective des régimes pluralistes, Paris, Presses de sciences po, 1991. Le titre de l'ouvrage est un clin d'œil au tableau de J. Bosch, Le jardin des délices, qui met en scène les divers types de plaisirs. Dans ce tableau exposé au Musée du Prado à Madrid, le peintre a créé un grand triptyque haut de plus de deux mètres. A la fin du XVIe siècle, on l'intitulait Le tableau à la fraise ou La luxure. L'interpré-tation la plus convaincante est que les panneaux latéraux, une fois repliés, représentent le Déluge tandis que le panneau central montre le monde avant la submersion sous les eaux flanqué à gauche de l'Eden et à droite de l'Enfer, faisant ainsi se succéder le péché originel, l'indulgence et le châtiment. J.Bosch souligne la fragilité et malignité de l'homme, non sa beauté et sa noblesse. Les plaisirs de chair célébrés par les artistes italiens sont condamnés par le peintre. Les démocraties pluralistes ont-elles une quelconque analogie avec le célèbre tableau "Dantesque" du peintre hollandais J. Bosch Le jardin des délices ? La démo-cratie pluraliste est-elle un jardin des délices ? L'ironie de l'auteur est manifeste et "le chemin est court qui mène de l'illusion à la déception lorsqu'il y a malentendu originel". La question centrale sinon unique que Ph. Braud aborde dans cet ouvrage est celle-ci : "Comment ça fonctionne ?". La démocratie pluraliste est fondée sur des croyances et elle ne "marche pas" pour les raisons que l'on prétend. Pour Ph. Braud, l'efficacité des démocraties pluralistes réside dans leurs aptitudes à "gérer les défis émotionnels de la vie sociale". Il insiste sur l'omniprésence de la dimension psycho-affective dans le fonctionnement du système politique. Son approche va à l'encontre de toute la tradition anti-psychologique, dimension tenue à distance depuis Durkheim. Toutefois et comme il le dit clairement, Ph. Braud privilégie "la psychologie des situations" et non celle des acteurs qu'il rejette dans la mesure où elle est réductrice et insuffisamment pertinente. L'auteur reconnaît que "la démocratie pluraliste n'est peut-être pas le plus juste des régimes politiques, mais elle est celui qui se préoccupe le plus de la satisfaction des mécontents actifs". "L'hypothèse centrale de ce livre est donc celle-ci : la supériorité, aujourd'hui peu contestable, des démocraties pluralistes sur les régimes autoritaires et les systèmes totalitaires ne tient pas au triomphe de leurs principes idéologiques. S'il y a eu conso-lidation institutionnelle (elle est en effet remarquable !), c'est en raison de leur aptitude supérieure à gérer, sans les étouffer, les dynamismes émotionnels qui traversent la société." Marwan Mehanna http://www.fjpansier.com/Repdroit/2/N%B0%202%20%20-%20POLITIQUE.htm#LE%20JARDIN%20DES%20DELICES Faire de la sociologie politique des élections, c’est faire l’étude des impensés de celles-ci. Il n’y a dans l’immense majorité des travaux sociologie du politique de la démocratie représentative que des discours qui se placent du point de vue des dominants.. Pour définir l’espace des points de vue scientifique on doit donc se poser la question : qui est autorisé à parler de la démocratie? Ainsi cela revient à se demander : Qui peut parler de la démocratie dans le monde savant ? dans le monde politique ? dans le monde des experts ? Faire la sociologie de la démocratie représentative c’est donc déterminer les points de vue autorisés à s’exprimer sur l’objet de « démocratie représentative » et les points de vue interdits ceux des dominé(e)s. Pour faire la sociologie du politique qui ne soit pas ethnocentrée, religio-centrée, socio-centrée... il faut commencer à repérer les discours sociologiques interdits (soit quelle sociologie je n'ai pas droit de faire de l'objet démocratique en fonction du fait que je suis un expert, un savant ou un politique démocrate convaincu). Le discours à avoir ne serait pas un discours ironique à la Churchill « le pire des régime politique, à l'exception de tous les autres ». mais plutôt un discours maximaliste du style : « le régime démocratique est le meilleur régime politique atteignable » et un régime irrésistible. C'est le discours de Tocqueville qui a une conception sociologique de la démocratie selon François Furet. Il décrit d'abord le système social américain avant de s'attaquer au système politique. Il porte la conviction que la démocratie à l'américaine (représentative) et en général, est le meilleur système politique au monde, à tel point qu'il va se répandre sur toute la planète. Quel argument met-il en avant pour démontrer son postulat? La divine providence. Il a ainsi compris qu'il y a une religiosité au sens de rite sacré de lien social qui existe aussi en démocratie. La démocratie nécessité une croyance des rituels de de croyance. Ce n'est pas parce qu'on est dans une processus de sécularisation de la société qu'il n'y a pas de religiosité en politique. → Comment lire Tocqueville sans l'avoir lu mais l'avoir lu quand même un peu...? Voir version longue Nous avons commencé à évoquer à envisager les conditions de possibilité d’une sociologie politique de la démocratie représentative d’aujourd’hui. Mais nous traiterons au second semestre de la théorie politique de la démocratie. Le travail déjà effecutué consistait à faire le lien entre notre chapitre introductif (où nous avions discerné les points de vue ethno-centré, phallo-centré... de la pensée de politique) et comment ces points de vue nous donne à voir la démocratie représentative. Pour faire une analyse sociologique de la démocratie représentative il faut tout d'abord relativiser en faisant un double travail : de décolonisation de la pensée vis-à-vis du modèle démocratique antique ou laïc (qui se trouve être un modèle inégalitaire : inégalité sociales fondées sur des inégalités biologiques, des inégalités de droit = inégalités juridico-politiques) il faut prendre son indépendance vis à vis de ce modèle qui n’est même pas un anti-modèle pour penser les démocraties modernes sociologiquement de décolonisation vis à vis de l’espace-temps de la constitution des démocraties contemporaines, soit l’espace temps européen de la fin du XVIII à la fin du XX. Le XX e siècle n'est pas le siècle de l'avènement de la démocratie mais a été marqué par les régimes totalitaires. C’est l’émergence des régimes totalitaires dont on ne peut faire que la théorie et dont la sociologie politique se désintéresse (on ne peut pas compter le nombre d’électeurs ; le nombre d’encartés ne reflètent pas forcément l’adhésion idéologique au parti unique, la compétition pour les postes n’est pas pacifique, les relations gouvernants gouvernés sont basée sur l’aliénation totale des libertés des premiers et sur la politique de terreur que font régner les seconds). Le régime intermédiaire pourrait être le régime dictatorial. Qui fait déjà davantage l’objet de travaux de sociologie politique comme en France pour l’Amérique du Sud de ceux de Guy Hermet Mme Daviaud a du vous en parler Voici le plan du chapitre (correspon au II et III) . Type plan dissertation de sciences po classique On s’est posé la question de la décolonisation du regard des savant sur le modèle de DR mais la question centrale qui se posent c’est le type de rapports que les citoyens des démocraties représentatives entretiennent avec la représentation et leurs représentants. On se pose alors une question non pas scientifique mais pratique : Qu’est-ce qui se passerait si les représentés cessaient de croire non seulement à l’effectivité des représentants (du fait que les représentants les représentent soit le modèle de la représentation) mais qu’en plus ils cessaient de croire à la validité même d’un tel régime politique ? Bref, qu’arriverait-il à la démocratie s’ils succombaient aux sirènes tentatrices et dangereuses de la critique marxiste de la démocratie comme étant un fauxsemblant qui permet de réaliser la domination économique et sociale du capital et des capitalistes sur le travail et sur les prolétaires en la renforcant par une domination juridico-politique pour Marx d’une violence symbolique pour Bourdieu. Ceci permettrait de redoubler cette domination matérielle par une domination symbolique, qui est le fait de la superstructure, c’est-à-dire en utilisant les appareils juridiques (droit, dont les droits de l’Homme), pour faire respecter la propriété et les « droits de l’Homme » des autres. Est-il besoin d'une grande perspicacité pour comprendre que les idées, les conceptions et les notions des hommes, en un mot leur conscience change avec tout changement survenu dans leurs conditions de vie, leurs relations sociales, leur existence sociale ? Que démontre l'histoire des idées, si ce n'est que la production intellectuelle se transforme avec la production matérielle ? Les idées dominantes d'une époque n'ont jamais été que les idées de la classe dominante. » Karl Marx & Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste, 1847. On a connu des régimes liberticides : des dictatures, des régimes populistes fondés sur la présence d’une junte par exemple. Comment faire pour ne pas tomber dans la critique marxiste qui met en cause non pas seulement l’efficacité mais les fondements mêmes, la validité, la possibilité de la démocratie ? Il faut réfléchir à qu’est-ce qui fait fonctionner les croyances en la démocratie, le pacte entre représentés et représentants (« le pacte magique » dixit Bourdieu). C'est un pacte qui fonctionne dans les deux sens : les représentés fabriquent les représentants et les représentants font exister les représentés en parlant en leur nom à tous. Comprendre d’un point de vue sociologique ce qui fonde la démocratie, c’est comprendre ce qui fait durer ce pacte dans le temps, dans la pratique, permettant à la démocratie représentative d’être non seulement durable (cf. Montesquieu) mais aussi irrésistible (cf. Tocqueville). Les critiques de ce régime, d’abord marxistes puis populistes (ou plus simplement antiparlementaristes), qui refusent la représentation par le vote, veulent une représentation par la rue. A partir de 1875, jusqu’en 1914, la démocratie représentative est un enfant malade. René Rémond dans les Droites en France nous dit que l’acte de naissance de la démocratie républicaine qui est la commune de Paris se poursuit en 1875 avec l’amendement Wallon qui baptise l'enfant (la démocratie). Seulement, l'on n'est pas sûr que la démocratie va survivre. Et l'on doit attendre la fin de l’affaire Dreyfus pour que l’on ait l’impression que cet enfant allait survivre. Encore que certains évènements tel le 6 février 1934, nous montre la fragilité de la démocratie. De même que la France à travers le Général de Gaulle soigne ses maux en se persuadant que « Vichy n’est également qu’une parenthèse ». Hotel de Ville de Paris le 25 aout 1944 : « je ne proclame pas la République, la république n'a jamais cessé d'exister ». La semaine dernière, on s’est posé la question de la décolonisation du regard des savants posons nous la question de la sociologie politique classique et répondons y classiquement II Qu’est-ce qui fonde et fait durer ce pacte de la représentation ? A La socialisation politique. On va parler de sociologie électorale, comment former un électeur, qu’est-ce qu’un électeur, etc ? Donc théories de la socialisation de l'enfant. 1 De la socialisation en général (Durkheim qui en donne la première définition dans Education et sociologie, Bourdieu, Foucault...) à la socialisation politique républicaine en particulier. a. Les lieux, les modes et les temps de la socialisation politique et ses effets (transmission des préférences idéologiques) Du CEVIPOF : Annie Percheron et Antoine Prost mais aussi à propos de la laïcité : Winock et Raoul Girardet b. Le rôle de l'école dans la fabrication des citoyens et de la transmission de la culture civique nationale La socialisation politique ne se fait pas que dans le vote, mais aussi avec la socialisation de l’électeur dans le cadre d’un Etat-nation. Un patrimoine commun, l’école de la III° République qui invente une technologie de vulgarisation de l’enseignement des sciences humaines, au service de citoyens attachés à la patrie et prêts à mourir pour la patrie. La Nation est un long oubli vécu en commun. Cette socialisation au rôle de citoyen dans une démocratie représentative commence par le double mécanisme de socialisation : la socialisation à l’identité, aux cadres, aux rites, aux symboles qui permettent de s’identifier comme étant français (Annick Percheron – remarque que c’est aussi aux USA : on s’identifie à la figure clef de voute des institutions en la personnifiant sous la figure du président). Quelques travaux sont faits sur la socialisation européenne, mais on n’est pas réellement socialisé à l’Europe à l’école, qui se borne au nationalisme des Etats. Depuis les années 70, on considère enfin que le citoyen n’est pas qu’un citoyen national dont la fonction est qu’il est seulement électeur (électorat fonction vs. électorat droit) 2. Mais aussi qu’est-ce qui fait la force des représentants comment on fait les chefs et s’établit la domination politique démocratique On est ici post-wéberien : on examine comment, par quels processus sociaux la légitimité rationnelle légale associée à la légitimité charismatique et traditionnelle se met en place. Die Macht (la puissance) est le concept wébérien de puissance comme pouvoir potentiel, opposé à la domination, au pouvoir, Herrschaft, relation de domination quand elle est entrée en fonctionnement. Weber met la différence que dans un cas, c’est une chance d’être obéi, peu importe ce sur quoi repose cette chose, et que dans l’autre, on est obéi par un grand nombre d’individus, que l’on ait donné un ordre ou pas. On est dans une possibilité de relation de pouvoir, qui créera une relation entre dominant et dominé dans la Herrschaft. Dans la relation de domination, on est dans une relation effective de pouvoir. Bourdieu combine deux notions wébérienne : Macht et Disziplin. Macht, c’est la chance d’être obéi, le fait d’obtenir de l’obéissance par un groupe d’individus : dans ce cas-ci on est dans une relation impersonnelle. La Herrschaft est un capital d’autorité (définition de Dahl : possibilité de faire faire à quelqu’un quelque chose qu’il n’aurait pas fait sans cela). L’autorité (Herrschaft) est une vision substantielle du pouvoir : tant qu’on ne s’en sert pas, on la conserve. Si l’on s’en sert, c’est quitte ou double. Le pouvoir ultime, c’est quand on n’a pas besoin de donner un ordre : c’est une anticipation sur les bénéfices potentiels, c’est une socialisation anticipée au rôle de client. → Pour ceux qui s'intéressent aux notions de Macht et de Herrschaft, et pour ceux qui parlent allemand vous pouvez aller voir la version longue. On envisage toujours dans l’analyse le point de vue de celui qui va devenir leader, mais jamais celui qui devient soumis parce qu’il le veut bien. Weber dit que pour qu’il y ait domination, il faut qu’il y ait une relation de commencée : peu importe de qui a commencé, du chef ou du subordonné. Dans ce que dit Weber, on se fiche des moyens du leader pour se faire obéir, on regarde ceux qui obéissent, qui acceptent d’obéir, de s’y conformer. Weber dit que cela ne suffit qu’à initier la relation de pouvoir et à définir qui obéit et qui commande. Une fois que cette relation de pouvoir est initiée, qu’est-ce qui la fait durer ? La discipline est une obéissance prompte, automatique et schématique. Ce n’est pas une obéissance réflexe, mais d’avantage une obéissance sans réflexion. C’est un passage à l’acte du gouverné qui va passer à l’acte sans « passer par la case rationalité ». En parlant d’automatique/automatisme, Weber veut dire qu’il y a des circuits dans la relation de pouvoir qui ne passe pas non seulement par la case rationalité mais qui sont des circuits habituels, d’une éducation : ce que Durkheim appelle socialisation, Weber le nomme automatisme. C’est un ensemble de « faire » devenus inconscients pour la psyché. Ce que Bourdieu appelle l’habitus, c’est l’ensemble des dispositions qui sont acquises par la socialisation politique (double mécanisme de la socialisation c'est-à-dire : de l’acquisition et de l’imprégnation). Le principal dans l’éducation, c’est le modèle de l’imprégnation, que les dispositions se transmettent. Le fait d’être socialisé à la posture de l’obéissance est le fait qui implique moins l’esprit que le corps. (?) B Le triomphe des urnes sur la rue De la théorie de la socialisation à l’ étude anthropologique de « l'acte de vote » Yves Deloye et Olivier Ihl, et Yves Surel. 1 Comment s’acquiert le savoir faire pratique du métier d’électeur? On ne va pas parler de Bourdieu. Il nous faudrait lire un texte de Bourdieu : Sur la représentation politique, 1975. Bourdieu a peu écrit sur les politiques de construction des Etats nations et sur le champ politique démocratique. Il développe cependant l’idée que la représentation politique est une fiction juridique et sociale, constituée sous forme de mythe générateur. Il propose deux autres concepts dans la lignée wébérienne du métier politique dans la Démocratie représentative. La représentation est une délégation, mais pas au sens juridique du terme : la délégation est au sens anthropologique du terme. Bourdieu utilise le concept de fétichisme politique. Tous ces textes sont regroupés dans Essai sur le champs politique (Presses universitaires de Lyon) et un texte intitulé Ce que parler veut dire, repris dans un ouvrage qui les rassemble Langage et pouvoirs symbolique. La théorie qui consiste à dire que la représentation politique est la croyance qui fait fonctionner la démocratie, et que cette croyance peut être théorisée, c’est à voir sous l’angle de la sociologie politique de Bourdieu. Bourdieu parle de champ de luttes et de champ de forces. La démocratie ne peut pas fonctionner sans le fait de la production de mythes et de totems autour desquels on peut réunir dans des circonstances sacrées, dans des tâches non ordinaires. Le peuple ne peut pas exister sans la production de tels mécanismes. L'analyse sociologique de la Démocratie Représentative est une analyse socio-historique de la construction des symboles qui permettent de cristalliser la croyance des citoyens dans la légitimité des régimes démocratiques. La croyance dans le métier d’électeur, la pertinence de devenir un représenté parce que l’on va aux urnes, cela se traduit par l’intériorisation des gestes obligés de la séquence du vote. Savoir voter, c’est d’abord savoir comment se tenir dans un bureau de vote. Etudier le vote, c’est d’abord étudier une pratique incorporée où le citoyen sert de pilier. Non seulement il ne se pose pas la question à chaque fois de comment faire pour aller voter, mais il va savoir comment se comporter dans le bureau de vote. Olivier Ihl examine l’acte de vote comme un processus sacré, un rituel religieux. Le lieu est transformé en un usage d’accès aux citoyens. L’usage du lieu est inversé (par exemple le gymnase qui devient bureau de vote). Durkheim considère qu’une religion est un dogme et un rituel. Faire une sociologie des dogmes, c’est compliqué, mais ce qui est intéressant est la manière sdont les religions construisent les ecclésias. Comment construisent-elles du lien social ? 2. La sacralisation de l’acte de vote Ce qui intéresse le sociologue, ce serait étudier l’équivalent de l’étude des dogmes des lois politiques. Faire une sociologie politique, c’est faire une sociologie politique du rite électoral. Le dogme s’accompagne d’une séquence d’actions toujours dans le même ordre et circulaire. Ce qui intéresse un sociologue des religions dans l’Islam, ce ne sont pas les 5 piliers en tant que tels, mais la manière dont les croyants pratiquent et respectent dans les espaces sacrés comme profanes les 5 piliers de l’Islam, soit ce qui matérialise l’adhésion au dogme religieux. → vision durkheimienne. Weber lui regarde la manière dont les individus vont intérioriser et matérialiser leur adhésion à un dogme religieux. Pour étudier les religions, Durkheim considère qu’il faut étudier les religions primitives : il y a une évolution du degré de sophistication des religions. Durkheim étudie le totémisme australien. Dans le religieux, il y a un moment sacré où on renverse toutes les valeurs du profane. On inverse un espace où l’on rentre dans le sacré. (« vous allez me dire, ils se prennent la tête les anthropologues du vote » oui)... Dans le moment sacré, on est dans une sorte d’effervescence particulière. On ne se comporte pas de la même manière que tous les jours. Ceci est appliqué au vote. On a une technologie du vote (cf. Alain Garrigou) Rosanvallon Le Sacre de l’électeur). Ce comportement implique une socialisation. Ce rituel s’apprend. C’est l’espace sacré de la démocratie (cf. aussi Raymond Huard). On a mis beaucoup de temps à sortir de la simple sociologie électorale pour passer à la sociologie des mouvements sociaux. On envisageait soit les citoyens comme électeurs, soit les citoyens comme au travers des organisations politiques. III Qu’est-ce qui la menace ? A Les dangers traditionnels et anciens 1 La fracture politique : La haine du parlementarisme Les catégories de Duverger (partis de masse et partis de cadre) sont encore utilisées malgré une critique massive. Ainsi que le principe de bipolarisation de la vie politique française et du parlementarisme. → Petites parenthèses enchaînées : sur Duverger et Segolène Royal. 2 Une fracture politique liée à la fracture sociale. Le fantasme du passé : demain, tous les prolétaires de tous les pays s'uniront pour faire la révolution... ou alors le fantasme de la menace terroriste. Derrière cette idée de la fracture politique qui serait liée à la fracture sociale, liée à une perception d’une distance entre représentants et représentés. À noter que l'idée de « la fracture sociale » a été soufflée par Emmanuel Todd (fondation SaintSimon) à Jacques Chirac. Menace la démocratie dans sa pérennité de long terme. A part l’ascenseur social en panne, on a depuis longtemps la métaphore de la cohésion du tissu social accroché, déchiré (Durkheim). De la fracture sociale à la fracture raciale ? voir Eric et Didier Fassin De la question sociale à la question raciale, la découverte, 2006. B les dangers d’effondrement ou d’implosion 1. Fin des Etats-nations. a. Les Etats-nations eux-mêmes peuvent se déliter et perdent leurs « bijoux de famille », leur empire. Quand ils ses retrouvent réduit territorialement, leur puissance civilisatrice se trouve réduite (les marges de l’empire, qui quand elles se séparent de l’empire, minent les sources de la puissance), ils sont menacés dans les fondements même du pacte démocratique. Quand la démocratie est minée dans son organisation politique même, car un de ses fondements (égalité devant la loi) s’écroule : elle perd les formes de sa puissance. La puissance de la III° République est sa puissance colonisatrice, avec la mission civilisatrice, qui s’accompagne d’une politique d’excellence (éducation pour tous). Menace quand les Etats-nations perdent leurs cadres, les territoires colonisés. b. De plus, Renan dit que les états nations disparaitront. Dès lors la menace est l'Europe. Parfois la démocratie représentative vieillit de manière prématurée et se transforme en autre chose pour perdurer en démocratie délibérative. Lutte contre le phénomène de routinisation webérien par la démocratie participative. 2 La fin de la démocratie ou ses limites... pour un plan science po presque classique Ce qui menace le plus la démocratie, c’est l’illusion qu’elle poursuite un universalisme, alors qu’elle n’est qu’une caractéristique d’une aire précise donc qu'elle n'est qu'un pseudouniversalisme, et qu'elle est source et fondée sur des inégalités (mais là vous n'êtes pas politiquement correct et à moins que vous soyez super fort, vous risquez de vous coulez tout seul... à défaut d'arguments imparables). Il faut garder une balance entre la promotion des identités et la promotion de l'universalisme. (On a conclu hier que le danger que court la démocratie est la dissolution dans les identités et les particularismes qui lui, faire perdre de vue son objectif universaliste. Si vous désirez lire sur le Particularisme, lisez le canadien Charles Taylor : Multiculturalismes et identités. Le deuxième auteur que l’on peut lire sur les particularismes est Will Kymlicka, qui travaille sur la démultiplication des identités dans la logique des Etats conçus comme pluriels (souvent fédéraux ou confédéraux). Kymlicka W. (1995), Multicultural citizenship : a liberal theory of minority rights, Oxford, Ofxord University Press. Will Kymlicka, La citoyenneté multiculturelle, Une théorie libérale du droit des minorités, éditions La découverte, 2001, 352 page Comment analyser les limites du modèle démocratique ? Le danger le plus important que court la démocratie Représentative, c’est le danger de la constitution d’un nouveau modèle politique de démocratie totalitaire. C’est un danger de pertes de libertés politiques, civiques et civiles. C’est la racialisation des divisions sociales et politique (ça c’est ma réponse !) Un certain retour du racisme biologique en France... voir cette notion avec l’auteur sur la notion de créolité : Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme. Le créole, c’est le mélange linguistique. L’auteur qui a réfléchi à ce métissage comme fondement de l’autonomisation des colonies vis à vis de la métropole, de la décolonisation est celui qui a inventé la notion de communauté imaginée, Bénédicte Anderson. L'Etat-nation est une nation imaginée, et il considère que le vecteur de constitution des nations, et des nationalismes qui permettent de conduire au processus de décolonisation, c'est la langue plus que la mixité sociale. Loi Gayssot 1990 et autre de 1974 sur la pénalisation de l’incitation à la haine raciale. Dans une récente émission, Eric Zemmour affirme la différence des races fondées sur la culture de la peau. Il parle de la notion de métissage. Le racisme est fondé dans toutes ses formes -pour les citer chhronologiquement racisme des sangs et de la couleur de la peau, racisme des caractéristiques morphologiques, racisme des groupes sanguins, racisme culturel, racisme génétique- sur la phobie du mélange avec l’autre vécu comme métissage au sens de l’hybridation monstrueuse (tératologique) que Taguieff appelle mixophobie. Le premier racisme est un racisme défini sur la base des sangs (et non de la naissance). C'est le racisme du XV et XVIe siècles espagnol et portugais. Derrière la couleur de la peau, il y aurait des sangs qui ne seraient pas mélangeables. Le mélange des sangs abâtardît la race (repris par le darwinisme social...). Cette théorie de la hiérarchie des races est fondée sur la hiérarchie des sangs. À ce propos lire de Pierre-André Taguieff. La couleur et le sang, Mille et une nuit, Cette théorie raciste des sangs différents est encore en vigueur dans les expériences sur des produits pharmaceutiques : on distinguait le type caucasien, asiatique, négroïde et le type des amérindiens. On passe à la deuxième théorie raciste celle fondée sur la morphologie physique : dans le premier XIXe ce premier racisme s'associe aussi à l'analyse du crâne, la phrénologie. Son but est de repérer les caractéristiques morales des individus en fonction des caractéristiques des muscles et des os de leurs visages. La science médical avant d'être humaine c'est l'anthropologie : l'étude de la morphologique des visages et des crânes (1850), autour de l'anthropologue-médecin Alexandre Broca... et d'autres anthropologues : en mesurant la taille des boites crâniennes et en décrivant leur forme (brachycéphale, dolico-céphale non seulement ils posent des distinctions raciales mais aussi sexuées : un crâne plus petit, donc un cerveau plus petit, donc moins d'intelligence. Sachant qu'en parallèle se développent les théories modernes de l'hystérie, sur le postulat que si pas l'intelligence dans le cerveau donc cette « intelligence » se trouverait ailleurs... c'est-à-dire le bassin). Jean Guilaine & Jean Zammit, Le Sentier de la guerre. Visages de la violence préhistorique, Paris, Seuil, 2001 → voir version longue pour un extrait. Broca, Geoffroy Saint Hilaire et Quatrefages posent les bases d'une anthropologie physique qui permet de réfléchir sur l'évolution de l'humanité (tailles des crânes augmente avec l'évolution c'est que l'intelligence est en expansion). Distinction des crânes sur la base des morphotypes physiques grâce auxquels on déduit des morphotypes moraux (« la bosse des maths ») des vices surtout... (qu'on voyait aussi comme héréditaires). Et d'où des théories sur le morphotype des grands criminels. Le Gall invente la phrénologie. Le terme « anthropologie » a un sens général très vague : littéralement, « science de l'Homme ». En pratique, elle se distingue de certaines « sciences humaines », telles l'archéologie, la psychologie, la linguistique, pour se limiter à la définition de Broca, « histoire naturelle du genre humain ».De même que la zoologie étudie les animaux du point de vue de leur morphologie et de leur mode de vie, de même l'anthropologie porte aussi bien sur les traits physiques et la biologie c'est alors l'anthropologie physique - que sur les mœurs et coutumes qui intéressent l'anthropologie culturelle (ou ethnologie). De plus, les connaissances acquises sur les hommes fossiles ont conduit à développer deux autres disciplines, qui prolongent les précédentes dans le passé : la paléontologie humaine (ou paléoanthropologie) et la préhistoire. Par convention, l'anthropologie sous-entend l'anthropologie physique (ou biologique), tandis que l'anthropologie culturelle est désignée par son autre nom, l'ethnologie. Cependant, cette acception des mots n'est pas universelle : dans les pays anglophones, l'anthropologie désigne l'ensemble des quatre disciplines, tandis qu'en Europe continentale elle a le sens restreint indiqué plus haut, lequel tend d'ailleurs a être supplanté par les termes de biologie Le Français Paul Broca (1824-1880), fondateur de l'anthropologie physique et neurologue. http://www.universalis.fr/encyclopedie/B920661/ANTHROPOLOGIE_PHYSIQUE.htm → pour en savoir plus sur la vie de Broca et ses recherches, voir version longue. → pour en savoir plus sur la vie de Saint-Hilaire et ses recherches, voir version longue. Introduction à l’étude des races humaines, de Armand de Quatrefages [1810-1892]. Liste partielle des publications Rapport sur les progrès de l'anthropologie (1867) Charles Darwin et ses précurseurs francais (1870), une étude de l'évolution dans laquelle l'auteur adopte la même attitude que Alfred Russel Wallace et combat l'application à l'homme de la doctrine darwinienne La Race prussienne (1871) Crania Ethnica, avec le Dr Hamy (2 volumes, 100 planches, 1875-82), un travail basé sur des données anthropologiques françaises et étrangères, similaire au Crania de Thurnam et Davis, et au ""Crania Americana and Crania Aegyptiaca de S. G. Morton. L'Espèce humaine (1877) Nouvelles études sur la distribution géographique des Négritos (1882) Hommes fossiles et hommes sauvages (1884) Histoire générale des races humaines (2 vols., 1886-89), le premier volume est une introduction, tandis que le second tente une classification complète des races. Les Pygmées : Avec 31 fig. intercalées dans le texte; Les Pygmées des anciens d'après la science moderne ; negritos ou Pygmées asiatiques ; Négrilles ou Pygmées africains ; Hottentots et Boschismans (1887) Jean-Christophe Sillard (1979). Quatrefages et le transformisme, Revue de synthèse, 3e série (9596) : 283-295. (ISSN 0035-1776) On peut lire à travers le morphotype physique des qualités, des différences, et on peut donc hiérarchiser les races. Si les théories d’Auguste Comte sont bien connues à l’époque et anticipent l’évolution humaine, cette anthropologie physique ne connaît que peu de résonance, puisque la recherche de crânes frais les conduit à la médecine légiste. Si on va aujourd’hui au musée de la Faculté de Médecine de Paris, on voit la collection des crânes de grands criminels sur lesquels on a cherché à déduire des vices qui non seulement été congénitaux mais, on le pensait à l’époque, héréditaires ou fruit de la dégénérescence → A ce propos voir un extrait du livre de Sylvie Châles-Courtine, « Le corps criminel dans les Archives d’anthropologie criminelle ». C’est d’ailleurs à l’époque qu’émergent les premières thèses eugénistes (Grandes théories françaises eugénistes. « purifier la race » en empêchant les naissances qui mineraient la race, ce n'est pas que le cas de l'Allemagne nazi cela intervient avant un peu partout en Europe la Suède. Va passer de la théorie à la pratique dès l’entre-deux-guerres par des campagnes de stérilisation des races, groupes, individus estimés inférieurs..). Les fondements de la théorie eugéniste sont déjà présents dans les années 1850. Entre Renaissance et XXe siècle le terme « race » entre dans la science... Plus précisément, à la cheville du XVIIIe et du XIXe. Il devient la catégorie fondamentale de l’anthropologie physique. Alors que la science mesure et classe tous azimuts, la notion de race va conforter l’idée qu’il y a des différences objectives entre les variétés d’humains, en les ordonnant, dans des arborescences par exemple. Le darwinisme, qui commence à se répandre à partir des années 1860, n’est donc pas à l’origine des théories hiérarchiques entre les variétés de l’espèce humaine. Il va, en revanche, leur fournir des outils. Il conduit à penser la série ascendante des races dans un langage du développement : dans la course à l’évolution, certaines races sont plus avancées que d’autres. Le concept de sélection naturelle, interprété dans ce contexte, alimente en outre l’idée d’une concurrence entre races. Surtout, il donne une manière de caution scientifique aux conséquences possibles d’affrontements, c’est-à-dire à la disparition ou à l’extermination de certaines populations au profit d’autres plus « développées ». Ces idées, qui nous paraissent aujourd’hui effroyables, sont alors ouvertement théorisées ; par exemple au sein de la Société royale d’anthropologie de Londres. Nous sommes au plus fort de l’expansion coloniale … Est-ce que ce courant recoupe celui de l’eugénisme, qui apparaît à la même époque ? L’eugénisme et l’anthropologie raciale partagent la même vision dynamique de l’espèce. À partir du moment où vous pensez que l’homme se doit d’intervenir dans son évolution pour améliorer sa descendance, si vous admettez des différences de valeur entre les variétés humaines, vous êtes vite conduit à recommander l’amélioration de telle variété plutôt qu’une autre. L’eugénisme visera donc à maîtriser, au profit de telle race, un phénomène jugé naturel. S’ajoute à cela la hantise d’une dégénérescence des populations européennes. Le biologiste allemand Ernst Haeckel, par exemple, les voyait menacées de déclin - la guerre éliminant les meilleurs et la médecine favorisant les autres... Quel est l’impact de ces idées ? Au début du xxe siècle, la représentation d’une espèce humaine composée de races, dont certaines inférieures à d’autres, est un lieu commun scientifique. Au moyen d’index statistiques, on classe, on hiérarchise... Dans le même temps, la théorie darwinienne de l’évolution rend obsolète le vieux débat entre monogénistes – selon lesquels toutes les races ont une origine commune, vision conforme à la Bible – et polygénistes – aux yeux desquels l’espèce humaine, ayant des origines multiples, les races auraient toujours existé. S’y substitue la vision d’une espèce unique qui se différencie dans le temps. Mais la notion de race est tout de même sévèrement critiquée par des savants de grand renom. En France, ce sont par exemple Émile Durkheim, Marcel Mauss, Léonce Manouvrier dans les sciences sociales, ou l’anthropologue Henri Victor Vallois. En Allemagne, Rudolf Virchow, figure de proue de l’anthropologie physique, combat dès les années 1870 le terme de « race », qu’il juge peu cohérent. « Le terme « race » est-il encore nécessaire ? » par Jean Gayon, philosophe, professeur à l’université Paris-I propos recueillis par Eric Rohde [3] [L’entretien a été publié dans Télérama hors série (fév. 2007) « Quelle égalité voulons-nous ? »], http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article1943 Il y a quelques travaux aujourd’hui sur les historiens de l’anthropologie sur en quoi l’anthropologie physique a marqué l’anthropologie sociale et culturelle, qui s’est reconstituée durant l’entre-deuxguerres : l’anthropologie préhistorique se constitue contre l’anthropologie physique, en s’appuyant sur le darwinisme, permettant ainsi de mettre à distance cette théorie d’évolution sociale dans sa variante spencerienne. Elsa Dorlin, La matrice de la race - Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française, Paris, La Découverte, 2006. A lire sur TERRA : le résumé, la table des matières, le chapitre 10 en texte intégral http://terra.rezo.net/article645.html Carole Reynaud Paligot « La République raciale : Paradigme racial et idéologie républicaine (1860-1930) », Paris, PUF, 2006 Le « paradigme racial » est élaboré dans le cadre de la Société et de l’École d’anthropologie. Ses origines remontent aux Lumières et aux travaux des naturalistes au tournant des XVIIIe et XIXe siècles. L’anthropologie, qui devient autonome dans les années 1860-1870 sous l’impulsion de Paul Broca, se situe dans leur sillage. La race est définie par des caractères. Il y a une hiérarchie et les races non européennes sont déclarées inférieures. Toutefois, la croyance dans la relative perfectibilité de l’homme et dans le rôle de l’éducation marque la spécificité du modèle républicain. À ce propos, l’auteure emploie le terme de « racialisme » plutôt que celui de racisme. Son originalité réside dans le fait qu’il est produit par des savants qui ont soutenu la Troisième République. La « pensée raciale » républicaine se distingue par son refus de l’antisémitisme et du nationalisme. Il n’y a pas d’inégalité entre les races européennes. Les raciologues républicains refusent la vision d’une société décadente, croient au rôle positif de l’éducation, à la méritocratie et se méfient du concept de race pure. La « pensée raciale » trouve un large écho dans le monde politique et dans la société par le biais de la vulgarisation scientifique jusque dans les manuels scolaires. Le dernier chapitre s’attache à étudier l’impact des théories raciales des anthropologues au sein du monde colonial. La race blanche est destinée à coloniser ; les races inférieures sont destinées à être colonisées. Le devoir des races supérieures est d’éduquer les races inférieures encore dans l’enfance. Quant au métissage, tout comme dans l’anthropologie savante, les avis sont partagés. À l’égard des colonisés se met en place une politique d’association avec une législation coloniale qui institue un droit spécifique en fonction de la race, dont témoigne le régime de l’indigénat. En outre, l’enseignement est adapté aux races inférieures (contenu peu ambitieux et ségrégation). Cet ensemble de représentations a considérablement réduit les ambitions de la mission civilisatrice de la France, pourtant revendiquée par le régime républicain au nom de ses principes égalitaires et universalistes. Le « racialisme républicain » s’inscrit dans un sentiment de supériorité du monde occidental » http://rh19.revues.org/document1762.html et « Races, racisme et antiracisme dans les années 1930» PUF, 2007 http://ecoledoctorale.sciencespo.fr/theses/theses_en_ligne/vaillant_scpo_2006/vaillant_scpo_2006.p df, Michael Vaillant Race et culture, Les sciences sociales face au racisme. Etudes comparatives des modalités de rupture épistémologique de l’Ecole de Chicago et de l’école durkheimienne (fin 19ème-1945). Taguieff écrit La Force du préjugé et explique le passage du racisme biologique au racisme culturel dans les années 1960, même si aujourd’hui, depuis les années 90, le racisme dépasse le simple caractère culturel et devient également génétique (cf. intervention d’Eric Zemmour sur Arte dans l’émission Paris Berlin le 14 novembre2008). Il n’y a plus de différence de morphotypes physiques sauf pour Zemmour un des plus médiatiques des nouveaux racialistes, qui affirme l’idée fausse du polygénisme biologique puis culturel des « races », et en déduit deux choses : le fait que les races ne peuvent pas être mélangées (on ne peut pas en faire une émulsion dans laquelle les éléments de l’émulsion n’apparaissent pas ). Cette émulsion constitue un nouveau mélange dont les éléments constitutifs sont indissociables. Cependant une émulsion retombe toujours voilà pourquoi les métaphores culinaire du mixage ou de la mixité sociale tout comme celle sidérurgique du creuset sont tout autant à bannir que celle de métissage qui renvoie toujours négativement à l’hybridation des espèces végétales et animales : les théories racistes ont pour premier point commun de considérer qu’a priori, l’émulsion est impossible, ou tout du moins dommageable. C’est l’abolition des cultures qui ne pourraient faire que se confronter. Si jamais l’émulsion pouvait exister, ce serait un mélange friable et dommageable, dangereux. Le deuxième principe est que l’on ne peut pas comparer sans hiérarchiser. C’est l’idée que se mélanger, c’est dangereux. Taguieff parle de la phobie du mélange. Mixophobie des racialistes. → pour l'intervention de Zemmour voir version longue. Pour les antiracistes culturels ce n’est pas sur les sangs, sur l’hérédité que se forment les cultures humaines mais sur les langues. Pour réfuter la possibilité de hiérarchiser les races, il faut parler de cultures et à la fois des processus d’agglomération en elles-mêmes, mais surtout du fait qu’elles sont incomparables. Lévi-Strauss cherche à convaincre de la stupidité et de la non-scientificité de la notion de race. La notion de race est idiote car fausse biologiquement et idiomatique. Si on ne peut pas les hiérarchiser, que fait-on ? Comment trouver une échelle du progrès ? La position de LéviStrauss est la position du relativisme culturel. Les cultures ce n'est pas seulement le fait qu'elles sont plus ou moins avancées sur une échelle ou une autre du progrès humain c’est qu’elles ne sont pas hiérarchisables… Dans Anthropologie structurale II : il nous explique que l'idée répandue est que les sociétés primitives sont sans histoire, sans capacité de transmettre leurs techniques. Lévi-Strauss adopte la position du relativisme culturel, position intenable, sauf à avoir l'idée que les cultures entrainent dans un environnement particulier des changements, que les sociétés voisines cohabitent et échangent des valeurs. Dans les sociétés de culture orale, les mythes évoluent en fonction des rapports à l’intérieur de la société d’une génération à l’autre des événements traversés par le groupe, mais aussi lors de guerres ou des mariages à l’extérieur de la société. Les mythes évoluent à la fois sous l’influence de l’histoire de la société. De plus les cultures se diffusent : une culture doit être envisagée dans son historicité. Sinon, si on croit Fukuyama, ces dernières sociétés devraient attendre des milliers d’années supplémentaires avant la Fin de l’Histoire tandis que d’autres l’auraient déjà atteinte. Ces sociétés ont un ancrage territorial également, dans le cadre de la diffusion des cultures. C’est l’idée que les cultures s’historicisent, et qu’il faut les localiser. Arjun Appadaruï définit la mondialisation dans Après le colonialisme. Il défend la thèse selon laquelle la mondialisation produit au contact des cultures, non pas une culture mondiale homogénéisée, un modèle hégémonique universel (selon lequel l'empire américain étendrait la culture sur l'ensemble du monde mais il y a diffusion de cultures -diffusion des cultures selon Lévi Strauss, acculturation auraient dit les successeurs de Lévi-Strauss- ou selon lequel il y a une standardisation à l'épreuve des nationalismes et des états nations, ou selon lequel il y a reconstitution du village mondial de Mac Luhan) mais que les quartiers vont produire de la localité (produire des identités régionalisées, mais pas qu'en fonction de la nationalité religieuse et ethnique...). La mondialisation c’est la production de localités. Il y a une identité locale qui se créée. Les villes (quartier chinois, quartier italien...) se recréent dans La ville (exemple de New York). Zygmunt Bauman : Le cout humain de la mondialisation. Serge Gruzinski, Introduction de certains éléments dans la vie de tous les jours. La guerre des images de Christophe Colomb à Blade Runner (1492-2019), Paris, Fayard, 1990, 389p. La colonisation de l'imaginaire, Sociétés indigènes et occidentalisation dans le Mexique espagnol, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, Bibliothèque des Histoires, 1988, 374p. Cf. Jean-Loup Amselle, Logiques métisses. Anthropologie de l’identité en Afrique et ailleurs, Paris, Payot, 1990 (« Bibliothèque Scientifique » " Au cœur de l'ethnie " avec E. M'Bokolo, Paris, La Découverte, 1985 Réédition augmentée en livre de poche, 1999 "Vers un multiculturalisme français, l'Empire de la coutume", Paris, Aubier, 1996 Que propose Lévi Strauss? Il nous dit qu'il n'y a pas d'inégalités entre les races et qu'on ne peut pas hiérarchiser les races et les cultures : il y a une relativité des cultures. Elles sont toutes développées, mais pas dans les mêmes secteurs d'activité. En énonçant ce principe que fait-il de mal? Rien, mais sa théorie a servi de base à la théorie du racisme culturel... Explications : On ne peut pas comparer les cultures si on ne pas les hiérarchiser, cette comparabilité n'est pas traductible dans les discours politiques, ... Ce relativisme culturel va être récupérer par les théories du racisme culturel. (à ce propos, Taguieff ne parle pas de racisme pour les théories mais pour les politiques style apartheid, les théories sont raciale et les politiques racistes). Les théories du racisme culturel sont fondées sur le principe de l'inégalité des cultures. Ces cultures sont incomparables les unes aux autres et la conséquence de l'incomparabilité des cultures c'est qu'elles ne peuvent pas se rapprocher, et par conséquent qu'elles ne peuvent se mélanger (« mixo-phobie » selon Taguieff). Finkielkraut dans La défaite de la pensée, dira que c'est la faute à Lévi Strauss, si ce racisme culturel a pu se développer. Il pointe les liens entre thèse raciales et les théories anti-racistes. Le CEVIPOF pose une question sur « est-ce que cela vous poserait un problème si votre enfant épousait… ? » Un raciste va dire que oui concernant les gens qui ne lui ressemblent pas (cf. le film Guess who’s coming tonight ?, illustre cette question). Derrière cette théorie du métissage, il y a une théorie racialiste, équivoque. Dans les cultures, il y a des composants inassimilables, impossibles à fondre dans d’autres cultures. Ces théories menacent énormément nos démocraties. Lucien Rebatet : Les Décombres